Hors compétition : “ Les Marches du palais ” Philippe Caubère dans la tribu cannoise Le festival raconté par Molière. Une savoureuse rencontre du théâtre et du cinéma orchestrée par un comédien exceptionnel. Vous croyez que le Festival de Cannes, c’est la glorieuse montée des marches et la vie de palace. Philippe Caubère vous révèle toute la vérité dans Les Marches du palais, nouveau chapitre de son Roman d’un acteur. Seul en scène et à l’écran comme toujours depuis qu’il a quitté la troupe du Théâtre du Soleil, il joue tous les rôles, avec un savoureux mélange de tendresse et de dérision : la chambre surpeuplée de l’hôtel Annapurna, la pizza Michelin qu’on attend trois heures pour ne pas manger, le producteur qui se voit ruiné et va pathétiquement faire la manche rue d’Antibes, l’attachée de presse hystérique, les journalistes calamiteux et les projections cauchemar. La réalité cannoise, telle que le comédien l’a vécue en venant présenter Molière d’Ariane Mnouchkine, en 1978. Un documentaire quasi ethnologique ! “ Vous ne croyez pas si bien dire, avoue-t-il : j’ai choisi Bernard Dartigues comme réalisateur après avoir vu son documentaire sur une gaveuse d’oie du Sud-Ouest. Je voulais être filmé comme les pêcheurs, les insectes, ou une tribu ignorée. Je voulais un film à la Jean Rouch, avec cette dimension anthropologique: voilà ce que vit un acteur. ” La présentation de Molière où Caubère jouait le rôle-titre, a été un échec cuisant. Mais aurait-on eu sans cela ce Roman d’un acteur, à la fois autobiographie et enquête psychologique et sociale, folle entreprise pour divertir les honnêtes gens ? “ Je crois, dit-il, qu’un destin de comédien se fonde plus sur ses échecs que sur ses succès, parce qu’il les porte plus longtemps. J’ai pris deux claques formidables, à Cannes, mais le cinéma ne comptait pas vraiment pour moi, et surtout à Avignon, avec Lorenzaccio. Après quoi, l’idée d’une carrière normale devenait dérisoire. Mais c’est une chance puisque ça m’a poussé à écrire ma vie, à inventer une autre forme de représentation, un peu comme dans Hamlet où les comédiens jouent l’histoire qui vient de se vivre. ” Après la belle cérémonie sérieuse du cinquantenaire, Les Marches du palais apporte à Cannes un facétieux cadeau d’anniversaire : un miroir ironique qui reflète le psychodrame du festival. “ Présenter le film ici, cette année, est pour moi un acte poétique. J’aime les héros exilés qui reviennent vingt ans après ! Avec le recul, tout est plus léger. Fellini avait raison, le cinéma est un cirque, et Cannes, c’est du concentré de cinéma. C’est la Foire du Trône. Un cirque pas plus antipathique qu’un autre, si on ne se prend pas au sérieux. Je porte un regard ironique sur les autres comme sur moi. Me moquer de moi fait partie du plaisir. Quand je joue le producteur ou les critiques, je comprends leur logique, et le regard qu’ils pouvaitent porter sur cette espèce de criquet que j’étais. ” Les Marches du Palais, Molière à Cannes, c’est aussi la rencontre du théâtre et du cinéma, “ et je crois, dit Philippe Caubère, qu’il y a quelque chose de prémonitoire, que théâtre et cinéma vont se retrouver. On va renouer avec Les Enfants du Paradis, Inventer ensemble de nouveaux jeux ”. M.-N. T Philippe Caubère – Les Marches du Palais - Film