économique puisqu'elles sont rémunérées par ceux qu'elles jugent. Cela représente donc un obstacle majeur à
une vérification indépendante.
Par conséquent, seul, un système de vérification par un organisme public peut posséder potentiellement
deux conditions qui sont indépendance et action à large échelle. Cependant, actuellement, les pouvoirs
publics manquent parfois d’indépendance, lorsqu’ils sont inféodés aux acteurs économiques dominants ou
plus ou moins corrompus. Les ONG et les syndicats s’approchent quelque peu des critères d’indépendance
minimum, mais ils ne peuvent exercer une vérification indépendante réelle sur une large échelle, en l’absence
de financement conséquent.
Dans le cadre des projets pilotes de commerce éthique, la campagne Clean Clothes Campain, des sociétés
d'audit sont financées par les pouvoirs publics et contrôlé par des ONG. Ce dispositif tripartite pourrait
remédier aux limites des dispositifs de la seule régulation privée.
La concurrence entre distributeurs peut pousser ceux-ci à abaisser les coûts, donc aussi le rapport
qualité/prix (durée de l'audit/prix de l'audit) et donc sa qualité. Il en est déjà ainsi pour les différents auditeurs
de Max Havelaar, de Step, ou de la Socam de C&A, qui sont déjà poussés à réaliser des audits trop
rapidement et qui deviennent très peu fiables, lorsqu'ils existent, comme nous l'avons mis en évidence
précédemment.
Par exemple au Pays-Bas, le café Ahold labellisé Utz Kapeh (Certification du café) a conquis 12% des
parts de marché et a supplanté Max Havelaar, qui plafonne à 3%, d'après Alternatives Internationales
(novembre, 2004) (Jacquiau, 2006 : 174-176).
En fait en 2006, Flo-Cert disposait de 50 certificateurs, au plan international, pour un million de
producteurs. Cela correspond donc, à 20 000 producteurs par certificateurs, soit 54 producteurs à auditer, par
jour, chaque année, comme s'engage à le faire Flo-cert (sans compter les jours de congé et les temps de
déplacement des auditeurs), ce qui est réellement insuffisant. Le Mexique, par exemple, ne dispose que 2
auditeurs (Jacquiau, 2006 : 340). Or, dans son référentiel, c’est annuellement que Flo-cert s'engage à visiter
les coopératives. Effectivement, cela s'avère un minimum pour une certification sérieuse. A la lumière de ces
éléments, on comprend mieux, pourquoi la certification Flo-Cert a été remise en cause, à plusieurs reprises,
concernant des coopératives exportant des produits labellisés Max Havelaar.
Finalement il existe d’un côté des labels qui affirment être rigoureux (Max Havelaar, Step), mais qui ne
le sont pas véritablement par manque de vérification vraiment indépendante et d’un nombre d’audits
insuffisants. De l'autre côté, il y a des labels pas vraiment fiables, mais presque revendiqués comme tel, à
l'instar de Minga.
Dans ces conditions les consommateurs risquent à terme de rejeter le commerce équitable, s'ils estiment
que les labels ne sont pas à la hauteur de leurs attentes. En l'absence d'un dispositif de vérification vraiment
indépendant, le développement des labels paraît donc condamné à l'échec. Sauf si les consommateurs ne sont
pas trop regardants.
C’est pourquoi à moyen terme le commerce éthique et équitable (en tout cas comme action de démocratie
économique participative) risque de perdre sa crédibilité, donc sa force principale qui se fonde sur la
confiance, la transparence, la croyance en l'indépendance et l'impartialité des labels.
Marketing, partenariat, revendication ?
Il est difficile de concilier une collaboration avec la grande distribution et en même temps une action
revendicative, visant à en dénoncer les limites ou les violations des entreprises. Parce qu'il est difficile d'être
avec et contre, d'être collaborateur et en même temps adversaire. Nous avons vu, auparavant, que c'était la
raison pour laquelle Max Havelaar avait quitté le collectif ESE. C'est aussi une des causes qui a empêché le
collectif ESE, de parvenir à implanter un label social, dans la grande distribution.
En effet, une organisation doit souvent choisir entre ces deux types d'action. La raison principale réside dans
le fait qu'elle change de nature, de fonction. Lorsqu'une association exerce un partenariat de nature
économique (en se rémunérant par des taxes, licences, redevances pour vendre des produits labellisés) elle
devient alors, progressivement, un acteur économique privé. Si elle entend rester une association civique, son
action relève donc de l'interpellation, de la sensibilisation et cela s'accommode mal avec un partenariat
économique et donc une dépendance financière.
Les campagnes de dénonciation des mouvements sociaux se heurtent aux campagnes de communication et
de relations publiques des entreprises qui s'appuient sur une expertise et des ressources financières largement
plus conséquentes. Les relations publiques sont ainsi qualifiées dans les années 1920 "d'industrie du
consentement" (Richter, 2004 : 149). Les relations publiques des entreprises sont, selon Harold D. Laswell,
un de ses théoriciens, "la découverte que la propagande est moins coûteuse que la violence, la corruption, et
autres techniques de contrôle" (Laswell, 1935: 524).
Quant au marketing, il est défini par Keegan et Leersnyder comme une "une démarche qui consiste à
concentrer les ressources et les moyens d'une organisation sur les opportunités et les besoins environnants
(...)". "L'objectif est le profit" (...) grâce "à la politique de produit, de prix, de communication et de