Cardiologie - Quel choix thérapeutique

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GÉRONTOLOGIE
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Cardiologie
Quel choix thérapeutique ?
A
vec l’âge, la prévalence
des coronaropathies augmente, ainsi que la probabilité de l’apparition de symptômes
atypiques. Les lésions anatomopathologiques sont les mêmes que
chez l’adulte, à savoir : la fibrose
artérielle proliférative, le développement de plaques d’athéroscléroses
instables, l’altération de la fonction
endothéliale.
Réduire les complications
Un des objectifs du traitement de
l’insuffisance coronaire chez l’adulte
est la réduction des complications et
de la mortalité, cela grâce au traitement capable de freiner l’évolution
de l’athérosclérose. « L’objectif thérapeutique dans l’insuffisance coronaire du sujet âgé est essentiellement de permettre de soulager les
symptômes et de mener une vie
normale, tout en restant à l’abri
d’effets secondaires », estime le
Dr C. Guérot (Hôpital européen
Georges-Pompidou, Paris). On retiendra que la correction des facteurs de risque est souvent plus difficile que chez l’adulte jeune,
notamment en ce qui concerne les
habitudes alimentaires et tabagiques. Il faut toujours encourager à
l’exercice physique régulier et
modéré (sans efforts intenses). Le
traitement de l’HTA devrait être prescrit en respectant certaines règles de
prudence, notamment vis-à-vis des
chutes tensionnelles et de l’hypotension orthostatique, laquelle peut
entraîner des chutes, avec possibilité
de déclenchement d’un accident
vasculaire cérébral ischémique.
L’effet de la correction de l’hypercholestérolémie reste probablement
théorique. Selon les conclusions de
l’AFSSAPS, l’institution d’un traite-
ment avec une statine en prévention primaire après 75 ans ne
repose pas sur des données validées. D’ailleurs, avant tout traitement par les statines, il faut réaliser
un dosage de la créatine phosphokinase et prendre en considération
le risque d’interaction médicamenteuse en cas de coprescription, de
certains médicaments cardio-vasculaires ou anti-infectieux notamment.
Le Dr Guérot rappelle aussi que
l’épreuve d’effort est souvent d’interprétation difficile et qu’il faut se
méfier, chez les sujets âgés, des
fausses déstabilisations, c’est-à-dire
d’une modification de la symptomatologie liée non pas à une évolution
des lésions coronaires, mais à des
facteurs tels que les thérapeutiques,
le stress majoré par les états dépressifs, un impact climatique...
Surveillance régulière
On entrevoit l’importance de la surveillance clinique et biologique
régulière et rigoureuse de la tolérance du traitement cardio-vasculaire quand on sait que, chez le
sujet âgé, la iatrogénie est nettement augmentée, les polypathologies plus fréquentes et la fonction
rénale souvent altérée. De plus, les
dérivés nitrés à fortes posologies et
même les formes à libération prolongée sont à éviter. Pour les bêtabloquants, il faut faire attention à la
décompensation d’une insuffisance
cardiaque jusque-là compensée et
inapparente, de la bradycardie, à
l’aggravation d’un syndrome dépressif et au retentissement éventuel sur une artériopathie des
membres inférieurs. La posologie
des anti-calciques doit être réduite
et initiée par des doses faibles augmentées très progressivement. En
outre, la plupart des associations
aux autres familles thérapeutiques
sont contre-indiquées. Les effets
secondaires de l’amiodarone ne
sont pas plus marquées chez le
sujet âgé que chez l’adulte ; néanmoins, le retentissement sur la thyroïde peut poser problème. Il ne
faut pas perdre de vue également
que l’aspirine et les autres anti-agrégants peuvent favoriser la tendance
hémorragique. Quant aux associations thérapeutiques, leurs effets
bénéfiques sont moins marqués
que chez le sujet jeune ; au
contraire, les effets iatrogéniques
sont plus graves et peuvent entraîner des décompensations vitales.
L’association bêtabloquant-vérapamil est formellement déconseillé,
mais des complications peuvent
aussi survenir avec les associations
diurétiques-dérivés nitrés ou bêtabloquants-inhibiteurs calciques.
En ce qui concerne l’insuffisance cardiaque, chez les sujets âgés à comorbidité importante, l’objectif prioritaire
est l’amélioration symptomatique, en
évaluant au mieux le rapport bénéfice/risque. La thérapeutique la plus
efficace sur les signes congestifs sont
les diurétiques, pour lesquels on
recommande la posologie minimale ;
ils sont considérés comme indispensables lors d’un épisode de décompensation. En cas de prescription des
IEC ou des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, il est recommandé d’augmenter la posologie sous
surveillance de la tension artérielle, du
ionogramme sanguin et de la fonction
rénale. La digoxine reste un médicament souvent utilisé dans l’insuffisance cardiaque du sujet âgé en vue
d’une amélioration symptomatique.
Ludmila Couturier
>> DOSSIER
Chez le sujet âgé, les traitements de l’insuffisance coronaire et de l’insuffisance cardiaque doivent tenir compte de la balance entre bénéfices et risques et imposent une
vigilance accrue vis-à-vis des effets indésirables. Ces derniers pourraient davantage
diminuer la qualité de vie que les manifestations de la maladie, d’autant que la pharmacodynamie des médicaments n’est pas la même que chez les sujets jeunes.
Entretiens de Bichat 2005.
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 66 • octobre-novembre-décembre 2005
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