CHAPITRE 4 CINÉTIQUE FORMELLE DE RÉACTIONS COMPLEXES Préambule/Objectifs Dans le cas de réactions plus complexes, mais somme toute vraisemblablement les plus fréquentes, quelles sont les relations mathématiques qui traduisent le mieux les observations faites dans le cas de réactions successives, parallèles, en chaîne,...? Objectifs spécifiques - Appliquer les formes différentielles et intégrales des expressions de vitesse aux réactions complexes. - Comprendre et être capable de modéliser mathématiquement les mécanismes de réactions successives, de réactions à l’équilibre, de réactions opposées, parallèles, de réactions en chaîne. - Comprendre l’utilité de l’état stationnaire, ses limites d’applications, et savoir quand et comment l’utiliser. ______________________________________________ 1. Introduction Le chapitre précédent a montré la principale classification des réactions chimiques selon leur ordre ainsi que les conséquences pratiques. Bien sûr, les réactions ne sont pas toutes aussi simples que cela. Si les réactions globales sont toujours constituées d’une suite de réactions élémentaires, le résultat est un mécanisme le plus souvent très diversifié, complexe qui se traduit par une équation de vitesse, elle aussi, pas nécessairement simple. Ce chapitre est constitué de quelques exemples que l’on peut dire typiques. 2. Les réactions successives C’est le cas du mécanisme Soit à étudier les réactions d'hydrolyse d'un diester. La réaction d'hydrolyse d'une première fonction ester est représentée par : réaction suivie de l'hydrolyse de la seconde fonction ester : Figure 4.1. Réactions consécutives : variations des concentrations. En partant du composé A pur, on peut prévoir une variation de la concentration des composés, A, B et C telle qu’indiquée dans la figure 4.1. La loi de vitesse [A] = ƒ(t) impose son allure à l’ensemble réactionnel. Supposons que cette réaction soit d’ordre 1. Dans le cas présent, expérimentalement, cela pourrait arriver lorsque la concentration des ions OH est beaucoup plus grande que celle du diester, ou encore lorsque le pH est tamponné. Revenons au cas général : Les équations de vitesse s’écrivent, en n’oubliant pas que si B est formé à partir de A, il disparaît aussi pour former le produit final C : La solution de la première équation différentielle a déjà été faite : [A] = a ek1t En remplaçant cette valeur dans la deuxième équation différentielle, on obtient : En multipliant les deux termes de cette équation par ek2t, on obtient : Le terme de gauche de cette équation correspond à la dérivée par rapport au temps t du produit [B] ek2t. Par conséquent, Pour déterminer la valeur de la constante, on la calcule aux conditions particulières à t = 0 : [B] = 0. À tout moment, [A] + [B] + [C] = a. Donc, [C] = a [B] [A]. En remplaçant les valeurs des concentrations de A et de B, tout juste calculées, on obtient celle de C. En résumé les concentrations de A, x, de B, y, et de C, z, suivent les lois suivantes : x = k1 [A], si k2 k1 y = z = x0 y = Dans les relations qui précèdent, xo est la concentration initiale du réactif A. Dans le cas rare où k2 = k1 les relations précédentes se récrivent ainsi : x = k1 [A] y = a k1 ek1 t Figures 4.2. Variations des concentrations dans les réactions consécutives A B C. Note : A : k2 >> k1 ; B : k2 = k1 ; C: k2 << k1. Trois cas de figure sont représentés à la figure 4.2. Le premier cas, (figure 4.2.A), est celui où k2 >> k1. Dans ce cas, la réaction la plus lente est la première étape : B se transformant en C plus rapidement qu’il n’apparaît, sa concentration demeure faible. Dans le cas où k2 << k1 , c’est évidemment la situation inverse, (figure 4.2.C), et l’étape déterminante, limitante étant la seconde étape, la concentration de B rejoint presque la concentration initiale du constituant A. Revenons au cas où la constante k2 est beaucoup plus grande que la constante k1. On atteint une forme d’équilibre de la concentration de l’intermédiaire B. Cet équilibre est appelé séculaire justement parce que c’est le type de réactions typique des concentrations de divers k1 t éléments inclus dans des familles radioactives. Puisque k2 >> k1, ek t << e et k2 k1 k2. En remplaçant dans l’expression de la concentration de B calculée plus haut, on obtient : 2 Cela implique que la formation de C dépend de la vitesse de formation de B. Dans ces conditions on dit que l’étape A B est l’étape déterminante. C’est l’étape la plus lente qui impose sa vitesse à l’ensemble réactionnel. 3. Les réactions à l’équilibre L’approche thermodynamique Considérons la réaction à l’équilibre suivante: aA+bB. .. mM+nN+ ... Si la vitesse de la réaction R écrite de la gauche vers la droite, la vitesse de disparition des réactifs, est : dR / dt = k [A]a [B]b et si la vitesse de la réaction R' écrite de la droite vers la gauche, la vitesse de formation des réactifs, est : dR ' / dt = k' [A]m [B]n alors, l’équilibre cinétique qui s’exprime par le fait qu’à l’équilibre les vitesses des réactions de gauche vers la droite et de droite vers la gauche sont égales. Donc, k[A]a[B]b = k' [M]m[N]n De cette expression, on tire : On sait par contre que l’équilibre thermodynamique exprimée par la loi de l’action de masse est : Dans cette relation, K est la constante d’équilibre thermodynamique. De ces deux dernières expressions on peut déduire que K = k / k' Cette équation représente l’expression cinétique de la constante d’équilibre thermodynamique. Cette expression n’est valable que si les ordres partiels des réactions directe et inverse ne sont pas quelconques par rapport aux coefficients stœchiométriques de la réaction à l’équilibre. L’exemple de l’équilibre suivant : H2 + I2 2 HI permettra de préciser les conditions où l’équation précédente s’applique. Les études cinétiques ont montré que la réaction directe et la réaction inverse de cet équilibre sont l’une et l’autre élémentaires. Elles suivent donc la loi de Van’t Hoff : dR / dt = k [H2] [I2] et dR' / dt = k' [HI]2 L’équilibre cinétique donne donc : Dans cette expression, le membre du centre représente l’expression de la loi d’action de masse. Ce résultat relève d’un cas spécifique et il n’est vrai que parce que les réactions dans les deux sens sont des processus élémentaires pour lesquels l’ordre et la molécularité se confondent. Ce n’est que dans ce cas que la relation s’applique. Par exemple, pour l’équilibre impliquant le bromure d'hydrogène : H2 + Br2 2 HBr on a vu que les réactions donnant l’équilibre sont très complexes. On ne peut, par conséquent, appliquer à cet équilibre le rapport des constantes de vitesse des réactions directe et indirecte pour obtenir la constante K de l’équilibre thermodynamique. En d’autres termes, cela n’est possible que si les coefficients stœchiométriques sont égaux aux ordres de réaction Il est important aussi de mentionner une autre conséquence qu’il est possible de déduire de la thermodynamique et qu’on appelle le principe de micro réversibilité. De ce principe, il découle que dans une réaction réversible dont les deux membres représentent des réactions qui peuvent se faire en une ou plusieurs étapes, le chemin suivi par la réaction directe est celui que suivra en sens opposé la réaction inverse. Par exemple, si un catalyseur favorise la réaction directe d’un équilibre, il favorisera également la réaction inverse. Autre exemple : Soit la conversion de l’hydrogène para en hydrogène ortho. La molécule d’hydrogène est constituée de deux atomes d’hydrogène dont les spins nucléaires peuvent être orientés de façon parallèle (hydrogène ortho) ou anti-parallèle (hydrogène para). On observe que la loi de transformation de l’hydrogène para en hydrogène ortho suit la loi suivante : v = k [H2(para)]3/2 avec H2 (para) H2 (ortho) Le mécanisme retenu est le suivant : H2(para) 2 H· équilibre rapidement, atteint suivi de H2(para) + H· H2(ortho) + H· réaction lente (k') La réaction lente impose sa vitesse à l’ensemble, de telle sorte que : v = k' [H2(para)] [H·] Comme : v = k' KT [H2(para)] 3/2 On retrouve bien l’expression de vitesse expérimentale. 4. Les réactions inverses simples (ou encore opposées à l’équilibre) a- Les conditions à l’équilibre sont connues Pour illustrer le principe de fonctionnement de la cinétique des réactions inverses, considérons le cas simple d’un équilibre où les deux réactions inverses sont du premier ordre et ne mettant en jeu qu’un réactif A et un produit B. A B Si on pose qu’au début de la réaction on est en présence du réactif A seulement, alors la concentration initiale du réactif A sera a et celle du produit B sera 0. Après un certain temps t, la concentration de A sera ax si on suppose que celle de B est au même moment égale à x. La vitesse de la réaction directe, c’est-à-dire, la vitesse de disparition de A s’il n’y avait pas de réaction inverse, est égale à k(ax). De façon analogue, la vitesse de la réaction inverse, c’est-à-dire, la vitesse de régénération de A si on ne considère pas la réaction directe, est égale à k' x. La vitesse nette de transformation de A ou de production de B sera à tout instant la différence entre la vitesse de la réaction directe et la vitesse de la réaction inverse : [A] dx / dt = k (a – x) k' x À l’équilibre, la vitesse nette de transformation devient nulle: il se forme autant de A qu’il en disparaît. Les concentrations de A et de B ont alors atteint leurs valeurs à l’équilibre et on caractérise cette situation en posant x = xéquil. D’où, à l’équilibre : dx / dt = 0 = k (a – xéquil) k' xéquil C’est-à-dire : k (a – xéquil) = k' xéquil D’où : [B] La valeur de k' tirée de cette équation portée dans l’équation générale de vitesse, équation qui la précède, permet de trouver : dx / dt = k (a x) Après séparation des variables, l’intégrale s’écrit : [C] L’intégration de l’équation [C] donne alors : [D] équation qui peut aussi être écrite ainsi : [E] (k + k') t = Car, d’après l’équation [B], (k + k') = (k a/ xéquil). L’équation [E] écrite sous forme exponentielle est : [F] x = xéquil ( 1 – e(k + k' )t) De façon pratique, xéquil est déterminée par une mesure de la concentration du réactif ou du produit à l’équilibre. La constante de vitesse peut ensuite être déterminée par l’étude de la variation de la concentration x en fonction du temps. On peut alors calculer k¢ et la constante d’équilibre K s’il y a lieu d’appliquer la relation K = k/k'. b- Les conditions à l’équilibre sont inconnues Abordons le même problème en indiquant que cette fois les conditions à l’équilibre ne sont pas connues. La cinétique de disparition du réactif A doit tenir compte de la vitesse avec laquelle ce constituant est transformé en produit B, mais également de la vitesse avec laquelle le produit B se transforme en A. Initialement, supposons que le réactif A est pur : [A] + [B] = a d[A]/dt = k[A] k' (a [A]) Les conditions au temps initial permettent d’évaluer la constante : Avec t = 0, [A] = a (k + k')[A] = k' a + k a e(k + k') t Lorsque le temps tend vers l’infini, donc lorsque le système tend vers l’équilibre, La constante thermodynamique à l’équilibre, Kéquil, est telle que Il est bien évidemment heureux que l’on retrouve la condition de l’équilibre thermodynamique ! c. Pour une réaction du type A + B C Il est encore possible de définir les constantes k et k’ en fonction des conditions opératoires : Conditions Conditions Conditions Constituants au temps t à initiales = t l’équilibre A a a–x a – xéquil B a a–x a – xéquil C 0 x xéquil On montre que, après intégration, = kt d. Pour une réaction du type A + B On montre par une approche similaire que C + D = k t 5. Les réactions compétitives en parallèle Elles sont du type à réactif(s) commun(s) (A* représente une molécule activée) et peuvent schématiquement se décrire selon l’une des quatre propositions qui suivent. La molécule A* activée peut former deux produits dans deux réactions simultanées et indépendantes l’une de l’autre. Cela suppose sans doute que les hauteurs des barrières de potentiel de chacune des deux réactions sont similaires. Le deuxième et le troisième cas de figure font intervenir une tierce molécule soit pour l’une ou pour les deux réactions. On verra plus tard un diagramme d’énergie potentiel (figure 8.3) qui peut traduire l’un de ces cas d’espèces. Exemple (à réactifs différents) : 3 HNO3 + NO2C6H5 méta--(NO2)2 ortho--(NO2)2 k2; k1; 93 % 7% Les deux réactions sont du 2e ordre et ont des constantes de vitesse k1 et k2; et la vitesse de disparition de mononitrobenzène est aussi du 2 e ordre. dx / dt = (k1 + k2) (a x) (b x) (k1 + k2) t = Applications : À partir du mélange stœchiométrique (3 moles d’acide nitrique et 1 mole de mononitrobenzène), on note que la moitié du mononitrobenzène a disparu après 20 minutes de réaction. Évaluer les constantes k1 et k2. Résultats : k1 = 1,17 102 Autre exemple du type et k2 = 0,09 102 mole1·min1 A + B M en parallèle avec B + B N : On fait un mélange équimoléculaire d’acroléine et de 1,3-butadiène à 330 °C et sous une pression d’un atmosphère. Après 40 minutes, on constate que 78,7 et 64,9 % respectivement du butadiène et de l’acroléine ont disparu à travers les réactions de condensation de type DIELS-ALDER. Calculer les constantes de vitesses des deux réactions : Soient a et b, respectivement, les concentrations initiales d’acroléine et de butadiène et y et x les concentrations de cyclohexène méthanaldéhyde et de vinylcyclohexène après un temps t. Supposons en outre que a = b et que, de plus, avec un taux de transformation faible : 2 x << b –y: v = k1 (a y) (b y 2 x) k1 (a y)2 et v2 = k2(b y 2 x)2 k2(b y )2 k1 = 0,115 atm1 · min1 et k2 = 0,012 atm1 · min1 6. Les réactions complexes On remarque que plus le mécanisme réactionnel se complique, plus les solutions mathématiques deviennent complexes. Pour les mécanismes très complexes, il faut soit trouver une solution numérique, soit utiliser une approximation raisonnable. C’est l’objectif de l’approximation de l’état stationnaire encore appelé le principe de quasi-stationnarité des concentrations des espèces réactives. L’approximation de l’état stationnaire s’applique lorsque, durant la majeure partie de la réaction, la concentration des intermédiaires réactionnels est constante et faible. On en a vu un aperçu dans le traitement de deux réactions successives lorsque l’étape déterminante est la plus lente : k1 << k2 (section 2 de ce chapitre). La concentration de l’intermédiaire B est apparemment constante. Voyons ce que cela implique pour ce type de réactions successives. La concentration de B est telle que : d[B] / dt = k1 [A] k2 [B] Dire que la concentration de B, [B], demeure constante implique que d[B] / dt = 0 Donc, k1 [A] = k2 [B], et comme d[C] / dt = k2 [B] En remplaçant la valeur de la concentration de A par sa valeur, Par intégration, on obtient : Pour les fins du calculs, le système est analogue à un système dans lequel A donne B sans intermédiaire. Exemple : Soit la dismutation du pentoxyde d’azote en phase vapeur. Le mécanisme réactionnel retenu est le suivant : constantes de vitesse N2O5 NO3 + (NO2) NO + N2O5 NO2 + NO3 NO + O2 + (NO2) 3 NO2 k2 k3 Globalement : 2 N2O5 4 NO2 + O2 kexp On ne connaît rien des rapidités relatives de chacune des réactions. Pour résoudre ce système on fait appel au principe de quasi-stationnarité des concentrations des espèces réactives. En d’autres termes on suppose que dans un tel système une espèce réactive est rapidement formée, atteint une concentration qui reste constante pendant tout le temps que dure la réaction. Appliquons ce principe à l’espèce NO3 . Cela signifie que, en stationnarité, la vitesse de formation de cette espèce est égale à sa vitesse de disparition. Apparition : vapp. = Disparition : vdisp. = Comme vapp. = vdisp. La vitesse de la réaction globale peut se définir par rapport à la vitesse de formation de l’oxygène moléculaire : v = d[O2]/dt = k2 [NO3] [NO2] = où = kexp [N2O5] kexp = La réaction est d’ordre 1 par rapport à la concentration du pentoxyde d’azote. 7. Les réactions en chaîne linéaire Soit la réaction de synthèse du bromure d’hydrogène H2 + Br2 2 HBr on montre expérimentalement que la loi expérimentale de vitesse est de la forme : Le mécanisme proposé (processus thermique) est le suivant : [1] Br2 + M 2 Br· + M k1 Étape d’initiation ou d’amorçage [2] Br· + H2 HBr + H· k2 [3] H· + Br2 HBr + Br· Ces trois étapes constituent des k3 [4] H· + HBr H2 + Br· k4 [5] 2 Br· + M Br2 + M k5 étapes de propagation de chaîne Étape de rupture de chaîne Figure 4.3. Schéma réactionnel de la synthèse du bromure d’hydrogène. Ce mécanisme est dit en chaîne. En effet, une fois amorcé, une fois la présence de quelques atomes de brome réalisée (réaction [1]), la réaction [2] apparaît et forme des atomes d’hydrogène. Ceux-ci, à leur tour, provoquent la réalisation de la troisième étape, étape qui régénère des atomes de brome. On est alors en présence de ce qu’on appelle en programmation une boucle qui ne s’arrête que par disparition de l’un des réactifs. Cette disparition intervient le plus souvent par recombinaison des espèces réactives. Les atomes d’hydrogène et de brome sont appelés des porteurs de chaîne. Pour essayer de retrouver la loi expérimentale de vitesse appliquons le principe de quasi-stationnarité (encore appelé l'approximation de l'état quasi stationnaire) aux deux espèces réactives que sont les atomes de brome et d’hydrogène. d[Br·]/dt = 0 = 2 v1 v2 + v3 2 v5 d[H·]/dt = 0 = v2 v3 v4 0 = 2 k1 [Br2] [M] k2 [Br·] [H2] + k3 [H·] [Br2] + k4 [H·] [HBr] 2 k5 [Br·]2 [M] 0 = v2 v3 v4 = k2 [Br·] [H2] k3 [H·] [Br2] k4 [H·] [HBr] On suppose donc qu'après une période initiale très courte, on atteint un régime de croisière durant lequel les concentrations des porteurs de chaîne demeurent "quasi stationnaires" jusqu'à la période finale où, les réactifs s'épuisant, la réaction en chaîne s'éteint d'elle même. En additionnant ces deux dernières équations, on observe que : 0 = 2 k1 Br2] [M] 2 k6 [Br·]2 [M] [Br·]2 k1 [Br2] [M] = k5 [Br·]2 [M] = ( k1 / k5 ) [Br2] Cette équation n’est rien d’autre que la loi d’action de masse de la réaction : [6] M où Br2 + 2 Br· +M KT = De plus, la vitesse globale de la réaction peut être mesurée par rapport à la formation de HBr : d[HBr]/dt = v2 + v3 v4 et comme d[H·]/dt = 0 = v2 v3 v4 d[HBr]/dt = 2 v3 = 2 k3 [H·] [Br2] La vitesse globale de la réaction est égale à deux fois la vitesse de la réaction élémentaire [3]. Cela est convenable, puisque à chaque fois que cette réaction se réalise, elle est suivie de la réaction [2] qui produit aussi le bromure d’hydrogène. Il faut encore expliciter [H·] pour pouvoir établir complètement la vitesse de formation de HBr. À partir de l’équation exprimant la quasi-stationnarité de la concentration en atomes d’hydrogène, on obtient : En divisant par k3 [Br2] le numérateur et le dénominateur de cette dernière fraction, on obtient : Discussion : choix du mécanisme Comme réaction initiale possible, on aurait pu prendre aussi : [7] H2 + M 2 H· + M , H = 432,2 kJ·mol1 alors que [8] Br2 + M 2 Br· + M , H = 192,3 kJ·mol1 Il est évidemment plus facile de rompre une liaison Br-Br que H-H. Comme étapes de propagation, on aurait pu aussi retenir les suivantes : [9] H· + H2 [10] Br· + Br2 [11] Br· + HBr H2 + H· Br2 + Br· HBr + Br· Ces trois réactions ne changent rien aux bilans de matière [12] Br· + HBr Br2 + H· Réaction endothermique [13] H· + H· + M H2 + M [14] H· + Br· + M HBr + M Réactions efficaces seulement à très hautes pression Note : [15] H· + Br· H = 364,9 kJ·mol1 HBr* Compte tenu de sa très grande exothermicité (formation d’une molécule HBr* vibrationnellement très chaude), cette réaction est immédiatement suivie de son inverse. Note : Compte tenu de la nature en chaîne linéaire du mécanisme réactionnel, la réaction globale du mécanisme se réduit à la somme des réactions incluses dans l’étape de propagation de chaîne. Cela revient à reconnaître qu’en termes de bilans, les réactions d’amorçage et de rupture de chaîne sont négligeables ou de peu d’importance quantitative. Cas de HI. Après le travail de BODENSTEIN, la synthèse de l’iodure d’hydrogène était expliquée sur la base du mécanisme bimoléculaire en une étape. [16] H2 + I2 2 HI. Cependant, déjà en 1934, ROSENBAUM s’est aperçu que l’addition de HI augmente considérablement la vitesse de l’interconversion de l’hydrogène para en hydrogène ortho (voir plus haut dans ce chapitre). On a alors supposé que des atomes d’iode catalysent cette interconversion. En 1955, BENSON a montré que la température a un effet important sur l’énergie d’activation des deux processus inverse et directe de la réaction décrite ci-dessus. Il suggère alors un mécanisme similaire à celui prévalant pour la synthèse du bromure d’hydrogène. En 1967, SULLIVAN a proposé un mécanisme en chaîne : VHI La loi de vitesse devient : = 2 k20 K17 [I2] [H2] VHI = 2 k20 K17 [I2] [H2] = kexp [I2] [H2] Le mécanisme est en accord avec la loi expérimentale de vitesse. 8. Les réactions en chaîne ramifiée i. réactions: en chaîne ramifiée Dans l’exemple de la synthèse du bromure d’hydrogène, la chaîne est dite linéaire car dans les étapes de propagation un porteur de chaîne est remplacé par un porteur de chaîne. Il existe des cas où un porteur de chaîne est remplacé par deux porteurs. La chaîne réactionnelle est alors appelée une chaîne ramifiante. Soit la réaction d’oxydation de l’hydrogène : [1] 2 H2 + O2 2 H2O réaction globale qui peut se décomposer : [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] H2 + O2 H· + O2 O· + H2 ·OH + H2 H· + O2 + M H· + OH + M H· + H· + M HO· + H· ·OH + O· ·OH + H· H2O + H· HO2· + M H2O + M H2 + M amorçage propagation ramifiante propagation linéaire rupture de chaîne Il faut aussi ajouter des réactions de diffusion de porteurs de chaîne vers les parois du réacteur. [9] [10] [11] HO2· + parois H· + parois OH· + parois disparition des porteurs de chaîne ou des centres actifs L’importance de chacune des réactions de propagation et de terminaison varie avec la pression dans le réacteur (figure 4.4). Les réactions [3] et [4] provoquent la divergence dans la chaîne, et sous certaines conditions la réaction devient explosive. À 800 K, sous une pression de 1 Torr, la rupture de chaîne a lieu par diffusion des porteurs de chaîne vers les parois du réacteur (point A de la figure 4.4). À la même température, sous 10 Torr, la propagation est prépondérante sur cette diffusion et le système explose grâce aux réactions ramifiantes (point B). À 200 Torr, les réactions thermoléculaires, d’ordre trois, deviennent prépondérantes par rapport aux réactions de propagation. On se trouve alors dans une zone de stabilité cinétique du système. Il évolue lentement vers la formation de produits. La vitesse de réaction globale est contrôlée par la réaction d’amorçage (point C). À 800 K et sous une pression de 10 000 Torr, 13,3 atmosphères, la compression provoque un échauffement qui favorise la réaction d’amorçage et l’explosion. Plus exactement, l’accumulation de chaleur est plus rapide que sa diffusion vers les parois et le système explose (point D). Figure 4.4. Cinétique d’oxydation du mélange H2 - O2(2 : 1). Zones stables et instables du mélange. Figure 4.5. Variation de la vitesse en fonction de la pression. Conclusions - Chaque cas est un cas d’espèce, résultant d’une combinaison, le plus souvent complexe, de réactions d’ordre simple. Problèmes. 1- Une substance A se décompose en deux autres substances M et N par réactions simultanées: A M A N avec une constante de vitesse k1 avec une constante de vitesse k2 Le rapport k1/k2 est égal à 10 à 10 °C et 0,1 à 40 °C. Quelle est la différence d’énergie d’activation entre ces deux processus ? 2- La décomposition thermique du vinylcyclobutane (VcB) conduit aux deux réactions suivantes : VcB VcB C2H4 + CH2=CH-CH=CH2 constante k1 cyclohexène constante k2 Ces constantes de premier ordre ont été mesurées, (s1), à diverses températures : T (°C) 104 k1 104 k2 T (°C) 104 k1 104 k2 296,7 0,262 0,151 330,5 3,197 1,776 306,4 0,553 0,337 335,6 4,559 2,411 315,9 1,125 0,656 345,6 8,84 4,72 320,8 1,614 0,900 355,6 17,66 8,73 325,9 2,269 1,299 Frey, H. M. et R. Pottinger, J. Chem. Soc. Faraday Trans., I, 74, 1827 (1978) Calculer pour chaque réaction le facteur de fréquence ainsi que l’énergie d’activation. 3- La synthèse du phosgène à partir de l’oxyde de carbone et du chlore suit la loi suivante : [1] CO +Cl2 COCl· équilibre rapide Montrer que le mécanisme peut être le suivant : [2] [3] Cl2 CO + Cl· + M 2 Cl· COCl· + M équilibre rapide équilibre rapide [4] ·Cl + CO + M COCl· + M étape lente, k4 Exprimez la vitesse de formation de Cl2CO en fonction des constantes d’équilibre thermodynamique K2 et K3 ainsi que de la constante de vitesse k4. 4- On étudie la décomposition du phosgène : [2] [5] [3] Cl2 Cl2CO· + Cl· ·Cl + CO + M 2 Cl· ·OH + COCl· COCl· + M équilibre rapide, K2 étape lente, k5 équilibre rapide, K3 Exprimez la vitesse de décomposition du phosgène en fonction de K2, K3, k5, [Cl2] et de [Cl2CO]. 5- La décomposition thermique de l’isopropénylecyclobutane (iPcB) conduit aux deux réactions parallèles suivantes : iPcB iPcB C2H4 + isoprène 1-méthylcyclohexène constante k1 constante k2 Les grandeurs k1 et k2 sont les deux constantes de vitesse des réactions d’ordre 1. Ces constantes ont été mesurées à diverses températures : T (°C) 104 k1 104 k2 T (°C) 104 k1 104 k2 301,8 0,210 0,147 338,6 3,305 1,992 311,4 0,443 0,280 345,7 5,595 2,959 325,9 1,306 0,785 350,9 7,447 4,115 332,9 2,269 1,269 Frey, H. M. et R. Pottinger, J. Chem. Soc. Faraday Trans., I, 74, 1827 (1978) Calculez pour chacune des deux réactions le facteur de fréquence ainsi que l’énergie d’activation. 6- On se propose d'effectuer la synthèse du bromure d'hydrogène en phase gazeuse par voie photochimique. Le mécanisme réactionnel est similaire à celui proposé pour la synthèse thermique en substituant, toutefois, l'étape d'amorçage par la réaction suivante : Br2 + h 2 Br· (Chapitre 5, paragraphe 6) Calculez la loi expérimentale de vitesse en égalant la vitesse de l'étape élémentaire d'amorçage à l'intensité du flux photonique, Ia, exprimée en nombre de photons par seconde. 7- La réaction de décomposition de l'ozone gazeux se produit à travers le mécanisme suivant : (1) O3 (3) O3 + O O2 + O avec 2 O2 et Établissez la réaction globale de ce mécanisme selon les deux méthodes suivantes : 1- Si la réaction 3 est beaucoup plus lente que ce que demande l'établissement de l'équilibre thermodynamique, établissez l'équation de vitesse de la réaction globale en fonction des constantes de vitesse des étapes élémentaires et des concentrations. 2- En utilisant le principe de quasi-stationnarité des espèces réactives. 8. La pyrolyse du 1,2-dichloroéthane a été étudiée vers 400 ° C. Le mécanisme retenu est le suivant : [1] ClCH2-CH2Cl ClCH2-CH2· + ·Cl, [2] ·Cl + ClCH2-CH2Cl ClCH·-CH2Cl + HCl, [3] ClCH·-CH2Cl ClCH=CH2 + ·Cl, k1 k3 ·Cl + ClCH·-CH2Cl HCl + ClCH=CHCl [4] k2 k4 1. 2. 3. 4. Identifiez la nature du mécanisme réactionnel. Quelle est la réaction globale ? Exprimez la vitesse de réaction globale en fonction des paramètres habituels. Indépendamment, on a obtenu les valeurs suivantes (les énergies sont exprimées en calories) : k1 k2 k3 k4 = = = = 1013 e77 900/RT (s-1) 1010,8 e3 100/RT ( · mol1 · s1) 1013,8 e23 000/RT (s-1) 1011 ( · mol1 · s1) Calculez la valeur numérique de la constante de la réaction globale. 1. Quelle est l'énergie d'activation du processus global du mécanisme proposé ? 2. Calculez les concentrations [·Cl] et [ClCH·CH2Cl]. Est-ce que le mécanisme ci-haut proposé est en accord avec ce résultat ? Expliquez votre réponse. Calculez la valeur numérique de la longueur de chaîne. _____________________________________ AUTRE PROBLÈME (Origine : Université du Québec à Trois-Rivières, prof. René LeSage) 1- Les résultats suivants furent obtenues pour la réaction réversible d’isomérisation cis - trans du stylbène à 280 °C : cis-stilbène trans-stilbène temps (sec) 0 1 830 3 816 7 260 12 006 infini % isomère cis 100 88,1 76,3 62 48,5 17 calculer les constantes de vitesse des réactions directe et inverse. Calculez également la constante d'équilibre thermodynamique. Pour en savoir plus: Laidler, K. J., Chemical Kinetics, McGraw-Hill Book Co., New York, 1965; QD501 L185 Pannetier, G. et P. Souchay, Chimie générale, Cinétique chimique, Masson, Paris, 1964; QD501 P194 Un site web bien fait avec une approche moderne de la cinétique préparé par M. Dominique Lavabre et Mme Véronique Pimienta : http://pagespersoorange.fr/cinet.chim/cours/chap5.html