
Réserve fédérale américaine et Banque centrale européenne :
convergences et divergences de natures institutionnelles et politiques
Parfois louées pour leur capacité à prévenir une récession imminente, les banques centrales sont souvent
sévèrement critiquées pour ne pas suffisamment soutenir la croissance. Dans ce contexte, la Réserve
fédérale américaine (FED) et la Banque centrale européenne (BCE), responsables des politiques
monétaires des deux plus grandes puissances économiques mondiales, font l’objet d’une attention
particulière. La FED a été créée en 1913 pour assurer la cohérence de la politique monétaire sur
l’ensemble des États-Unis. En comparaison, la BCE est une institution toute récente puisqu’elle a
commencé à fonctionner à partir de juillet 1998 d’abord pour régler les aspects techniques de la
construction de l’union monétaire puis pour décider de la politique monétaire après le lancement de l’euro
en janvier 1999. Cette différence fondamentale conduit à relativiser les comparaisons trop mécaniques
entre les deux institutions. Il faut effectivement du temps pour qu’une banque centrale rode son
organisation interne et son dispositif de politique monétaire ; il lui en faut également pour asseoir sa
crédibilité aux yeux des marchés et de l’opinion publique. Cependant, cette réserve d’ordre
méthodologique n’interdit pas de tirer des enseignements de l’étude symétrique des deux institutions,
d’autant plus intéressante que si l’action de la FED est traditionnellement associée aux performances de la
croissance américaine et constitue dès lors l’étalon de nombreux commentaires critiques concernant
l’action de la BCE. Cette chronique présente les convergences et divergences entre les deux institutions
mais également entre les politiques que celles-ci mènent. Une attention particulière est portée aux
contraintes propres à la BCE dont l’appréhension est indispensable à toute évaluation de l’action de cette
institution. Enfin, une annexe fait le point sur les modifications très récentes du statut de la Banque
centrale européenne en vue de l’élargissement.
1. DES STRUCTURES COMPARABLES MAIS DES OBJECTIFS DIFFERENTS
1.1. Des structures comparables...
1.1.1. LA STRUCTURE FEDERALE DES DEUX INSTITUTIONS
La FED reproduit, dans le domaine monétaire, la structure fédérale des États-Unis. Le centre de décision
est le Board of governors de la Réserve fédérale, composé de 7 membres, dont un président et un vice-
président désignés par le président des États-Unis et confirmés par le Sénat. À côté de cette structure, le
Banking act de 1933-1935 a créé le FOMC (Federal Open Market Committee) en charge des décisions
essentielles de la politique monétaire et en particulier de la fixation des taux d’intérêt directeurs. Le
FOMC rassemble les 7 membres du board, et les présidents des douze FED régionales. Mais, seuls cinq
parmi ces douze présidents disposent, à tour de rôle, d’un droit de vote. Le FOMC prend ses décisions à la
majorité. De ce fait, le « centre » représente 7 voix et la « périphérie » 5. Pour fixer le statut et les règles
de fonctionnement de la BCE, les rédacteurs du traité de Maastricht se sont inspirés à la fois de l’exemple
de la Bundesbank et de celui de la FED. Il n’est donc pas étonnant de constater certaines similitudes des
deux côtés de l’Atlantique. C’est le Conseil des gouverneurs de la BCE qui, à la majorité simple, arrête la
politique monétaire de la zone euro. Comme le FOMC, il associe des représentants du « centre » et de la
«périphérie », mais dans des proportions différentes. En effet, il rassemble les 6 membres du directoire
(dont le président et le vice-président de la BCE) et les 12 gouverneurs des banques centrales nationales).
Malgré ces similitudes, la BCE n’est pas une entité pleinement fédérale, même si les décisions prises à la
majorité simple par le Conseil des gouverneurs donnent un caractère fédéral à la politique monétaire
européenne. En effet, les banques centrales nationales disposent, dans le contexte européen, de plus de
compétences que les FED régionales aux États-Unis puisqu’elles assurent, en liaison avec la BCE, le bon
fonctionnement des systèmes de paiement. Dans de nombreux États membres, elles remplissent également
un rôle essentiel en ce qui concerne la supervision bancaire et le contrôle prudentiel. Le maintien de cet
équilibre dépendra, à terme, de l’évolution institutionnelle de l’Europe.