Démographie Définitions de la vieillesse, du vieillissement

Démographie
La proportion de sujets âgés des pays
industrialisés ne cesse d’augmenter et
conduit au vieillissement de la popula-
tion. Depuis la fin du XVIIIesiècle, on
observe un déclin de la natalité et une
diminution continue de la proportion des
jeunes au profit des plus âgés. Depuis
les années 1970, la baisse de mortalité a
concerné aussi les personnes âgées avec
une espérance de vie qui a augmenté,
les femmes vivant plus âgées que les
hommes. Ainsi, en France, en 2000, il y
avait 108 femmes pour 100 hommes
âgés de 60 à 64 ans, 179 femmes pour
100 hommes âgés de 80 à 84 ans et
325 femmes pour 100 hommes après
90 ans.
Entre 1950 et 2000, la population fran-
çaise s’est accrue de 18 millions de per-
sonnes et le nombre des plus de 60 ans a
doublé tandis que celui des 85 ans ou plus
a quintuplé.
Le meilleur indicateur de santé, l’espé-
rance de vie à la naissance, ne cesse
d’augmenter depuis 1750, et sa crois-
sance s’est accélérée au cours du XXe
siècle.
En France, le Conseil économique et
social a fait effectuer une étude sur les
perspectives démographiques entre
2020 et 2040. La tendance au vieillisse-
ment, tendance lourde, demeure. Entre
1995 et 2040, l’effectif des personnes
de plus de 60 ans augmentera de 45 %,
celui des plus de 75 ans de 240 %.
Définitions de la vieillesse,
du vieillissement
et du malade âgé
La vieillesse
Sa définition peut évoluer selon le point
de vue que l’on a. L’OMS retient le cri-
tère d’âge de 65 ans et plus, âge d’éligi-
bilité pour la pension de retraite. On dis-
tingue alors les personnes du troisième
âge, c’est-à-dire les “retraités” ou les
“jeunes vieux” de moins de 75 ans, des
personnes du quatrième âge ou “per-
sonnes âgées” ou “vieux vieux” de plus
de 75 ans. En pratique, l’âge moyen
constaté dans les institutions géria-
triques est d’environ 85 ans et ne cesse
d’augmenter. Parallèlement, les presta-
tions d’aide et de soins sont en majorité
utilisées par des personnes de plus de
75 ans et leur âge moyen ne cesse d’aug-
menter.
Considérer “le grand âge” comme le
déterminant majeur de la santé dans la
vieillesse est très critiquable puisqu’il
existe de grandes variabilités interindi-
viduelles et générationnelles. Tout dépend
de la perception que l’on a de sa propre
vieillesse et de celle des autres. L’âge
seul pris en compte est un mauvais
reflet des capacités fonctionnelles et
des modes de vie de chacun.
Le vieillissement
C’est un processus universel et inévitable.
Il peut correspondre à l’ensemble des
processus physiologiques et psycholo-
giques qui modifient l’organisme à partir
de l’âge adulte. Il est la résultante des
effets intriqués de facteurs génétiques,
vieillissement intrinsèque ou sénes-
cence, et de facteurs environnementaux
auxquels est soumis l’organisme tout
au long de sa vie. Il s’agit d’un proces-
sus lent et progressif qui doit être for-
mellement distingué des manifestations
des maladies. Au cours du vieillisse-
ment, il existe une très grande variabi-
lité inter- et intra-individuelle qui rend
la population âgée très hétérogène.
Le malade âgé
Du fait du vieillissement et de l’impor-
tance des comorbidités, la survenue de
maladies aiguës peut entraîner, chez le
sujet âgé malade, la décompensation en
cascade d’une ou de plusieurs fonctions.
Ce concept des décompensations de la
personne âgée peut s’expliquer par un
schéma prenant en considération trois
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Le sujet âgé
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n
os
8-9, nov.-déc. 2003
Définitions
et épidémiologie générale
F. Muller, L. Lechowski, L. Teillet*
* Service de médecine gériatrique,
hôpital Sainte-Périne, Paris.
Le sujet âgé
Sexe 1789 1900 1998 2020
Hommes 28 45 74,6 77,9
Femmes 28 49 82,2 86,4
Tableau I. Évolution de l’espérance de vie à
la naissance en France (INSEE).
Année Population totale 60 ans 60 ans 60 ans
ou plus ou plus ou plus
1950 41 647 4 727 1 565 201
2000 59 412 9 444 4 225 1 236
2020 63 453 16 989 6 009 2 099
Tableau II. Population française entre 1950 et 2020, en milliers (INSEE).
éléments qui peuvent se cumuler.
C’est le 1+2+3enseigné par J.P.
Bouchon.
Le vieillissement intrinsèque provoque,
pour chaque organe, une diminution de
sa réserve fonctionnelle sans jamais
aboutir, seul, à une défaillance.
Quelques données de santé
du sujet âgé
Les principales causes de décès
Les principales causes de décès sont les
tumeurs et les affections de l’appareil
circulatoire.
Soixante-cinq pour cent des plus de
65 ans décèdent par cancer. Les cancers
sont sept fois plus fréquents chez les
hommes de plus de 65 ans que chez les
30-64 ans. Chez les femmes, ils sont
seulement quatre fois plus fréquents
après 65 ans que chez les 30-64 ans. La
mortalité par cancer diminue de façon
notable chez la femme de plus de
75 ans alors que chez l’homme, elle ne
fait qu’augmenter. Pour les femmes, les
cancers pulmonaires et hématopoïé-
tiques sont les seuls à augmenter avec
l’âge. Pour les hommes, si les cancers
digestifs ont diminué, les atteintes pul-
monaires, urologiques et hématopoïé-
tiques ont fortement augmenté. Dans
les vingt prochaines années, les cancers
du sein, de la prostate, du côlon et les
lymphomes devraient être les plus fré-
quents.
Après 80 ans, les maladies cardiovascu-
laires sont la première cause de mortalité.
Plus de 70 % des sujets de plus de 65 ans
souffrent au moins d’une affection car-
diovasculaire (HTA : 45 % ; pathologies
veineuses : 30 % ; accidents vasculaires
cérébraux : 22 % ; insuffisance corona-
rienne : 18 %). Même si la mortalité
cardiovasculaire reste élevée chez les
plus de 75 ans, elle est en décroissance
régulière mais à un rythme plus lent que
celle des plus jeunes depuis les années
1980. Cela expliquerait en partie l’aug-
mentation de l’espérance de vie. Cette
mortalité est dominée par les cardiopa-
thies ischémiques et les accidents vas-
culaires cérébraux.
Une autre grande caractéristique avec
l’avancée en âge est l’augmentation des
comorbidités qui fragilisent le sujet très
âgé. Même si la majorité des patholo-
gies augmente avec l’âge, chez les plus
de 80 ans, la fréquence des maladies
ostéo-articulaires n’augmente plus et
celle des maladies endocriniennes
diminue.
Les démences
Avec le vieillissement de la population,
les démences, notamment la maladie
d’Alzheimer qui représente les principales
démences, sont un problème majeur de
santé publique. Nécessitant une prise
en charge médico-sociale très spéci-
fique, la démence devrait être encore
mieux reconnue de tous les profes-
sionnels de santé.
Grâce à l’étude PAQUID (1988), on estime
actuellement en France, la prévalence
de la démence chez les plus de 75 ans
à 17,8 %, soit presque 800 000 per-
sonnes dont plus de deux tiers de
femmes.
Cette prévalence augmente
avec l’âge et
double tous les cinq ans
(6,5 % de 75 à 80 ans, 47 % après
90 ans). Soixante-dix pour cent des
plus de 75 ans vivant en institution ont
une démence.
La dépendance
Les sujets âgés renvoient souvent une
image négative de la vieillesse. Les
maladies et les altérations physiques ou
mentales entraînent progressivement
une dépendance, une incapacité pour
effectuer des activités de la vie cou-
rante. Cette définition limite la dépen-
dance à des besoins physiques et ne
tient pas compte des répercussions psy-
chologiques et sociales pouvant entraî-
ner une “surdépendance”. Il ne faut pas
oublier que la population âgée est un
groupe très hétérogène et que la per-
ception de se sentir en bonne ou mau-
vaise santé reste très variable d’un sujet
à l’autre.
Devant l’accroissement de la population
âgée et l’augmentation de l’espérance
de vie, la population à risque de dépen-
dance ne peut que s’accroître dans les pro-
chaines années. En 1995, sur 8,5 mil-
lions de sujets âgés de plus de 65 ans,
700 000 sont estimés comme lourdement
dépendants. Plus de la moitié d’entre eux
vivent à domicile (SESI, 1998). Selon
l’enquête HID, on estime à 4,2 % les
sujets de plus de 60 ans vivant en insti-
tution. La prévalence de l’institution-
nalisation passe de 0,68 % à 60 ans, à
7,36 % à 80 ans et à 45,5 % à 95 ans.
À partir de 75 ans, les femmes sont plus
nombreuses que les hommes en institu-
tion. Le degré de dépendance est impor-
tant et varie selon le type d’institution :
c’est en unité de soins de longue durée que
le taux de dépendance est le plus élevé.
Plus de la moitié des patients vivant en
institution ont une dépendance d’origine
psychique et un quart d’entre eux sont
grabataires. Concernant les prestations
d’aide versées aux personnes âgées
dépendantes, la PSD (prestation spéci-
fique dépendance) a été remplacée par
l’APA (aide personnalisée à l’autonomie)
depuis 2002. Le montant de cette allo-
cation dépend du niveau de ressources
et du niveau de dépendance.
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Le sujet âgé
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n
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Le sujet âgé
L’évaluation gériatrique
standardisée
C’est une évaluation globale de l’état
de santé de la personne âgée prenant en
compte les problèmes physiques, psycho-
cognitifs, fonctionnels et socio-environ-
nementaux. Elle est fondamentale dans
notre pratique courante et permet d’amé-
liorer, à moyen et long terme, le pro-
nostic vital et fonctionnel, diminuant le
risque d’entrer en institution. Cette éva-
luation repose sur de nombreuses échelles
valides, souvent rapides et simples d’uti-
lisation, et qui permettent, en particu-
lier, de dépister les sujets fragiles. Ces
outils d’évaluation facilitent également
le suivi mettant en avant les déficiences.
L’évaluation aboutit à l’élaboration d’un
programme de soins médico-social indi-
vidualisé respectant le plus possible les
choix du patient et de son entourage.
Même si cette évaluation approfondie
reste pluridisciplinaire, elle facilite la prise
en charge et permet de mieux s’inter-
roger sur les bénéfices et les risques
encourus devant toute décision médico-
sociale (traitements, investigations para-
cliniques, institutionnalisation).
Le déroulement d’une évaluation géria-
trique passe par une évaluation sociale,
puis clinique, et enfin fonctionnelle :
Évaluation sociale : mode de vie, entou-
rage et aidants, ressources, etc.
Évaluation clinique : elle permet de
dépister les comorbidités à haut risque de
décompensation et les grands syndromes
gériatriques. Létat nutritionnel est éva-
lué par la pesée, l’état bucco-dentaire,
et le Mini-Nutritionnal Assesment. L’éva-
luation des fonctions cognitives et thy-
miques repose sur l’interrogatoire du
patient et de son entourage. On utilise
le Mini Mental State de Folstein pour
dépister une démence et la version
brève de la Geriatric Depression Scale
pour dépister un état dépressif. L’éva-
luation des fonctions sensorielles,de
l’équilibre, de la marche et de la sta-
tion unipodale permet de mesurer le
risque de chute. L’évaluation des fonc-
tions sphinctériennes repose sur l’in-
terrogatoire et l’examen clinique.
Il est important d’insister sur le recueil
des médicaments pris (prescrits et en
automédication) afin de dépister les
éventuels risques iatrogènes.
– Évaluation fonctionnelle : l’évalua-
tion de la dépendance repose sur deux
échelles. Les Basal Activities of Daily
Living se limitent aux activités de base
(toilette, habillage, continence, ali-
mentation et locomotion). Les Instru-
mental Activities of Daily Living corres-
pondent à des activités plus complexes
(activités domestiques, gestion du bud-
get et utilisation d’un moyen de trans-
port, etc.).
Si l’on prend en compte cette comple-
xité du sujet âgé et le contexte démogra-
phique global, il importe que l’ensemble
du corps médical soit bien sensibilisé à
une meilleure prise en charge de nos aînés
mais aussi de leur entourage qui tient un
rôle tout à fait primordial puisque parmi
les facteurs prédictifs d’entrée en institu-
tion, il y a l’épuisement des aidants.
Références bibliographiques
Brutel C. Projections de la population
à l’horizon 2050 : un vieillissement iné-
luctable. INSEE Première 2001, N° 746.
Henrard JC, Ankri J. Vieillissement –
grand âge et santé publique. ENSP 2003,
Rennes, 277 p.
Ramaroson H, Helmer C, Barbeger-
Gateau P et al. Prévalence de la démence
et de la maladie d’Alzheimer chez les per-
sonnes de 75 ans et plus : données réac-
tualisées de la cohorte PAQUID. Rev Neurol
2003 ; 159 (4) : 405-11.
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