La prise en charge de l’incontinence du sujet âgé I) Introduction 1) Définition L’incontinence est l’émission d’urines ou de selles au mauvais moment ou au mauvais endroit. - La fréquence augmente avec l’âge Souvent méconnue 2) L’épidémiologie 3) Les symptômes Les symptômes fréquemment associés à l’incontinence sont : - La polyurie : uriner en grandes quantités - La pollakiurie : uriner souvent - La dysurie : avoir du mal à uriner (devoir pousser, ou mettre très longtemps à vider sa vessie…) II) Rappels anatomo-physiologiques 1) Rappels anatomiques La vessie : - Organe creux qui peut contenir environ 300ml Paroi (=Détrusor) : muscle creux qui se contracte lors de la miction 2 sphincters (1 striés et 1 lisse) assurent la continence Chez l’homme : - Urètre long Prostate Rectum en arrière Chez la femme : - Urètre court Vagin en arrière Utérus en arrière et au-dessus 2) Le contrôle neurologique de la vessie Le système sympathique renforce la continence (inhibe la contraction du détrusor et facilite la contraction des sphincters) Le système parasympathique facilite la miction (inhibe la contraction des sphincters et facilite la contraction du détrusor) Le système somatomoteur permet le contrôle volontaire de la miction. 3) Le cycle mictionnel normal Le remplissage vésical : - La vessie se remplit un peu. - 1er besoin qu’on peut choisi d’ignorer - 2ème besoin idem - 3ème besoin et fuites si on ne va pas uriner tout de suite. La miction : - Le détrusor se contracte - Les sphincters se relâchent - La vessie se vide complètement 4) Le développement de la continence S’acquiert progressivement dans l’enfance. - L’enfant découvre les sensations liées à la miction et à l’exonération vers les 18 mois. - Contrôle à être possibles vers 2 ans car nécessite une certaine maturité neurologique et musculaire - Nécessité d’un bilan si propreté non acquise après 5 ans. 5) L’incontinence chez la jeune maman - Le poids du bébé distant le périnée. - L’accouchement peut traumatiser le plancher périnéal, surtout si des manœuvres obstétricales sont nécessaires. - Savoir se remuscler peu à peu et dans le bon ordre (pas d’abdos précoces) 6) Effets du vieillissement Chez l’homme : - Adénome de la prostate Chez la femme : - Diminution de l’imprégnation oestrogénique - Fréquente insuffisance sphinctérienne Chez les 2 : - Iatrogénie Baisse d’autonomie III) Les différents types d’incontinence 1) Incontinence d’effort Les circonstances : à la toux, si on rit, si on porte ou à l’extrême dès qu’on se mobilise… Quand la pression abdominale augmente les sphincters se relâchent et il y a des fuites : c’est une insuffisance sphinctérienne. Pas de besoin ressenti. 2) Urgence mictionnelle Aussi appelée instabilité vésicale. Le détrusor se contracte de façon intense alors que la vessie n’est pas pleine. La personne ressente un besoin urgent immédiatement suivi de fuite si elle n’atteint pas les toilettes à temps. Favorisée par des facteurs d’irritation (infection urinaire, fécalome…) 3) Mictions par regorgement La vessie ne se vidange pas correctement et donc elle « déborde » à chaque foie qu’elle est trop pleine. Causes fréquentes : - Diabète - Problèmes de prostate chez l’homme - Certains prolapsus chez la femme Les personnes qui urinent en petite quantité, la vessie n’est jamais vide, dû : - à la prostate qui comprime la vessie chez l’homme - à un prolapsus (descente des organes) chez la femme Il y a un risque de reflux dans les reins avec risque d’infection. 4) Vessie automatique - Assez rare chez la personne âgée - Résulte d’une lésion des systèmes neurologiques impliqués dans le contrôle vésical. - La vessie se remplit et se vide normalement mais le contrôle volontaire et la sensation de besoin sont perdus. 5) Incontinence fécale - Problème de contrôle neurologique Problème musculaire local Maladies intestinales Séquelles chirurgicales et/ou radiothérapiques Troubles du transit Importance des fausses diarrhées liées à un encombrement stercoral ou à un fécalome Fécalome : « bouchon » de selles 6) Incontinence fonctionnelle L’intégralité de l’appareil urinaire et de ses structures de contrôle mais incapacité de la personne de se rendre au bon endroit au bon moment. Causes : - Altération des fonctions motrices Altération des fonctions supérieures Contention 7) Incontinence mixte Très fréquente chez les personnes âgées. Ex : Instabilité vésicale + Troubles des fonctions supérieures = Fuites IV) Bilan soignant d’une incontinence Le manque de temps est souvent évoqué pour prendre soin d’une personne incontinente. Cependant l’inconfort lié à l’incontinence est tel que, en dehors de tous traitements curatifs, on palliera au mieux cette déficience pour limiter le handicap. 1) Recueil de données Interrogatoire : Tâche complexe d’autant que les personnes âgées nient le fait, par pudeur ou par honte. Il faudra tenir compte d’une éventuelle surdité, de troubles de la compréhension, de l’élocution, de la mémoire. Caractéristiques de l’incontinence : - Urinaire / fécale / mixte - Récente / ancienne - Totale / partielle - Diurne / nocturne Facteurs favorisants : - Traitement diurétique - Troubles locomoteurs - Troubles de la communication ou du comportement - Troubles de la mémoire - Tendance à la constipation - Inadaptation des locaux - Inadaptation des aides techniques Vécu de l’incontinence : - Le patient est-il conscient de son incontinence ? - En quoi est-il gêné ? Comment le patient gérait-il son incontinence avant ? - Se rendait aux toilettes seul ou accompagné ? - Utilisait une aide pour la locomotion ? Fauteuil roulant, canne, déambulateur, … - Utilisait une aide technique ? Bassin, urinal, chaise percée, rehausse WC, barre d’appuis… Interrogatoire de l’entourage : Surtout si le patient est ininterrogeable ou a des troubles des fonctions supérieures. - Aide apportée Gestion des charges, accompagnement… - Difficultés rencontrées Refus des protections, charge de travail… Observation : Affine ou corrige les éléments donnés lors de l’interrogatoire (l’anamnèse verbale est complétée par une observation rigoureuse) L’environnement : (Mal adapté ?) - Localisation des toilettes L’espace dans les toilettes Hauteur du siège Barres d’agrippement pour se baisser et se relever L’intimité Tout est important pour favoriser la continence. L’autonomie locomotrice : (réduction de la mobilité) - Comment se déplace la personne ? Transferts seule ou avec aide ? Peut-elle se déshabiller et se rhabiller ? L’autonomie psychique : - Pense-t-elle à aller uriner ? - Trouve-t-elle les toilette ? - Peut-elle gérer ses protections ? - A-t-elle des troubles du comportement en rapport avec l’élimination ? Urination, jeux fécaux… 2) Bilan Bandelette urinaire : L’infirmière est habilitée à décider de pratiquer des bandelettes urinaires devant : - Des brûlures mictionnelles - Une pollakiurie récente - Des urines à odeurs fortes - Une hyperthermie Une bandelette urinaire douteuse ou positive doit faire l’objet d’une transmission au médecin qui procède en fonction des données cliniques à la prescription d’un ECBU. L’infection urinaire peut aggraver ou révéler une incontinence urinaire. La grille de miction : C’est un support de données écrites qui aide à mieux objectiver et quantifier l’importance des troubles urinaires. Elle permet d’analyser le fonctionnement vésico-sphinctérien à travers un recueil d’informations réalisé par le patient lui-même ou par le soignant. On note : - Le nombre de miction L’horaire des mictions (diurnes ou nocturnes) La notion de « fuites »précédées ou non de la sensation de besoin impérieux, survenant ou non à l’effort (toux, rire, marche, soulèvement d’objets…) Résidu post mictionnel : A la recherche ‘une rétention : - Par sondage (aller-retour) - Par échographie (échographie standard ou bladder scan) Effectué après une miction spontanée sur les WC en position physiologique. Débimétrie mictionnelle : - Mesure le débit enregistré pendant une miction - Se fait sur une chaise spéciale qui collecte les urines et qui est reliée à un enregistreur qui traduit leur débit sous forme de courbe. - Permet de connaître le volume mictionnel, le débit maximal et la durée de la miction. Le test du remplissage : - Miction sur demande - Pose d’une sonde urinaire : résidu post mictionnel - Remplissage vésical lent avec du sérum physiologique stérile : noter combien de mL se produise le 1er, 2nd, 3ème besoin. - Noter aussi la survenue de fuites ou de contractions vésicales (ralentissement du débit) - Arrêt du remplissage au 3ème besoin, à la survenue de suite importante, à l’expulsion de la sonde suite à une contraction : capacité vésicale maximale - Retirer la sonde - Rechercher les fuites à l’effort (toux vessie pleine) - Faire une débimétrie : étude de la vidange vésicale Le bilan urodynamique : - Ressemble au test de remplissage en plus précis : matériel spécialisé et plus onéreux - Même réalisation, mais en plus on place des capteurs de pression dans la vessie et au niveau des sphincters. V) Les stratégies de prise en charge médicale 1) Le traitement chirurgical Traitement étiologique de certaines causes d’incontinence : L’adénome de prostate chez l’homme : RTU (résection trans-urétrale de la prostate) ou chirurgie par voie haute. Traitement étiologique de certaines causes d’incontinence : L’incontinence d’effort chez la femme : TOT, TVT 2) Traitement médicamenteux Traitement étiologique de l’affection causale : - Hormonothérapie dans le cancer de la prostate, alphabloquants dans l’adénome Antibiotique dans l’infection urinaire…. Traitement de l’hypertonie sphinctérienne : Alphabloquants aussi chez la femme dans certaines rétentions. Traitement de l’instabilité vésicale : Oxybutine, chlorure de trospium Incontinence iatrogène (rétention, diurétique…) 3) La rééducation Rééducation périnéale : - Tonifier les muscles du petit bassin - Réactiver les rétrocontrôles Rééducation comportementale : Reprogrammation mictionnelle - Mictions préventives, notamment en cas d’instabilité Mictions proposées, notamment en cas d’incontinence fonctionnelle 4) Le sondage Ce n’est pas le traitement de l’incontinence mais celui de certaines rétentions. Parfois laissé en place pendant quelques semaines, le temps de laisser « récupérer » la vessie après un épisode de rétention. Sinon, sondages itératifs, plus physiologiques et présentant un risque infectieux moindre (surtout si autosondage). VI) Les stratégies de prise en charge soignante 1) Les obstacles - Défaut d’expression du besoin Toilettes inadaptées Mobilité du patient entravée Vêtements ou protection inadaptées Défaut de rapidité d’intervention des soignants à l’appel Absence d’aides techniques 2) Environnement Chacune de ces situations appelle une réponse adaptée : « Correction d’un facteur favorisant » - Retrait des changes complets enveloppants le jour, à la faveur de protections anatomiques - Port de vêtements adaptés 3) Les solutions « Correction d’un facteur favorisant » - Aider le patient à exprimer ses besoins (Mise en confiance du patient) - Respect de l’intimité du patient dans la réalisation de son besoin - Intervention rapide et aimable du personnel à chaque appel - Favoriser la mobilité du patient - Lui fournir les aides techniques nécessaires - Adapter les toilettes 4) Les interventions soignantes Actions éducatives simples (pas de troubles ou peu de troubles mnésiques) On propose des conseils adaptés : - Répartition des boissons - Mictions programmées toutes les 2 à 4 heures - Poussée abdominales en fin de miction - Retrait de la protection en dehors des activités (Ex : incontinence d’effort) Stimulation – accompagnement ou substitution (personnes qui présentent des troubles cognitifs plus marqués) On propose : - Signaliser les toilettes - Conduire le patient aux toilettes toutes les 2 heures - Faire sonner un réveil, signal pour lui de l’heure d’uriner 5) Les produits Le produit est un palliatif, pas un traitement, c’est donc une solution de dernier recours. Le produit doit : - Être adapté au patient, à sa morphologie, à sa mobilité et à son type d’incontinence - Recueillir l’adhésion ou compréhension du patient - Être validé par l’ensemble de l’équipe Règles de bon usage : - Incontinence gérée : Utiliser l’équivalent du produit utilisé à domicile - Sinon, commencer par le palliatif de plus faible absorption - La sonde urinaire n’est pas un palliatif d’incontinence Incontinence urinaire : - pas de superposition des produits - Changer à saturation Incontinence fécale : - Les produits n’absorbent pas - Nécessité de changement à chaque selle 6) Les traitements palliatifs Protections anatomiques : - Plusieurs degrés d’absorption - Si incontinence minime : autocollantes pour les dames, « Pochettes »pour les messieurs - Si incontinence plus importante : utilisées avec un slip filet (plusieurs tailles de slip filet) Changes complets : - Problème de confort et de macération Les « pants » ou slips actifs - Permettent une meilleure autonomie Plusieurs tailles, plusieurs degrés d’absorption Les étuis péniens : - Plusieurs taille (diamètre et longueur) Plusieurs longueur de tuyau Plusieurs contenance de sachets Les « flex » : - Facilité de pose par un aidant seul Les tampons obturateurs annaux : - A l’issue d’un bilan d’incontinence fécale Il convient d’indiquer les soins nécessaires aux personnes incontinentes au planning mural. - Assurer une traçabilité dans le dossier de soins - Remplir la feuille « fiche de dotation » pour chaque patient (feuille qui planifie les horaires et le type de produit à utiliser) 7) Réévaluation Après avoir opté pour les actions de soins, une évaluation objective de l’incontinence est indispensable au cours de l’évolution pour permettre un réajustement de la conduite soignante. Ex : une couche systématiquement sèche, un lit mouillé malgré les protections… Le choix du produit sera réévalué au fur et à mesure : réajustement Cas cliniques Cf. Feuille annexe