Mass Communication Research 1) Contexte d’émergence et présentation de la MCR Notions de fonctionnalisme en biologie : chaque fonction participe au maintien de la vie et à l’équilibre de l’organisme. Ces termes de fonction, organisme et structure sont repris par Spencer fin du 19e siècle (sociologue anglais 1820-1903) Définition du fonctionnalisme : Tout élément ou partie du tout est fonction de l’ensemble du système (social ou culturel), chaque élément a une fonction sociale manifeste ou latente. Le fonctionnalisme va ensuite être appliqué aux médias aux Etats-Unis au début des Années 1940 pour fonder l’école fonctionnaliste. Contexte d’émergence : Début 20e siècle, inquiétude liée au développement des nouvelles techniques de communication comme la radio, le téléphone, la presse et inquiétude liée aux phénomènes de culture et de société de masse. En réaction au béhaviorisme et l’école béhavioriste (dont les principes ont été établis par John Broadus Watson en 1913.) qui vise à identifier les réactions des consommateurs face aux stimuli qui leur sont adressés par les grands médias. Nécessité d’une approche en faveur des grandes institutions médiatiques américaines pour leur permettre de se développer. Demande des grands médias US (NBC, CBS, Paramount, 20th Century Fox, Warner Brothers) de formes de recherche proches de leurs intérêts. Expériences de Pavlov : Réflexe conditionné Salivation du chien lorsqu’on lui présente de la nourriture. Si un signal sonore ou lumineux accompagne l’apparition de nourriture, ce signal finit par provoquer à lui seul la salivation. Modèle de stimuli-réponse : à tout stimulus correspond une réponse appropriée et prévisible. Opposition fonctionnalisme/béhaviorisme Fonctionnalisme Béhaviorisme Sujets libres Sujets faibles et autonomes et atomisés Diffusions des médiasMédias puissants faibles et gratifiantes et manipulateurs 2 postulats de la vision fonctionnaliste de la société : - Société composée d’individus libres, rationnels et autonomes. - Société comme un marché d’idées et de messages avec liberté de choix de l’individu. Rôles du fonctionnalisme : Légitimer les grandes entreprises médiatiques Exprimer les principes du capitalisme américain Justifier l’hégémonie économique, culturelle et politique américaine Une définition de la Mass Communication Research : La communication est avant tout médiatique. Une influence peut circuler et atteindre son public à travers les médias. Perception de la communication comme diffusion, médiatisée et descendante (ou ascendante ?) : de l’émetteur au récepteur. 2) Idées fondamentales Part de l’idée que les médias sont un objet de manipulation qui façonne les individus. Lasswell : expression de seringue hypodermique qui signifie que les médias procèdent par injection dans les esprits pour produire certains types de comportement. Le public est conditionné et passif. Il répond par des réflexes et des réponses automatiques à des stimulations diverses. (Correspond à l’époque du behaviorisme de John B Watson, courant qui étudie les mécanismes psychiques, saisis à travers le comportement, considérés comme une réponse à l’environnement). C’est en partant de cette idée de seringue hypodermique que Lasswell va développer sa question programme pour délimiter le champ des médias dit de masse et les sous-espaces de ce champ. « Qui dit quoi par quel canal et avec quels effets ? » Ce travail de définition va favoriser l’essor de la MCR puisque les résultats trouvés vont invalider les hypothèses initiales. Découverte progressive que les sujets disposent de facultés d’attention, de compréhension, d’acceptation, de rétention et d’action. Two step flow communication : Idée que les individus ne sont pas tous exposés de la même façon aux médias. Il faut prendre en compte l’interaction sociale puisque certains individus ont accès aux médias que par des intermédiaires. Cela correspond à l’idée fondamentale de Agenda setting de McComb and Shaw : fonction des médias qui attire l’attention du public sur des personnalités ou des évènements en particulier. Ils contribuent à définir le calendrier des évènements et à établir une hiérarchie entre les sujets. La fonction de structuration de la vie sociale est d’autant plus manifeste que les lecteurs et auditeurs n’ont pas la possibilité de prêter attention à la multitude des messages diffusés. 3) Pères fondateurs Elihu Katz : né en 1926, psychosociologue Américain de l’université de Chicago. Il a réalisé une étude sur la diffusion de l’information. Il a développé et formalisé le modèle de two step flow communication esquissé par Lazarsfeld, dans son livre, coécrit avec ce dernier : Personal influence : the part played by the flow of mass communication. L’idée développée est que les moyens de diffusion n’ont pas un effet direct sur les individus car l’exposition aux médias est sélective et passe par des relais. L’opinion se forme par ces relais intermédiaires ou leaders d’opinion qui, influencés par la presse, la radio et la télévision, agissent à leur tour sur les gens qu’ils côtoient dans les « groupes primaires ». Ces leaders sont de bénéficiaires privilégiés de l’information et sont ceux qui disposent du plus d’autorité dans leurs divers milieux sociaux. De cette constatation est née la notion de deux étages de la communication. L’hypothèse comportait trois parties : l’impact de l’influence personnelle, la transmission de l’influence personnelle, et les relations unissant les leaders d’opinion aux médias. On peut citer 4 pères fondateurs de l’école de la mass communication research : Paul Lazarsfeld, Harold Laswell, Kurt Lewin et Carl Hovland. Lazarsfeld : Sociologue autrichien 20e siècle. A suivit des études en mathématiques voilà pourquoi il réduit tout fait social et politique à des statistiques. Enquêtes de terrain se résument à des études d’audience auprès de panels. A travers ses livres il va montrer qu’il existe une manipulation des médias sur la foule mais que la manipulation sociale n’est pas le monopole de la communication, autre chose rentre en jeu. Dans The People’s Choice (1944) il mesure l’influence des médias sur le vote de 600 personnes et met en évidence du phénomène de l’influence interindividuelle : certaines personnes sont plus influentes que d’autres leaders d’opinion et ont un rôle d’influence plus important que les médias. Harold Laswell :20e siècle. Américain. Analyses portées sur la propagande, c’est à dire la manipulation de l’opinion publique . Propaganda techniques in the World War (1927) Il énonce les instruments de propagande des états que sont des médias comme la radio, le télégraphe, le téléphone ou encore le cinéma. Il défend la théorie selon laquelle les démocraties ont besoin de propagande «gestion gouvernementale des opinions » permettant à l´ensemble des citoyens d´approuver ce que les spécialistes ont déterminé comme étant bon pour eux. C’est dans cet ouvrage qu’il se rapproche brièvement de la pensée behavioriste en créant la notion de seringue hypodermique mais qu’il renie très rapidement. Ensuite il veut définir une action de communication de manière universelle dans « the communication of ideas » où il dit : « on peut décrire une action de communication en répondant aux questions suivantes : qui, dit quoi, par quel canal, à qui, avec quel effet ? » (encore valable aujourd’hui) Kurt Lewin : Autrichien. A dynamiq theory of personnality (35) et Principles of Topological Psychology (36) Il étudie les décisions prises par de petits groupes (familles, groupes de travail…) et il dégage le rôle de gate keeper / leader d’opinion qui contrôle et retient le flux d’informations et comment chacun reçoit le message. Carl Hovland : psychologue américain. Etudie aussi formation des opinions dans petits groupes ( soldats US…). Il met en évidence le sleeper effect : les effets des messages peuvent être plus ou moins forts après un certain temps. Il dégage 3 variables sur l’efficacité de la persuasion de masse : « l’image du communiquant », « la nature du contenu » et la « mise en situation de l’audience ». 4) Usages et gratifications Le fonctionnalisme des usages et gratifications : Variante de l’approche fonctionnaliste des médias qui prend en compte presque exclusivement les aspects psychologiques de l’individu. Cette approche part de la pensée fonctionnaliste qui fait dépendre toute institution médiatique des besoins individuels : si les médias existent c’est parce qu’ils répondent à nos besoins. Elle ne part donc pas des médias mais de l’individu autonome. C’est le texte «Sur l’utilisation des Mass Medias comme moyen d’évasion » de Elihu Katz et Foulkes qui marque le passage du fonctionnalisme classique au fonctionnalisme des usages et gratifications. Il montre en quoi les médias dépendent doublement des individus : D’une part, le consommateur peut refuser ou se détourner d’un média. Celui-ci dépend donc de son acceptation. D’autre part, les médias dépendent aussi des différents états et dispositions du consommateur, liés à sa qualité de vie. L’approche des usages et gratifications se penche sur cette deuxième dépendance des médias et amène à considérer tous les aspects de la vie du consommateur afin de déterminer les conditions de satisfaction de ses besoins. L’étude des médias devient alors l’étude des styles de vie car c’est ce qui pousse l’individu à consommer les médias ou pas. Les satisfactions fonctionnelles qu’apportent les médias dépendent du degré de satisfaction naturelle quel leur apporte leur environnement psychologique et social : par exemple, quelqu’un d’extraverti peut satisfaire ses besoins d’interaction par des contacts humain directs et quelqu’un d’introverti aura recours à des équivalents fonctionnels comme les médias pour satisfaire ces besoins. Cette idée rejoint la théorie de Lazarsfeld et Morton sur les dysfonctions : tout ce qui satisfait un besoin est fonctionnel et ce qui ne le fait pas est dysfonctionnel. Une grille typologique des besoins et des équivalents fonctionnels y correspondants a été établie selon l’approche des usages et gratifications : Les besoins de changement, compensation, évasion, expérience par substitution peuvent être satisfaits par les médias qui apportent détachement, interaction para sociale, identification solitaire ou envoûtement. On peut critiquer cette grille car elle est lacunaire et n’envisage l’existence des médias que par rapport aux intérêts sociaux et facteurs contextuels sans prendre en compte la nature et la structure des médias en elles-mêmes. De plus, on parle du contenu des médias mais pas de leur forme, leur registre ou leur style : il semble que ca soit amalgamé avec le contenu. Or, le point de vue de la gratification potentielle ne suffit pas à définir un média. Pour résumer le fonctionnalisme des usages et gratifications on peut retenir 3 notions : L’idée que la fonction crée l’organe : La société est considérée comme une organisation vouée à la satisfaction des besoins de ses membres. Si celle-ci est atteinte : la stabilité du système est acquise. Cela relève d’uns sorte de normalisation sociale où chaque besoin correspond à une fonction et inversement. L’idée qu’une fonction est une façon de répondre à un besoin : il y a plusieurs catégories de fonctions. Les fonctions collectives répondent aux besoins primaire et secondaires (qui ne naissent que quand les primaires ont été satisfaits) et les fonctions individuelles sont liées à la psychologie de chacun. Une vision de la société à l’Américaine : c’est l’image d’une société de satisfaction totale où tous les organes travaillent à satisfaire un individu libre et autonome. C’est le consommateur qui décide des fonctions et des médias qu’il considère aptes à satisfaire ses besoins. C’est un modèle de société idéaliste qui se pose comme une finalité car elle développe ses fonctions pour satisfaire ses membres. Le fonctionnalisme des usages et gratifications est critiquable dans le sens où il se cantonne aux besoins et à la psychologie de l’individu et ne propose pas une réelle définition de l’être humain hors de ces aspects. Il suppose une humanité universelle qui n’existe pas en tant que telle : cette hypothèse nie les spécificités de chaque individu et les différents besoins qui font que le rapport aux équivalents fonctionnels et aux médias sont différents pour chacun. Cette approche est donc réductrice car elle n’explique l’existence des médias que par la réponse à des besoins individuels et ne prend pas en compte les contextes économique et politique pourtant essentiels. Les fonctionnalistes pensent qu’il suffit d’avoir besoin d’un média pour que celui-ci se matérialise et partent de l’idée que la société résulte seulement s’une évolution découlant de la satisfaction des besoins de ses individus. Applications des théories de l’école fonctionnaliste Dans le domaine électoral : Lazarsfeld a recours à la technique du panel pour étudier les stades successifs de l’opinion dans le processus d’adoption d’une innovation. Il s’agit d’une série de paliers dans l’acceptation d’un bien, d’une technologie, d’une innovation, d’une nouveauté. Dans l’industrie publicitaire : Cette technique est développée dans l’industrie publicitaire pour l’adoption de biens de consommation. Ces recherches débouchent sur la création de modèles identifiant les échelons (conscience, intérêt, acceptation, refus, essai…) qui aident à déterminer les modes de communication de masse les plus aptes à influencer l’opinion. Les gates keepers : Les fonctionnalistes se penchent aussi sur le rôle et l’impact des gates keepers (ce qui ont le pouvoir de filtrer opu de bloquer le flot des informations comme les journalistes ou les dirigeants institutionnels. Contestations du fonctionnalisme C. Wright Mills, enseignant à Columbia et l’un des initiateurs des American Cultural Studies, critique l’approche fonctionnaliste qu’il désigne comme une sociologie de bureaucratie. Il prône une communication « non positive, en phase avec le pouls, le battement et les textures de la vie américaine ». Pour lui, le fonctionnalisme a perdu toute volonté réformatrice et se contente d’examiner la société pour répondre à la commande du triangle du pouvoir (les monopoles, l’armée et l’état). Il veut reconnecter la problématique de la culture avec celle du pouvoir et de l’idéologie en liant les enjeux personnels et les enjeux collectifs des structures sociales. Il refuse de dissocier loisir et travail comme le font les fonctionnalistes et s’essaye à une définition plus large de l’homme que crée cette société. Conclusion Si on distingue les fonctionnalistes de première et de deuxième génération, les deux fonctionnalismes forment une même communauté de recherche qui part du présupposé que les médias sont faibles et que les sujets sont puissants bien qu’ils dépendent de leurs besoins. Les deux fonctionnalismes ont les mêmes stratégies de recherche (sondages, enquêtes auprès des consommateurs etc) et partagent les mêmes lieux institutionnels (départements de sociologie des universités et institutions médiatiques). Le fonctionnalisme reste très lié à la société américaine et à son fonctionnement et y a accompagné l’essor des grands groupes de presse et de communication. Elle a connut son âge d’or dans les années 50, lors de l’élaboration de ses fondements théoriques et de ses premiers travaux. Contrairement à F. Balle qui dit observer une dispersion des travaux fonctionnalistes, on peut insister sur sa capacité à regrouper les divers questionnements et perspectives de ses chercheurs, à s’adapter à des contextes nationaux différents, ce qui a certainement permit d’assurer la pérennité de cette école, de lui avoir permit d’évoluer et de la rendre encore pertinente aujourd’hui.