L’annonce diagnostique est-elle différente chez le sujet âgé ?
Dr Isabelle PIOLLET-CALMETTE
Médecin psychiatre
Institut Ste Catherine
84000 Avignon
L’annonce d’un diagnostic de cancer vient toucher une personne, dans toute sa globalité
d’Etre, mais surtout dans sa singularité. Ceci suppose de prendre du temps pour cette annonce,
intégré au sein d’un dispositif, où le Plan Personnalisé de Soins et la mise en jeu des Soins de
Support sont censés s’organiser à partir des besoins propres à chaque personne. Pourquoi
s’interroger alors sur une « différence », si la personne est âgée ? Il n’y a pas que l’âge
objectif (celui de l’état civil), ni l’âge biologique évalué par le médecin. Il y a l’âge intérieur
que la personne sent en elle, mais il y a aussi le regard qu’on lui porte, l’âge qu’on lui donne :
tout cela dépend de cette personne ( ici le malade), mais aussi de celui qui pose ce regard (ici
le médecin qui fait l’annonce). C’est bien dans cette intersubjectivité que la question de cette
« différence » nous interpelle en premier lieu.
Poser la question de cette « différence », c’est aussi vouloir évoquer ce que la vieillesse donne
comme spécificité particulière aux temps d’annonce du cancer. Le vieillissement constitue
certes une période progressive d’approche de la mort, mais le cancer vient brusquement
révéler cette imminence. Quand l’intégrité physique et/ou psychique est déjà mise à mal, le
cancer aggrave souvent la perte d’autonomie et la qualité de vie. Quand le vieillissement a pu
être repoussé voire dénié, grâce au maintien d’une vie physique, affective et sociale
satisfaisante, le cancer peut alors casser brutalement cet équilibre, toujours précaire à cet âge.
Face à cette « rupture » engendrée par l’annonce du cancer, les personnes âgées ne sont pas
démunies de capacités adaptatives et la qualité de l’information qui est faite est déterminante
dans ces processus : on fait plus facilement face à ce que l’on connaît. Comme pour toute
personne, l’annonce chez le sujet âgé, devra se faire en se tenant au plus près de ses capacités
à recevoir les informations : que ce soit en terme de capacité auditive, de temps d’intégration
cognitive, d’affirmation suffisante pour poser des questions, ou encore de réactions
émotionnelles parfois particulières à cet âge.
La prise en compte du contexte socio-familial est indispensable dès cette étape. La présence
d’un proche, souvent un enfant, est souhaitable lors des temps d’annonce. Mais il faut se
méfier de la collusion des tiers (famille-soignants) qui peut se faire à l’encontre du patient : la
personne âgée peut être considérée comme trop vulnérable pour supporter le diagnostic, alors
que ce sont peut-être ces tiers qui sont en grande difficulté pour le dire (ou pour l’entendre) !
Le patient alors passif, infantilisé, peut ainsi se trouver au cœur de pieux mensonges. En
dehors de troubles neuro-psychiques majeurs, informer les proches et non le patient équivaut
à priver le sujet âgé à la fois du secret médical auquel il a droit, de son autonomie et de sa
qualité de Sujet.
Au final, au delà de spécificités à connaître pour favoriser une relation empathique, l’annonce
d’un diagnostic de cancer n’a pas à être différente chez un sujet âgé en regard d’une base
relationnelle essentielle : le respect de la personne dans sa singularité, sans que le médecin ne
se fasse piéger par l’intersubjectivité.
«Il est déjà tard mais il est encore temps »