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REFLUX GASTRO-ŒSOPHAGIEN CHEZ LE NOURISSON, CHEZ L’ENFANT ET
CHEZ L’ADULTE. HERNIE HIATALE
Texte publié dans la revue du Praticien 2003 ;53 :555-64
Guillaume Cadiot (1), Christophe Faure (2)
1- Service d’Hépato-Gastroentérologie, Hôpital Robert Debré, 51092 Reims cedex
2- Gastroentérologie et Nutrition Pédiatrique, Hôpital Sainte-Justine, 3175 Cote Ste
Catherine, Montreal, QC, Canada H3T 1C5
RGO DE L’ADULTE
Points forts à comprendre
Le RGO est une des maladies les plus fréquentes
Elle est bénigne dans la majorité des cas, l’œsophagite sévère ou les complications étant
très rares
Il n’y a pas de risque d’aggravation du grade de l’œsophagite dans le temps (sauf
œsophagite initialement sévère)
L’adénocarcinome œsophagien survient sur la muqueuse de Barrett
Il est impossible de prédire les sujets à risque d’avoir une muqueuse de Barrett et a fortiori
un cancer sur muqueuse de Barrett
En cas de muqueuse de Barrett, une surveillance endoscopique avec biopsies est indiquée
chez les sujets en bon état général
Les indications des explorations et des traitements ont été codifiées lors de la conférence
de consensus de 1999
Les principales indications de l’endoscopie sont les symptômes d’alarme et l’âge > 50 ans
I - DÉFINITIONS
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A - HERNIE HIATALE (Fig. 1)
La hernie hiatale (HH) est la protusion d’une partie de l’estomac dans le thorax à travers
le hiatus œsophagien du diaphragme. La HH par glissement (protrusion du cardia dans le
thorax) favorise le RGO, mais n’est ni indispensable ni systématiquement compliquée d’un
RGO. La HH par roulement, très rare, n’est pas associée au RGO : le cardia reste dans la
cavité abdominale.
B - REFLUX GASTRO-ŒSOPHAGIEN (RGO)
Le RGO est défini par le passage intermittent du contenu gastrique dans l’œsophage. Un
RGO physiologique, asymptomatique, est observé, essentiellement en phase postprandiale.
Le RGO est pathologique quand il est responsable de symptômes, de lésions
œsophagiennes (œsophagite par reflux), de complications œsophagiennes ou extra-
œsophagiennes, ou quand il est quantitativement trop important en pH-métrie.
II - PHYSIOPATHOLOGIE
Le gradient de pression entre l’abdomen (pression positive) et le thorax (pression
négative) favorise le passage spontané du contenu gastrique dans l’œsophage. Le RGO est lié
à une défaillance des systèmes anti-reflux qui sont anatomiques (ligaments phréno-
œsophagiens et gastro-phréniques permettant le maintien d’un segment œsophagien dans
l’abdomen, et pilier droit du diaphragme) et fonctionnels.
Le sphincter inférieur de l'œsophage (SIO) est une zone sphinctérienne de muscle lisse
de l’œsophage dont une partie est en position intra-abdominale (influence de la pression
positive abdominale) et l’autre en position intra-thoracique. Le tonus du SIO est permanent.
Au moment de la déglutition, il subit un phénomène de relaxation physiologique pour laisser
passer le bol alimentaire. Un nombre excessif de relaxations transitoires du SIO (au cours
desquelles la plupart des reflux se produisent), inappropriées car survenant en dehors des
déglutitions, est le mécanisme principal du RGO. L'hypotonie permanente du SIO est plus
rare, elle est souvent associée à un RGO sévère.
Le deuxième élément défaillant s'opposant aux effets nocifs des reflux sur la muqueuse
malpighienne œsophagienne est la clairance œsophagienne qui combine la motricité de
l'œsophage qui normalement chasse vers l'estomac le liquide qui a reflué dans l’œsophage
(induction d’un péristaltisme réflexe lors des reflux) et l’effet tampon de la salive qui est riche
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en bicarbonates et réduit ainsi le pH du liquide qui a reflué. Le RGO peut, très rarement,
résulter d'une affection atteignant le muscle lisse de l'œsophage (sclérodermie par exemple).
La HH par glissement favorise le RGO mais n’en est pas la cause. En cas de HH, la
partie inférieure du SIO n’est plus en position intra-abdominale et les systèmes anti-reflux
anatomiques ne sont plus effectifs. La HH favoriserait les anomalies de la clairance
œsophagienne.
Certains médicaments duisent le tonus du SIO : ce sont principalement les inhibiteurs
calciques, les dérivés nitrés, la théophylline, les benzodiazépines, les anticholinergiques. Ceci
n’a toutefois pas de conséquence clinique significative sur le RGO. Une sonde naso-gastrique
d'aspiration post-opératoire favorise le RGO ou une complication (sténose peptique).
Le liquide reflué est pratiquement toujours acido-peptique (liquide gastrique). Il peut
contenir des sels biliaires qui sont agressifs pour la muqueuse malpighienne oesophagienne
en milieu acide.
L’infection gastrique à Helicobacter pylori n’est pas un facteur physiopathologique du
RGO.
III ÉPIDÉMIOLOGIE DU RGO CHEZ L’ADULTE
Sept % des adultes de la population générale souffrent tous les jours d’un pyrosis, 20%
au moins une fois par semaine et 40% au moins une fois dans l'année.
Trente à 50% des malades qui ont une endoscopie pour des symptômes de RGO ont une
œsophagite. L’œsophagite n’est pas sévère dans la majorité des cas (cf plus bas).
IV - LÉSIONS D'ŒSOPHAGITE (Fig. 2 et 3) ET MUQUEUSE DE BARRETT
A - OESOPHAGITE
L'œsophagite est la conséquence de la toxicité du liquide de reflux pour la muqueuse
œsophagienne malpighienne. Elle est finie par des pertes de substance de l'épithélium
(érosions, exceptionnellement ulcère vrai) qui siègent au contact ou au-dessus de la jonction
des muqueuses œsophagienne et gastrique (ligne Z) et sont plus ou moins étendues en hauteur
dans l’œsophage. La principale classification des œsophagites utilisée (Savary-Miller) est
indiquée figure 3. Pour la prise en charge, on distingue les œsophagites modérées (érosions
non circonférentielles : grades 1 et 2) (les plus fréquentes > 90%, prise en charge identique au
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RGO sans œsophagite) des œsophagites sévères (érosions circonférentielles : grade 3) ou
compliquées (sténose peptique et ulcère œsophagien : grade 4) (très rares < 10%).
Il n’y a pas de symptôme spécifique de l’œsophagite ; ce sont ceux du RGO. Il n’y a
aucune corrélation entre l’intensité des symptômes de RGO et celle de l’œsophagite. La
dysphagie est toutefois plus fréquente quand le grade de l’œsophagite est élevé.
La sténose peptique est une des complications les plus graves du RGO. Elle est révélée
par une dysphagie. La sténose révèle souvent le RGO qui n’était pas connu avant. Elle
survient généralement sur un terrain particulier : hospitalisation prolongée en réanimation,
sujets âgés, en mauvais état général.
Il n’y a généralement pas d’évolution spontanée dans le temps des faibles grades
d’œsophagite vers des grades plus élevés (pas de risque d’aggravation).
B - MUQUEUSE DE BARRETT (ou endobrachoesophage)
La muqueuse de Barrett est un mécanisme de réparation des érosions œsophagiennes
liées au RGO : la muqueuse œsophagienne malpighienne est remplacée par un épithélium
métaplasique glandulaire comportant une métaplasie intestinale spécialisée (avec cellules
caliciformes). Elle se présente endoscopiquement sous la forme d’un manchon circonférentiel
ou de languettes.
La prévalence de la muqueuse de Barrett est élevée chez les sujets ayant une endoscopie
pour RGO: environ 1% ont une muqueuse de Barrett > 3 cm (généralement sous forme de
manchon) et environ 10% < 3 cm (généralement sous forme de languettes).
Le RGO est généralement sévère (œsophagite vère associée, reflux quantitativement
important en pH-métrie) en cas de muqueuse de Barrett en manchon de taille > 3 cm, mais les
symptômes de RGO ne sont pas plus sévères qu’en l’absence de muqueuse de Barrett. Il n’y a
pas de symptômes spécifiques de la muqueuse de Barrett qui est découverte soit de façon
fortuite soit lors de l’exploration endoscopique de symptômes de RGO.
Elle prédispose au développement d'un adénocarcinome de l'œsophage dont elle
multiplie le risque par un facteur 30 à 40 par rapport à la population générale.
L’adénocarcinome est précédé par des lésions de dysplasie de bas grade puis de haut grade
qui sont détectées par biopsies. Ce cancer est actuellement rare (environ 1000 nouveaux cas
par an en France), mais son incidence a augmenté de façon très importante ces 20 dernières
années (X 5 à 10). L’âge moyen de découverte est 60 ans, il touche plus les hommes que les
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femmes (4 à 8/1). Il n’y a pas de lien évident avec le tabac et l’alcool. Dans 95% des cas
d’adénocarcinome sur Barrett, la muqueuse de Barrett n’était pas connue avant.
V - EXAMEN CLINIQUE
A - SIGNES FONCTIONNELS
Le diagnostic de RGO est fait à l’interrogatoire chez la majorité des malades. Les
symptômes sont d’intensité variable, depuis leur absence (même en cas d’œsophagite) jusqu’à
des symptômes très invalidants (même en l’absence d’œsophagite). L’évolution des
symptômes est chronique (à vie ?) avec des phases de rémission ou d’amélioration spontanées
et des phases symptomatiques. Certains sujets ont des symptômes quotidiens.
Le signe principal, très spécifique du RGO mais peu sensible, est le pyrosis: douleur à
type de brûlure qui débute en général dans la région épigastrique et suit un trajet ascendant
rétrosternal. Le pyrosis peut être suivi d’une impression de brûlure pharyngée ou même de
l'arrivée de liquide acide dans la bouche (régurgitation acide). Il est souvent déclencpar
l'anteflexion (signe du lacet de soulier) ou par le décubitus, réveillant le malade la nuit. Bien
qu'inconstante, cette influence posturale est très caractéristique du RGO. La douleur peut
cependant être moins suggestive lorsqu'elle n'est qu'épigastrique. La brûlure épigastrique
immédiatement postprandiale peut être l’unique symptôme de RGO. La sédation immédiate
par un antiacide est un signe utile mais non spécifique. Une brûlure rétrosternale peut être
déclenchée par la glutition des boissons alcoolisées, d'aliments acides, plus rarement des
liquides chauds, sans blocage rétrosternal (odynophagie). Les régurgitations peuvent se
produire sans pyrosis.
La dysphagie liée au RGO peut exister même en l’absence d’œsophagite et de sténose
peptique. En général, la dysphagie est modérée, rarement signalée spontanément par le
malade (sauf sténose). Ces symptômes sont intermittents et attribués à des troubles moteurs
œsophagiens.
Les manifestations extradigestives du RGO sont fréquentes : toux, enrouement,
paresthésies pharyngées inexpliquées, otalgies, douleurs thoraciques pseudo-angineuses,
infections broncho-pulmonaires à répétition, asthme. Elles sont soit isolées (de diagnostic
difficile), soit associées à des signes typiques de RGO.
L’hémorragie est une complication qui révèle souvent les œsophagites sévères.
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