Les vices du consentement dans les contrats informatiques

EXPOSE DESS DICOM 2003
CUVELIER RAPHAELLE
JARDIN CAROLINE
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LES VICES DU CONSENTEMENT DANS LES CONTRATS
INFORMATIQUES
Force est de constater que notre époque est celle des nouvelles
technologies de l’information et de la communication, et à l’ère de l’Internet
il paraît inconcevable pour une entreprise de ne pas s’équiper en
« informatique »
Ainsi l’entreprise qui va s’ « informatiser » va alors être conduite à
conclure des contrats pour son informatique, soit qu’elle s’équipe
entièrement, soit qu’elle décide de modifier son système. L’entreprise peut à
cette fin recourir en interne à un informaticien ou, en externe à des
fournisseurs tiers pour tout ou partie de la mission. C’est dans ce cadre que
l’entreprise va conclure le « contrat informatique ». On distingue les
contrats d’ « équipement informatique » (fourniture de matériel, de logiciel
et de système (composants matériels et immatériels c’est à dire unité centrale
+ logiciels)) des contrats de prestations connexes :conseil, maintenance et
assurance.
Le contrat informatique est donc avant toute chose un « contrat »
qui n’échappe pas aux règles générales de formation des contrats énoncées
dans le code civil
Ainsi le contrat informatique doit être en conformité avec l’article 1108 du
code civil qui énonce que :«
4 conditions sont essentielles pour la validité
d’une convention :le consentement de la partie qui s’oblige, sa capacité à
contracter, un objet certain qui forme la matière de l’engagement et une
cause licite dans l’obligation
». Quand au consentement, l’article 1109 précise
que :«
il n’y a point de consentement valable, si celui ci n’a été donné que par
erreur, ou si il a été extorqué par violence ou surpris par dol
»
Le consentement consiste en l’accord donné par chaque partie pour
que le contrat se forme, c’est la volon de la personne qui s’oblige. Le
consentement ne doit pas être nécessairement donné pour tous les éléments
du contrat mais il doit être donné sur les éléments caractéristiques et
essentiels du contrat, définis comme tels par les parties. C’est l’échange des
consentements qui forme le contrat, selon le principe consensualiste.
Cependant, certains contrats ne sont pas consensuels mais par exemples
réels, et se forment par la remise de la chose. Il va de soi que les contrats
informatiques répondent en principe au consensualisme et se forment pas la
rencontre des volontés, sans qu’aucune formalité solennelle ne soit
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nécessaire à sa perfection. En matière de contrats informatiques, nous
pourrions nous poser la question de l’exigence d’un écrit notamment pour la
mise à disposition de logiciels qui peuvent faire l’objet de droits d’auteur.
Mais les articles L 131-2 et 131-3 du code de la propriété intellectuelle
n’exigent un écrit que pour les contrats d’édition et de représentation. La
plupart des contrats informatiques ne requièrent donc pas de formalité
particulière. Le postulat de principe est donc que le consentement doit être
éclairé et libre. La volonté de contracter peut être présente mais altérée :
c’est l’hypothèse du consentement vicié de l’article 1109 du code civil. A
contrario, le consentement est valablement donné lorsqu’il n’a pas été donné
par erreur, extorqué par violence ou surpris par dol.
Il est important de souligner et spécialement en matière de consentement
dans le contrat informatique, la compétence technique du fournisseur,
professionnel, son poids économique, et son désir de commercialiser son
produit et/ou son service ; ce qui ne sera pas sans nous rappeler le duo
professionnel/consommateur du code de la consommation souvent mis en
lumière part la cour de cassation. Ainsi il sera important de contrôler que
l’entreprise faisant appel à un prestataire de service ou un vendeur,
fournisseur n’aura pas été victime de violence, n’aura pas commis d’erreur
dans la conclusion du contrat ou n’aura pas été manipulée par son
fournisseur afin de conclure un contrat déséquilibré à son insu.
Comment s’applique donc la théorie générale des vices du consentement à
ces contrats spécifiques que sont les contrats informatiques ?
Nous allons donc nous attacher à analyser les causes d’altération du
consentement dans les contrats informatiques (I), puis leurs incidences sur le
sort du contrat(II).
I MANIFESTATIONS DE L’ ALTERATION DU CONSENTEMENT
DANS LES CONTRATS INFORMATIQUES
L’article 1109 du code civil cité précédemment énonce certaines des causes
qui aboutissent à ce que le consentement d’une des parties à un contrat ou
les deux soit vicié(s). Ces causes légales sont l’erreur, le dol et la violence.
Cependant, on peut noter que la lésion est également un élément de vice
d’un contrat, comme le décrit d’ailleurs l’article 1118 du code civil qui énonce
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que
« La lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à
l’égard de certaines personnes »
. Néanmoins, notre étude étant attachée
aux vices du consentement à proprement parler, nous étudierons
successivement et en respectant la tradition juridique l’erreur (A), puis le dol
(B) et enfin la violence (C). Ces trois types de vices du consentement étant
des vices s’appliquant à tout type de contrat, nous tâcherons de les décrire
et de les appliquer à la matière des contrats informatiques.
A LE VICE D’ ERREUR DANS LES CONTRATS INFORMATIQUES
L’erreur est un vice du consentement dans les contrats informatiques
comme dans tout autre contrat de vente de marchandise ou de prestation
de service. Elle consiste pour une partie à un contrat de prendre ce qui est
faux pour vrai ou vrai pour faux.
Il existe deux grandes catégories d’erreur qui sont l’erreur spontanée qui ne
sera retenue qu’à certaines conditions que nous allons étudier dans cette
partie et l’erreur provoquée qui résulte d’un dol ou de manœuvres dolosives
destinées à tromper son cocontractant et que nous analyserons dans la
partie consacrée au dol (B).
Selon l’article 1110 du code civil,
« l’erreur n’est une cause de nullide la convention que lorsqu’elle tombe
sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une
cause de nullité, lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a
intention de contracter, à moins que la considération de la personne ne soit
la cause principale de la convention »
.
Cette disposition légale démontre qu’il existe différents types d’erreur :
l’erreur sur la substance de la chose objet du contrat
l’erreur sur la personne lorsque cette dernière est déterminante pour le
consentement de l’autre partie.
Traditionnellement, on cite aussi l’erreur obstacle, l’erreur sur les motifs et
l’erreur sur la valeur. Mais, ces différents types d’erreur n’ont pas la même
portée en jurisprudence. Nous ne retiendrons ici que l’erreur obstacle,
l’erreur sur la substance et l’erreur sur la personne puisque seuls ces trois
types d’erreur sont susceptibles d’entraîner la nullité du contrat.
L’erreur sur les motifs et l’erreur sur la valeur sont sans incidence sur la
validité du contrat. La Cour de cassation a notamment posé dans un
arrêt
du 13 février 2001
rendu par sa première chambre civile que
« l’erreur sur un
motif du contrat extérieur à l’objet de celui-ci n’est pas une cause de nullité
de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant »
.
L’erreur sur la valeur de la chose est aussi indifférente, l’un des
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contractants ne pouvant pas, pour prétendre à la nullité du contrat, faire
valoir que la valeur de la chose telle qu’elle résulte du contrat ne correspond
pas à sa valeur vénale objective (
Cour d’appel de Paris, 15 mai 1975
).
Dans un tout premier temps, nous étudierons l’inévitable erreur obstacle
selon laquelle le contrat n’existerait pas lorsque les parties se sont trompées
sur sa nature, sa cause ou sur son objet (1). Dans un second temps, nous
analyserons le type d’erreur le plus important dans les contrats informatiques
et dans la plupart des contrats de vente ou de prestation de service : l’erreur
sur la substance qui peut donner lieu à une action en nullité à certaines
conditions seulement (2). Enfin, nous étudierons l’erreur sur la personne qui
est le plus souvent prise en considération dans les contrats dits intuitu
personae (3).
1. L’ ERREUR OBSTACLE A LA FORMATION DU CONTRAT
INFORMATIQUE
L’erreur obstacle est définie comme une erreur tellement grave qu’elle
s’apparente plus à une absence de consentement qu’à un vice du
consentement. Cette erreur obstacle peut porter sur différents éléments du
contrat : la nature du contrat, la cause du contrat ou son objet.
a) L’erreur sur la nature du contrat.
L’erreur sur la nature du contrat peut se rencontrer en matière de contrats
informatiques mais elle reste rare, les parties étant souvent des entreprises
qui se soucient tout de même, parfois en faisant appel à leurs juristes ou leur
cabinet de conseil, du type de contrat qu’elles souhaitent conclure.
Cependant, on peut imaginer une sorte de malentendu sur la nature du
contrat tel qu’une mise à disposition de logiciel qui sous-entend en principe
que l’utilisateur n’aurait que des droits d’usage ou une licence limitée de
droits d’exploitation alors que l’utilisateur croit être propriétaire des droits
d’exploitation.
Il arrive que la jurisprudence ne qualifie pas ces types d’erreur comme des
erreurs obstacles mais des erreurs sur la substance.
b) L’erreur sur la cause du contrat.
Ce type d’erreur est le plus souvent rattaché à d’autres types d’erreur tels
que l’erreur sur les motifs ou l’erreur sur la substance.
En réalité, tout dépend de la définition que l’on donne à la cause du contrat.
Selon la théorie générale du Droit des obligations, la notion de cause peut
revêtir deux sens radicalement différents :
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Il y a la cause en tant que « cause impulsive et déterminante » c’est-à-dire le
motif déterminant qui a conduit une partie à conclure le contrat. Dans ce
cas de cause dite subjective, l’erreur sur cette cause n’est pas sanctionnable
lorsque l’erreur ne porte ni sur la substance de la chose, ni sur la personne
du cocontractant.
Il y a également la cause dite objective qui est la contre prestation attendue
du partenaire. Dans ce cas, si la contre prestation attendue n’existe pas, la
convention sera anéantie ; si elle existe mais qu’elle ne possède pas les
qualités attendue par la partie, il s’agit d’une erreur sur la substance.
c)L’erreur sur l’objet du contrat.
Ce type d’erreur est celui le plus fréquent dans les erreurs obstacles car il
concerne l’identité de l’objet ou le prix.
Par exemple, en matière de contrats informatiques, il peut y avoir erreur sur
l’identité de l’objet de la convention lorsque le client avait conclu l’accord
pour tel type de matériel alors que le fournisseur pensait avoir donné son
consentement pour un autre type de matériel.
De même, quand le prix n’a pas fait l’objet d’un accord véritable alors que
c’est un élément essentiel, l’erreur obstacle peut être retenue.
Un
arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 9 mai 1984
infirme le
jugement qui retenait qu’il y avait eu un « malentendu fondamental exclusif
même de l’existence de tout contrat puisque les deux parties se seraient
trompées à cinq reprises pendant cinq mois sur le prix à payer ». la Cour
d’appel énonce
qu’il est inconcevable que « des entreprises importantes
concluent leurs accords de manière aussi légère et revendiquent en outre
leurs erreurs qu’elles commettent dans leur exécution »
. De cette espèce,
on peut tirer une conclusion certaine : dans le domaine des nouvelles
technologies, plus qu’ailleurs, il est nécessaire qu’apparaisse clairement dans
le contrat la volonté réelle des parties et donc l’accord sur la chose et le prix
en premier lieu.
Le constat que l’on peut faire vis-à-vis de la jurisprudence en matière
d’erreur obstacle est que les tribunaux paraissent privilégier la sanction de la
nullité relative plutôt que celle de la nullité absolue ou de l’inexistence du
contrat. En effet, la jurisprudence a tendance à assimiler l’erreur obstacle à
une erreur sur la substance et requalifie donc souvent ce type d’erreur. Les
deux parties ont toutes deux commis une erreur en l’espèce et peuvent
invoquer toutes deux la nullité relative du contrat dans un délai de cinq ans.
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