Les trois temps de la clinique
2. La réception/l'écoute
L'écoute clinique vise l'entendement d'une adresse ou d'une demande du sujet.
Comment conceptualiser cela ? Pour pouvoir entendre le sujet, il faut acquérir un modèle de la
subjectivité (une conception des différentes modalités).
La façon de s'adresser à un sujet est différente selon la position (névrotique, psychotique,...)
Nosographie: la description des maladies psychiques.
Il y a deux façons de cataloguer les maladies psychiques:
1) La nosographie structurelle: elle s'inspire d'une théorie de la constitution psychique du
sujet (le psychisme se constitue, se met en place, acquiert une cohérence). Cette nosographie
suppose la notion d'appareil psychique (organisation psychique à part entière). L'appareil
psychique comprend des lieux comme l'inconscient et la conscience ainsi que des
dynamiques telles que le refoulement, et avec comme particularité le positionnement de
l'œdipe. Cette nosographie se place dans une approche psychodynamique, et l'instrument
clinique est l'écoute clinique.
2) La nosographie quantitative ou statistique: mise en catalogue des symptômes. L'exemple
type est le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental disorders). Cette
nosographie se dit neutre et l'instrument diagnostic est le questionnaire.
Le symptôme, c'est le phénomène, le caractère perceptible ou observable qui manifeste ou révèle la
façon particulière dont un sujet trouve sa place dans le monde et règle son rapport à celui-ci.
C'est ce par quoi le sujet révèle sa subjectivité, l'organisation particulière de son appareil psychique.
Le symptôme peut être une façon de s'habiller, des expressions que l'on utilise habituellement,...
En nosographie, le symptôme est ce par quoi le sujet révèle la nature spécifique de sa
psychopathologie.
Souvent, le symptôme est une construction.
2.1.Nosographie structurelle
1) Positions du sujet
Le sujet peut « choisir » trois positions différentes dans son rapport à l'autre, au langage et à la loi. Il
y a une position névrotique, psychotique et perverse. Elles font toutes trois référence à un
moment crucial de l'avènement du sujet: le moment de l'œdipe ou de la triangulation.
2) Évolutions du sujet
On présente cela comme un axe d'évolution du trouble:
La pathologie dite « actuelle »: c'est une phase première du trouble qui se caractérise par
l'omniprésence de l'anxiété comme premier symptôme. Le sujet sera très peu capable de dire
quelque chose de son anxiété (il y a une absence de texte). Ce manque de texte va de pair
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avec une manifestation du trouble au niveau d'une violence faite au corps. Le sujet est réduit
à une position passive. La priorité clinique est la symbolisation (incitation à mettre des
mots).
La psychopathologie au sens strict: cette phase apparait dès qu'il y a symbolisation du
trouble. La violence se déplace alors à un autre niveau de violence ou de conflit (elle se
déplace à une violence au niveau de la relation). Le sujet est réinstallé dans une position
active. La priorité clinique est l'entendement et la mise en mouvement du symptôme.
3) États du sujet
Un nombre de troubles psychiques dont le principe pathologique n'est pas nécessairement
l'apanage de l'homme (on peut retrouver également chez les animaux):
Troubles (psycho-)organiques
Troubles de l'humeur: dépression
Troubles dus au stress prolongé et/ou au trauma
Troubles du développement
Tous ces états sont des états qui se rajoutent dans cette nosographie, on peut être névrotique et en
plus être dépressif.
C'est lié à ce qui fait l'humain.
2.1.1. Névrose
1) Position, trouble et défense névrotiques
La position névrotique dans la triangulation se caractérise comme suit:
1) La mère (ou le premier autre) et l'enfant forment une relation duale ou fusionnelle. On en
revient au bébé qui crie, et à la mère qui va interpréter ce cri, qui accèdera alors au statut
d'acte adéquat. Le rôle du premier Autre est primordial: puisque la mère s'efforce
d'interpréter le besoin de l'enfant, l'enfant va utiliser toutes ses fonctions psychiques pour
savoir ce qui fait venir la mère. Le premier challenge de l'enfant est de savoir pourquoi sa
mère part, et sa première préoccupation sera de comprendre les besoins et désirs de sa
mère. Il est totalement dépendant d'elle, et va s'employer à vouloir tout signifier pour cette
mère, à combler tous ses manques.
2) L'enfant s'intéresse à ce qui est capable d'entrer en compétition avec lui: le père (second
autre). Celui-ci est également capable de captiver la maman. La mère fait comprendre
inconsciemment qu'il y a quelqu'un d'autre qui captive son désir. Le père psychique est celui
qui est capable de prendre le cœur de la mère.
3) Ce second Autre intervient dans la relation duale mère-enfant. Il rompt le caractère
absolu de la relation, et installe un troisième point (si il est effectif): on parle de
triangulation. Il va imposer des lois. Il impose donc une grande frustration à l'enfant:
c'est dans cette frustration que l'enfant pourra fantasmer le sein absent. En effet, si tous nos
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actes étaient directement adéquats, il n'y aurai pas besoin de réfléchir. Le fait d'avoir cette
frustration de ne pas tout avoir au moment où on le veut va induire une activité psychique: le
fantasme, l'imagination. En plus d'imposer une frustration à l'enfant, le père permet
également un soulagement: comme le bébé s'emploie à vouloir tout signifier pour la mère,
il va immanquablement défaillir car structurellement, deux humains sont incapables de
vouloir tout signifier l'un pour l'autre. Grâce au Second Autre, il y a une coupure qui permet
le soulagement. Par l'investissement érotique du père par rapport à la mère, il protège
l'enfant. Si il n'y a pas de troisième autre, il y aurait une espèce d'érotisme continuel qui
resterait peut-être plus que souhaité ou bloqué dans cette phase pré génitale (sexualité
qui a plus à voir avec la différence entre les sexes).
4) L'enfant, ayant accepté et s'étant soumis à cette frustration (moment de la castration), se
repositionne: il quitte la relation duale et se place dans une dynamique triangulaire, où le
père à sa place à part entière. L'enfant peut choisir ou pas de passer par le second autre,
d'accepter cette référence. On en vient au moment de la castration: l'enfant « abdique »,
il n'essaie plus de tout signifier pour sa mère, il reconnait qu'il a des limites. Dans ce
moment de basculement, l'enfant se demande ce que le père peut avoir de plus que lui. Là où
l'enfant a essayé d'être à la place du père (compétition), il va se poser certaines questions,
qui l'amèneront à la considération du Second Autre, celui qui est capable de capter la
maman. La considération va amener l'enfant à accepter la loi: il s'inscrit dans la loi du
père, et donc dans la loi de la société.
Il est rare que cette triangulation se fasse sans heurts. La plupart des sujets ayant eu en grande lignes
le parcours décrit, ont néanmoins une certaine souffrance psychique.
Dans les névroses, l'œdipe s'est passée, il y a eu triangulation, mais il y a un reste non castré qui va
donner lieu aux souffrances psychiques par rapport aux névroses.
La névrose est la solution que le sujet a construite pour résoudre son Œdipe.
Les névroses forment un ensemble de troubles psychiques chez les sujets en position névrotique liés
au passage de l'œdipe dont les symptômes:
1) Sont l'expression symbolique d'un conflit œdipien qui trouve ses racines dans l'histoire du
sujet, qui ont eu lieu dans la première enfance et qui sont généralement oubliés (amnésie
infantile).
« Il s'agit d'impression d'ordre sexuel ou agressif et certainement aussi de blessures précoces faites
au moi (blessure narcissique) »
2) Ont une dimension psychosexuelle.
3) Le sujet conserve la conscience de ses troubles et de leur caractère morbide.
4) Le mécanisme de défense de la névrose est le refoulement:
Le mécanisme général du refoulement est de séparer l'affect de la représentation
inconsciente. L'affect est alors déplacé ou transformé, et la représentation, non
investie, reste à l'état inconscient (comme une coquille vide).
Il y a deux dimensions: le traitement de la représentation (du scénario, des idées,
du contenu déclaratif ou sémantique) et tout le côté affectif.
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L'affect est attribué à un autre contenu, qui pourra devenir obsessionnel ou
phobique.
Dans un deuxième temps, il y a le retour du refoulé: l'autre contenu auquel l'affect
s'est rattaché va faire un retour du refoulé, et c'est là que l'on voit les symptômes.
C'est la forme des symptômes qui est dérivée de la forme de la représentation
inconsciente.
5) La position linguistique du sujet névrotique: comme le sujet a accepté de passer en
position de triangulation, il a de ce fait accepté la loi et la convention du langage, puisque le
langage est une sorte de loi. Il a également accepté le manque linguistique (il est
impossible de tout dire). En acceptant ce manque, on revient à la castration. On trahit
son vécu car on ne sait pas tout dire. Les névrosés vont typiquement recommencer à chaque
fois ce qu'ils disent. Les mécanismes linguistiques sont la métonymie et la métaphore.
2) Troubles névrotiques de l'adulte
Il y a deux types de névrose en fonction des évolutions de la pathologie
Les névroses actuelles
On est dans la pathologie dite actuelle.
L'angoisse est flottante et non liée à des représentations (on est dans une position passive): c'est
pour cette raison qu'elle attaque plus facilement le corps.
La névrose d'angoisse: angoisse à l'état pur, attente anxieuse, excitabilité générale, accès ou
attaque d'angoisse.
La neurasthénie: c'est un terme ancien qui groupe la fatigue, l'insomnie, l'anhédonie
(signifie là où il n'y a pas de plaisir, pas de bonheur), la difficulté de concentration et un
épuisement du système nerveux.
L'hypocondrie: inquiétude permanente concernant la santé et le fonctionnement des
organes. Cela se traduit par une écoute obsessionnelle de son corps, et la préoccupation
persiste malgré un bilan médical rassurant (chez les psychotiques, l'inquiétude sera
irrationnelle).
Les psychonévroses
Ici, l'angoisse est liée à des représentations.
L'hystérie:
(les quanta de) l'affect investit les fonctions du corps (conversion), ou un nouveau objet
extérieur (phobie).
Quanta de l'affect: la quantité, on parle du même affect que dans le mécanisme de
refoulement.
Pour Freud, le conflit œdipien (de l'hystérie) se manifeste dans les registres libidinaux
phalliques (domaines de l'érotique, de la sexualité, du rapport homme-femme) et oral
(domaine du verbal: exemple avec le théâtralisme).
Registres libidinaux: là où ca l'énergie désirante.
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C'est un déroulement logique, puisque là où on était passif, on devient actif. Il y a jubilation
orale, puis anale.
Pour Lacan, la préoccupation essentielle dans l'hystérie serait la question « suis-je un
homme ou une femme? ». Dans l'hystérie, cette question sera beaucoup investie.
1) L'hystérie de conversion
Le mécanisme général est la conversion: expression symbolique d'un conflit
inconscient au niveau du corps. Quand quelque chose ne marche pas avec son corps,
on peut se demander pourquoi a-t-on ce problème à ce moment là de sa vie. Le corps
de l'enfant est très sensible aux effets du signifiant (le fait que la forme d'un mot
puisse être le principe central dans un symptôme): un enfant qui se met à loucher
(rapport à l'expression « il y a quelque chose de louche »).
La différence entre la psychosomatique et l'hystérie, c'est que la psychosomatique
atteint les structures, tandis que l'hystérie atteint les fonctions du corps. Par
conséquent, les symptômes se manifestent en toute absence de lésion organique
et sont parfois réversibles.
Il s'agit de troubles de la motricité et du tonus, et de troubles sensitifs et sensoriels.
Le problème éthique posé par l'hystérie de conversion est son adaptabilité.
2) L'hystérie d'angoisse ou les troubles phobiques
L'angoisse est liée à des représentations dont l'ampleur est disproportionnée.
Le déplacement du danger interne vers un danger externe permet de donner une
matérialité à l'angoisse inconsciente et à un exercice de contrôle, comme l'évitement
par la fuite.
Les phobies amènent le sujet à des conduites d'évitement.
La névrose obsessionnelle
Les quanta de l'affect investissent d'autres représentations qui deviennent obsessionnelles.
Pour Freud, le conflit œdipien se manifeste dans le registre libidinal anal (domaines de
l'argent, de la propreté et de la défécation, du religieux et du probe et de la sexualité anale).
Pour Lacan, la névrose obsessionnelle est considérée comme un « dialecte » de l'hystérie. La
préoccupation essentielle serait la question « suis-je ou non ? Suis-je mort ou vivant? ».
1) Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC)
Le besoin irrésistible et répété de penser ou de réaliser un acte.
Le sujet en proie à l'obsession est conscient du caractère morbide, mais ne
parvient pas à se débarrasser de cette obsession.
Cette obsession est accompagnée d'angoisse et est associée à la compulsion (acte que
le sujet est obligé d'accomplir même s'il est absurde).
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