LES THEORIES DE L’APPRENTISSAGE / ENSEIGNEMENT Mathématiques (Résumé Hatier Tome 1 – Chap 1) 1°) Apprendre/enseigner : Etymologiquement « apprendre » vient du latin « apprehendere » qui signifie « saisir », « s’emparer », « comprendre ». « Enseigner » vient de « signare » qui signifie « placer un signe ». Ainsi enseigner c’est laisser une marque (celle du maître) sur un sujet (l’apprenant). Apprendre est du côté de l’élève, personne ne peut apprendre à la place d’un autre. Enseigner est du côté du maître. 2°) Qu’est ce qu’apprendre ? « Apprendre est un acte qui consiste à s’approprier un savoir ou un savoir-faire que l’on ne possédait pas. » (Vocabulaire de l’Education, Ed. P.U.F 79) 4 sens d’O. Reboul : - « Apprendre que » = information - « Apprendre à » = savoir-faire - « Apprendre » = verbe intransitif (j’apprends la biologie) - « Apprendre à être » = qui ne s’apprend pas sur commande. Trois définitions de M. Develay : - - Apprendre c’est « trouver du sens dans une situation d’enseignement », Apprendre c’est maîtriser une habileté. Au terme de l’apprentissage, l’apprenant est capable d’une performance nouvelle dont il n’était pas capable au début de l’apprentissage. Apprendre, c’est créer des ponts cognitifs entre des éléments de savoirs isolés. 3°) Qu’est ce qui favorise l’apprentissage ? les facteurs d’apprentissage sont externes à l’individu : cela correspond au courant « behavioriste » et le courant de la sociologie de l’éducation qui estiment que la société ou la famille joue un rôle déterminant dans l’apprentissage. Les facteurs d’apprentissage sont internes à l’individu : plusieurs courants se détachent. Les cognitivistes qui mettent l’accent sur le rôle des structures mentales de l’individu dans l’apprentissage (Feurestein, La Garanderie…). Puis la pédagogie de l’autonomie (Freinet, Decroly, Montessori…) et enfin les innéistes qui pensent qu’il existe des prédispositions universelles que tout individu a en lui et qui permettent des apprentissages comme celui de la lecture (Chomsky). Les facteurs d’apprentissage sont externes et internes : dans cette catégorie on trouve : l’ épistémologie génétique (suite des travaux de Piaget) = hypothèse que c’est grâce aux interactions avec le milieu que l’enfant apprend ou on trouve aussi ceux qui font l’hypothèse que l’apprentissage est favorisé par la présence d’autres personnes servant de modèle (cf Bandura), ou de médiateur (Vygotsky, Bruner) ou en entrant en « conflit de connaissance » avec l’apprenant (école genevoise de Perret-Clermont, Doise, Mugny…) Apports théoriques : 1°) La conception transmissive (ou conception de la tête vide) : Cette conception s’appuie sur l’hypothèque que l’apprenant, au départ de l’apprentissage d’une nouvelle notion, a la tête vide : il ne sait rien par rapport à cette connaissance. Le rôle de l’élève : être attentif, écouter, noter. Le rôle de l’enseignant : présenter clairement le savoir puis proposer des exercices d’entraînement et de réinvestissement aux élèves (modèle de communication de Shannon). Les erreurs sont évitées par l’enseignant et s’il y en a, c’est soit dû au manque d’attention de l’élève soit au manque de clarté de l’enseignant. 1.1 Limites de l’enseignement fondé sur cette conception : Elles sont liées aux limites de la « communication ». Ecoute différente selon les enfants = ces difficultés sont dues au fait que l’enfant n’a pas la tête vide comme dit précédemment. En effet, les enfants ont déjà dans leur mémoire quelques expériences sociales et scolaires et l’interprétation de ce qu’ils entendent s’en trouve modifiée 1.2 Avantages de l’enseignement fondé sur cette conception : Elle permet à court terme de gagner du temps. Cet enseignement sera très efficace pour faciliter la structuration de connaissances correctes, mais disparates et lacunaires. Il existe des variantes de cette approche transmissive. En voici 2 exs : - - L’exposé de l’enseignant est entrecoupé de questions afin de s’assurer de la bonne « compréhension » du message par les élèves, L’enseignant pose des questions pour faire trouver ou dire par les élèves des éléments de la connaissance nouvelle = « cours dialogué » ou « classe vivante » (R. Charnay ). 2°) La conception béhavioriste : Travaux de J.B Watson en particulier depuis 1910 environ. Hypothèse que l’on ne peut pas avoir accès aux structures mentales de l’individu, que seuls les comportements observables peuvent faire l’objet d’étude et qu’il est donc possible de modifier le comportement d’un individu à la suite de certains stimuli et d’un renforcement des réponses positives (F. Skinner). Le rôle de l’enseignant : - - Définir des objectifs précis tels que « à la fin de la séquence l’élève sera capable de… » (comportement observable). Cet objectif peut être décomposé en sous-objectifs. Mettre en place des situations où l’apprenant découvrira le nouveau comportement et atteindre les sous-objectifs. La récompense = approbation du maître. - Proposer des situations d’entraînement pour automatiser le comportement nouveau. Dans cette théorie, l’erreur est également à éviter car elle peut laisser des traces indélébiles d’où l’obligation pour l’enseignant d’instaurer un fort guidage derrière les activités proposées aux élèves. 2.1 Limites de l’enseignement fondé sur cette conception : . Difficulté pour les élèves de donner du sens aux connaissances enseignées, mauvaise compréhension des tâches effectuées. Ils franchissent les étapes mais n’ont pas de vision globale de leur travail. . Mauvaise aisance des élèves pour transférer les nouvelles connaissances acquises. Le guidage, au final, empêche l’élève de rencontrer les obstacles. . Problème de l’intégration des différents micro-objectifs : l’élève atteint les sous-objectifs mais pas forcément l’objectif général. 2.2 Avantages de l’enseignement fondé sur cette conception : . L’enseignement est centré sur l’apprenant dont il cherche à favoriser l’action . Rationalisation de la construction de séquences d’enseignement et de l’élaboration d’évaluations. . Elève en situation de réussite. Modèle efficace à court ou moyen terme pour l’acquisition d’automatismes. 3. La conception socio-constructiviste : Modèle élaboré à partir de différents travaux de psychologues (Piaget), de chercheurs en psycho sociale (Doise, Mugny, Perret-Clermont), d’épistémologues (Bachelard) et de didacticiens des maths (Brousseau, Chevallard, Vergnaud, Douady) et d’autres chercheurs. C’est la métaphore du bricoleur confronté à un pb de bricolage nouveau qui illustre les hypothèses sur lesquelles s’appuie ce modèle. Elle permet de mettre en évidence les hypothèses suivantes : 1ère hypothèse : L’acquisition de connaissances passe par une interaction entre le sujet et l’objet d’étude par le biais de la résolution de problèmes. 2ème hypothèse : La tête de l’élève n’est jamais vide de connaissances. Il s’est déjà construit ou se construit très rapidement des conceptions de toutes les notions qu’on lui enseigne. Conception = ensemble des connaissances qu’une personne à un moment donné, dans une situation donnée, semble mobiliser pour résoudre une tâche. Les conceptions attribuées à un élève sont en réalité une modélisation qui aide à comprendre la démarche de l’élève et permet de prédire certaines réponses ou difficultés. 3ème hypothèse : L’apprentissage ne se fait pas par un empilement de connaissances ni de manière linéaire : tant que l’élève, par rapport à une notion donnée, ne prend pas conscience de l’insuffisance de ses conceptions, il les gardera. On passe d’un ancien équilibre à une phase de déséquilibre après avoir rencontré une situation-problème puis on atteint un nouvel équilibre. La phase de déséquilibre = perception de l’insuffisance des connaissances mobilisées pour résoudre une tâche. Elle s’accompagne de périodes de « régression » où l’élève remet en cause ses savoirs et savoir-faire. 4ème hypothèse : L’élève n’arrivera à donner du sens à une connaissance que si elle apparaît comme un outil indispensable pour résoudre un problème qu’il se sera approprié. 5ème hypothèse : Les interactions sociales entre les élèves peuvent aider à l’apprentissage. La mise en place de travaux de groupe, l’organisation de débats entre les élèves peuvent faciliter ces interactions. L’élève construit son savoir, cette construction pouvant être facilitée par la mise en place de conflit socio-cognitif, d’où le nom de ce modèle : socio-constructiviste. La stratégie consiste à créer un conflit cognitif interne en plaçant l’élève face à un problème. Ce conflit est provoqué par une contradiction entre une anticipation et un démenti. Les situations qui permettent la mise en place de tels conflits sont appelés situation-problème. 4. Caractéristiques d’une situation-problème Une situation-problème est une situation d’enseignement qui a pour objectif de permettre aux élèves d’acquérir une connaissance nouvelle et qui s’appuie sur une conception socioconstructiviste de l’apprentissage. Elle possède un certain nombre de caractéristiques, les unes liées au problème et les autres à la gestion de la classe. 4.1 Caractéristiques relatives au problème 1) Mettre en place une situation-problème suppose qu’on a repéré au préalable : - soit une (des) conception(s) erronée(s) chez les élèves liée(s) à l’acquisition de la connaissance que l’on souhaite enseigner. - Soit une (des) procédure(s) correcte(s) mais va (vont) s’avérer « lourde(s) » ou « source d’erreurs ». 2) Les élèves doivent pouvoir facilement s’engager dans la résolution du problème en mobilisant leur(s) conception(s) erronée(s) afin qu’ils prennent conscience de leur insuffisance. 3) Les connaissances de l’élève doivent être insuffisantes ou peu économiques pour résoudre le problème. 4) Les élèves doivent avoir un moyen de contrôler eux-mêmes leurs résultats. Cette condition est souvent difficile à obtenir contrôle grâce à la confrontation des résultats par sous-groupe ou de la classe. 5) La connaissance que l’on désire voir acquérir par les élèves doit être l’outil le plus adapté pour la résolution du problème à leur niveau. Analyse à faire a priori de la situation pour prendre en considération les variables didactiques. 6) Le problème peut avoir plusieurs cadres : géométrique, numérique,…… Les correspondances entre ces cadres étant imparfaites, les acquisitions des élèves seront selon ces cadres, ce qui peut favoriser la construction de la connaissance. Il y a donc 2 types de situations-problèmes : - - celles pour lesquelles l’acquisition de connaissances passe par la confrontation à un obstacle en vue de la remise en cause d’une conception erronée ; celles pour lesquelles l’acquisition de connaissances passe par la prise de conscience qu’une procédure jusqu’à présent correcte devient insuffisante car très peu économique ou source d’erreurs de calculs sans pour autant être fausse. 4.2 Caractéristiques relatives à la gestion de la classe : Suivant la gestion mise en place, les effets de la situation ne seront pas les mêmes ; Ces choix sont considérés comme des variables didactiques. Pour que l’élève puisse s’approprier le problème et qu’il devienne le sien, le professeur doit assurer la gestion de ce que l’on appelle la dévolution du problème à la classe. = choix d’une organisation permettant aux élèves d’être responsables de la solution du problème et autonomes dans la recherche de la solution. Il y aura plusieurs phases : une phase d’action : appropriation par les élèves du problème en investissant leurs connaissances anciennes et mise en place de procédures souvent implicites. une phase de formulation : explicitation par écrit ou à l’oral des procédures utilisées et des solutions trouvées. une phase d’institutionnalisation : identification par le maître des nouveaux savoirs et savoir-faire, précision sur les conventions de langage (vocabulaire, symbolisation…), homogénéisation des connaissances de la classe et précision sur les savoirs à retenir et sous quelle forme. une phase d’entraînement et de réinvestissement : exercices suivis d’une évaluation pour aider les élèves à se familiariser avec les nouveaux acquis et prise de conscience de leur champ d’application. Suivant la nature de la notion enseignée, on insistera plus sur l’une de ces phases : - - Si notion enseignée = acquisition d’un concept ou d’une procédure alors enjeu de la situation = réussir la tâche. On privilégie l’action de l’élève donc = situation d’action Si notion enseignée = acquisition de vocabulaire alors l’enjeu = réussir la communication donc = situation de formulation Si notion enseignée = outil de preuve ou règle de débat mathématique alors enjeu = convaincre les autres de la validité d’une procédure donc = situation de validation. 4.3 Limites de l’enseignement fondé sur la situation-problème enseignement développé que sur les disciplines dont le critère de validité est le « vrai » Cette notion ne s’applique qu’à certains concepts d’une discipline donnée. Gérer ces situations dans une classe n’est pas simple ; besoin de temps pour gérer les phases de construction. Pas de prise en compte pour l’instant du rôle affectif qui intervient fortement lors de la phase de déstabilisation. 4.4 Avantages de l’enseignement fondé sur la situation-problème Cette conception donne un véritable statut à l’erreur : elle est repérée comme obstacle et sert d’appui à l’apprentissage grâce à leur dépassement qui est source d’acquisition du concept. Prise en compte des conceptions des élèves Prise en charge du problème posé par le sens des connaissances. Remise en question de la « pédagogie des petites marches » car là, l’élève est incité à franchir « une grande marche » en adaptant ses conceptions. Conclusion Il y a bien sûr d’autres modèles que les 3 présentés ci-dessus et il faut aussi considérer les caractéristiques individuelles des apprenants. Souvent en pratique, les enseignants naviguent d’un modèle à l’autre. Il faut savoir choisir un modèle en fonction d’un certain nombre de paramètres. Finalement, il s’agit d’être conscient de la conception sur laquelle on a naturellement tendance à s’appuyer, ainsi que de l’existence d’autres conceptions de façon à pouvoir diversifier son enseignement.