GÉRONTOLOGIE 23 Cardiologie Quel choix thérapeutique ? A vec l’âge, la prévalence des coronaropathies augmente, ainsi que la probabilité de l’apparition de symptômes atypiques. Les lésions anatomopathologiques sont les mêmes que chez l’adulte, à savoir : la fibrose artérielle proliférative, le développement de plaques d’athéroscléroses instables, l’altération de la fonction endothéliale. Réduire les complications Un des objectifs du traitement de l’insuffisance coronaire chez l’adulte est la réduction des complications et de la mortalité, cela grâce au traitement capable de freiner l’évolution de l’athérosclérose. « L’objectif thérapeutique dans l’insuffisance coronaire du sujet âgé est essentiellement de permettre de soulager les symptômes et de mener une vie normale, tout en restant à l’abri d’effets secondaires », estime le Dr C. Guérot (Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris). On retiendra que la correction des facteurs de risque est souvent plus difficile que chez l’adulte jeune, notamment en ce qui concerne les habitudes alimentaires et tabagiques. Il faut toujours encourager à l’exercice physique régulier et modéré (sans efforts intenses). Le traitement de l’HTA devrait être prescrit en respectant certaines règles de prudence, notamment vis-à-vis des chutes tensionnelles et de l’hypotension orthostatique, laquelle peut entraîner des chutes, avec possibilité de déclenchement d’un accident vasculaire cérébral ischémique. L’effet de la correction de l’hypercholestérolémie reste probablement théorique. Selon les conclusions de l’AFSSAPS, l’institution d’un traite- ment avec une statine en prévention primaire après 75 ans ne repose pas sur des données validées. D’ailleurs, avant tout traitement par les statines, il faut réaliser un dosage de la créatine phosphokinase et prendre en considération le risque d’interaction médicamenteuse en cas de coprescription, de certains médicaments cardio-vasculaires ou anti-infectieux notamment. Le Dr Guérot rappelle aussi que l’épreuve d’effort est souvent d’interprétation difficile et qu’il faut se méfier, chez les sujets âgés, des fausses déstabilisations, c’est-à-dire d’une modification de la symptomatologie liée non pas à une évolution des lésions coronaires, mais à des facteurs tels que les thérapeutiques, le stress majoré par les états dépressifs, un impact climatique... Surveillance régulière On entrevoit l’importance de la surveillance clinique et biologique régulière et rigoureuse de la tolérance du traitement cardio-vasculaire quand on sait que, chez le sujet âgé, la iatrogénie est nettement augmentée, les polypathologies plus fréquentes et la fonction rénale souvent altérée. De plus, les dérivés nitrés à fortes posologies et même les formes à libération prolongée sont à éviter. Pour les bêtabloquants, il faut faire attention à la décompensation d’une insuffisance cardiaque jusque-là compensée et inapparente, de la bradycardie, à l’aggravation d’un syndrome dépressif et au retentissement éventuel sur une artériopathie des membres inférieurs. La posologie des anti-calciques doit être réduite et initiée par des doses faibles augmentées très progressivement. En outre, la plupart des associations aux autres familles thérapeutiques sont contre-indiquées. Les effets secondaires de l’amiodarone ne sont pas plus marquées chez le sujet âgé que chez l’adulte ; néanmoins, le retentissement sur la thyroïde peut poser problème. Il ne faut pas perdre de vue également que l’aspirine et les autres anti-agrégants peuvent favoriser la tendance hémorragique. Quant aux associations thérapeutiques, leurs effets bénéfiques sont moins marqués que chez le sujet jeune ; au contraire, les effets iatrogéniques sont plus graves et peuvent entraîner des décompensations vitales. L’association bêtabloquant-vérapamil est formellement déconseillé, mais des complications peuvent aussi survenir avec les associations diurétiques-dérivés nitrés ou bêtabloquants-inhibiteurs calciques. En ce qui concerne l’insuffisance cardiaque, chez les sujets âgés à comorbidité importante, l’objectif prioritaire est l’amélioration symptomatique, en évaluant au mieux le rapport bénéfice/risque. La thérapeutique la plus efficace sur les signes congestifs sont les diurétiques, pour lesquels on recommande la posologie minimale ; ils sont considérés comme indispensables lors d’un épisode de décompensation. En cas de prescription des IEC ou des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, il est recommandé d’augmenter la posologie sous surveillance de la tension artérielle, du ionogramme sanguin et de la fonction rénale. La digoxine reste un médicament souvent utilisé dans l’insuffisance cardiaque du sujet âgé en vue d’une amélioration symptomatique. Ludmila Couturier >> DOSSIER Chez le sujet âgé, les traitements de l’insuffisance coronaire et de l’insuffisance cardiaque doivent tenir compte de la balance entre bénéfices et risques et imposent une vigilance accrue vis-à-vis des effets indésirables. Ces derniers pourraient davantage diminuer la qualité de vie que les manifestations de la maladie, d’autant que la pharmacodynamie des médicaments n’est pas la même que chez les sujets jeunes. Entretiens de Bichat 2005. Professions Santé Infirmier Infirmière N° 66 • octobre-novembre-décembre 2005