DÉPRESSION et épilepsie
DR. ALAN LOWE, MD, FRCPC, DEPARTMENT OF PSYCHIATRY,
THE TORONTO HOSPITAL, WESTERN DIVISION, TORONTO, ONTARIO
Les personnes épileptiques sont plus sujettes à souffrir de troubles psychiatriques que
celles qui souffrent d’autres maladies neurologiques ou physiques. La dépression est la
maladie psychiatrique la plus fréquente chez les personnes épileptiques, le taux de prévalence
étant évalué à environ 42 %. Pourtant, la dépression est souvent sous-diagnostiquée et sous-
traitée chez ces personnes.
Tant la dépression que l’épilepsie peuvent être causées par des variables pathogènes
courantes. Les facteurs psychologiques sont également critiques pour terminer une
prédisposition biologique particulière et la probabilité d’une dépression éventuelle. D’autres
facteurs sont:
la stigmatisation sociale
la discrimination
les difficultés professionnelles
les restrictions des activités quotidiennes.
D’autres facteurs qui contribuent à l’apparition de la dépression chez des personnes
épileptiques sont :
des anomalies de la synthèse et de la libération de la noradrénaline, la dopamine, la
sérotonine, le GABA et l’hormone à libération de corticotrophine, souvent dues à la
combinaison d’une prédisposition génétique et de facteurs de stress psychosociaux
la polypharmacie
un traitement aux anticonvulsivants
Les anticonvulsivants qui peuvent causer la dépression sont le phénobarbital, la
phénytoïne, le vigabatrin et la lamotrigine. Dans le cas de la phénytoïne, le mécanisme sous-
jacent pourrait être la diminution des taux d’acide folique.
LES EFFETS SONT IMPORTANTS
Les conséquences de la dépression chez les personnes épileptiques sont sérieuses. Outre
qu’elle gêne le fonctionnement quotidien, la dépression peut augmenter la fréquence et
diminuer la maîtrise des crises par suite d’un manque de sommeil ou de la non-observance du
régime médicamenteux ou en raison de son rôle comme facteur de stress émotionnel. Les
personnes déprimées peuvent faire un usage abusif de leurs médicaments, ce qui peut être
mortel à fortes doses ou en combinaison avec l’alcool ou les drogues.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic de la dépression se base sur les critère s du DSM-IV. Des sentiments de
tristesse, de culpabilité, de blâme et de médiocrité sont fréquents. L’on observe souvent une
apathie (manque d’activité), une anhédonie (incapacité d’éprouver du plaisir) et une perte
d’appétit et de poids, auxquelles peuvent s’ajouter des troubles du sommeil.
Les aspects caractéristiques de la pression associée à l’épilepsie sont la dépression
chronique et un risque relatif de traits névrotiques, par exemple la somatisation, l’apitoiement
sur soi et des périodes agitées de comportement psychotique péricritiques. Les épisodes
dépressifs majeurs sont plus susceptibles de se produire en phase intercritique, alors que les
épisodes plus courts (qui habituellement ne répondent pas aux critères de la dépression du
DSM-IV et ne requièrent pas de traitement) se produisent souvent en phase péricritique. Des
aspects paranoïdes ou psychotiques peuvent également accompagner la dépression, ce qui
indique une dépression psychotique.
D’autres facteurs sont la stigmatisation sociale, la discrimination, des difficultés
professionnelles et les restrictions des activités de la vie quotidienne qui contribuent à un
sentiment de perte de contrôle personnel. Les sentiments d’inadaptation et la crainte que les
gens s’aperçoivent des crises mènent souvent à un manque de confiance dans les rapports
sociaux ainsi qu’à un retrait social et l’isolement. Les difficultés sociales, ajoutées au stress
occasionné par une incapacité chronique comportant des pertes de connaissance
imprévisibles, entraînent souvent des sentiments récurrents d’impuissance, d’embarras, de
perte de dignité et de faible estime de soi. Les personnes épileptiques éprouvent souvent des
sentiments de honte et se reprochent d’être malades.
En plus des facteurs psychologiques, les troubles cérébr aux sousjacents, par exemple le
groupe de démences de type alzheimer et les artériopathies cérébrales peuvent prédisposer les
personnes épileptiques à la dépression. Les crises, leur mauvaise maîtrise, l’activité ictale et
sousictale et les phénomènes proches de l’embrasement peuvent également contribuer à la
dépression. Certains indices montrent que les personnes souffrant d’épilepsie d’origine
temporale gauche, surtout celles dont les crises résultent d’une lésion cérébrale sous-jacente,
sont plus prédisposées à la dépression ainsi qu’à une fréquence plus élevée et une moins
bonne maîtrise des crises.
Les personnes déprimées sont moins capables de prendre des mesures physiques ou
psychologiques visant à bloquer ou éviter leurs crises. Dans une enquête américaine menée au
Maudsley Hospital, la plupart des répondants ont déclaré avoir des crises plus fréquentes
lorsqu’ils étaient tendus, déprimés ou en colère. Les crises étaient moins fréquentes lorsqu’ils
étaient heureux et calmes. Dans cette étude comme dans d’autres, le bonheur est ressorti
comme un puissant anticonvulsivant.
La conséquence la plus inquiétante de la dépression chez les personnes épileptiques est le
risque élevé de suicide. Le taux de suicide serait chez elles cinq fois plus élevé que dans la
population générale et, chez les personnes souffrant d’épilepsie temporale, le risque de
suicide est 25 fois plus élevé que dans la population générale.
Il existe aussi un risque accru de tentatives de suicide, due s surtout aux surdoses. Parmi
les raisons de ce phénomène, citons des troubles cérébraux sous-jacents à l’origine des crises
et de la dépression, le sentiment écrasant d’impuissance et de désespoir découlant de crises
non maîtrisées et imprévisibles et un accès facile aux anticonvulsivants. Chez les personnes
épileptiques en dépression, le risque de suicide devrait être continuellement évalué.
Le diagnostic différentiel comprend les troubles bipolaires, les troubles paniques, le
syndrome de stress post-traumatique, les troubles psychotiques sous-jacents, l’abus d’alcool
ou d’autres drogues, un trouble d’adaptation accompagné d’un sentiment de dépression et un
deuil ou une tristesse compliqués.
Souvent, le diagnostic prend un certain temps, en raison de la confusion mentale de la
personne ou de sa réticence à révéler de l’information. L’examen complet de l’état mental
devrait être systématique, évaluant l’humeur, l’affect, la présence ou l’absence d’un trouble de
la pensée, d’hallucinations ou de délire, d’idées suicidaires et de facteurs de risque, la
cognition et les symptômes d’anxiété.
TRAITEMENT
Il est bon d’accorder une attention particulière à l’optimisation de la maîtrise des crises
chez les personnes épileptiques déprimées. Cette stratégie devrait être adoptée d’abord, avant
de recourir au traitement traditionnel de la dépression, qui comprend à la fois la prescription
d’antidépresseurs et un traitement psychologique.
MAÎTRISE APPROPRIÉE DES CRISES
L’optimisation de la maîtrise des crises peut alléger les symptômes dépressifs. D’autres
investigations peuvent être requises, par EEG, IRM ou tomodensitométrie, de même qu’un
suivi par l’unité d’épilepsie ou la lecture des journaux personnels sur les crises. L’ajustement
ou le changement des médicaments ou la consultation d’un neurologue sont également des
possibilités.
L’on peut soulager la dépression et diminuer la fréquence des crises en réduisant la
polypharmacie et, si possible, choisissant en appoint un anticonvulsivant à potentiel
psychotrope, par exemple la carbamazépine,l’acide valproïque ou le clobazam. Des
suppléments d’acide folique sont requis si les taux sont bas.
Les méthodes comportementales, comme la relaxation et les techniques de biofeedback,
devraient être envisagées. Le traitement doit toujours être adapté à l’individu et à sa situation
particulière.
LES ANTIDÉPRESSEURS SONT EFFICACES
Toutes les classes d’antidépresseurs seraient efficaces pour traiter la dépression liée à
l’épilepsie. De nombreuses études ont montré l’efficacité des antidépresseurs tricycliques et
hétérocycliques plus anciens, des inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) et des plus
récents inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (SSRI) dans le traitement de la dépression
en épilepsie. Les divers produits comprennent entre autres l’amitriptyline, la nortriptyline, la
protriptyline, la désipramine, la doxépine, la trazodone, l’amoxapine, l’iproniazide,
l’isocarboxazide, la tranylcypromine et la fluvoxamine.
Au moment de choisir un antidépresseur pour une personne épileptique, de nombreux
facteurs doivent être pris en considération, notamment l’efficacité du traitement dans ce
contexte précis, les effets du médicament sur le seuil critique et les interactions entre
l’antidépresseur et l’anticonvulsivant ou les effets secondaires possibles.
ANTIDÉPRESSEURS
Les antidépresseurs peuvent diminuer la maîtrise des crises, ce qui pose un problème dans
le traitement des personnes épileptiques. Heureusement, cet effet est variable. Les
médicaments les plus susceptibles d’augmenter la fréquence et de diminuer la maîtrise des
crises sont les antidépresseurs tétracyclines (ATC), p. ex. le bupropion, la maprotiline, la
miansérine et l’amoxapine, et tricycliques, p. ex. les amines tertiaires comme la doxépine, la
trimipramine, la clomipramine, l’imipramine et l’amitriptyline et les amines secondaires
comme la désipramine, la nortriptyline et la protriptyline.
La relation entre les antidépresseurs et le risque de crises est bien documentée quant à la
corrélation, mais non sur le plan causal. La difficulté de vérifier une relation causale tient à la
conception des études, à la population des patients et au signalement des effets secondaires.
L’emploi des ATC est controversé. Certaines études ont montré qu’ils abaissaient le seuil
critique, mais leur emploi répandu chez des personnes épileptiques en dépression, sans que
soient signalées des complications généralisées, ont mené certains chercheurs à conclure que
la diminution du seuil critique avec de faibles doses d’ATC a peu de signification clinique.
Par la suite, la relation doseeffet de la doxépine et son effet sur les convulsions ont été
documentés. À faibles doses, la doxépine augmente l’activité de pointe, alors qu’à fortes
doses, elle la diminue. La signification clinique de cette relation demeure obscure.
D’autres antidépresseurs dont on a montré qu’ils améliorent l’humeur et diminuent la
fréquence des crises sont la trazodone, la désipramine et la protriptyline. Ici encore, la
signification clinique de cela n’est pas nettement établie. Les raisons possibles de l’effet
bénéfique de ces médicaments sont :
la diminution du stress affectif, ce qui améliore la maîtrise des crises
un possible effet anticonvulsivant direct de l’antidépresseur
l’utilisation de doses faibles à modérées, ajoutées progressivement en présence
d’anticonvulsivant(s)
un choix d’antidépresseur déterminé par le comportement du patient
une possible interaction médicamenteuse/ induction enzymatique hépatique entraînant
une potentialisation du taux ou de l’effet de l’anticonvulsivant.
De nombreuses études, y compris des études animales ou sur les surdoses, ainsi que des
données cliniques indiquent que les plus anciens ATC (surtout les ATC tertiaires amitriptyline
et imipramine) et certains agents tétracycliques plus récents (bupropion, maprotiline,
miansérine et amoxapine) présentent le plus grand risque de crises. À ce chapitre, le
bupropion posait le risque le plus élevé : entre 0,4% et 2,19 % dans différentes études.
Les meilleurs antidépresseurs à prescrire aux personnes épileptiques et à celles dont les
EEG sont anormaux sont les inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotononine (SSRI). Des
études animales ont établi que la fluvoxamine et la paroxétine n’avaient aucun effet sur le
seuil critique et n’ont révélé aucun effet proconvulsivant. La fréquence des crises avec la
paroxétine est plus faible qu’avec la fluoxétine, 0,15 % versus 0,2% respectivement. Dans le
cas des SSRI plus anciens, la fréquence des crises est en moyenne de 0,26%.
Les inhibiteurs de la monoamine oxydase peuvent constituer un autre choix thérapeutique
valable. Des études montrent que l’iproniazide, l’isocarboxazide et la tranylcypromine
imposent un très faible risque de crises.
Des stimulants comme le méthylphénidate et la D-amphétamine exercent un effet
proconvulsivant faible ou nul. On a signalé que la trazodone pouvait à l’occasion être associée
à des crises. L’électroconvulsothérapie peut être envisagée chez les personnes épileptiques qui
souffrent de dépression réfractaire.
INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
Pour ce qui est des interactions médicamenteuses, les antidépresseurs peuvent causer de
légères augmentations des taux sériques d’anticonvulsivant. Habituellement, cet effet n’est
pas cliniquement significatif et, dans certains cas, pourrait améliorer la maîtrise des crises.
Toutefois, les taux d’anticonvulsivant devraient être surveillés, et de façon particulièrement
étroite lorsque le patient prend plusieurs anticonvulsivants. L’effet des anticonvulsivants sur
les antidépresseurs est habituellement inverse. Certains anticonvulsivants diminuent de
jusqu’à 50 % les taux d’antidépresseur. Cependant, il n’a pas été nécessaire d’augmenter la
posologie des antidépresseurs plus que la normale chez ces patients. Les taux
d’anticonvulsivant et les interactions médicamenteuses négatives potentielles devraient être
continuellement contrôlées.
Les antidépresseurs ne devraient pas être évités par crainte de leur effet épileptogène. Si
les crises devaient s’aggraver par suite de leur emploi, un examen neurologique pourrait être
indiqué. Il faut également tenir compte des préoccupations des patients au moment de leur
prescrire des médicaments additionnels.
LE RISQUE DE CRISES AUGMENTE EN FONCTION DE LA DOSE
Les lignes directrices actuelles pour le traitement de la dépression chez les personnes
épileptiques recommandent de choisir des produits à faible potentiel épileptogène, d’utiliser la
dose efficace la plus faible, d’éviter les changements subits de la dose et d’utiliser les
anticonvulsivants concomitants uniquement au besoin.
Le risque de crises pourrait être plus élevé en présence d’une lésion cérébrale sous-jacente
et de maladie structurelle. Les états qui diminuent le seuil critique (épuisement, fièvre,
hypoglycémie, déséquilibre éléctrolytique, etc.) et les situations dangereuses (conduite
automobile, natation et opération de machinerie) sont à éviter.
LE TRAITEMENT EST SOUVENT TEMPORAIRE
La personne souffrant de dépression liée à l’épilepsie doit savoir que, dans la plupart des
cas, le traitement est temporaire et variera selon la gravité de la dépression. D’autres
traitements, par exemple les électrochocs ainsi que les thérapies antipsychotiques et
psychologiques, peuvent être envisagés en cas d’intolérance ou de non-observance du
traitement à l’aide d’antidépresseurs.
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