L`ETAT - Index de Kayan01

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INALCO
DULCO de Chinois
Cours de
M. Laurent Galy
Mme Françoise Kreissler
CHI 013b
Histoire
de la Chine
contemporaine
L’EMPIRE QING A LA FIN DU 19EME SIECLE
C’est un siècle de révolution pendant lequel la Chine a véritablement changé. La République
Populaire de Chine de notre 21ème siècle n’est pas du tout cet empire traditionnel ressuscité.
1
1.1
LA CRISE DE L’EMPIRE CONFUCEEN
L’AUTONOMIE DE LA CIVILISATION CHINOISE
Jusqu’à l’ouverture du début des années 1840, la Chine est une civilisation naturellement
autonome avec « des » civilisations. L’histoire du 20ème siècle est une globalisation, une unification
du monde par l’Occident. Les civilisations non européennes sont altérées. Peut-on dire qu’à la fin
du 20ème siècle il y ait encore des civilisations ?
La Chine est une civilisation avec ses fondements idéologiques, son système de valeurs,
son organisation sociale, ses institutions propres qui diffèrent de ceux de l’Occident.
1.2
L’EMPIRE CONFUCEEN
Il repose sur une conception unitaire du monde. Le Fils du ciel (tianzi 天子) a une
responsabilité cosmologique de l’harmonie universelle entre la nature et la société des hommes.
L’empire repose sur les rites. Le gouvernement des hommes consiste à faire observer les rites (li).
Les relations entre les hommes sont prescrites, ce sont les cinq relations (wu hun) :
- la relation entre le souverain et le sujet
- la relation entre le père et le fils
- la relation entre le frère aîné et le frère puîné
- la relation entre le mari et l’épouse
- la relation entre les amis qui est la seule relation qui se joue sur un pied d’égalité.
Ceci a une influence civilisatrice qui s’exerce par l’exemple d’un comportement vertueux (ganhua).
Cette responsabilité civilisatrice doit s’exercer à l’égard de ceux qui vivent en dehors de l’ère de la
civilisation chinoise, c’est-à-dire les barbares, ceux qui ignorent les rites. Les relations entre la
Chine et les pays étrangers prennent place dans le cadre rituel du système tributaire centré sur la
Chine. Il s’agit de relations inégales entre une puissance suzeraine, en l’occurrence la Chine qui
est le centre de la civilisation et des vassaux que sont les royaumes barbares. Le Fils du Ciel est le
responsable de son empire devant le Ciel, le gouverneur est responsable de sa province devant le
Fils du Ciel, le magistrat d’un xian est responsable de son xian devant le gouverneur provincial, le
père de famille est responsable des membres de sa famille devant le magistrat du xian.
Une série de concours (keju) sanctionne l’étude de la tradition textuelle confucianiste, les
« classiques », c’est-à-dire la conformité à l’orthodoxie confucéenne. Ils sélectionnent une élite à la
fois morale et sociale qui se sent investie de la transmission de la morale confucéenne : les lettrés.
La réussite aux concours mandarinaux permet d’accéder au grade, au statut de lettré qui
s’accompagne d’un certain nombre de privilèges. Le dernier des concours mandarinaux
sélectionne les fonctionnaires de l’empire. Mais ils sont une minorité. Ils sont la clé de voûte de
l’empire confucéen. C’est une élite politique et sociale qui tient son statut de l’Etat. En Europe,
les élites ne tiennent pas leur statut de l’Etat (parfois la noblesse est en porte-à-faux avec le
pouvoir royal). Les lettrés détiennent le savoir, le pouvoir et la terre. Hors, la terre est la source
principale de la puissance économique et sociale de cette société paysanne.
Le statut social est autant la source que le résultat de la puissance terrienne. La classe
dominante chinoise est ainsi plus large que celle des lettrés. Cette classe dominante est désignée
par le terme shen que l’on traduit en anglais par gentry. On peut dire en français une classe de
notables. Cette classe dominante est à la fois rurale (ceux qui dominent dans les sociétés
villageoises) et urbaine (car les villes sont essentiellement les sièges de l’administration). Dans une
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
2
ville chinoise, ceinte de murailles, on trouve les yamen, c’est-à-dire les résidences des
fonctionnaires. Depuis le 18ème siècle, les shen fusionnent avec les marchands. Cette osmose
reflète la montée d’une activité capitaliste très liée à l’Etat. Notamment, les marchands de sel
jouissent du monopole de l’Etat sur ce produit. Cette élite s’urbanise de plus en plus, ce sont les
shencheng. A la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, cette fusion est achevée d’être
réalisée, les shencheng sont désormais les notables urbains. Cette élite exerce les responsabilités
de gestion locale souvent liées aux travaux hydrauliques. Elles lui sont reconnues tacitement par
l’Etat et définissent une sphère des intérêts communautaires. Depuis à peu près 1860, cette
dernière a tendance à s’étendre au détriment de la sphère publique.
Les notables prennent en charge toutes les activités dans les villages. Les fonctionnaires
sont peu nombreux par rapport à la population totale et aux titulaires de grades mandarinaux. La
Chine a peu d’administrateurs, environ 1 pour 100 000 personnes. Or, les lettrés se sentent
investis de la même responsabilité confucéenne de mission civilisatrice que les fonctionnaires. Il y
a une masse de gens inemployés qui prétend faire quelque chose dans l’empire.
L’empire de la fin du 18ème siècle est en crise. Dès le début du 19ème siècle, des réformes
sont proposées. C’est ce que le sinologue américain Philip A. Kuhn appelle le programme
« constitutionnel » chinois (il faut entendre le mot constitution non pas au sens occidental mais au
sens réorganisation de l’empire).
On a vu qu’au sommet de la hiérarchie il y a le Fils du Ciel (l’empereur). Autour de lui se
trouvent la Cour avec les membres du clan impérial (de 700 à 800 personnes), le grand secrétariat
(Neige), le grand conseil (Junjichu) qui est dominé par les personnes importantes du clan impérial.
Puis vient l’administration métropolitaine. La plupart des grands fonctionnaires sont à Pékin. Les
six ministères (liu bu) sont :
- le ministère des fonctionnaires
- le ministère des finances
- le ministère des rites
- le ministère des châtiments
- le ministère des travaux publics
- le ministère de la guerre
Le territoire comprend 18 provinces (sheng) qui constituent la « Chine propre » ainsi qu’un
certain nombre de dépendances comme le Tibet, le Qinghai, la Mongolie intérieure et la
Mongolie extérieure, la Mandchourie et le Xinjiang (Turkestan oriental). En 1833, le Xinjiang est
érigé en province. En 1907, la dépendance de Mandchourie sera divisée en trois provinces. On
passe ainsi à 22 provinces. Chaque province est administrée par un gouverneur provincial (xunfu).
Il y a aussi un gouverneur général ou vice-roi (zhonghu) à la tête d’un ensemble composé
de deux ou trois provinces. Les provinces étaient divisées en circonscriptions (fu) où siégeait une
préfecture, ces circonscriptions étant elles-mêmes divisées en districts (xian). Le nombre de xian
par province est variable. Il peut aller d’une cinquantaine à 130 xian comme c’est le cas au Zhili
(province autour de Pékin).
La province du Sichuan est très étendue et très peuplée. Sous les Qing, il y avait environ
1500 xian. Sous le Guomindang, il y en aura 1925. La plupart des xian compte entre 100 000 et
300 000 habitants. Certains xian sont beaucoup plus peuplés. Dans les années 1930, le xian le plus
peuplé de Chine compte 1 million d’habitants, il se situe dans la province du Jiangsu (au nord de
Shanghai).
Les gouverneurs recourent à tout un personnel de secrétaires, d’agents de police,
d’hommes à tout faire, qui n’étaient pas membres de l’administration et qui n’étaient guère aimés
par les pauvres. Ce sont les lixu, ceux qui aident à prélever l’impôt.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
3
1.3
UNE SOCIETE FONDAMENTALEMENT PAYSANNE
Au 19ème siècle, la population chinoise est estimée à 430 millions d’habitants (autoestimations). Les Chinois sont restés sur ce chiffre pendant au moins un siècle. Il s’agissait
surtout des Chinois habitant dans les zones irrigables (c’est plus difficile de recenser les habitants
dans le fin fond des montagnes). Les paysans représentent plus de 90% de la population. Les
exploitations sont minuscules. Un foyer de paysan est composé de cinq à six personnes. La
superficie de ces exploitations diminue constamment : deux hectares en moyenne dans le Nord et
un hectare dans le Sud. La grande propriété n’existe pas.
Le propriétaire foncier est un paysan propriétaire de terres qu’il n’exploite pas lui-même.
Il se contente de les louer à d’autres paysans. Ces fermages sont ses principales sources de
revenus. Selon une enquête menée pendant la guerre sino-japonaise, la part des terres affermées
c’est-à-dire louées par les paysans par rapport à la superficie totale était de 30 à 35%.
La part des fermiers dans la population totale est elle aussi de 30 à 35%. C’est la moyenne
générale pour l’ensemble du pays avec des différences selon les régions. Dans le Nord du pays, le
bassin du Huang He et la Mandchourie, la part des fermiers est de 10%. Dans le bassin du
Yangzi, elle est de 40% et dans le Sud de la Chine (Guangdong, Fujian) de 76%. Dans le Nord, il
y a plus de paysans propriétaires que dans le Sud. Le prix du fermage est très élevé. Dans les
années 1930, le prix du fermage représentait 44% de la valeur de la récolte. C’est une condition
misérable. Tous les paysans sont pauvres. Les propriétaires fonciers sont juste un peu moins
pauvres que les autres.
Il n’y a pas de marché national en Chine sauf pour quelques rares marchandises parmi
lesquelles l’opium. Le marché national est fragmenté en marchés régionaux pour un certain
nombre de produits comme le sel ou la soie. Cette fragmentation du marché est due à l’arriération
des transports et à leur coût. La Chine dispose certes d’un important réseau de voies navigables
ainsi que des canaux mais les embarcations restent traditionnelles (jonques). Il n’y a pas de routes.
Les moyens de transport traditionnel sont lents et chers. Ce qui pose des obstacles à la circulation
des marchandises, c’est la nature de la société chinoise et son histoire. Les poids et les mesures ne
sont pas unifiés, le système monétaire non plus.
A l’époque, il y avait deux sortes de monnaie en Chine : d’abord la monnaie d’argent sous
forme de lingots qu’on appelle tael (ou liang). Ensuite une monnaie de cuivre (enfilée sous des
ligatures de sapèques). Mais le poids du tael variait d’une région à une autre. Il y avait aussi en
circulation des monnaies d’origine étrangère comme le dollar mexicain. En outre, à cause des
barrières douanières intérieures, les marchands chinois devaient acquitter une taxe (lijin) perçue
sur les marchandises en transit. La taxe est instituée à l’époque de la rébellion des Taiping au 19ème
siècle. La production industrielle en usine est à l’époque insignifiante.
1.4
LA CRISE DE L’EMPIRE CONFUCEEN
Cette civilisation admirable et admirée a atteint son apogée au 18ème siècle sous les Qing.
C’est une dynastie d’origine mandchoue, c’est-à-dire non chinoise (on parle de dynastie allogène).
Le territoire à l’époque s’étend sur 13 millions de km², il s’agit de l’extension territoriale la plus
vaste qu’ait connue la Chine.
Toutefois, le déclin s’amorce dès la fin du 18ème siècle. Au début du 19ème siècle, la
civilisation chinoise est en crise. Cette crise a des racines à l’intérieur. C’est d’abord une crise
démographique : il y a eu une très forte augmentation de population au 17ème et 18ème siècles. C’est
une crise des moyens de subsistance. L’historien américain Mark Elvin a travaillé sur cette
question et parle de piège d’un équilibre à haut niveau : le niveau technique élevé permettant de
nourrir une population très abondante se heurtant à l’impossibilité d’en accroître le rendement
constitue un obstacle à une évolution. Cette crise se manifeste par des rébellions populaires qui
éclatent vers la fin du 18ème siècle.
La fin du règne de Qianlong est marquée par la rébellion de la secte du Lotus Blanc (Bai
Lianjiao). Au début du 19ème siècle, c’est la rébellion de la secte des Huit Trigrammes (Ba guajia).
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Surtout en 1851, c’est la gigantesque révolution des Taiping, qui n’est écrasée qu’en 1864. Ils
avaient voulu rétablir le Royaume céleste de la grande paix qui ébranlait la légitimité de la dynastie
des Qing. Elle a fait 20 millions de morts ! Des régions entières ont ainsi été dépeuplées. Enfin, la
crise est aggravée par l’ouverture.
2
2.1
L’OUVERTURE
L’EXPANSION EUROPENNE
Si l’empire chinois atteint son apogée au 18ème siècle, l’Europe connaît aussi de son coté
une très grande dynamique. Cela débouche sur la modernité classique des 17ème et 18ème siècles. La
révolution industrielle a lieu en Grande Bretagne dès le milieu du 18ème siècle. De même
apparaissent des phénomènes de révolution politique et la volonté de nouvelles expansions outremer.
Cette nouvelle expansion européenne procède au 19ème siècle d’un impérialisme du free
trade qui est une expansion commerciale qui vise le domaine économique. Ce n’est pas encore
l’impérialisme colonial ni une occupation territoriale, qui apparaîtra plus tard à la fin du 19ème
siècle.
2.2
LES GUERRES DE L’OPIUM ET LES TRAITES INEGAUX
L’Europe « ouvre » la Chine. Elle contraint l’empire chinois à établir avec elle des
relations fondées sur le principe du libre-échange. Elle le fait par les armes et les guerres de
l’opium. L’enjeu immédiat est celui du trafic d’opium auquel se livraient les marchands
britanniques de manière illégale (l’opium était prohibé en Chine). La première guerre de l’opium
est conduite par les britanniques entre 1839 et 1842. Ils en sortent victorieux et imposent à la
Chine le traité de Nankin du 29 août 1842.
Puis vient la longue série des autres traités inégaux jusqu’au protocole des Boxers signé en
septembre 1901. Ces traités sont dits inégaux, car ils sont tous fondés sur le principe de
l’extraterritorialité, c’est-à-dire le droit pour un étranger de ne pas être jugé devant la justice
chinoise mais devant une juridiction de son pays, et ce dans tous les procès y compris ceux
engagés par les Chinois. Les concessions sont des quartiers de certaines villes réservées pour la
résidence des étrangers, elles sont établies sur le principe de l’extraterritorialité. Par exemple, une
concession est cédée à la Grande Bretagne à Shanghai en 1843. Elle est devenue par la suite la
concession internationale. Une concession française est établie de même à Shanghai, toujours sur
le principe de ces traités du 19ème siècle.
Mais c’est un principe qui a été imposé par les Chinois aux Occidentaux, dans le sens de
l’attitude chinoise dans ses relations avec les étrangers. Les Occidentaux ont réussi à imposer le
principe d’égalité entre eux et la Chine suite à la seconde guerre de l’opium de 1858 à 1860. La
convention de Pékin signée en 1860 autorise les nations occidentales à installer à Pékin des
missions diplomatiques (ce que la cour avait toujours refusé jusque là).
L’ouverture est donc une intégration brutale de la Chine dans un nouvel ordre mondial,
inventé et dominé par les nations de l’Europe et les Etats-Unis. Cette intégration a été
progressive mais pas immédiate. Il a fallu les deux guerres de l’opium, une série de traités inégaux
qui ont construit entre 1842 et 1901 un cadre pour les relations entre la Chine et l’Occident, le
système des ports à traité. Ce système ne sera démantelé qu’au moment de la Seconde guerre
mondiale.
2.3
LE JAPON ET LE DECLIN DU SYSTEME TRIBUTAIRE
L’ouverture de la Chine mine le système tributaire, qui subsiste cependant jusqu’à la
première guerre sino-japonaise en 1894. Le Japon va jouer un rôle important, il a été « ouvert »
par les occidentaux et les américains. Il a aussi connu les traités inégaux mais il s’en est débarrassé
assez rapidement par sa volonté de se réformer dès 1868 avec l’ère Meiji.
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L’espace chinois se resserre du fait des ambitions européennes et japonaises. Le royaume
des îles Ryukyu (actuelle Okinawa) était dans la mouvance chinoise. Il reconnaissait à la fois la
souveraineté japonaise et la souveraineté chinoise. Il est annexé au début des années 1870 et
devient un département du nouveau Japon.
Il y a eu ensuite l’Indochine qui quitte l’espace du système tributaire chinois lorsque la
France s’en empare. Cela commence au début de 1869 et est définitif en 1885 à la suite de la
guerre franco-chinoise.
2.4
LE RESSERREMENT DE L’ESPACE CHINOIS ET LES AMPUTATIONS TERRITORIALES
Il y a de plus l’amputation territoriale de Hong Kong (suite au traité de Nankin en 1842).
Et en 1860, la Chine cède la péninsule de Jiulong (en face de l’île de Hong Kong). Enfin, la
Russie tsariste impose au Nord-est un bornage des frontières qui ampute le territoire de l’empire
chinois de plus d’un million et demi de km².
3
L’ECHEC DE LA MODERNISATION DE L’EMPIRE CONFUCEEN
La Chine est confrontée à deux crises internes et une crise externe. Pendant longtemps, la
Chine a donné la priorité au front intérieur, c’est-à-dire l’écrasement des rébellions. Ce qui
explique sa défaite de 1860 face aux troupes franco-britanniques.
A partir de 1861, le pouvoir chinois se lance dans une politique de modernisation qui
implique un certain degré de coopération avec l’Occident et d’acceptation occidentale. Jusque là,
le pouvoir chinois était radicalement hostile à tout compromis. Cette politique de modernisation
appelée « mouvement des affaires occidentales » (yangwu yundong) sera poursuivie jusqu’en
1895. Elle consiste en une modernisation de l’armement militaire, la construction d’une marine
moderne et des arsenaux modernes pour la production de fusils, des chantiers navals. Ce sont là
les premières usines chinoises. Mais la modernisation militaire implique une modernisation des
transports et la création d’usines textiles. Il y a un début d’industrialisation de la production,
l’ouverture de nouvelles mines de fer et de charbon exploitées avec les moyens industriels
modernes.
C’est le premier effort de modernisation qui a été interprété et jugé différemment par les
historiens. Mais la défaite de la Chine face au Japon en 1895 en signifie l’échec. L’explication varie
selon les interprétations du mouvement. La tradition confucéenne est trop puissante, elle
empêche les promoteurs de cette politique d’aller jusqu’au bout, ou encore qu’il n’y a pas de
vision nationaliste, ou que la pression des puissances occidentales est trop forte.
A partir de 1870, la Chine est l’enjeu des rivalités et des compétitions. De plus le régime
est autocratique. Telles sont les explications des réformistes. La Chine a échoué là où le Japon a
réussi.
4
LA GUERRE SINO-JAPONAISE
L’enjeu de cette guerre est la Corée. Pendant des années, il y a eu une lutte d’influence en
Corée. La Chine et le Japon se comportaient alors comme des puissances impériales. Cette guerre
se solde par la défaite de la Chine. La flotte japonaise anéantit la flotte chinoise. Le traité de
Shimonoseki du 17 avril 1895 met fin à cette guerre.
La Corée accède à l’indépendance. A quoi s’ajoute la cession de Taiwan et de ses
dépendances (les Pescadores, Penghu, Liaochong et l’extrémité de la Mandchourie). Les
indemnités de guerre s’élèvent à 230 000 taels, et en gage de cette indemnité, le port du Weihai
est cédé (dans le Nord de la province du Shandong).
Les villes portuaires sont ouvertes au commerce international et les Japonais ont le droit
d’y construire des usines ce qui concurrence l’industrie chinoise balbutiante. Ce traité de
Shimonoseki parachève le système des ports à traité et inaugure une nouvelle phase des rapports
entre la Chine et le monde : l’impérialisme à visée territoriale donne le signal d’une accélération de
la pénétration étrangère en Chine. Les puissances réclament et obtiennent de pouvoir construire
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en Chine des voies ferrées, d’établir des zones d’influence politique et économique en se faisant
céder des territoires à bail.
L’Allemagne commence en 1897, se faisant céder à bail le port de Qinglao et la baie de
Jiazhou. En 1898, la Chine cède à bail les territoires du Nord de Jianlong. L’année suivante, la
Russie se fait céder à bail le port de Lüshun (Port Arthur) et de Dalian (Dalny). La baie de
Guangzhou est cédée à la France de même que Fort Bayart. C’est ce qu’on appelle le break-up of
China.
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7
LA FIN DE L’EMPIRE ET LA REVOLUTION DE
1911 (1895-1911)
Le déclin de l’empire mandchou est marqué par « les cent jours », révolte qui échoue. Les
réactions ont été conservatrices. La révolte des Boxers débouche sur une intervention des
puissances occidentales à laquelle se joint le Japon. C’est une nouvelle défaite qui détériore le
statut international de la Chine. La Cour du gouvernement chinois change le fusil d’épaule et
lance une politique de réforme. La centralisation du gouvernement était l’orientation essentielle.
A partir de 1906, cette nouvelle politique connaît une certaine inflexion. La Cour lance une
réforme politique de très grande portée. Au même moment, elle est soumise à la double pression
des réformistes et des révolutionnaires. Tout ce processus va échapper au contrôle de la Cour
pour déboucher sur la révolution de 1911.
1
1.1
LA CRISE POLITIQUE DES ANNEES 1895-1900
LA REVOLTE PROVOQUE UNE CRISE POLITIQUE
C’est un immense bouleversement dans l’opinion. Mais quand on parle ici de l’opium, ce
sont exclusivement les lettrés. Les candidats à l’examen pour l’obtention du grade de jinshi qui se
trouvaient à Pékin dans l’imminence de la session du printemps 1895 signent des pétitions par
lesquelles ils protestent contre le traité de Shimonoseki et dénoncent le négociateur chinois de ce
texte, Li Hongzhang (grand homme d’Etat de la fin du 19ème siècle qui préside aux destinées de
l’empire depuis 1870).
La première des pétitions émane des candidats originaires de la province du Guangdong.
Puis se joignent les autres candidats des autres provinces, qui rédigent leurs pétitions. En moins
de quinze jours, chaque province a envoyé à l’empire une pétition. A peu près 3000 signatures
ont été apposées au bas de ces pétitions. Parmi les pétitionnaires, il faut retenir le nom de Kang
Youwei, un lettré originaire de Canton né en 1858, qui entreprend de fédérer ce mouvement. Il
réunit les pétitionnaires dans un temple à Pékin pour leur faire signer une pétition commune (cf.
Manifeste à l’Empereur de R. Darrobers). Le texte de cette pétition n’est pas parvenu jusqu’en
Europe car il fut bloqué par la censure. 10 000 exemplaires furent imprimés et circulent dans le
pays. Cette pétition contenait des propositions de réformes qui reflétaient les idées de ces lettrés.
Les mesures d’urgences étaient de déplacer la capitale et de renforcer l’armée. Elles sont suivies
d’une énumération de réformes de fond visant à l’enrichissement monétaire du pays par un
système bancaire moderne, la construction de chemins de fer, la création d’une administration
des postes, des politiques d’encouragement des entreprises publiques, des écoles de commerce,
des chambres de commerce, du soutien aux exportations, de réformes institutionnelles comme
l’abolition des concours mandarinaux et la création d’un système éducatif moderne, la
rationalisation de la fonction publique et la suppression de la vénalité des charges, enfin la mise
en place d’un système de consultation du peuple (mais en fait des lettrés).
Les idées de Kang Youwei sont considérées comme hétérodoxes mais elles vont trouver
un écho parmi les jeunes lettrés fonctionnaires qui vont bénéficier du soutien des hauts
mandarins hostiles à Li Hongzhang et à Cixi, l’impératrice douairière, qui exerçait la régence
depuis plusieurs décennies. La défaite provoque la résurgence du réformisme en l’appliquant
d’emblée dans une lutte factionnaire au sommet du régime. Entre 1895 et 1899, les lettrés
réformistes ont la possibilité, grâce à la protection de ces hauts mandarins de propager leurs idées
depuis Shanghai et la province du Hunan où ils ont trouvé un écho favorable. Parmi ces grands
mandarins, il faut retenir les noms de Zhang Zhidong et Yuan Shikai, mais aussi Sun Jianai, Wang
Tongle, Wen Tingshi
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8
1.2
LES CENT JOURS DE REFORME (WUXU BIANFA)
La lutte de faction au sommet débouche sur un édit de l’empereur émis le 11 juin 1898
dans lequel l’empereur Guangxu appelle à mettre en œuvre des réformes tout azimut. Ce parti
suggère de faire appel à Kang Youwei et ses disciples pour mettre en œuvre cette politique de
réforme. C’est un programme qui va durer 100 jours, de juin 1898 à septembre 1898 d’où la
formule des cents jours de réforme (wuxu bianfa). Dans la semaine du 11 juin, l’empire émet des
édits qui bouleversent les institutions traditionnelles dans tous les domaines : les concours
mandarinaux sont abolis, on interdit la coutume du bandage des pieds des femmes, un budget de
l’Etat est institué.
Dès le début du mois de septembre, l’empereur et ses conseillers réformistes s’orientent
vers la création d’une assemblée que Kang Youwei appelle zhiduju (bureau des institutions ou
bureau constitutionnel) mais qu’il faut bien distinguer d’une assemblée parlementaire. Il veut
permettre la participation des lettrés à la vie politique. Mais ce projet suscite une grande hostilité y
compris chez les mentors des réformistes (comme Sun Jianai). L’empereur résistait aux pressions.
Dans un édit du 12 septembre 1898, il fait l’éloge de la civilisation occidentale. De leur coté, les
réformistes décident de mesures contre les opposants. Ils démettent Li Hongzhang de ses
fonctions, décident d’exiler Cixi et condamnent Ronglu à mort. Cixi réplique le 21 septembre en
proclamant la déchéance de l’empereur qu’elle fait enfermer dans une petite île, se déclare régente
et annule tous les édits pris depuis juin. C’est un coup d’Etat !
Les réformistes sont arrêtés et condamnés à mort. Kang Youwei et Liang Qichao (un de
ses disciples) réussissent à s’échapper mais six autres disciples sont arrêtés et exécutés, et parmi
eux Tan Sitong qui s’est laissé prendre afin d’être le martyr du réformisme. Il a été l’auteur d’un
livre : le renxue.
Le réformisme en 1898 ne fait pas encore l’unanimité. Kang Youwei et des disciples ont
buté sur une double opposition : celle des grands mandarins qui ont été offusqués par le projet de
participation de la masse des lettrés (notamment Zhang Zhidong) non par traditionalisme mais
par conservatisme. L’autre opposition vient de la masse des lettrés qui n’est pas acquise aux
réformes. Ils jugent hérétiques les idées de Kang Youwei sur les classiques et Confucius. Le
réformisme procède d’une interprétation particulière des classiques et de la personne de
Confucius en particulier. De plus, la masse des lettrés est choquée par la suppression des
concours mandarinaux dont ils tiraient leur statut. Seule une minorité de lettrés soutenaient les
réformistes : ils étaient des individus en marge du système, dont les ambitions avaient été déçues.
1.3
KANG YOUWEI ET LE PROGRAMME REFORMISTE
Les projets de réforme ne sont pas entièrement nouveaux. Ils ne résultent pas non plus de
l’impact de l’Occident. Il ne faut pas faire de Kang Youwei et de ses disciples des
« occidentalistes ». Ces réformes ne constituent pas un programme d’occidentalisation de la
Chine. Elles résultent d’un débat à l’intérieur de la tradition chinoise. Kang Youwei apporte du
neuf, son programme est plus radical que ce que l’on proposait jusque là en fait de réforme.
Il y a deux axes à son programme : un élargissement de la base par la participation de
masse des lettrés d’une part et d’autre part le thème du suwang (le roi pur). Ce thème est exposé
dans un ouvrage intitulé Kongxi gaishi kao (enquête sur la réforme institutionnelle de Confucius). Il
présente Confucius sous les traits d’un réformiste, comme le souverain idéal. Ceci était subversif
dans le contexte de l’époque.
Le programme de Kang Youwei reste dans la tradition. C’est aller trop loin que de dire
que Kang Youwei propose un régime occidental. Les idées de Kang Youwei sont hétérodoxes du
point de vue de l’orthodoxie confucéenne. Elles bouleversent l’establishment confucéen, ce qui
explique l’opposition à laquelle se heurtent les réformistes. Mais deux ans plus tard, le réformisme
triomphe. Les idées réformistes s’imposeront à toute une génération, jusqu’aux cent jours qui
conduisent le pays à la catastrophe. De 1898 à 1900, au sommet il y a des factions qui plongent le
régime dans la confusion. A la base, c’est la révolte des Boxers.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
9
1.4
LE MOUVEMENT DES BOXERS, 1899-1911
C’est un mouvement capital. Il entraîne une intervention étrangère. Il s’agit d’un
mouvement politico-religieux populaire qui se développe dans la province du Shandong, les
provinces de l’Est de la Chine et le Sud de Pékin.
Le désordre et l’insécurité dont souffrent les campagnes dans cette province où le
banditisme est endémique conduisent les villageois, dès les années 1890, à former des groupes
dont la finalité est l’autodéfense. Ces groupes se livrent à des exercices de qigong et pratiquent
une sorte de boxe chinoise (yihequan, boxe de ceux qui sont unis pour la justice) d’où ils tirent leur
nom de Boxers. Les Boxers sont convaincus que la pratique de leur boxe et de leur qigong les
rend invulnérables, en particulier aux balles. C’est ce caractère qui distingue les Boxers des autres
groupes. Ils pratiquent des rites de possession lors desquels ils entrent en transe. Leurs groupes
sont composés de jeunes paysans, les enfants et les femmes y ont leur place.
Au début, les autorités tolèrent ces groupes. Mais bientôt, ils s’en prennent aux chrétiens
chinois des communautés fondées par les missionnaires occidentaux. Au début, il n’y a pas de
véritable xénophobie mais une assimilation entre les chrétiens et les bandits. Ils provoquent les
missionnaires catholiques allemands dans le Shandong à la pénétration des intérêts germaniques
dans cette province.
En novembre 1897, la Chine cède à bail la péninsule de Jiaoju ce qui relance l’agitation.
Au début de 1898, un groupe de paysans anti-étrangers reprend le nom de Yihequan et adopte un
slogan : Ru Qing mie yang (rétablissons les Qing et exterminons les étrangers). Le mouvement
boxer est devenu anti-étrangers mais pas anti-dynastique. Il s’en prend essentiellement aux
missionnaires étrangers et surtout aux chrétiens chinois convertis. Les massacres attirent
l’attention. L’historiographie communiste a tiré argument d’une supposée filiation entre la secte
du Lotus Blanc qui avait conduit aux 18ème et 19ème siècles des rébellions anti-dynastiques contre
les Mandchous au nom du légitimisme Ming et les boxers du coté de l’anti-mandchourisme et
l’anti-féodalisme pour en faire un mouvement prérévolutionnaire de la révolution communiste
qui a renversé l’ancien régime social .Cette interprétation est contestée car le slogan des Boxers
était de soutenir les Qing.
En octobre 1899, des chrétiens sont massacrés par les Boxers. Le mouvement va
s’étendre rapidement au cours du premier semestre de 1900. Il gagne le sud de la province du
Zhili puis en direction du Nord Tianjin et Pékin. Egalement dans le Henan (Ouest du Shandong)
et en Mandchourie. Toutefois le mouvement des Boxers ne quitte pas la Chine du Nord et il
n’affectera pas le Sud.
Plusieurs facteurs expliquent la progression du mouvement : la sécheresse qui sévit depuis
un an dans la région et provoque la faim, le désoeuvrement, la peur d’avoir faim, l’attitude des
autorités à leur égard, la dynamique du mouvement, totalement sans hiérarchie où la masse joue
un rôle essentiel. Plus les gens sont nombreux, plus le mouvement prend de l’ampleur. Ils
expliquent les problèmes dont ils souffrent par la colère des dieux, réagissant à l’implantation du
christianisme.
En mai 1900, un général de l’armée très hostile aux étrangers, Dong Fuxiang, fait sa
jonction et s’allie aux Boxers. Ensemble, ils organisent le siège du quartier des délégations à
Pékin. Les puissances occidentales réagissent en organisant une expédition militaire internationale
à laquelle participe huit pays : la Grande Bretagne, la France, l’Allemagne, la Russie, l’AutricheHongrie, l’Italie, la Belgique et le Japon (qui envoie le contingent le plus important). Cette
expédition est commandée par un général allemand. En chinois, on donna à cette expédition le
nom de ba guo lianjun (l’alliance armée des huit pays).
L’impératrice Cixi va soutenir les Boxers et déclarer la guerre aux barbares, c’est-à-dire à
l’ensemble du monde. En réalité, il n’y a pas une déclaration de guerre mais un édit dans lequel
Cixi appelle à repousser les barbares. Le siège va durer 55 jours, puis il est levé grâce à
l’expédition internationale qui écrase les Boxers et les troupes chinoises. L’empereur et Cixi
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
10
s’enfuient de Pékin et se réfugient à Chengdi. Cixi confie à Li Hongzhang les pleins pouvoirs
pour les négociations qui aboutissent au traité signé en septembre 1901 : le protocole des Boxers.
Les conditions de ce traité sont dures et humiliantes : il y a obligation faite au
gouvernement chinois de punir tous les mandarins qui avaient soutenu les Boxers, il impose à la
Chine la présence de garnisons étrangères à Pékin et l’occupation militaire de Tianjin et de ses
environs. Enfin le paiement d’une indemnité très lourde de 450 millions de taels, la dette devant
être garantie sur les recettes des douanes maritimes et sur la gabelle. Il y a une détérioration du
statut international de la Chine. C’est le dernier des traités inégaux.
L’insurrection des Boxers a eu une portée considérable. L’occupation de Pékin et de
Tianjin par les puissances militaires a mis celles-ci dans la possibilité, comme elles ne l’ont jamais
été auparavant, d’interférer dans le processus de décision à Pékin et dans les provinces. Le
protocole des Boxers enjoignait explicitement la Cour d’engager des réformes. L’indemnité des
Boxers fut à l’origine d’un grave endettement intérieur de la Chine qui vient s’ajouter à
l’indemnité de guerre due au Japon après la guerre sino-japonaise. Le gouvernement chinois se
trouvait dans la nécessité de rechercher des ressources financières pour payer cette indemnité.
2
2.1
LE MEIJI CHINOIS
LES NOUVELLES POLITIQUES (XINZHENG)
La catastrophe des Boxers conduisit la Cour à un revirement, à un changement radical de
politique. La Cour ordonne en 1901 un nouveau cours qui se traduit rapidement par une réforme
profonde sur les secteurs fondamentaux que sont les systèmes social et politique de la Chine. Ces
réformes ont appelé une nouvelle politique. Ce nouveau cours est ordonné par un édit impérial
en date du 29 janvier 1901 (événement important). Cet édit émane de l’impératrice Cixi. Il définit
ce nouveau cours comme une réorganisation des institutions. Il accepte et affirme la nécessité du
changement, de faire des emprunts substantiels à la civilisation occidentale. Il faut aller aux
fondements du savoir occidental, fusionner le meilleur des deux civilisations chinoise et
occidentale. Quels qu’ils soient, les changements à venir ne devront pas affecter la morale
confucéenne. Cet édit donne l’orientation, il réalise un syncrétisme entre la civilisation chinoise et
occidentale.
L’édit et toute sa politique à ses débuts sont dans la logique de la maxime : Zhongwue wei ti,
xi xuewei yong qui peut se traduire par « le savoir chinois doit être la substance, le savoir occidental
est utilisé ». Il faut préserver l’essence (ti) de la civilisation chinoise. L’auteur de cette formule est
Zhang Zhidong, un partisan des réformes mais dans une perspective conservatrice. L’objectif est
le même que celui du mouvement des affaires occidentales (le Fu guo qiang bing, un pays riche et
une armée forte) : celui de la nouvelle politique.
La phraséologie de l’édit du 29 janvier 1901 est vague mais elle annonce quelque chose
qui va bien plus loin que le mouvement des affaires occidentales de 1860 et de 1895, à savoir des
changements institutionnels mais qui ne sont pas encore précisés (ça reste vague). L’édit
ordonnait aux membres de la haute administration ainsi qu’aux gouverneurs généraux, aux chefs
de délégations chinoises à l’étranger de faire dans les deux mois des propositions de réforme
visant les objectifs suivants :
- renforcer le pays
- former des hommes de talent
- revitaliser l’armée
- augmenter les revenus de l’Etat ce qui est nécessaire au paiement des indemnités dues
au protocole des Boxers et à la défaite dans la guerre sino-japonaise
L’édit insiste sur la nécessité d’aller au fondement du mouvement des affaires occidentales. Il
s’apparente au réformisme (bianfa). Mais ce réformisme du 29 janvier 1901 n’est pas tout à fait
celui de Kang Youwei. Il prend soin de s’en démarquer. Il entend frayer une voie moyenne. Son
inspiration fondamentale est le réformisme modéré de certains hauts mandarins de la Cour dont
le pilier est Zhang Zhedong. Par ailleurs, la nouvelle politique va apparaître comme une imitation
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
11
des réformes mises en œuvre au Japon au début de l’ère Meiji. La nouvelle politique se veut une
imitation des réformes japonaises. Mais les promoteurs de la nouvelle politique n’ont retenu de
l’expérience japonaise que les aspects autoritaires, c’est pourquoi le Japon séduit les dirigeants
chinois de l’époque. En juillet 1901, Zhang Zhedong et un autre mandarin, Liu Kunyi,
soumettent au trône trois mémoires qui, une fois adoptés par la Cour, constitueront le
programme de la nouvelle politique et annoncent les réformes dans les domaines de l’éducation,
de l’armée, de la police, du droit et du système judiciaire.
2.2
LE PROGRAMME CONSTITUTIONNEL (LA REFORME POLITIQUE)
Les réformes sont engagées dans les mois et les années qui suivent. On peut distinguer
deux types de réformes : la réforme de l’Etat, la construction de l’Etat moderne, centralisé et
rationalisé avec un renforcement de la politique militaire, et l’enrichissement du pays. Il y a une
réforme de l’éducation importante car elle apparaît comme la clé de tout. Des édits sont
promulgués en août et septembre 1901 créant un système éducatif intégré, placé sous l’autorité
d’un ministère de l’éducation. Il reproduit le système japonais. Dans les écoles, les programmes
modernes incluent le savoir occidental.
Par ailleurs, dès 1902, la Cour approuve l’envoi d’étudiants à l’étranger qui entrent dans
un programme et principalement au Japon. Le premier contingent est envoyé au Japon dès 1902.
A la fin de la décennie, ils sont environ 20 000. Beaucoup suivent des cursus courts : droit,
sciences politiques, techniques de l’administration (il y avait aussi beaucoup de gens âgés). Ces
gens rentrent très vite, ils peuplent les nouvelles administrations et vont avoir une influence
considérable sur la suite des événements.
La réforme du système éducatif va déboucher sur l’abolition des concours mandarinaux
décrétée par l’édit du 2 septembre 1905 (c’est la fin d’un système qui depuis le 13ème siècle
associait l’activité intellectuelle et le service de l’Etat). L’abolition des concours mandarinaux
signifiait la fin du lettré fonctionnaire. On a désormais d’un coté le fonctionnaire et de l’autre
l’intellectuel.
La dernière étape de la réforme de l’éducation est la logique de centralisation. Elle
substitue la différence entre le titulaire de grades mandarinaux, seul habilité à entrer dans
l’administration et la foule d’employés de yamen (qui n’ont pas le statut de lettré) qui avaient des
compétences techniques en matière d’administration.
Dès 1901 est créé un ministère des affaires étrangères (qui n’existait pas avant) qui avait
été réclamé par les étrangers. C’est une réforme de l’Etat dont l’intention fondamentale est de
centraliser le pouvoir, de renforcer le pouvoir et de rationaliser l’administration. A cela s’ajoute la
création de forces de police modernes et d’un système carcéral de type occidental.
Des politiques sont mises en place dans les xian placés sous l’autorité des magistrats du
xian. Le but était le contrôle plus étroit des populations locales. La contrepartie est l’interdiction
des réseaux de villages, des milices villageoises qui jusque là assuraient le maintien de l’ordre. Ces
milices étaient contrôlées par les notables. Avec ces politiques, le contrôle est à présent exercé par
l’Etat.
La réforme de l’armée : il ne s’agit plus de se contenter d’une modernisation de
l’armement mais de créer une armée modèle (dont l’armée japonaise est l’exemple). Des décrets
sont promulgués en août et septembre 1901 qui abolissent le système des concours mandarinaux
militaires et crée un institut national d’école militaire. De nombreux jeunes gens sont envoyés au
Japon pour être formés dans les académies militaires. De nombreux officiers sont formés au
Japon (certains deviendront des Seigneurs de guerre entre 1919 et 1928, et parmi eux Jiang Jieshi,
futur homme fort du régime nationaliste à partir de 1928). En 1903, une nouvelle armée est créée.
Elle passe sous le contrôle d’un ministère des armées. Mais c’est dans les unités appelées à la
composer, implantées dans le Sud du pays, que se produit la révolution de 1911 (républicains).
L’éveil du nationalisme aidant, l’armée acquiert un prestige dont elle était totalement dépourvue
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
12
dans la Chine traditionnelle (où être soldat n’est pas prestigieux). Tout cela change au début du
siècle. La carrière militaire peut séduire les fils de famille.
Le gouvernement poursuit, en outre, une politique d’encouragement au commerce et à
l’industrie. Elle se développe au niveau de la province, le but étant de reconquérir le marché
chinois, de substituer aux produits étrangers des produits chinois. Tout un mouvement de
promotion des produits nationaux est lancé et piloté par le gouvernement national et les
gouvernements provinciaux : expositions de produits chinois, encouragements aux entreprises.
Les gouvernements provinciaux établissent des entreprises de filatures, verreries, minoteries,
manufactures d’allumettes, de tabac avec les capitaux de l’administration. On assiste au
développement d’un capitalisme bureaucratique qui se poursuit dans les années 1910-1920. Mais
également, des entreprises purement privées apparaissent (au début du 20ème siècle) à Shanghai.
Dans le nord de la Chine, la nouvelle administration est fortement liée à l’administration
capitaliste bureaucratique. A Shanghai, c’est un capitalisme privé. L’idée se répand dans l’opinion
que la Chine livre une guerre commerciale à l’Occident essentiellement sur les marchés nationaux
mais certains entrepreneurs envisagent une expansion outre-mer (ASE).
2.3
LES EFFETS SOCIAUX DES NOUVELLES POLITIQUES
La nouvelle politique eut pour effet d’intégrer à la vie publique les milieux marchands
ainsi que les rangs subalternes de l’élite, c’est-à-dire les diplômés des écoles modernes et les
étudiants venus de l’étranger. La nouvelle politique a pour effet de faire tomber les obstacles
traditionnels à la participation politique de la population. Les entreprises de modernisation de la
vie locale (création d’écoles modernes, mise en place des polices, modernisation de la vie urbaine)
furent autant d’occasions pour les notables ruraux ou urbains d’acquérir une influence et un statut
en dehors du système bureaucratique. Les nouvelles politiques autorisent une grande participation
à la vie publique en Chine. C’est particulièrement manifeste dans les rapports avec le nouveau
système éducatif. Les nouvelles écoles sont mises en place par les notables, l’Etat n’ayant pas les
ressources nécessaires. Ils construisent les écoles, paient les enseignants, financent ces écoles.
Mais souvent ces écoles sont installées dans des écoles réquisitionnées, et comme elles
ressemblent aux écoles des missionnaires, la population a eu tendance à les refuser. Toutefois, le
mécontentement de la population se tourna contre les fonctionnaires et pas contre les notables.
La nouvelle politique eut toutefois un coût pour la population car elle débouche sur la hausse des
impôts d’où le mécontentement des basses classes sur qui l’augmentation de ces impôts pesa.
A partir de 1906, la nouvelle politique (xinzheng) connaît une inflexion. De nouveaux
chantiers sont ouverts, celui d’une réforme politique dont l’objectif est la transformation du
système politique en une monarchie constitutionnelle de type moderne, sur le modèle japonais du
Meiji. C’est la Cour qui en prend l’initiative. Il importe d’en comprendre l’intention fondamentale.
Il s’agissait moins de faire participer la population à la politique que de renforcer le pouvoir
impérial et centraliser l’administration du pays. Le contexte intérieur de cette initiative est la
pression en faveur de réformes exercée par les notables. D’autre part, une menace révolutionnaire
se fait jour dans la première moitié de la décennie.
Le contexte extérieur est la victoire du Japon dans les guerres russo-japonaises de 1904 et
1905. La défaite de la Russie contre le Japon en 1905 apparaît en Asie comme la défaite de
l’autocratie et la victoire d’un régime constitutionnel. Donc, un consensus se dégage entre la Cour
et le gouverneur général pour étudier les différents régimes constitutionnels. Ces missions sont
dirigées par les hauts dignitaires mandchous et les hauts mandarins chinois qui quittent la Chine
en 1905, dans un voyage en Europe occidentale, aux Etats-Unis et enfin au Japon. Ils sont de
retour six mois plus tard et ils commencent à rédiger leurs rapports.
Les régimes constitutionnels étrangers sont présentés, dans ces rapports, non comme des
régimes où la Constitution limite les prérogatives des gouvernements mais comme des régimes
qui ont réussi à augmenter la puissance de l’Etat tout en élevant le niveau de vie de la population.
Les régimes constitutionnels sont caractérisés dans ces rapports par l’existence d’un Parlement
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
13
permettant une consultation de la population, une expression de l’opinion et un contrôle du
budget. Il existe des fonctionnaires avec des prérogatives définies, une séparation des pouvoirs
judiciaire et exécutif et l’existence d’un cadre juridique clairement défini dans lequel s’inscrit
l’action du gouvernement. Ces rapports définissent les régimes où le gouvernement se soucie du
bien du peuple, mais pas les régimes où il y a participation à la vie politique.
Un édit de septembre 1906 ordonne le passage à un régime constitutionnel, sans un plan
précis du calendrier de mise en place des institutions. Il faut attendre un an pour avoir une
décision plus concrète. En octobre 1907, un nouvel édit ordonne de préparer l’élection
d’assemblées provinciales et d’assemblées de xian. Les assemblées provinciales devront être élues
au suffrage censitaire : on passe par des bureaux consultatifs provinciaux (en chinois : zijiu). Il
s’agit de consulter la population mais pas de participer à la vie politique. Mais dès l’annonce de la
prochaine mise en place de ces assemblées, les éligibles, c’est-à-dire les notables, se mobilisent
pour se préparer à ce changement. Il y a une forte pression pour la mise en place plus rapide du
régime constitutionnel. La Cour rend public en août 1908 un agenda qui prévoit l’élection des
bureaux consultatifs provinciaux en 1909, l’élection d’une assemblée nationale consultative
(zizhengyuan) en 1910 et l’élection d’un Parlement (guohui) et d’un cabinet ministériel
responsable devant ce Parlement pour l’année 1916.
Les bureaux consultatifs provinciaux sont élus au suffrage censitaire au courant de l’été
1908 par un corps électoral très restreint, représentant 0,45% de la population. Mais ce sont les
premières élections jamais organisées en Chine. Ces assemblées provinciales vont collaborer plus
ou moins bien avec les exécutifs provinciaux (politique éducative, encouragement du commerce
et de l’industrie). Mais les notables veulent vraiment légiférer. Il y a une surenchère sur le chapitre
des relations avec les étrangers (sur le recouvrement des droits aliénés aux étrangers).
3
LA MENACE REVOLUTIONNAIRE
A partir du début du siècle, apparaît en Chine un parti révolutionnaire c'est-à-dire antidynastique, républicain. Ce mouvement révolutionnaire a pour inspiration fondamentale le
nationalisme qui va devenir un anti-mandchourisme. La figure emblématique de ce mouvement
est Sun Yat-sen (mort en 1925). Mais il n’est pas la seule figure révolutionnaire, ni même la plus
importante du mouvement révolutionnaire à cette époque. Les principaux chefs du mouvement
révolutionnaire sont : Huang Xing (mort en 1914), Zhang Pinglin et Song Jiaoren (mort en 1913).
Sun Yat-sen a eu une carrière politique très longue, prolongée au-delà de la révolution de 1911,
c’est pourquoi il apparaît comme une figure emblématique, mais du reste, il a fait preuve d’une
grande capacité à faire sa propre publicité.
3.1
LE RADICALISME REVOLUTIONNAIRE DES ETUDIANTS CHINOIS AU JAPON
De nombreux étudiants sont envoyés au Japon. A la fin de la décennie ils sont environ 20
000. Une fois loin de leur pays, ils critiquent leur gouvernement. Leur maître à penser est Liang
Qichao, disciple de Kang Youwei, qui a participé aux cent jours de réforme en 1898 ; il a été
décrété d’arrestation par Cixi en septembre 1898 et s’était réfugié au Japon. Mais Liang Qichao,
très vite, s’éloigne de Kang Youwei. Il ne se contente plus de l’interprétation radicale développée
par Kang Youwei.
Au Japon, Liang Qichao écrit beaucoup ; il publie une revue intitulée Xinmin congbao
(encyclopédie du peuple nouveau), dans lequel il développe de nombreux thèmes nouveaux
comme la critique du régime chinois et la dénonciation de l’impérialisme (des puissances
étrangères en Chine). Ce sont ces thèmes qui séduisent très vite les étudiants chinois. Le
radicalisme révolutionnaire est anti-impérialiste. Il se cristallise en 1903 lorsque les Russes
refusent d’évacuer la Mandchourie méridionale qu’ils avaient occupée au moment de la crise des
Boxers en 1901. Les étudiants chinois au Japon organisent un mouvement anti-russe qui se
propage en Chine.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
14
3.2
LA MONTEE DE L’ANTI-MANCHOURISME
En 1903 et 1905, le mouvement révolutionnaire fait place à l’action en Chine même. Des
groupes révolutionnaires clandestins se forment dans les grandes villes (Shanghai). Mais ils
n’arrivent pas à coordonner leurs activités. Certains groupes prennent toutefois plus
d’importance, notamment le huaxinghui (société pour le renouvellement de la Chine) fondé en
1903 au Hunan par Huang Xing (activiste révolutionnaire). Il faut citer aussi le guangfuhui (société
de la restauration) fondé en 1904 à Shanghai par Zhang Binglin. Ce sont les deux plus
importantes organisations révolutionnaires fondées par d’anciens étudiants chinois au Japon. Les
membres de ces organisations révolutionnaires sont issus de familles de notables (de la gentry).
Ils appartiennent à l’élite sociale chinoise. Ils sont socialement plutôt conservateurs. Ils ne
remettent pas en cause les hiérarchies sociales traditionnelles. Ils veulent renverser la dynastie et
établir la République.
D’autre part, les nationalistes étudiants deviennent anti-mandchous. Le mouvement ne
s’oriente plus contre la présence étrangère mais contre les Mandchous rendus responsables de
tous les malheurs de la Chine. Cela est en partie lié au fait que les révolutionnaires sont obligés de
faire alliance avec les sociétés secrètes traditionnelles qui sont depuis toujours anti-mandchoues et
veulent rétablir les Ming.
L’anti-mandchourisme tente de se constituer en idéologie avec pour grands théoriciens
Zhang Binglin, un des derniers des grands lettrés qui fait une théorie anti-mandchoue empreinte
de racisme. Mais il n’est pas le seul ; il y a aussi Chen Tianhua et Zou Rong qui s’illustrent par la
violence de leurs pamphlets contre le pouvoir mandchou. Chen Tianhua se suicide en 1905 pour
manifester sa détermination révolutionnaire ce qui a un immense retentissement chez les
étudiants chinois au Japon et en Chine.
3.3
SUN YAT-SEN
Il est issu d’un milieu social différent. Né en 1866, dans un village du xian de Xiangshan
dans le Guangdong qui n’est pas loin de Hong Kong et de Macao, d’une famille paysanne
modeste. C’est un homme du peuple. Très tôt, il s’expatrie. En 1879, il rejoint son grand frère à
Hawaï et s’inscrit dans une école où l’enseignement est dispensé en anglais. Sun Yat-sen parle
anglais. Il complète son instruction à Hong Kong où il reçoit une formation médicale
élémentaire. Il se convertit au protestantisme.
C’est un chinois familiarisé avec la culture occidentale. Presque un Chinois d’outre-mer.
Cela lui donne une autre vision sur le monde. C’est un marginal. Il n’appartient pas à l’élite de la
société chinoise, il n’a pas reçu d’éducation confucéenne classique, il n’a pas passé les examens
mandarinaux et il est d’une formation différente que les étudiants chinois au Japon. Il devient
révolutionnaire en 1894 avec pour objectif de renverser les Qing et d’établir la République. En
1894, il avait eu l’idée de proposer ses services au gouverneur général du Zhili : Li Hongzhang.
Ce dernier l’envoie paître ! Sun Yat-sen est déçu et c’est ce qui le détermine à se lancer dans
l’activité révolutionnaire.
En novembre 1894, il fonde une organisation révolutionnaire : la xinzhonghui (société de la
Chine nouvelle). Le type d’action auquel il recourt est celui des sociétés secrètes : s’emparer d’une
ville dans l’espoir que le reste de la province et du pays se rejoindra à la révolte. Il persiste dans
cette voie jusqu’au bout. Sun Yat-sen collabore avec les sociétés secrètes.
Il tente de s’emparer de Canton en 1884 mais c’est un échec. Il s’enfuit à l’étranger et
devient un révolutionnaire en exil. Il est recherché par la police qui le coince à Londres et le
retient dans une légation chinoise. Il s’échappe et raconte sa mésaventure dans un livre rédigé en
anglais : Kidnapped in London. Ce livre connaît un grand succès et le fait connaître en Occident. Il
devient l’un des rares Chinois connu des Occidentaux, alors même qu’il est un parfait inconnu en
Chine.
Sun Yat-sen montre un sens très développé de la publicité ce qui va caractériser toute sa
carrière politique. Il voyage en quête de fonds et de soutiens à Hong Kong, au Japon, aux Etats-
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
15
Unis. Au Japon, il entre en contact avec des étudiants révolutionnaires et leurs leaders, qui
affichent du mépris face à ce paysan ! Mais il devient quand même le chef du mouvement
révolutionnaire.
En août 1905, les divers groupes révolutionnaires s’unissent en une organisation
commune : le tongmenghui (la ligue jurée). Elle fédère les différentes organisations révolutionnaires
existantes. Mais elle n’a jamais été vraiment structurée. Il n’y a pas d’unité idéologique. Tout le
programme tient en trois formules : chassons les Tartares, rétablissons la Chine et établissons une
République. Sun Yat-sen veut ajouter à ce programme l’égalisation des terres mais les autres
dirigeants ne veulent pas en entendre parler. La ligue jurée tente de prendre des villes mais elle
échoue.
3.4
TERRORISME ET ANARCHISME
Le mode d’action des révolutionnaires est le complot. Mais certains adoptent le
terrorisme individuel à la façon des nihilistes russes. Les plus célèbres sont Qiu Jin (femme avec
le couteau entre les dents, première féministe chinoise) exécutée en 1907 après une tentative
d’assassinat d’un haut dignitaire mandchou ; Wang Jingwei qui tente d’assassiner le régent en
1910. Il se fait arrêter et passe en jugement mais il est acquitté par Cixi. Il deviendra le futur
dirigeant du Guomindang mais à partir de 1940, il va collaborer avec le Japon. C’est un terrorisme
qui ne procède pas d’une théorie de l’anarchie dogmatique. Il y a un groupe anarchiste à Paris et à
Tokyo. Ces deux groupes sont différents. Le groupe de Paris est occidentaliste, celui de Tokyo est
traditionaliste, culturaliste. Ils ne préconisent pas la violence mais misent sur l’éducation et sur la
rectitude morale.
Tout ceci a son centre hors de Chine. Mais en Chine même se forme au cours de 1911,
indépendamment de ces mouvements, une situation quasi-révolutionnaire. Le pouvoir impérial
perd progressivement le contrôle du pays.
4
4.1
LA REVOLUTION DE 1911
LA CRISE FERROVIAIRE
Le mouvement constitutionnaliste prend de l’ampleur au cours de l’année 1910. Il réclame
une reconnaissance du calendrier de la mise en place du régime constitutionnel et la création
immédiate de ce Parlement.
A trois reprises en 1910, les élus présentent à la Cour des pétitions, plusieurs milliers de
signatures qui demandent l’organisation immédiate d’élections. La Cour leur oppose des fins de
non-recevoir. Mais à la fin de 1910, les gouverneurs généraux commencent à soutenir les
mouvements constitutionnalistes des notables. La Cour est obligée de transiger en annonçant un
raccourcissement de trois ans du calendrier et la constitution prochaine d’un cabinet (un
gouvernement avec des ministres). Elle interdit toute association des constitutionnalistes ce qui
provoque la colère de Cixi.
Ce cabinet est formé en janvier 1911. C’est une nouvelle déception car sur les 13
membres qu’il compte, 8 sont des Mandchous, 5 des princes impériaux, 1 Mongol et 4 Chinois
Han. Cela les pousse vers l’anti-mandchourisme. La Cour est sous l’influence d’un clan qui refuse
tout approfondissement de la réforme politique. Il entend préserver les intérêts des princes. En
mai, la Cour achève de s’aliéner les notables constitutionnalistes par les décisions qu’elle est
amenée à prendre dans la crise ferroviaire.
Après le protocole des Boxers, en 1901, les Britanniques et les Français avaient fait
pression sur le gouvernement chinois pour qu’il autorise la construction d’un chemin de fer
reliant le Sichuan à Hankou (l’actuelle ville de Wuhan est le résultat de la fusion de Hankou,
Wuchang et Hanyang). Les notables du Sichuan s’opposent à ce projet. Ils sont hostiles à une
nouvelle avancée des intérêts étrangers et décident de construire eux-mêmes ce chemin de fer
avec des capitaux chinois sichuanais en 1904. Les notables refusent tout concours de l’étranger.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
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Un premier tronçon est construit entre Yichang et Wuchang par des ingénieurs chinois.
Malheureusement, les capitaux sont insuffisants. En 1911, la Cour décide de nationaliser la
compagnie des notables et de financer les travaux par un emprunt de six millions de livres auprès
d’un consortium de banques britanniques, françaises et allemandes.
Le bureau provincial accuse le gouvernement de brader les intérêts de la Chine. Une ligue
sur la construction des chemins de fer conduit les protestations dans le Sichuan et à Pékin. Au
cours de l’été, la révolte est larvée au Sichuan. Donc de par l’action des notables, son inspiration
au nationalisme, à la défense des intérêts de la province et au régionalisme, l’autorité de la Cour
est affaiblie. Il y a un divorce entre la Cour et les notables. Telle est la situation à la fin de l’été
1911.
4.2
L’INSURRECTION DE WUCHANG
Wuchang est une ville administrative, murée. Sur la rive gauche du fleuve Bleu se trouve
la ville de Hankou, ville commerçante où ont été établies des concessions à partir de 1860. Mais
depuis 1910, les activistes révolutionnaires incitent les officiers de la nouvelle armée à rejoindre
leur mouvement et ça marche. Une grande partie des soldats est gagnée à la révolution antimandchoue. A Wuhan se fomentent des complots qui échouent. Mais un nouveau complot
aboutit le 10 octobre 1911. Les militaires réussissent à se rendre maîtres de Wuchang. Le
lendemain, les insurgés sollicitent et obtiennent l’appui des élus du bureau consultatif provincial
du Hubei qui se rallie à l’insurrection. Ce ralliement se transforme en une mutinerie
révolutionnaire. La révolution est la conjonction du mouvement révolutionnaire et du
mouvement constitutionnaliste.
A partir de ce moment, le bureau provincial prend des initiatives. Il proclame la
République de Chine (Zhonghuaminguo) et l’indépendance de la province du Hubei. Mais il n’y a
pas de volonté séparatiste, seulement le refus de reconnaître la légitimité de la dynastie
mandchoue.
4.3
LES PROVINCES DECLARENT LEUR INDEPENDANCE
Tout de suite après la révolution de Wuchang, aucun écho ne se fait ressentir dans le pays.
Il faut attendre le 22 octobre, date à laquelle le Hunan et le Shaanxi se joignent au mouvement et
déclarent leur indépendance. Douze autres provinces les imitent entre le 24 octobre et le 22
novembre 1911. Au total quinze provinces déclarent leur indépendance (la plupart dans le Sud).
Les seules provinces qui ne s’associent pas sont le Zhili, le Hebei, le Henan, les provinces du
Nord-ouest (mais le Shandong s’associe). Les provinces très proches de Pékin ne se joignent pas
au mouvement, elles sont trop proches du pouvoir et les notables sont beaucoup plus
étroitement liés au centre du pays que ceux des provinces du Sud. Il y a une seule déclaration
d’indépendance séparatiste : la Mongolie extérieure qui en 1912 se détache de la Chine.
Dans les provinces dissidentes, le pouvoir est pris par des juntes, avec une triple alliance
entre le pouvoir provincial, le pouvoir militaire et les sociétés secrètes ; ces dernières représentent
l’élément populaire. Dans ces juntes, ce sont tantôt des militaires qui dominent, tantôt des
notables. Dans toutes ces prises de pouvoir, la ligue jurée ne joue pratiquement aucun rôle sauf
dans le Guangdong où c’est elle qui prend le pouvoir. Sun Yat-sen est à ce moment aux EtatsUnis, au Colorado.
4.4
LE COMPROMIS ENTRE YUAN ET SUN, ET L’ABDICATION DE LA DYNASTIE
La Cour a réagi très rapidement aux événements de Wuchang. Elle envoie des troupes
pour réprimer l’insurrection. Le 14 octobre, elle charge Yuan Shikai de conduire la répression
contre les insurgés. Yuan Shikai est depuis 1901 l’un des hommes forts du pays. C’est un haut
mandarin de l’époque. Il est proche de Cixi, maître d’œuvre des nouvelles politiques décidées par
la Cour en 1901. De 1901 à 1907, il occupe le poste très important de gouverneur général de la
province du Zhili. Il met en œuvre une politique en matière d’éducation, de police, de
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
17
développement industriel. Dès 1906 est mise en œuvre la réforme politique dans un xian de la
province, dont Yuan Shikai en est le maître d’œuvre.
En 1908, l’impératrice meurt. Yuan Shikai est limogé par le régent, lequel n’est pas
favorable aux réformes. En janvier 1909, Yuan Shikai est écarté du pouvoir. Il décide alors de
prendre sa revanche : au lieu de réprimer l’insurrection, il négocie avec les révolutionnaires. Le 6
novembre 1911, il vote l’amnistie pour les insurgés et contre les Mandchous. Pendant la seconde
quinzaine de novembre, il renforce son pouvoir à Pékin. Il forme un nouveau cabinet et force le
régent à jurer fidélité au programme constitutionnel. Dans le camp révolutionnaire, il y a aussi la
volonté de négocier avec Yuan Shikai, le personnage le mieux placé pour achever la révolution.
Fin novembre, deux ou trois mois plus tard, la dynastie Qing s’effondre. Sun Yat-sen
rentre le 25 décembre en Chine, il est élu président de la République chinoise par les délégués des
provinces insurgées. Il proclame la République à Nankin. Yuan Shikai se charge d’obtenir
l’abdication de la dynastie en échange de la présidence de la République. La dynastie abdiquera le
12 février 1912. Trois jours plus tard, Sun Yat-sen démissionne de la présidence qu’il remet à
Yuan Shikai.
L’historiographie révolutionnaire chinoise nationaliste ou communiste fait de Yuan Shikai
l’homme qui a trahi la révolution. Au contraire, il a accompli la révolution, et s’il a trahi quelque
chose, c’est la dynastie mandchoue.
5
CONCLUSION
L’objectif révolutionnaire des années 1911 était de chasser les Mandchous, d’abattre les
Qing et d’établir la République chinoise. Les révolutionnaires estimaient qu’ils représentaient
l’obstacle principal à la réforme de la Chine. La croyance fondamentale était qu’une fois les
Mandchous éliminés, tout irait bien : la République sauverait la Chine.
Cet objectif est atteint en 1912 grâce à Yuan Shikai qui négocie l’abdication de la dynastie
en se ralliant à la République. Les constitutionnalistes ne voulaient pas la disparition de la dynastie
et croyaient que le régime constitutionnel sauverait la Chine. Ils se rallient à la République après
l’événement révolutionnaire. En fait, il s’agit de l’équation système constitutionnel moins la
dynastie.
Cependant, il y a de grandes continuités entre la dernière décennie de l’empire au début
des années 1900 (xinzheng, nouvelle politique) et la République établie en 1912 par delà la
révolution. De part et d’autre, on retrouve les mêmes personnages et la même politique. La
République continue la politique initiée par la dynastie dans les années 1900. De plus, la
révolution de 1911 n’occasionne aucun bouleversement dans la société chinoise. Il n’y a aucune
transformation de la structure sociale. La révolution est purement politique, elle n’a aucune
dimension sociale. L’historiographie communiste chinoise interprète la révolution de 1911
comme une révolution bourgeoise, l’accession d’une bourgeoisie chinoise. Cette thèse est
contestable. Cette bourgeoisie chinoise n’existe pas ! Et partant, elle ne prend le pouvoir nulle
part. Mais ce sont des activistes révolutionnaires qui appartiennent à l’élite traditionnelle et les
constitutionnalistes (la même classe de shencheng). Et cela vaut aussi pour Shanghai.
La révolution de 1911 est un événement marquant. On a l’impression que l’empire
traditionnel disparaît. Mais il n’y a pas de coupure importante dans l’histoire de la Chine. De
même, les révolutions institutionnelles ont eu lieu avant la révolution de 1911. Mais dans
l’immédiat, la révolution de 1911 va laisser un héritage. Elle provoque une coupure de la Chine
en deux, à la hauteur du Changjiang. Les provinces du Sud sont aux mains des révolutionnaires
(la ligue jurée, les constitutionnalistes et les sociétés secrètes), les provinces du Nord sont
contrôlées par Yuan Shikai, ex-adversaire des révolutionnaires, rallié à la République mais
toujours opposé aux révolutionnaires. Les deux camps, même s’il y a eu un compromis, se font
face. On peut distinguer les sudistes et les nordistes. De part et d’autre, on a levé des troupes
nombreuses dans chaque province.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
18
Ces deux camps correspondent à deux mouvances qui se sont formées avant 1911, à
l’époque des nouvelles politiques politico-militaro-bureaucratiques. Celle du Nord contrôlée par
Yuan Shikai, et celle du Sud qui n’a pas de chef à sa tête. Elle est éclatée. Le mouvement du Nord
s’appelle le Beiyang. La réunification de la Chine en deux et le licenciement de troupes
nombreuses sont ce que demande tout le monde. C’est ce qui est l’origine du drame chinois de
1912 à 1928.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
19
L’ECHEC DE LA REPUBLIQUE (1912-1928)
Le constitutionnalisme a échoué à la fois à accomplir les promesses du libéralisme politique, à
sauver la Chine de l’impérialisme et à la rendre riche et puissante (« fu » et « qiang », richesse et
puissance).
La République ne réussira pas à libérer la Chine des impérialismes et notamment de
l’impérialisme japonais. Elle va dégénérer et sombrer en 1916-1917 dans l’anarchie des seigneurs
de la guerre (Junfa, warlords en anglais) qui incarnent les factions militaires.
L’échec de la République jette durablement le discrédit sur les institutions libérales et
parlementaires. Elle évoque l’humiliation de cette époque. L’État chinois à cette époque est déjà
très faible ; il va s’affaiblir encore plus et se révéler incapable de piloter le développement
économique et le développement du capitalisme chinois. C’est une période d’éclipse.
La société à cette époque est amenée à se substituer à l’État défaillant. Ce sont les notables qui
prennent en charge les tâches qui dans les pays avancés sont celles de État. Si les années 1912 à
1927-1928 se caractérisent par l’anarchie, par le déclin de l’État, elles se caractérisent aussi par une
grande vitalité de la société civile, par la société des ports ouverts (Shanghai, Tianjin, Hankou,
Guangdong) et de la Chine côtière.
Il y a certes une éclipse de l’État, qui est impuissant, mais celui-ci ne disparaît pas. L’œuvre de
construction de l’État entamée à la fin des Qing continue. Certains ministères continuent de
fonctionner. Le ministère des affaires étrangères reste l’interlocuteur des puissances impérialistes.
Il compense l’extrême faiblesse de la Chine. Les diplomates habiles limitent la casse.
La période de 1912 à 1928 est la période de la République de Pékin ou période du gouvernement
du Beiyang. Cette période se divise assez nettement en deux sous-périodes : les années Yuan
Shikai de 1912 à 1916 et de 1916 à 1928, l’ère des seigneurs de la guerre (junfa). Il y a de grandes
différences entre Yuan Shikai et les seigneurs de la guerre. Yuan Shikai était un grand lettré de
l’empire, le dernier. L’historiographie communiste et nationaliste fait de Yuan Shikai un seigneur
de la guerre. En réalité il n’en a pas le profil. Il réussit presque à réunifier le pays, au prix de la
suppression des libertés. Il établit une dictature. Il continue les politiques du xinzheng qui visent à
une centralisation et une rationalisation de l’État. Il apporte un soutien à l’industrie chinoise et
rationalise l’État. Il tente de créer un capitalisme chinois, bureaucratique. Il arrive presque vers
1914 à 1915 à stabiliser la Chine. Cette renaissance de la Chine inquiète le Japon, qui a peur que la
Chine reparte. Et c’est le Japon qui va faire échouer Yuan Shikai et la République.
1
1.1
LA DICTATURE DE YUAN SHIKAI, 1912-1916
MARS 1912 A SEPTEMBRE 1913
En mars 1912, Yuan Shikai est élu président de la République à titre provisoire, car les
institutions politiques sont provisoires. On prévoit que des élections seront organisées. Elles sont
fixées en hiver 1912 pour élire des députés aux deux chambres du Parlement, ainsi que des
députés aux assemblées provinciales. Il est prévu que le Parlement rédigera une Constitution et
élira le président de la République. Entre mars 1912 et mars 1913, Yuan Shikai et les exrévolutionnaires cohabitent tant bien que mal.
En août 1912, Song Jiaoren, un des dirigeants de la ligue jurée, réorganise la tongmenhui et
transforme cette organisation en parti politique dont l’objet est la participation à la vie
parlementaire. Ainsi est créé le Guomindang (parti de la nation). Sun Yat-sen s’est retiré. Il
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
20
parcourt la Chine et a des tas de projets de développement économique, chemins de fer… Mais,
concrètement, il n’est pas aux affaires.
Les élections ont lieu en hiver 1912-1913 au suffrage censitaire qui définit un corps
électoral restreint qui représente 6% de la population totale. C’est le monde des notables. Il n’y a
pas de changement avec les gouvernements électoraux de la fin de l’empire. Le Guomindang
obtient la majorité des sièges. Il revendique la victoire et Song Jiaoren réclame le poste de premier
ministre. Yuan Shikai fait assassiner Song Jiaoren (dans la gare de Shanghai). Le meurtre de Song
Jiaoren provoque l’émotion dans l’opinion, c'est-à-dire des personnes capables de lire les
journaux.
Le mécontentement de l’opinion est aggravé quand elle apprend que le gouvernement de
Yuan Shikai a contracté un emprunt de 25 millions de livres auprès d’un consortium de banques
étrangères dans un but précis : financer la réforme de l’État et le licenciement des troupes.
L’objectif est louable, car le gouvernement central n’a pas de ressources (ne peut collecter
d’impôt). Mais il y a une indignation de l’opinion qui dénonce l’alourdissement d’une dette
extérieure déjà considérable et l’aggravation de la dépendance de la Chine par rapport aux
étrangers qui ont exigé un droit de regard sur les finances chinoises et que le produit de l’impôt
sur le sel serve de garantie (il est hypothéqué).
Sun Yat-sen fait pression sur une partie des dirigeants du Guomindang pour qu’ils se
lancent dans une révolte contre Yuan Shikai. C’est ce qu’on appelle la seconde révolution, de
juillet-août-septembre 1913. Cette rébellion est rapidement écrasée par Yuan Shikai. Résultat,
Yuan Shikai impose sa dictature et se débarrasse du Guomindang. Sun Yat-sen s’exile au Japon,
entre 1913 et 1916 (date de la mort de Yuan Shikai).
1.2
OCTOBRE 1913 A DECEMBRE 1914
Yuan Shikai instaure sa dictature dans le pays. Il a des soutiens dans l’opinion. Le
Guomindang est interdit et dissout à l’automne. De nombreux parlementaires sont arrêtés et la
Chine va connaître une terreur policière avec de nombreuses exécutions sommaires. Dans la seule
province du Henan, il y a eu 22 000 exécutions capitales, 5000 au Hubei. La torture est pratiquée
couramment. La censure est rétablie.
En janvier 1914, les institutions représentatives (les assemblées provinciales…) sont
supprimées. Les parlementaires sont renvoyés chez eux. La dictature de Yuan Shikai n’est pas une
volonté de puissance ; c’est un projet politique de renforcer le pays pour mieux résister,
centraliser l’État, bâtir un État moderne. Il cherche à inverser la tendance à la fragmentation en
œuvre à la fin du 19ème siècle que la dynastie mandchoue a tenté de contrer et que la révolution de
1911 avait aggravé. Son but est de sauver la Chine.
Yuan Shikai réussit à atteindre cet objectif au cours de 1914. Il continue la politique de
modernisation de État et la lutte contre la corruption des fonctionnaires. Entre 1914 et 1915, de
nombreux magistrats sont démis pour corruption, certains sont exécutés. À la fin de l’année 1914,
la Chine est en phase de rétablissement. Le Japon veut la déstabiliser. Et il le fait en formulant ses
« 21 demandes » qui concernent un certain nombre de droits qu’il désire obtenir en Chine.
1.3
JANVIER 1915 A JUIN 1916
L’objectif de Tokyo est de transformer la Chine en protectorat libre. Le Japon en 1894 et
1895 a livré une guerre à la Chine dont l’enjeu était la Corée. Il en sort vainqueur et le traité de
Shimonoseki accorde plusieurs sortes de droits. Le Japon avait demandé beaucoup plus,
notamment la péninsule du Liaodong comme territoire à bail et le port du Wei Hai Wai.
Puis les puissances européennes, l’Allemagne, la Russie, la France interviennent contre ce
trop grand appétit et donnent au Japon le conseil amical de renoncer à ses prétentions. Mais la
Russie tire les marrons du feu et obtient que le Liaodong lui soit cédé comme un territoire à bail
et notamment les deux ports importants de Lüshun (Port Arthur) et Dalian (Dalny).
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
21
Les Russes obtiennent ce territoire à bail en mars 1898 pour 25 ans et en avril 1896, le
droit de construire une ligne de chemin de fer dans toute la Mandchourie septentrionale (connu
sous le nom de chemin de fer de l’Est chinois). Dès lors, le Japon et la Russie deviennent rivaux.
Ils se livrent une guerre en 1904 lors de laquelle la flotte russe est envoyée par le fond. Au traité
de Portsmouth (États-Unis), le Japon obtient de la Russie qu’elle lui cède ces territoires à bail.
Après sa victoire, le Japon consolide sa position en 1905. Le Shenyang va devenir le chemin de
fer sud de la Mandchourie. La Corée est sous protectorat japonais en 1905. En 1910, la
Mandchourie devient une colonie où le Japon s’implante.
Le Japon à cette date est une grande puissance. Il va mettre à profit la guerre qui éclate en
novembre 1914 pour étendre son influence en Chine. Le Japon déclare la guerre à l’Allemagne et
l’attaque dans le Shandong. Les Japonais s’emparent de Qingdao et du territoire à bail dont il était
le centre. En janvier 1915, le Japon soumet à la Chine ses 21 demandes. Les plus importantes
sont le transfert au Japon, dès que la guerre sera finie, des droits dont les Russes jouissaient dans
le Shandong (droit sur les mines, chemin de fer) et la transformation du bail à 5 ans de la
péninsule du Liaodong en bail de 99 ans (jusqu’en 1997). Il demande que des conseillers japonais
soient employés à tous les niveaux de l’administration chinoise, y compris dans les écoles.
Les négociations durent jusqu’au 26 avril 1915. Les négociateurs chinois sont très habiles
et retors. Les Japonais ne sont pas contents de Yuan Shikai. Aussi, le 7 mai 1915, ils lancent un
ultimatum à la Chine. Le gouvernement chinois choisit de céder. Deux traités sont signés le 25
mai. Le premier relatif au Shandong pour lequel les droits seront transférés au Japon quand la
guerre sera finie. Le second concerne la Mandchourie méridionale et porte le bail de Port Arthur
à 99 ans. C’est un grave revers pour la Chine et un échec pour Yuan Shikai. Pour lui, c’est aussi
l’échec de la République.
Cet échec conduit Yuan Shikai à une tentative de restauration d’un régime monarchique.
Les proches de Yuan Shikai lancent un mouvement en faveur de l’établissement d’une dynastie
monarchique avec les personnalités qui conduisent l’opinion, notamment Kang Youwei et Yang
Du (qui avait polémiqué contre la révolution de la ligue jurée ; partisan d’un régime autoritaire, il
s’est rallié au parti communiste en 1927). Yuan Shikai établit un régime monarchique. Il se fait
élire en décembre 1915. Mais il ne veut pas une restauration de l’empire traditionnel, ni de
l’empire confucéen. Il veut une monarchie constitutionnelle moderne.
Yuan Shikai n’est pas ni un traditionaliste, ni un passéiste. C’est un réformiste qui estime
que pour la Chine, ce qui vaut le mieux c’est une monarchie constitutionnelle. L’opinion n’a pas
suivi Yuan Shikai. Elle est acquise à la République. Cela déclenche une rébellion dans le Yunnan à
laquelle se rallie Liang Qichao. Il y a une guerre civile et dans la déconfiture, Yuan Shikai, in
extremis, rétablit la République. Mais c’est trop tard ! Il meurt de maladie. Sa mort met
provisoirement fin à la guerre civile en juin 1916.
2
2.1
L’ERE DES SEIGNEURS DE LA GUERRE
LE PHENOMENE DES SEIGNEURS DE LA GUERRE
Un an après la mort de Yuan Shikai, la République donne l’impression de fonctionner
normalement, conformément à la constitution provinciale. Le vice-président Li Yuan Han
devient président de la République. Duan Qirui, le dernier premier ministre de Yuan Shikai, reste
à son poste. Le dernier Parlement, supprimé par Yuan Shikai, est rétabli, de même que les
assemblées provinciales. La Chine semble réunifiée, la mort de Yuan Shikai ayant en apparence
réconcilié le Nord et le Sud.
Mais à la faveur de cette guerre civile, la Chine s’est fragmentée irrémédiablement. Les
provinces sont aux mains de chefs de l’armée rebelle de Yuan Shikai dans le Sud, et dans le Nord
de plus ou moins fidèles à Yuan Shikai qui avaient combattu plus ou moins activement les
rebelles du Sud. En réalité, la Chine, au lendemain de la mort de Yuan Shikai, est dirigée par les
chefs de l’armée, des Dujun et des gouverneurs militaires provinciaux.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
22
L’armée de la Chine de cette époque n’est pas une institution structurée par un lien légalrationnel (au sens wébérien) mais par le lien personnel, c'est-à-dire un lien personnel à l’officier
qui commande. Les chefs sont liés entre eux par des liens personnels entre un patron et un
obligé. Le résultat est que les chefs militaires sont propriétaires de leurs unités ; des factions
existent dans l’armée. Les structures sont pyramidales.
Ces chefs militaires, propriétaires de leurs soldats et insérés dans une chaîne de faction
sont dénommés les seigneurs de la guerre. Autant d’unités de l’armée, autant de seigneurs de la
guerre !
Ils financent leurs troupes en ponctionnant les ressources fiscales des provinces ou des
xian dans lesquels leurs troupes stationnent. Les seigneurs de la guerre lèvent toute sorte de taxes
pour payer leurs troupes, les équiper, les récompenser… Il y a de lourdes charges sur la
population, c'est-à-dire les paysans. Certains vont jusqu’à lever l’impôt foncier plusieurs années
par avance. Une autre ressource importante est constituée par l’opium. Ces seigneurs de la guerre
vivent sur la population.
2.2
L’ECLATEMENT DE LA CHINE
Duan Qirui est un ancien officier de Yuan Shikai de l’armée du Beiyang. Il a un rival :
Feng Guozhang, ancien subordonné de Yuan Shikai. Li Yuanhong est un ancien militaire qui n’a
plus de base de pouvoir dans l’armée.
Dans les premiers mois de la mort de Yuan Shikai, tous font semblant de jouer le jeu de la
constitution. Duan Qirui est le premier qui transgresse les lois constitutionnelles et c’est lui qui
inaugure l’ère des seigneurs de la guerre.
Dès le début, il y a un conflit entre le Parlement et Duan Qirui. Celui-ci éclate au
printemps 1917. L’origine de la crise est la volonté de Duan Qirui de faire entrer la Chine dans la
première guerre mondiale aux côtés des alliés. Duan Qirui escompte qu’un tel engagement
placera la Chine dans une position favorable quand viendra le moment des négociations de paix
pour le règlement de la question du Shandong.
En avril 1917, Duan Qirui réunit à Pékin une conférence des gouverneurs militaires du
Nord du pays pour faire pression sur Li Yuanhong et le Parlement, concernant l’entrée en guerre
de la Chine. Le Parlement refuse. Les gouverneurs militaires exhortent Li Yuanhong à dissoudre
le Parlement. Li Yuanhong renvoie Duan Qirui qui entre en rébellion et entraîne avec lui tout le
Nord du pays. Huit provinces déclarent leur indépendance et récusent la légitimité de Li.
Un autre chef militaire, Zhang Xun, propose sa médiation. Il avait refusé en 1912 de se
rallier à la République (de se couper la natte). Il essaye de rétablir la dynastie mandchoue. Le
premier juillet 1917, il occupe Pékin et proclame la restauration des Qing. Duan Qirui se retourne
contre Zhang Xun et restaure la République. Il contraint Li Yuanhong à démissionner. Le
Parlement est dissout. En réponse à ce coup de force, Sun Yat-sen fait à nouveau sécession. Il
établit à Canton un gouvernement rival de Pékin et s’en proclame le chef. Une partie des
parlementaires rejoint Sun Yat-sen. La Chine est coupée en deux (pour dix ans). Au Nord comme
au Sud, l’objectif affiché est la réunification.
Dans le Nord, très vite, les luttes entre les factions politico-militaires rivales font perdre
de vue l’objectif de la réunification. L’enjeu affiché est le contrôle de Pékin, car il donne accès à
une partie des ressources fiscales (le surplus des douanes maritimes, c'est-à-dire depuis le
protocole des Boxers ce qui reste des douanes maritimes une fois que l’on a retranché les
indemnisations) mais aussi le contrôle de Pékin donne la légitimité internationale. Ainsi, les
Japonais essayent de manipuler Zhang Zuolin, les Britanniques Wu Peifu.
2.3
L’IMPOSSIBLE REUNIFICATION
Les conflits entre factions sont de plus en plus nombreux. Ils occasionnent de
nombreuses destructions. Ils ravagent les campagnes. Le premier éclate en juillet 1920. Il oppose
la faction de Anhui (dirigée par Duan Qirui) à celle du Zhili dont le chef est Cao Kun. Zhang
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
23
Zuolin, seigneur de la guerre de la Mandchourie soutient Cao Kun. C’est une victoire de la
faction du Zhili.
Début 1922 s’installe la discorde entre Wu Peifu et Zhang Zuolin. En avril-mai 1922, c’est
la guerre entre la faction du Zhili (Wu Peifu) et la faction du Fengtian (Zhang Zuolin). La victoire
est à la faction du Zhili.
En 1924, guerre entre la faction du Zhili et la faction du Fengtian. Feng Yuxiang trahit
Wu Peifu. C’est la défaite de la faction du Zhili. Les vainqueurs sont Zhang Zuolin et Feng
Yuxiang.
Au premier semestre de 1926, c’est la guerre entre la faction du Fengtian et Feng Yuxiang
qui se solde par la défaite de Feng Yuxiang et la victoire de la faction du Fengtian. Zhang Zuolin
contrôle la Chine du Nord jusqu’en juin 1928. Il établit une dictature sanglante.
Face à ce phénomène, et face à la corruption, l’opinion est hostile, surtout à partir de
1919, date qui correspond à une profonde transformation de la société urbaine. L’opinion
chinoise s’élargie. L’élection de Cao Kun au poste de président de la République en 1923 est un
épisode qui a dépité l’opinion. En effet, Cao Kun procédant à un coup d’Etat se fait élire
président par les parlementaires. Il achète son élection 5000 $ par voix.
3
LE DESORDRE DE LA CHINE
Le régime des seigneurs de la guerre a été honni par l’opinion aussi à cause de
l’aggravation des fléaux dont souffrait notamment la Chine rurale : le banditisme, l’opium et les
crises alimentaires. Ce sont des fléaux endémiques dans la Chine traditionnelle mais qui sont
aggravés par les seigneurs de la guerre.
3.1
LE BANDITISME
C’est un fléau consubstantiel à la Chine traditionnelle contre lequel la société rurale savait
s’organiser. Les milices formées dans les villages avaient pour but de protéger contre les bandits.
De même les sociétés secrètes luttaient contre le banditisme. Le fléau s’aggrave dans les années
1920.
C’est la misère qui pousse au banditisme. Ou alors on se faisait soldat ! Les bandits étaient
un fléau pour tout le monde. Ils kidnappent, rançonnent les chefs de village, les magistrats des
xian, les missionnaires (mais ça dérange moins les Chinois), les pauvres des villages voisins. Cela a
donné lieu à un incident international en juin 1923, c’est l’incident de Linchang (dans le
Shandong) sur la ligne de chemin de fer entre Nankin et Pékin (il y avait des étrangers sur cette
ligne).
3.2
L’OPIUM
C’est le second fléau. Les occidentaux obligent les Qing à légaliser l’opium jusqu’au début
du 20ème siècle. Sous la pression d’organisations étrangères liées aux églises protestantes, la
dynastie est en mesure de combattre l’opium. A partir de 1906, elle décrète à nouveau la
prohibition. Elle combat la culture du pavot. Cette lutte est efficace.
Le régime de Yuan Shikai continue cette politique de façon active. La révolution de 1911
a cependant pour effet un relâchement contre l’opium dans les pays du Sud. La culture du pavot
reprend dans les provinces du Sud-est (7 à 25% des superficies cultivées). C’est rentable pour les
paysans et les seigneurs de la guerre.
Les seigneurs de la guerre du Sud-est prennent en charge l’acheminement de l’opium vers
les villes de la côte. Le Sud est morcelé, et l’enjeu des conflits est l’opium. En 1924-1925, le
conflit qui oppose les seigneurs de la guerre du Yunnan et du Guizhou a pour enjeu l’opium. De
même en 1924, le conflit a pour enjeu le contrôle du trafic de l’opium dans les quartiers chinois
de Shanghai. Dans les années 1920, l’opium pourrit Shanghai, le plus gros marché de l’opium.
Depuis que la prohibition a été rétablie, le trafic est contrôlé par des organisations
mafieuses : le Qingbang (la bande verte). En 1920, le chef de la bande verte, Du Yueshang qui
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
24
contrôle le trafic de l’opium, la prostitution, les jeux de hasard (bref un personnage
sympathique !), parvient à cette position grâce à l’aide des autorités de la concession française.
Dans la concession internationale, l’opium est prohibé. Du Yueshang se réfugie dans la
concession française. Le consul a envie d’instaurer un régime similaire à celui de l’Indochine,
c'est-à-dire un monopole d’État sur l’opium. Il a un accord secret avec Du Yueshang, c’est le
pacte avec le diable de 1925. Du Yueshang en 1927 aide à réprimer les communistes.
3.3
LES CRISES ALIMENTAIRES DANS LES CAMPAGNES
En moyenne un Chinois dispose par an d’environ 275 kg de céréales brutes, soit 180 kg
de céréales nettes. Il faut 185 kg de céréales nettes pour assurer le minimum de calories
nécessaires à la simple survie.
Donc les campagnes chinoises sont au bord de la famine. Dès que les récoltes sont
déficitaires, il y a danger de famine. Dans le Nord de la Chine, cet équilibre dépend des
précipitations. Si elles sont insuffisantes, les céréales ne poussent plus.
Dans le Centre-Est, il dépend de l’ensoleillement. Ces régions sont très peuplées, il faut
deux récoltes annuelles de riz à condition qu’il y ait entre 190 et 215 jours sans gel. Il faut 210
jours par an sans gel pour que les deux récoltes soient possibles. Si la saison est trop froide ou si
elle est raccourcie, il n’y a pas ces deux récoltes. De même lorsque les deux grands fleuves sont en
crue : le Fleuve Jaune et le Changjiang dont les crues surviennent en été. S’il y a des inondations,
c’en est fini des récoltes. Cette brutalité a été compensée par les hommes et il y a des dispositions
qui visent à prévenir les famines. Mais les seigneurs de la guerre désorganisent tout cela.
Les élites rurales ont beaucoup souffert de la disparition de l’empire. Les premières
famines apparaissent à l’hiver de 1920-1921. La cause en est la sécheresse qui affecte le Zhili et le
Shandong. Elle touche 600 millions de personnes. 19,6 millions de personnes sont sinistrées et
100 000 en sont mortes. Les secours sont efficaces ces années par l’organisation efficace des
ONG (étrangères et chinoises) et par le chemin de fer. Pendant l’hiver 1921-1922, la famine sévit
en Chine centrale (Hubei, Henan, Zhejiang, Jiangsu) à cause des inondations. Il y a 9 millions de
sinistrés.
La plus terrible est celle de 1928-1929 en Chine du Nord qui fait au moins 2 millions de
morts et cause l’exode de centaines de milliers de paysans vers les grandes villes du Nord. Les
secours ont été inefficaces à cause de la guerre civile et des chemins de fer désorganisés. Au
Gansu, le cannibalisme a été attesté. La guerre civile a été un facteur aggravant.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
25
L’ESSOR DE LA CHINE URBAINE LITTORALE
(1912-1928)
Le chapitre précédent traitait d’une Chine qui entre 1912 et 1928 se désintègre. Elle sombre dans
l’anarchie et le désordre. C’est la décomposition de la vieille Chine, cette décomposition étant un
effet de la révolution de 1911. Pourtant, cette même période voit l’émergence de nouvelles forces,
la gestation d’une nouvelle Chine par une grande vitalité de la société chinoise.
Cette vitalité de la société chinoise se manifeste dans les villes et dans les grands ports ouverts
comme Shanghai, Tianjin, Hankou (l’actuelle Wuhan), Canton et Pékin (qui n’est pas un port
ouvert mais la capitale). Il existait une centaine de ports ouverts par les traités depuis le traité de
Nankin. Quelques uns l’ont été spontanément par le gouvernement. Les étrangers y avaient le
droit de résider, de commercer, et y jouissaient de l’exterritorialité et de concessions. Mais cela
pas dans tous les ports, seulement ceux de moyenne importance.
Shanghai est la plus grande ville de Chine, la plus importante. Tianjin, Hankou et Canton sont
aussi des villes importantes mais dans une moindre mesure. Ces grands ports ouverts sont en
relation avec les grands centres urbains. Tout le littoral de la Chine se modernise au contact de
l’Occident.
La nouvelle politique au début des années 1900 de la dynastie des Qing a eu pour effet de
renforcer les villes. D’autre part, le développement du commerce entre la Chine et l’étranger a
pour effet un basculement du centre de gravité de la Chine, de l’intérieur vers le littoral. C’est un
effet de l’ouverture de la Chine par l’Occident, c'est-à-dire l’intégration forcée de la Chine au
système économique mondial, à l’économie capitaliste.
Ces tendances s’amplifient après 1912. Entre 1912 et 1928, on assiste à la naissance et au
développement d’une modernité à la chinoise. À l’affirmation d’une civilisation de la côte.
1
1.1
LES MUTATIONS DE LA SOCIETE URBAINE
L’AUTONOMISATION DE LA SOCIETE CHINOISE
La société urbaine continue d’être dominée par les notables de la période précédente. Les
carrières commencées entre 1901 et 1911 continuent après la guerre. Mais la révolution a pour
effet un affaiblissement de l’État, après Yuan Shikai. La société chinoise tend à prendre son
autonomie. Elle est obligée de prendre en charge la fonction de l’État. Les grandes corporations
mises en place par les Qing après 1901 par l’intermédiaire de la dynastie avaient voulu impliquer
les notables dans la société. Il y avait des chambres de commerce (shanghui), des chambres de
l’éducation (jiaoyuhui) qui regroupaient tous les responsables dans le domaine de l’éducation. Ces
grandes corporations tentent de se poser en tant que porte-parole de l’élite urbaine, de l’opinion
(après les années Yuan Shikai). La chambre de commerce de Tianjin se pose en tant que
Parlement non officiel local.
1.2
L’ESSOR D’UN CAPITALISME INDUSTRIEL CHINOIS
Il est l’effet d’une conjoncture exceptionnellement favorable. La première guerre
mondiale éclate en Europe en août 1914. Les étrangers rentrent en Europe (mobilisés). Leur
départ de Chine a pour conséquence une baisse de l’activité économique en Chine, une baisse des
exportations étrangères vers la Chine. La demande intérieure doit être satisfaite par les entreprises
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
26
chinoises, et surtout celle des pays européens engagés dans la guerre. Les États-Unis entrent en
guerre en 1917, le Japon se limite après au Pacifique. La guerre produit une situation qui protège
pendant quelque temps les entreprises chinoises de la concurrence occidentale. D’un autre côté,
les pays européens engagés dans la guerre ne sont plus en mesure de produire d’autres produits,
ils importent et la Chine exporte ses matières premières et ses produits alimentaires vers l’Europe.
De plus, le cours de l’or diminue ce qui représente une baisse des coûts des importations. Les
machines que la Chine importent d’Europe deviennent moins chères.
Cette conjoncture est favorable jusqu’à l’armistice en 1918 et aussi jusqu’aux années 1919,
1920 (période de reconstruction). Un peu encore en 1921. Mais dès 1922, c’est fini ! Et c’est le
début de la crise de reconversion de l’immédiat après-guerre.
Il y a un essor du commerce extérieur, les importations explosent, ainsi que le
développement industriel. De nombreux établissements industriels sont établis en Chine par des
entrepreneurs chinois, japonais et anglais : des filatures, des meuneries, des ateliers de confection,
de tissage du coton, des manufactures d’allumettes, de cigarettes, des savonneries, des fabriques
d’articles d’usage quotidien, des ateliers de construction mécanique. L’industrie légère se
développe ainsi que celle des biens de consommations.
Pendant cette période, le taux de croissance atteint 13,8% par an. Le crédit bancaire se
développe grâce aux banques modernes chinoises. À la fin de la première guerre mondiale, il y a à
Shanghai 26 banques modernes chinoises.
Très souvent, elles ont des caractéristiques semi-officielles, elles sont liées à la
bureaucratie, à l’administration, elles cherchent moins à financer les entreprises publiques que les
pouvoirs publics. Elles financent plus volontiers les seigneurs de la guerre que l’industrie chinoise.
Toutefois les banques shanghaïennes font exception. Elles financent plus l’industrie que les
seigneurs de la guerre. Toutefois, le financement du commerce extérieur chinois et les opérations
de change restent l’affaire des banques étrangères installées en Chine. Il échappe aux banques
chinoises et le restera encore longtemps. Tout cela débouche sur la naissance d’une bourgeoisie.
1.3
LA NAISSANCE DE LA BOURGEOISIE CHINOISE
La bourgeoisie reste plus ou moins liée à l’administration, en particulier à Tianjin (c’est
une bourgeoisie bureaucratico-entrepreuneuriale). À Shanghai, cette bourgeoisie est moins liée à
la bureaucratie, mais cela reste une exception.
Dans les grands ports ouverts, surtout en 1919, on trouve une nouvelle génération
d’entrepreneurs. Ce sont des gens issus des grandes familles de notables qui ont reçu une
éducation plus moderne que la génération d’avant. Ils ont fait des études en Occident, aux ÉtatsUnis. Cela leur donne une formation différente de celle de leurs parents formés au Japon. Elle est
plus occidentalisée que la précédente, plus moderne. Parmi ces entrepreneurs shanghaiens, on
rencontre C.C. Nieh (ou Nie Qijie), petit neveu de Zheng Guofan, grand lettré de la fin du 19ème
siècle, vainqueur des Taiping, homme d’État important de la fin de l’empire. Il va fonder en
Chine des filatures et devient le roi des filatures chinoises. Il y a aussi Mu Ouchu (H.Y. Moh) qui
a investi dans l’industrie de la farine et établit à Shanghai des minoteries.
Il faut aussi citer la famille Rong (dynastie de filateurs), la famille Jian (tabac), la famille
Guo (d’origine cantonaise, spécialisée dans les grands magasins). Ces jeunes patrons forment
leurs syndicats, par exemple l’association des filateurs chinois : Huashang shachang lianhehui,
l’association des banques de Shanghai yinhang gonghui. Ils se lancent à l’assaut d’organisation
comme les guildes, les chambres de commerce, dominées encore par la vielle élite des marchands
compradores.
Ce développement économique s’accompagne d’une augmentation du nombre des
ouvriers.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
27
1.4
LE MONDE OUVRIER CHINOIS
Le nombre d’ouvrier augmente. Il passe de 100 000 en 1895 à 650 000 en 1915, 1 million
en 1920, 1,5 millions en 1921, 3 millions en 1925. En 1921, Shanghai abrite le quart des 1,5
millions d’employés dans les industries modernes et les services annexes. 300 000 à 400 000
ouvriers sont des campagnards chassés de leurs villages par la misère et attirés par l’activité de
Shanghai. C’est une main d’œuvre peu qualifiée qui travaille sur la base du forfait, le baogong.
Ainsi se perpétuent en milieu urbain les liens de dépendance personnelle qui existe en Chine
traditionnelle. Les salaires sont bas. Il n’y a pas de législation sociale sur les conditions de travail.
La main d’œuvre est en grande partie constituée par les femmes, voire les enfants.
Ces ouvriers viennent de campagnes. La population des grands ports ouverts connaît une
forte croissance.
1.5
LA CROISSANCE URBAINE ET LA MODERNISATION
À Shanghai, il y a 1 million d’habitants en 1910. 2,5 millions en 1920. La population de
Tianjin connaît aussi une forte croissance. Celle-ci est moins conséquente à Hankou et à Canton.
Ces gens viennent de campagnes. Les étrangers sont une minorité. La population
étrangère de Shanghai en 1919 atteint les 23 000 habitants. Shanghai a la plus importante
communauté étrangère de toute la Chine. Il y a pas mal de Russes qui fuient les troubles de la
révolution de 1917.
La majorité de cette population se trouve dans les concessions étrangères de Shanghai
(dans la concession internationale et la concession française, on trouve une majorité de Chinois
mais elles sont dominés par les intérêts étrangers).
1.6
UN EMBRYON DE CLASSE MOYENNE
La majorité des gens sont pauvres, prolétaires, c’est le petit peuple dans la misère. Il y a
des groupes plus aisés, notamment les négociants, les notables, les commerçants, les petits
commerçants, les employés de boutiques, le personnel enseignant forment une petite bourgeoisie.
1.7
LES STRUCTURES DE LA SOCIETE URBAINE CHINOISE
La structure de la société shanghaienne va jouer un rôle capital dans la révolution
chinoise. Avant l’ouverture de Shanghai, cette ville était un petit port sans importance. En 1920, il
y a 2,5 millions d’habitants. La croissance de la population a résulté de l’immigration. La
population shanghaienne est une population immigrée. Les Shanghaiens de souche sont peu
nombreux. La plupart sont venus des diverses provinces de la Chine : du Jiangsu, du Zhejiang, du
Anhui sujettes aux calamités naturelles. Ils sont venus aussi de Canton et d’autres provinces de la
Chine. Mais la grande majorité des Shanghaiens viennent du Jiangsu, du Zhejiang, du Anhui et de
Canton.
À Shanghai, peu sont originaires des provinces de la Chine du Nord, c'est-à-dire du
Henan, du Shandong, du Hebei.
Ces immigrants ont tendance à former des communautés, ils sont pris en charge par des
organisations que l’on appelle tongxianghui, c'est-à-dire association de gens originaires de la
même région, que l’on traduit en français par guilde. Certaines de ces communautés ont mieux
réussi que d’autres.
La plus influente est celle des gens originaires du Ningbo (petit port ouvert au Sud de
Shanghai). L’élite d’entre eux contrôle le secteur des banques traditionnelles mais aussi le secteur
bancaire moderne, les importations, les exportations, l’immobilier. De nombreux entrepreneurs
industriels sont issus de leurs rangs. Leur tongxianghui est une organisation extrêmement
importante et puissante. Ils contrôlent également la chambre de commerce et l’éducation de la
province du Jiangsu.
La société chinoise de Shanghai est contrôlée par des gens originaires du Zhejiang. Les
gens originaires de Shaoxing et de Taizhou constituent la communauté de Wenzhou. Les
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
28
Cantonnais forment des institués influentes dans le commerce et dans l’import-export. À l’origine
de la fortune des Cantonais, il y a le commerce de l’opium. Ils forment une guilde qui s’appelle
Guang(zhou)zhao(qing) gongsuo, à l’origine spécialisée dans le trafic de l’opium.
Il existe une rivalité entre les Cantonais et les gens du Zhejiang et du Jiangsu. Elle se
manifeste au sein de la chambre du commerce de Shanghai. Les gens originaires du Nord du
Jiangsu et de l’Anhui sont au bas de l’échelle sociale. La plupart sont des ouvriers. La société
shanghaienne est formée de juxtapositions de diverses communautés très fragmentées. Il y a une
hiérarchie des communautés qui se retrouve dans le monde de la prostitution. Les filles
originaires du Zhejiang sont les plus chères, celles du Jiangsu les moins chères.
Les tongxianghui sont dominées par les élites de ces communautés. Elles gèrent toutes
sortes de services : les écoles, les hôpitaux, des œuvres de bienfaisance, en relation avec la localité
d’origine, le financement des projets, les activités culturelles. Elles sont un lien entre la ville et les
campagnes environnantes qui bénéficient de la modernisation à l’œuvre à Shanghai. Elles jouent
un rôle important dans les corporations, les chambres commerciales, dans l’éducation et dans les
mobilisations populaires dirigées contre les étrangers.
1.8
LES ASPIRATIONS DE LA BOURGEOISIE CHINOISE
Elle réclame l’établissement de l’autonomie douanière de la Chine. Elle prend part à tout
un combat pour la restauration de la cour mixte sino-étrangère, une représentation plus équitable
de la population chinoise, de la concession internationale au conseil municipal de la concession, à
la restauration des droits de la nationalité tout au long des années 1920.
Mais elle a besoin des capitaux étrangers et de leurs experts. Elle aspire à une entente
cordiale économique avec les étrangers, à une coopération dans le respect de l’indépendance
nationale et au bénéfice mutuel des puissances associées. D’autre part, elle est libérale, dénonce
l’incompétence, l’irresponsabilité et la brutalité des seigneurs de la guerre. Au début des années
1920, elle aspire à restructurer l’État républicain sur la base d’une fédération d’États autonomes
qui permettrait de remédier à la carence d’un gouvernement central tout en préconisant un retour
de l’autorité bureaucratique. Mais la bourgeoisie est faible. Elle n’a pas les moyens de faire aboutir
ses revendications.
2
LE MOUVEMENT DES IDEES : LE MOUVEMENT POUR UNE NOUVELLE CULTURE
Les lieux de ce mouvement des idées sont Shanghai et Pékin. Le grand problème qui
préoccupe les Chinois est celui de l’échec de la République. Pour la plupart des intellectuels
chinois de l’époque, il est clair que la révolution a échoué. Il y a eu plusieurs courants de pensée,
dont le plus important est le mouvement pour une nouvelle culture. Il est le plus lié aux
mutations de la société urbaine décrites ci-dessous.
C’est le courant duquel est sorti toute la suite de l’histoire de la Chine du 20ème siècle, c'est-à-dire
celle des révolutions.
2.1
LES ACTEURS
L’initiateur de ce mouvement pour une nouvelle culture est Chen Duxiu (né en 1879). Il a
reçu une formation classique, confucéenne. Son parcours est celui du notable typique, un de ces
nouveaux intellectuels qui apparaissent en Chine. En septembre 1915, Chen Duxiu fonde à
Shanghai une revue intitulée d’abord Qingnian zazhi, puis Xin Qingnian. Elle joue un rôle capital
dans le mouvement pour une nouvelle culture et va être développée. Le terme de Qingnian, le
titre, est déjà tout un programme. Le premier numéro s’ouvre sur un éditorial intitulé « Jingao
qingnian » (exhortation à la jeunesse).
Le mouvement des idées est une des réponses données après le constat d’échec de la
République. C’est le courant de pensée qui est le plus lié aux mutations de la société urbaine. Il est
important parmi d’autres. Il s’agit de la critique de la tradition, pas seulement du confucianisme
mais de tout l’héritage de la tradition. Car si la République a échoué, c’est qu’elle n’a pas abattu la
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
29
civilisation confucéenne. Certes, elle a abattu l’ordre politique confucéen, mais rien de la
civilisation.
La condition préalable à toute réforme et au salut de la Chine en tant que nation est de se
débarrasser des fondements de la société confucéenne. Le mouvement pour une nouvelle culture
s’en prend à la famille, au mariage, aux inégalités hommes-femmes. Elle veut se débarrasser de la
morale confucéenne, du devoir de loyauté, de la piété filiale. Ce mouvement appelle à une
révolution culturelle anti-confucéenne.
L’acte de naissance du mouvement est le lancement en septembre 1915 de la revue
Qingnian zazhi par Chen Duxiu, qui quelques années plus tard sera un des fondateurs du parti
communiste chinois et son premier secrétaire général.
À partir du 1er septembre 1916, la revue change de nom et prend celui de Xin Qingnian
(Nouvelle jeunesse). À parti du numéro du 15 janvier 1919, elle aura un sous-titre en français : la
Jeunesse. Ce titre est tout un programme du mouvement pour une nouvelle culture.
Le premier numéro s’ouvre sur un article intitulé « avertissement à la jeunesse ». Chen
Duxiu exhorte la jeunesse à se comporter en individus autonomes, pas comme des esclaves : être
progressiste et non conservateur, s’engager dans le monde et non s’en retirer, être cosmopolite et
non se refermer au reste du monde, rechercher l’utilité et non pas s’enfermer dans le formalisme,
avoir un esprit scientifique et ne pas se laisser aller à l’imagination. Chen Duxiu réprouve les
comportements traditionnels. Il recommande des comportements modernes. Ce sont les mots
d’ordre essentiels du mouvement.
À partir de 1917, Pékin devient un autre foyer du mouvement. Les thèmes vont y être
développés par de jeunes intellectuels de Beida, sous l’égide de Can Yuanpei (né en 1867, il a à
peu près 50 ans). Il a été ministre de l’éducation nationale dans le gouvernement provisoire de
Sun Yat-sen et du premier gouvernement de Yuan Shikai. C’est un lettré qui a séjourné en
Occident dans les années 1900, en France et en Allemagne. C’est un réformiste très ouvert à la
civilisation occidentale. Au début 1917, il accède au poste de directeur de Beida. Il entreprend de
réformer cet établissement prestigieux mais qui fonctionne comme une machine à délivrer des
diplômes pour des étudiants carriéristes qui ne foutent rien !
Can Yuanpei fait appel à de jeunes universitaires pour impulser le mouvement. Le plus
célèbre de ces étudiant est Hu Shi, un très grand intellectuel de la Chine de la première moitié du
20ème siècle. Il a fait des études aux États-Unis. C’est le premier Chinois à avoir obtenu un
doctorat aux États-Unis. C’est un des intellectuels les plus ouverts à la civilisation occidentale de
son temps. Hu Shi va former de brillants intellectuels. En novembre 1918, un certains nombres
d’entre eux vont former une société d’étude, le Xinchao (nouveau courant) qui va publier une
revue du même nom, sous-titrée en anglais : renaissance (rebirth). Elle va jouer un rôle très
important dans le mouvement de la nouvelle culture.
2.2
LES THEMES
Les thèmes reposent sur la dénonciation de toutes les valeurs traditionnelles et appellent à
adopter les valeurs de l’Occident dans le but de sauver la Chine en tant que nation.
Chen Duxiu personnalise ces valeurs traditionnelles dans un article célèbre publié en 1919
« M. Science et M. Démocratie ». On attaque la famille, le mariage, les inégalités entre les sexes, la
morale confucéenne est dénoncée comme la piété filiale et le devoir de loyauté aveugle. Bref, tout
ce qui opprime l’individu. En fait, ces théories sont apparues antérieurement. On les trouve déjà
chez Tan Sitong (réformiste en 1898 aux côtés de Kang Youwei) mais aussi chez les anarchistes
du groupe de Paris.
La nouveauté est l’occidentalisme radical du mouvement. Cela procède du darwinisme
social qui domine les esprits dans la Chine de l’époque. Les nations sont en lutte, survivra la plus
apte. C’est le principe du « struggle for life » appliqué au relations internationales.
Chen Duxiu a écrit : « j’aimerais mieux voir la ruine de notre quintessence que l’extinction
définitive de notre race en raison de son inaptitude à survivre. Les Babyloniens ne sont plus. À
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
30
quoi sert leur civilisation ? Comme le dit le proverbe : là ou il n’y a plus de peau, à quoi sert le
cheveu ? »
Une autre caractéristique est la nécessaire autonomisation de l’individu. Il s’agit d’une
autonomisation non pas par rapport à l’État mais par rapport à la tradition. Elle n’a pas grandchose à voir avec le libéralisme politique. Le mouvement pour une nouvelle culture refuse la
politique.
Hu Shi déclare qu’il ne s’occupera plus de politique pendant 20 ans. Ce qui est prioritaire,
c’est d’éduquer le peuple aux nouvelles valeurs, de transformer la conscience de la nation, de
créer un homme nouveau. Ce doit être le préalable à toute action politique future. Ce thème de la
prise de conscience est extrêmement important (Juewu), c’est lui qui transformera la société. Ce
refus de la politique renvoie au dégoût des seigneurs de la guerre.
Mais il correspond aussi à une utopie d’une société qui n’aurait pas besoin de l’État. Les
intellectuels mettent l’État entre parenthèses. L’acteur principal pour eux est l’individu dans la
société. D’où la confiance dans l’efficacité de l’éducation. Ce mouvement des idées a des
implications pratiques et des résonances anarchistes. Mais c’est un anarchisme qui a ses sources
dans la tradition.
Un autre thème du mouvement est le projet de remplacer comme langue écrite le wenyan
par le baihua, c'est-à-dire par le chinois populaire vernaculaire. Le wenyan est la langue
qu’écrivaient les lettrés, la langue de la culture confucianiste. C’est la langue des classiques et des
concours mandarinaux. Le baihua est la langue des romans, du théâtre, à savoir des genres qui
n’ont aucune valeur dans l’orthodoxie de la culture confucéenne. Ce n’est pas nouveau non plus
car depuis le début du siècle des gens préconisent de remplacer le wenyan par le baihua. Le
mouvement pour une nouvelle culture leur donne un petit coup de pouce.
Mais ce qui est vraiment nouveau, c’est l’idée que la fiction, le théâtre et le roman sont des
genres respectables, des activités intellectuelles respectables. Il y a l’idée d’une littérature comme
domaine autonome et pleinement valable comme expérience de l’activité humaine. C’est ainsi
qu’est né le roman moderne, le théâtre parlé (et non plus seulement chanté).
Si le mouvement pour une nouvelle culture est une entreprise iconoclaste de démolition
de la tradition, il a aussi recherché passionnément dans cette même tradition les germes, le
fondement d’une possible modernité chinoise. Les intellectuels du mouvement de la nouvelle
culture sont des nationalistes qui souffrent du déclin de la Chine et veulent sauver leur pays.
Notamment Hu Shi, Gu Jiegang (historien chinois). Tous ces gens sont encore très familiers de la
culture chinoise classique et la comprennent en profondeur. Ils croient pouvoir identifier dans
telle école d’érudition de la dynastie Qing les germes de la méthode scientifique, dans telle autre
celles de la logique…
Hu Shi est pour le baihua, la littérature du peuple. Il juge la littérature classique décadente
et corrompue par les élites. Il porte plus d’intérêt à la culture populaire. Gu Jiegang est le premier
historien chinois à s’intéresser aux cultures populaires.
3
3.1
L’IRRUPTION DES MOUVEMENTS DE MASSE
LA MONTEE DU NATIONALISME
Au lendemain de la guerre des Boxers émerge un nouveau nationalisme dirigé contre
l’impérialisme. Puis, il s’oriente contre les Mandchous. Après la révolution de 1911, il y a la
résurgence du nationalisme anti-impérialiste qui s’exprime dès 1913 au moment de
l’indépendance de la Mongolie extérieure et des négociations par rapport au Tibet qui entre dans
la sphère d’influence britannique. En 1915, au moment des 21 demandes (négociations avec le
Japon), il y a une mobilisation dans les villes où le boycott des produits japonais est organisé.
L’opinion chinoise se mobilise à nouveau au début de 1919 quand s’ouvre à Paris la
conférence de paix de Versailles le 18 janvier. La Chine a été invitée à participer à cette
conférence,car elle a participé à la guerre aux côtés des pays de l’entente. Dès lors, le monde
politique chinois se mobilise pour la préparation des dossiers à soumettre à la conférence, et
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
31
notamment le recouvrement du territoire à bail de Qingdao (bail allemand que les Japonais
occupent en 1914 et que le traité du 27 mai 1915 leur avait promis).
La deuxième revendication est la diminution des pouvoirs accordés aux puissances par les
traités inégaux. Pour certains intellectuels, la Chine doit profiter de l’occasion pour retrouver une
grande part de sa souveraineté perdue.
La conférence de paix aborde la question des anciennes colonies allemandes. Le Japon
revendique pour lui la cession directe des droits et des intérêts allemands en Asie. Il invoque des
accords secrets signés avec le gouvernement de Pékin en 1917 et 1918. Cela cause la stupeur de la
délégation chinoise qui n’était pas au courant. Elle contre-attaque le lendemain. Les diplomates
chinois sont talentueux. Le principal est Gu Weijun (Wellington Koo) qui est devenu très jeune
un des chefs de la diplomatie de son pays. Il va vivre jusqu’à l’âge de 97 ans, il meurt en 1985. Il a
été président de la Cour de justice internationale de la Haye.
Les médias acculent Pékin à publier ces accords secrets avec le Japon. Dans les grands
centres urbains, il y a un mouvement de soutien à la diplomatie qui est mis sur pied et dont le
président est Liang Qichao. On boycotte les produits japonais. Les accords secrets sont révélés
dans les semaines qui suivent. L’opinion apprend qu’en 1917 et 1918, le gouvernement de Pékin
dirigé par Duan Qirui a concédé à Tokyo des avantages économiques et politiques, hypothéqué
deux lignes de chemin de fer dans le Shandong en échange d’un certain nombre de prêts d’un
montant de plus de 7 millions de dollars américains pour satisfaire aux besoins de financement
des seigneurs de la guerre.
En conséquence, la Chine est affaiblie. Le Japon est en position de force. De toute façon,
les alliés ont une dette envers le Japon car ils ont eu besoin de sa flotte pour contrebalancer les
pertes dues à la guerre sous-marine allemande.
Le Japon menace de se retirer de la conférence. Les trois autres alliés vont céder. Tous les
droits vont être rétrocédés au Japon. En Chine, les organisateurs du mouvement de soutien à la
diplomatie relancent leur action. L’objectif est d’empêcher la signature du traité de Versailles. Ils
convoquent un grand meeting pour le 7 mai.
3.2
LE MOUVEMENT DU 4 MAI 1919
Mais le 4 mai 1919, à Pékin, 3000 étudiants provenant de 10 établissements de la capitale
manifestent sur la place Tiananmen pour exprimer leur colère contre les signataires des accords
secrets de 1917-1918. Ils conspuent en particulier trois individus : Lu Zhengxiang, Cao Rulin et
Zhang Zongxiang.
Lu Zhengxiang était le ministre des affaires étrangères en 1915. C’est lui qui a signé le
traité le 27 mai 1915 avec le Japon (les 21 demandes). Il est le chef de la délégation chinoise à la
conférence de Paris.
Cao Rulin en 1915 est le vice-ministre des affaires étrangères. C’est lui qui a signé les
accords secrets de 1917 et le fameux prêt Nishihara. Zhang Zhongxiang en 1917 est un
représentant de la diplomatie chinoise au Japon.
Les étudiant saisissent Cao Rulin et le passe à tabac. Ils brûlent sa maison. Le
gouvernement réprime en procédant à l’arrestation et à l’incarcération d’une trentaine d’étudiants.
Cela provoque l’indignation des étudiants et des manifestations ont lieu dans diverses villes de
Chine.
Le 19 mai, les étudiants font la grève des cours et organisent le boycott des produits
japonais. Les étudiant le prennent en charge et en perturbent le déroulement. Sous leur pression,
les marchands vont accepter de fermer leurs commerces, leurs boutiques, leurs entreprises
pendant une semaine. Ils décrètent la grève des ouvriers. Pendant une semaine, c’est une triple
grève qui est à l’œuvre : les cours, les ouvriers et les commerces. Cette triple grève dure du 5 au
13 juin. Elle prend fin car les commerçants sont à bout ; ne pouvant plus vendre leurs produits,
ils ne peuvent plus faire aucun profit.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
32
Zhou Enlai fait en 1919 un séjour de quelques mois en prison. À la fin juin, c’est la fin de
la période active de la mobilisation étudiante. Mais c’est un épisode décisif. Une bonne partie de
ces étudiants vont devenir communistes et fonder le parti. Les communistes font de cet épisode
l’acte de naissance de la classe ouvrière chinoise. Il y a un retentissement énorme. On parle du
mouvement du 4 mai 1919.
Par ailleurs, ces étudiants lisent les revues du mouvement pour une nouvelle culture, ils
participent aux débats et sont engagés dans ce mouvement intellectuel.
Les trois personnes prises à partie par les étudiants sont des nationalistes chinois. Ils ont
signés ces accords secrets à contrecœur. Le premier l’a fait sur ordre. Il a dit : « je signe sur ordre
et en même temps mon arrêt de mort ». Lu Zhengxiang était chrétien. Il a fait une carrière dans la
diplomatie. Sa femme était belge. Après la mort de sa femme, il entre chez les Bénédictins et
deviendra abbé de Saint Pierre de Gand.
3.3
LE
MOUVEMENT DES IDEES APRES LE MOUVEMENT DU
COMMUNISME CHINOIS
4
MAI ET LA GENESE DU
Le mouvement retombe à partir du 15 juin 1919. Mais il se prolonge pendant quelques
mois. L’expérience du mouvement de mars a attiré l’attention sur les problèmes sociaux propres à
la Chine, à la question ouvrière. Les revues commencent à critiquer l’individualisme égoïste, à
affirmer que l’émancipation de l’individu passe par celle de la collectivité, que des femmes et des
ouvrières sont sur le même plan.
Le thème qui domine est que le peuple chinois est uni face à l’impérialisme. Pour les
intellectuels, il n’y a pas l’idée d’une société chinoise divisée en classes antagonistes. Mais le
peuple chinois est contre l’impérialisme. C’est la grande union des masses populaires (titre d’un
texte écrit par Mao Zedong en 1919).
Les mois qui suivent le mouvement du 4 mai 1919 voient la vogue du projet
communautaire, notamment d’entraide. C’est l’idée d’aller à l’étranger et d’y faire des études tout
en travaillant. Zhou Enlai part en Europe en 1920 pour étudier tout en travaillant.
Ces idées procèdent d’une influence anarchiste diffuse. Les intellectuels chinois et leur
public s’intéressent beaucoup au mouvement du nouveau village qui se développe au Japon. C’est
un projet anarchiste de phalanstère installé à la campagne. Cette idée est reprise en Chine. Elle
intéresse beaucoup d’intellectuels, notamment Chen Duxiu, Li Dazhou (le premier marxiste
chinois) et Mao Zedong.
Telle est la tendance du printemps 1919 au printemps 1920. Dans cette période, les idées
de Sun Yat-sen ne sont absolument pas à la mode, car il est partisan d’un État fort. Le divorce est
radical entre Sun Yat-sen et le courant intellectuel du 4 mai.
À la fin du printemps 1920, une nouvelle phase commence : on assiste à un retour du
politique. Le mouvement pour une nouvelle culture avait mis la politique entre parenthèses. Ce
qui déclenche cette inflexion est l’impact de la révolution russe d’octobre 1917 : la révolution
bolchevique. En Chine, l’impact de la révolution d’octobre est différé. Les intellectuels chinois
découvrent le marxisme progressivement.
Le marxisme en Chine est découvert par les anarchistes, et Chen Duxiu, fondateur de la
revue Xinjingnian et par Li Dazhou, qui y a aussi contribué. C’est un intellectuel, professeur à
Beida. Il est le pilier du mouvement pour une nouvelle culture à Pékin.
La découverte du marxisme est progressive. Chen Duxiu et Li Dazhou prennent position
au moment de la révolution d’octobre. Ils réagissent en faveur du mouvement. Ils critiquent la
révolution d’octobre en Russie car c’est un coup de poignard dans le dos des alliés. Chen Duxiu
est du côté des alliés, des nations démocratiques, il est favorable à l’engagement de leur côté, il est
hostile à l’Allemagne qui représente le militarisme et l’anti-démocratie.
Li Dazhou a une position différente qu’il écrit dans un article « les différences
fondamentales entre les civilisations orientales et occidentales ». Il salue la révolution d’octobre
en Russie. Il pense que la Russie révolutionnaire va jouer un rôle d’intermédiaire entre l’Occident
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
33
en déclin et l’Orient qui va renaître. La sympathie de Li Dazhou va à l’Allemagne qui lui paraît
être une nation jeune, qui vient tout juste de se développer (il y voit une analogie avec la Chine).
Par ailleurs, il est hostile à la guerre. Il est un des rares intellectuels chinois à dénoncer la guerre.
Ni l’un ni l’autre ne sont marxistes.
Li Dazhou découvre le marxisme en octobre 1918. Mais sa compréhension du marxisme
est spéciale. Il ne comprend pas les analyses de classes. Son marxisme est utopique. Pour lui, la
victoire du bolchevisme en Russie est la victoire du peuple. Li Dazhou a tendance à considérer
que le monde se divise en deux. Avec d’un côté l’Occident (capitaliste) et de l’autre le reste du
monde opprimé dont fait partie la Chine. Dans cette analyse, la Chine est toute entière prolétaire.
Cette conception d’une Chine toute entière prolétaire va prévaloir pendant assez longtemps en
Chine. Le marxisme orthodoxe (avec les analyses de classe) sera découvert plus tard.
Le marxisme a cette vertu de réintégrer la Chine dans un schéma d’histoire universel qui
n’est plus européocentré, où la Chine n’est plus condamnée à une stagnation irrémédiable. Le
marxisme a cette vertu de donner un avenir à la Chine.
Au début des années 1920, on assiste au retour de la tradition. Mais d’une tradition
modernisée. Le chantre de cette tradition revisitée est Liang Shuming. Né dans les années 1890 (il
est de la même génération que Mao Zedong), il mourra très âgé (en fait il est mort récemment). Il
est le promoteur d’un mouvement de réhabilitation des campagnes, qui cherche à améliorer la
condition des pays par le travail sur le terrain.
C’est aussi un théoricien qui a énormément écrit. Il réhabilite en l’idéalisant la
communauté villageoise d’autrefois, et le confucianisme en l’adaptant aux exigences modernes (la
piété filiale, l’ardeur au travail, la famille).
Plus tard, Mao Zedong aura tendance à considérer Liang Shuming comme un rival. Il est
attaqué sous les communistes mais dans les années 1980, ses écrits son réhabilités en Chine
populaire. Un autre défenseur de la tradition est Sun Yat-sen.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
34
LES DEBUTS DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS ET
LA REVOLUTION NATIONALISTE (1921-1927)
1
LE RETOUR DE SUN YAT-SEN
Sun Yat-sen fait son retour dans l’histoire de la Chine. De 1913 à 1916, il est en exil au
Japon après l’échec de sa révolution contre Yuan Shikai. En 1917, il entre de nouveau en
dissidence et établit à Canton un gouvernement rival de celui de Pékin.
En 1918, il est chassé de Canton par un seigneur de la guerre qu’il avait soutenu. Il se
réfugie à Shanghai où il séjourne jusqu’en automne 1920 dans la concession française. En octobre
1920, il retourne à Canton puis il y est chassé une seconde fois en juillet 1922. Pendant cette
période Sun Yat-sen est empêtré dans la politique des seigneurs de la guerre.
Sun Yat-sen n’est pas en phase avec le mouvement intellectuel de l’époque, le mouvement
pour une nouvelle culture. Il n’est pas non plus en phase avec le nationalisme de masse du
mouvement patriotique du printemps 1919. L’iconoclasme culturel du mouvement pour une
nouvelle culture l’indigne, il reste attaché à la tradition.
Sun Yat-sen n’a pas d’estime pour les intellectuels radicaux du mouvement pour une
nouvelle culture, de cette idée de mettre la politique entre parenthèses et de se consacrer à
l’éducation du peuple. Sun Yat-sen est avant tout un homme d’action. En octobre 1919, dans une
adresse à la jeunesse, il dit que les difficultés de la Chine exigent une solution politique. On ne
peut se contenter de développer l’éducation, l’économie et l’autonomie des régions.
1.1
LA REFONDATION DU GUOMINDANG
Au même moment, Sun Yat-sen annonce la création d’un nouveau parti : le parti
nationaliste chinois ou Zhongguo Guomindang. Ce parti reprend le nom de celui créé en 1912
par la ligue jurée. C’est une refondation du mouvement. Il signifie que Sun Yat-sen entend
abandonner le sectarisme qui a caractérisé son mouvement depuis 1914 (avec son exil au Japon).
En 1914, Sun Yat-sen avait créé un parti révolutionnaire chinois orienté vers la
conspiration qui ressemblait pour beaucoup à une société secrète. En 1919, il s’agit d’un parti
plus rattaché au militantisme politique. Les statuts sont promulgués en novembre 1920. Ils
assignent au parti la tâche de mettre en œuvre les trois principes du peuple et une constitution
fondée sur les cinq pouvoirs.
1.2
LE PLAN DE RECONSTRUCTION NATIONALE
Durant son séjour à Shanghai, Sun Yat-sen se livre à une réflexion sur l’état de la Chine
qui paraît sous forme d’articles dans des revues (notamment Jianshe, « construction », qui est
l’organe de réflexion des théories du mouvement de Sun Yat-sen).
Sun Yat-sen développe une vision quasi-utopiste de l’avenir de la Chine. Il dresse un
tableau grandiose de la réflexion sur l’avenir de la Chine dans l’article intitulé « the international
development of China » : il prévoit des constructions de chemins de fer, d’un grand port à
Shanghai, le détournement du cours du Yangzi.
Le problème fondamental de la Chine pour Sun Yat-sen est la pauvreté, le seul remède
étant le développement industriel sur le modèle de l’Europe et des États-Unis. Dans ce même
texte, Sun Yat-sen veut relever le défi de la modernisation. Il fait appel aux capitaux étrangers et
aux équipements étrangers. Il prévoit une coopération avec les États-Unis et l’Europe. Sun Yatsen espère que les États-Unis vont contribuer au développement de la Chine par leur aide
financière.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
35
Les écrits de Sun Yat-sen seront rassemblés en un livre intitulé Jianguo Fanglüe (plan de
reconstruction nationale) qui est l’ouvrage de référence du sunyatsenisme. Mais il y a aussi les
fameux trois principes du peuple.
1.3
LES TROIS PRINCIPES DU PEUPLE
Les trois principes du peuple : en chinois Sanmin Zhuyi (tripledemisme). Le premier
principe est celui du minzu zhuyi : le nationalisme. Le second principe, celui du minquan zhuyi :
le droit du peuple, « la démocratie » (noter les guillemets). Le troisième principe, celui du minshen
zhuyi : le principe du bien être du peuple.
Cette pensée est ondoyante, du fait que Sun Yat-sen est avant tout engagé dans l’action.
Depuis 1905, les trois principes du peuple constituent le programme fondamental de la pensée
politique de Sun Yat-sen devenu en 1905 la charte de la ligue jurée même si seul le premier
principe fait l’unanimité parmi les révolutionnaires.
À partir de 1919, Sun Yat-sen recommence à réfléchir. Il revoit ses idées et leur contenu.
Le dernier ouvrage de Sun Yat-sen est rédigé au premier semestre 1924 : le « Sanmin Zhuyi ».
1.3.1
LE NATIONALISME
Sun Yat-sen dit que seul le nationalisme peut sauver la Chine (entendant par nation la
notion de race ou d’ethnie). Le nationalisme est fondé sur une communauté de sang, sur un genre
de vie commun, des coutumes communes et une religion commune.
Le nationalisme ne se définit pas par rapport à l’idée d’un territoire. Le nationalisme
chinois intègre tous les Chinois hors de Chine : la diaspora. Les Chinois sont tous ceux qui
descendent de l’Empereur Jaune (Huang Di). Concernant les peuples non Han notamment les
Mongols, les Tibétains, les Mandchous, Sun Yat-sen leur reconnaît un droit à l’autodétermination
mais il est persuadé qu’ils vont culturellement s’assimiler à la nation Han. Les communistes ont
conservé cette idée.
Le nationalisme se caractérisait par l’anti-mandchourisme. Or, cela n’a plus de sens après
la révolution de 1911. Il se fait anti-impérialiste. Sun Yat-sen dénonce violemment l’oppression
politique et économique exercée par les puissances en Chine. Pour lui, la Chine est tombée au
rang infamant d’hypo-colonie (cizhimindi, néologisme sunyatsenien). Cela signifie que la Chine
est devenue une colonie de tous les pays avec qui elle a passé des traités. Elle est moins qu’une
colonie.
1.3.2
LE DROIT DU PEUPLE
Il est question de pouvoir du peuple. Mais l’idée de liberté n’est pas liée à l’idée
d’individualisme. Pour Sun Yat-sen, l’expérience politique de la Chine est différente de celle de
l’Occident où le but du mouvement révolutionnaire a été la conquête de la liberté individuelle.
En Chine, le problème n’est pas l’absence de liberté mais l’excès de liberté. L’État a
toujours été trop faible, il n’a pas interféré dans la vie des communautés. Chacun a fait ce qu’il lui
plaisait de faire sans se soucier du reste et cela est du à la faiblesse de l’État. La Chine est un pays
sans cohésion incapable de résister aux agressions étrangères.
Sun Yat-sen a dit : « nous sommes devenus comme du sable dispersé ; Yi pan san shan ».
Il faudrait que ce sable se réagrège pour devenir aussi dur que de la pierre. Le nationalisme pour
Sun Yat-sen doit jouer ce rôle. La démocratie doit s’assimiler à la liberté de la nation. La Chine a
besoin avant tout d’unité et de discipline, bref d’un Etat fort.
Pour Sun Yat-sen, les masses doivent être souveraines. Mais elles ne devront pas exercer
le pouvoir qui sera réservé aux élites. Il est partisan d’un régime élitiste. Néanmoins, le peuple
doit avoir un contrôle sur l’action du gouvernement, qui se fera par la constitution fondée sur les
cinq pouvoirs que Sun Yat-sen avait décrit dans un discours. Ces cinq pouvoirs sont les pouvoirs
classiques : exécutif, législatif, judiciaire auxquels s’ajoute le pouvoir d’examen (pouvoir de
recrutement des fonctionnaires) et le pouvoir de contrôle (contrôle des fonctionnaires). Cela n’est
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
36
aucunement « couleur locale » mais renvoie à la tradition politique chinoise. Même si Sun Yat-sen
se réfère à Montesquieu, ses préoccupations ne sont pas les mêmes que celles du Montesquieu.
Ce n’est pas que les pouvoirs se limitent mutuellement mais ils permettent une répartition
fonctionnelle des tâches en vue d’une grande efficacité de l’action politique.
Selon Sun Yat-sen, la mise en place du régime à venir devra être précédée d’une période
de dictature militaire pendant laquelle le gouvernement aura recours à la loi martiale pour éliminer
les opposants. Puis s’établira une dictature de tutelle (xunzheng), période de préparation à
l’adoption du régime constitutionnel définitif pendant laquelle le peuple élèvera son niveau de
conscience politique sur la direction du parti nationaliste au niveau du xian, de la province, du bas
vers le haut. Mais Sun Yat-sen ne dit pas combien de temps cela prendra.
1.3.3
LE BIEN-ETRE DU PEUPLE
Il renvoi au but ultime : la modernisation. Dans le programme de la ligue jurée, Sun Yatsen présentait ce principe comme synonyme de socialisme. Il s’agit de l’adoption d’une politique
foncière et fiscale inspirée des idées d’Henry George (socialiste américain).
Dans la version de 1924, Sun Yat-sen donne une nouvelle définition à son troisième
principe. Il correspond à sa philosophie de l’histoire et à la stratégie qu’il recommande pour
atteindre l’objection de l’évolution socialiste. Le ressort de l’évolution socialiste est l’harmonie.
Sun Yat-sen rejette l’idée de lutte des classes. Le but de l’évolution socialiste est le da tong
ou la grande unité. Quand le peuple aura tout en commun, on aura atteint le but du minshen
zhuyi. C’est une sorte de communisme qui ne doit pas remédier aux différences sociales, mais à la
pauvreté de la Chine.
Il y a deux priorités : d’une part égaliser la propriété, en instaurant un impôt sur les plusvalues foncières (il a pour modèle Shanghai). Au début des années 1920, Sun Yat-sen a autour de
lui des conseillers soviétiques qui lui conseillent une réforme agraire. Sun Yat-sen l’inclue sans
trop y insister. Il veut surtout restreindre le capital. Ce n’est pas une politique anticapitaliste, mais
il veut éviter l’apparition de trop fortes inégalités. L’objectif est de prévenir la lutte des classes.
Les mesures proposées sont la nationalisation des transports et des communications, un impôt
progressif sur le revenu et sur l’héritage.
Que ce soit dans le domaine agricole ou concernant l’économie urbaine, Sun Yat-sen croit
moins en la redistribution des richesses qu’en l’accroissement de la production.
2
2.1
LA NAISSANCE DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS
LA RUSSIE SOVIETIQUE ET LA CHINE
Le parti communiste chinois fondé en juillet 1921 n’aurait peut-être jamais vu le jour sans
l’action de l’internationale communiste (Kominterm) fondée à Moscou en mars 1919, à l’initiative
des dirigeants de la Russie révolutionnaire.
Pour les bolcheviks qui prennent le pouvoir en novembre 1917, la révolution en Russie
est la première étape d’une révolution appelée à s’étendre au monde entier. Elle doit être exportée
et particulièrement vers les pays capitalistes. Il y a cet impératif de défense du nouvel État
révolutionnaire contre l’agression des États capitalistes. Il est nécessaire de provoquer le
soulèvement du prolétariat des pays capitalistes. Au début, les bolcheviks espèrent que la
révolution va se propager en Europe. De fait, les soviétiques créent en Allemagne, en Hongrie et
en Italie une situation quasi-révolutionnaire.
En Russie, on est persuadé que les ouvriers allemands et polonais vont se soulever. En
1920, l’armée rouge envahit la Pologne. Mais les tentatives échouent dès 1920, aussi bien en
Pologne qu’en Allemagne.
Lors du deuxième congrès de l’Internationale communiste en juillet 1920, une nouvelle
stratégie d’exportation de la révolution est adoptée qui reconnaît la nécessité de propager la
révolution en Orient. D’abord en Asie centrale, en Turquie, en Iran, mais aussi en Asie extrêmeorientale.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
37
La Russie soviétique s’est adressée officiellement à la Chine en juillet 1919. Le
commissaire du peuple aux affaires étrangères, Karahan, déclare que l’URSS va renoncer à tous
les privilèges obtenus en Chine par la Russie tsariste au 19ème siècle.
Cette déclaration a un retentissement énorme en Chine, abondamment commenté par la
presse. Elle continue à attirer au communisme de nombreux jeunes gens. Ce retentissement est
amplifié par un second message au contenu à peu près identique adressé par le gouvernement de
la Russie révolutionnaire en septembre 1920 (deuxième déclaration de Karahan).
2.2
LA STRATEGIE DE L’INTERNATIONALE COMMUNISTE ET LA FONDATION DU PARTI
Au moment où la déclaration de Karahan est reçue à Pékin, une mission de
l’internationale communiste arrive en Chine conduite par Voitinsky. L’objectif de cette mission
est de créer en Chine un parti communiste.
Il arrive par le train à Pékin. Cette mission rencontre Li Dazhang qui recommande de
s’adresser plutôt à Chen Duxiu à Shanghai car Shanghai est plus sûre que Pékin, capitale
contrôlée par les seigneurs de la guerre. La mission de Voitinsky rencontre Chen Duxiu à
Shanghai. Il organise un groupe d’étude du marxisme dans l’été 1920. Des groupes analogues
apparaissent dans les mois qui suivent dans les cinq autres grandes villes de Chine dont
Changsha, Wuhan et Pékin.
Chacun de ces groupes compte une douzaine de membres. La revue Xinjingnian devient
leur organe. L’activité intellectuelle de propagande a permis des mouvements ouvriers à Shanghai,
à Canton et à Pékin.
En juillet 1921, un nouvel agent de l’internationale communiste arrive en Chine. Il se fait
appeler Maring. C’est le pseudonyme de Sneevliet. C’est un Hollandais, ancien employé des
chemins de fer du Pays-Bas, militant syndicaliste et socialiste. À partir de 1912, il milite à Java et
devient l’un des dirigeants du syndicat des cheminots des Indes néerlandaises (devenues
l’Indochine). Après la révolution d’octobre en Russie, Sneevliet devient communiste. Agent de
l’internationale communiste, il retourne à Java et fonde en 1920 le parti communiste indonésien :
premier parti communiste de l’Asie.
Sa mission est double : forcer la naissance du parti communiste en Chine, lui faire adopter
la stratégie de l’internationale communiste qui consiste à rechercher des collaborations avec les
mouvements de libération nationale, avec les bourgeoisies démocratiques (nationales) qui passent
pour être anti-impérialistes, dans le cadre de fronts unis anti-impérialistes. Sous l’impulsion de
Maring, les délégués réunis à Shanghai fondent le parti communiste chinois.
Au moment de sa fondation, le parti communiste chinois compte 57 membres. Les
délégués élisent Chen Duxiu comme secrétaire général. Les communistes chinois se veulent
orthodoxes dans ces premiers temps, c'est-à-dire qu’ils tiennent à la ligne prolétarienne et ne
veulent pas de collaboration avec le Guomindang.
Les délégués décident la création d’un secrétariat des syndicats chinois. L’organisation du
mouvement ouvrier est prise en charge par Zhang Guotao et Deng Zhongxia. Il y a un échec
grave en février 1923 : une grève des cheminots de la ligne Pékin-Wuhan est réprimée
brutalement par Wu Peifu (un seigneur de la guerre). Cependant les communistes progressent
parmi les ouvriers de Shanghai.
3
3.1
LE PREMIER FRONT UNI
LA REORGANISATION DU GUOMINDANG
Le parti communiste se fonde en Chine. Les soviétiques dans le même temps entrent en
relation avec Sun Yat-sen. C’est un travail d’approche qui prend du temps. En janvier 1923, une
alliance est conclue entre les deux partis lors d’une rencontre entre Sun Yat-sen et Alexis Joffe
qui a lieu à Shanghai. Sun Yat-sen est à nouveau en exil à Shanghai, il a été expulsé de Canton.
Cet échec le détermine à se rapprocher des soviétiques. Sun Yat-sen, au lendemain de cette
rencontre, retourne à Canton.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
38
L’alliance se concrétise par la livraison d’armes, une aide financière et l’arrivée à Canton
de conseillers russes dont les plus importants sont Borodine et Galen (militaire). Les conseillers
russes vont imposer aux communistes chinois la stratégie de l’internationale (1923) et aux
membres du Guomindang une réorganisation de leur formation.
Les conseillers russes convoquent à Canton en janvier 1924 une première assemblée de
leurs délégués. Ils leur imposent une réorganisation selon les principes léninistes, c'est-à-dire
réorganisée selon le modèle des partis communistes : un congrès est convoqué tous les cinq ans.
Théoriquement, c’est une instance interne du parti qui élit un comité central qui se réunit une fois
par an et délègue ses pouvoirs à une instance plus réduite : le bureau politique.
Cependant, Sun Yat-sen est élu président du Guomindang et en reste le véritable patron.
Mais Sun Yat-sen s’appuie sur l’aile gauche du Guomindang dont les chefs sont Wang Jingwei et
Liao Zhongkai. Wang Jingwei est un vétéran du Guomindang (il a appartenu à la ligue jurée). Ce
courant est favorable à la collaboration avec les soviétiques et les communistes chinois.
La politique de coopération reçoit le droit d’adhérer à titre individuel au Guomindang.
C’est l’effet de la politique de front uni de l’internationale communiste. Les communistes
adhèrent au Guomindang, mais ceux du Guomindang n’adhèrent pas au parti communiste
chinois.
Trois membres du parti communiste chinois dont Li Dazhou sont élus au Comité
exécutif central du Guomindang (instance dirigeante). Sept autres parmi lesquels Mao Zedong
sont élus suppléants.
Jusqu’au congrès de réorganisation du Guomindang en 1924, Borodine et Sun Yat-sen
établissent une Académie militaire près de Canton à Whampuo (Huang Po). C’est l’académie
militaire de Whampuo. Sun Yat-sen confie la direction de cette académie militaire à Jiang Jieshi. Il
est né en 1887 (il a six ans de plus que Mao) et est originaire de Fonghua dans le Zhejiang. Il est
né d’une famille de marchands et fait des études militaires à l’Académie militaire de Baoding, puis
au Japon (à l’école des officiers de Tokyo). Pendant son séjour au Japon, il adhère à la ligue jurée.
Il participe en 1911 à des actions révolutionnaires dans le Zhejiang. Quand Sun Yat-sen s’exile au
Japon en 1913 suite à l’échec de sa rébellion, Jiang Jieshi l’accompagne.
En 1916, à la mort de Yuan Shikai, il est de retour en Chine. De 1916 à 1922, c’est une
période trouble. Il est à Shanghai où il exerce la profession d’agent de change (officiellement). En
fait, il est lié à la bande verte (la mafia). En 1922, Jiang Jieshi rejoint Sun Yat-sen. En 1923, Sun
Yat-sen en fait un chef de son état-major. La même année, il est envoyé en URSS. En 1924, il se
voit confier la direction de l’académie militaire de Whampuo. Il est assisté par Zhou Enlai, chargé
de la formation idéologique des cadets.
Les cours commencent en mai 1924. Une promotion de 500 jeunes officiers en sort en
octobre, ils forment les cadres d’un premier régiment de l’armée nationale révolutionnaire.
3.2
LE DIFFICILE PILOTAGE DU FRONT UNI
La collaboration entre Sun Yat-sen et les soviétiques n’est pas facile. Leurs objectifs
respectifs divergent. Les soviétiques ont pour objectif l’organisation d’une révolution sociale et
l’établissement d’un pouvoir ouvrier. L’objectif de Sun Yat-sen est la réunification du pays et la
mise en œuvre des trois principes du peuple. Il se soucie assez peu de la révolution sociale.
En septembre 1924, Sun Yat-sen relance son vieux projet d’expédition contre Pékin
(réunification de la Chine par les armes contre l’avis des soviétiques). Pour Sun Yat-sen, l’alliance
avec les soviétiques est une alliance tactique. Sun Yat-sen poursuit son idée.
En décembre 1924, il quitte Canton pour Pékin où Duan Qirui (alors aux affaires à Pékin)
convoque une conférence de reconstruction nationale pour mettre fin à la guerre civile. Sun Yatsen plante les soviétiques pour suivre ses propres objectifs. Mais il est malade et il lui faudra trois
mois pour rejoindre Pékin où il meurt le 12 mars 1925. La mort de Sun Yat-sen ouvre une crise
de succession quelques semaines avant la nouvelle flambée de nationalisme qui se développe en
Chine au printemps 1925.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
39
4
LE MOUVEMENT DU 30 MAI 1925
C’est une nouvelle mobilisation populaire anti-impérialiste, après celle du 4 mai 1919. Ce
mouvement se développe dans les villes. Comme celui de 1919, ce mouvement entraîne les
diverses classes de la société urbaine. Mais il y a entre ces deux mouvements des différences et
une dynamique autre.
Le mouvement de 1919 est né et se développe à Pékin. Celui de 1925 a éclaté à Shanghai.
Le point de départ est différent. En 1925, à Shanghai, il y a une agitation ouvrière qui commence
en février. Les grèves ont lieu et se développent dans les filatures japonaises. Ces grèves sont
organisées par les communistes.
Le 15 mai, les vigiles japonais de la filature ouvrent le feu sur des ouvriers chinois. Il y a
un mort. Les étudiants de l’université de Shanghai s’emparent de cet événement et organisent la
protestation. Le 30 mai, ils manifestent dans la concession internationale. Ils crient des slogans
qui élargissent la lutte (les traités inégaux, les concessions). Ils politisent l’agitation ouvrière.
Jusque là, elle est essentiellement sociale. Un policier britannique panique, il fait ouvrir le feu sur
les manifestants. Il y a douze morts parmi les étudiants. C’est l’incident du 30 mai 1925.
Cette fusillade a eu lieu dans la concession internationale, pas loin de Nanjing lu. La
fusillade provoque l’indignation de l’opinion dans toute la Chine. La population se mobilise dans
de nombreuses villes de tout le pays. À Shanghai, la bourgeoisie se joint à la protestation. Elle a
un grief à l’égard des étrangers, des britanniques. Elle revendique le retour de la Cour mixte de la
concession internationale à la Chine.
Une grève générale est organisée par les communistes et les étudiants dans les entreprises
étrangères : japonaises et britanniques. La grève dure jusqu’au 25 juin. Le boycott dure plus
longtemps. Le 7 juin est organisé une association des ouvriers, marchands et étudiants qui devient
l’instance dirigeante du mouvement. La chambre générale du commerce (institution de la
bourgeoisie chinoise) crée un comité de secours aux ouvriers qui collecte un fond de grève de 2,2
millions de dollars US. Il présente en outre au nom du mouvement une série de treize
revendications : punition, indemnisation des victimes… Elle prend en charge le mouvement, fait
pression sur les autorités chinoises pour négocier fermement avec les autorités étrangères.
Cela débouche sur un accord qui prévoit la reconnaissance du syndicat général de
Shanghai, une augmentation des salaires et l’admission de trois Chinois au conseil municipal de la
concession internationale.
En apparence la bourgeoisie a joué un rôle dirigeant. En réalité ce sont les communistes
qui ont le plus profité (qui sont les vrais bénéficiaires du mouvement du 30 mai). La bourgeoisie
chinoise s’inquiète des progrès des communistes. Elle va s’éloigner du mouvement et se rallier au
Guomindang. Les relations entre la bourgeoisie chinoise et le Guomindang sont conflictuelles. À
Canton, il y a une réaction d’hostilité. Cela se termine très mal pour la bourgeoisie chinoise.
La tuerie du 30 mai provoque en Chine une énorme indignation. Il y a la formation
d’organisations communistes étudiantes, marchandes, ouvrières. Le boycott est appliqué.
À Canton (capitale du mouvement de Sun Yat-sen, le Guomindang), les autorités
prennent en charge le mouvement. Elles donnent l’ordre aux travailleurs chinois des concessions
britannique et française, ainsi qu’à ceux de Hong Kong de cesser le travail. Elles organisent en
outre un blocus de la concession britannique. La grève commence le 21 juillet.
Le 23 juin, une manifestation a lieu sur la rive chinoise en face de l’île de Shannian.
Depuis, l’île, les étrangers (britanniques et français) ouvrent le feu sur les manifestants. Il y a 52
morts, 117 blessés parmi les manifestants. Cette nouvelle tuerie a pour effet d’attiser la colère de
l’opinion chinoise et d’amplifier le mouvement. Le blocus de Canton va durer un an (lire
Malraux : la voie royale).
Comme celle de Shanghai, la bourgeoisie cantonaise s’inquiète de la montée des
communistes. Les patrons chinois de Canton subissent les effets du blocus de Hong Kong. Il y a
un mécontentement parmi eux. Ce fait va être à l’origine d’une dissension au sein du
Guomindang.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
40
Plusieurs personnalités se disputent la succession dont l’enjeu n’est pas seulement le
pouvoir mais aussi le sens de la révolution nationale : appliquer les trois principes du peuple ou la
révolution sociale ?
Il y a une aile gauche et une aile droite qui s’opposent. L’aile droite est hostile à
l’arrangement qui permet aux communistes d’être membre du Guomindang (elle redoute
l’entrisme) mais rejette le principe de la lutte des classes. Le leader de l’aile droite du Guomindang
est Hu Hannin. Il est né en 1879, c’est un Cantonais vétéran du Guomindang, membre de la ligue
jurée et compagnon de Sun Yat-sen depuis les débuts.
Parmi eux, il y a d’autres membres importants : Dai Jitao, qui est l’idéologue, un marxiste
anti-communiste. Zoulu et Xie Chi. Cinq mois après la mort de Yuan Shikai, l’aile droite du
Guomindang tente de prendre le pouvoir pour une contre-révolution. Elle fait assassiner Liao
Zhongkai (chef de l’aile gauche, les plus favorables à l’alliance avec les soviétiques). Mais la
tentative de prise de pouvoir est déjouée par Wang Jingwei avec l’appui de Jiang Jieshi.
En novembre 1923, l’aile droite du Guomindang tente à une nouvelle reprise de prendre
le pouvoir. Les dirigeants exigent de démettre Borodine de ses fonctions et des expulsions du
Guomindang. Ils décrètent l’expulsion de Duan Qirui du parti notamment.
L’aile gauche réplique en convoquant à Canton le deuxième Congrès du Guomindang en
janvier 1926, qui va expulser les dirigeants de l’aile droite et réaffirmer l’alliance avec les
soviétiques. Il désigne une nouvelle équipe de dirigeants composés par un tiers de l’aile gauche,
un tiers de communistes et un tiers de militaires (c'est-à-dire des proches de Jiang Jieshi).
En janvier 1926 c’est le triomphe de la gauche, des communistes et une percée de Jiang
Jieshi. Mais Jiang Jieshi est hostile aux communistes. Et il s’inquiète de la progression des
communistes parmi les cadets de son école militaire, et aussi de l’opposition des soviétiques aux
expéditions vers le Nord (Beifa).
Le 20 mars 1926, Jiang Jieshi tire prétexte d’un mouvement suspect d’une canonnière de
la marine (il y voit un complot communiste contre lui) pour proclamer la loi martiale, faire arrêter
les dirigeants de la grève à Canton et à Hong Kong, limiter les activités des communistes au sein
du Guomindang et contraindre Wang Jinwei à s’exiler (en France). Il négocie avec les soviétiques
contre la promesse de continuer à coopérer avec lui et il obtient le ralliement au projet
d’expédition contre le Nord.
5
L’EXPEDITION DU NORD
En Chinois : Beifa. Cette expédition contre le Nord est déclenchée le 9 juillet 1926. Jiang
Jieshi impose aux alliés soviétiques cette expédition militaire. Les troupes nationalistes partent de
Canton. Elles se rendent vers le Nord. Leur progression est rapide. En quelques semaines, elles
sont à Changsha (capitale de la province du Hunan).
À la fin septembre 1926, les troupes du Guomindang occupent presque toute la Chine au
Sud du Yangzi. En octobre 1926, Wuhan tombe. Le gouvernement nationaliste
(Guominzhongfu) s’installe à Wuhan en novembre.
Les troupes nationales sont bien entraînées par ces conseillers militaires soviétiques, elles
sont bien armées et les soldats ont un esprit de sacrifice, ils sont mus par l’idéologie. Les soldats
des seigneurs de la guerre sont des mercenaires.
Dans les villes attaquées, la population se soulève et aide à leur prise. L’expédition du
Nord est portée par le mouvement nationaliste de masse dans les villes. En janvier 1927, la
concession britannique de Hankou est recouvrée par la force par la population.
En mars 1927, à Nankin, les troupes nationalistes attaquent les concessions britannique et
japonaise. La révolution anti-impérialiste est en marche. Les puissances s’inquiètent d’une
possible disparition des traités.
Les militants nationalistes ou communistes organisent la mobilisation des paysans (après
le passage des troupes). C’est un mouvement spectaculaire. Ils forment des associations qui à la
fin de l’année 1926 comptent 9 millions de membres. Les militants organisent la révolution dans
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
41
les villages. Les propriétaires fonciers sont expropriés, il y a redistribution des terres. Mao
Zedong écrit un « rapport d’enquête sur le mouvement paysan dans le Hunan ». L’expédition du
Nord a un caractère révolutionnaire certain.
6
LA TRAGEDIE DE LA REVOLUTION CHINOISE
Après la prise de Wuhan en octobre 1926, il y a deux stratégies en concurrence pour la
suite des opérations. La première est celle des soviétiques. Elle consiste à marcher vers Pékin. Il y
a un chemin de fer. Les soviétiques arguent de la possibilité de faire la jonction avec les troupes
de Feng Yuxiang (plus progressiste que la moyenne des seigneurs de la guerre). Il est disposé à se
rallier.
L’autre stratégie est celle de Jiang Jieshi. Il a installé son quartier général à Jiangxi. Il veut
marcher sur Shanghai, puisque les relations entre Jiang Jieshi et le gouvernement nationaliste de
Wuhan se détériorent. Ce gouvernement est dominé par l’aile gauche du Guomindang et par les
communistes.
Or, les officiers de l’armée nationaliste n’apprécient pas le mouvement des paysans et la
révolution dans les campagnes. De plus, il y a eu fin octobre à Shanghai une tentative
d’insurrection de la population dans laquelle les communistes ont joué un rôle. Jiang Jieshi veut
s’emparer de Shanghai avant que les communistes n’en prennent le contrôle.
Les troupes nationalistes avancent vers Shanghai. Elles s’emparent du Zhejiang au
passage. À Shanghai, il y a une nouvelle tentative d’insurrection du 20 au 22 février 1927. C’est
une grève insurrectionnelle dirigée par les communistes qui échoue.
Les communistes vont tenter une troisième insurrection à Shanghai avant que Jiang Jieshi
ne l’atteigne. Elle est déclenchée le 21 mars par les ouvriers. Elle débouche sur la proclamation
d’un gouvernement provisoire de la municipalité de Shanghai contrôlé par les communistes. Mais
ils font une place aux notables.
Cette insurrection est donc un triomphe. La ville est ouverte à Jiang Jieshi. Il ne reconnaît
pas le gouvernement. Il prépare la contre-révolution, qui se déclenche le 12 avril 1927. Les
piquets de grève sont désarmés par les troupes armées nationalistes ou par les nervis de la bande
verte.
La répression se déchaîne. Il y a 5000 tués parmi les militaires, les syndicalistes
communistes. La répression s’abat dans les autres villes du Sud Yangzi, au soulagement de la
bourgeoisie de Shanghai. Les communistes entrent dans la clandestinité.
Jiang Jieshi établit le 18 avril un autre gouvernement national à Nankin. Il y a donc deux
gouvernements nationaux : le premier à Wuhan, contrôlé par l’aile gauche du Guomindang, et le
second à Nankin contrôlé par Jiang Jieshi.
Ce schisme durera trois mois pendant lesquels le mouvement paysan est réprimé. Les
militants communistes se replient dans la province du Jiangxi.
Ici s’achève la coopération entre les nationalistes et les communistes et le premier front
uni. Cela se termine par un échec des communistes. Les raisons sont que les communistes ne
font pas le poids numériquement, mais surtout que le mouvement communiste était
exclusivement urbain et ouvrier ; or une révolution ouvrière était prématurée vu la faiblesse du
prolétariat à l’époque en Chine. On parle de « l’illusion urbaine ». Autre facteur d’explication : une
erreur de calcul stratégique.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
42
LA DECENNIE DE NANKIN (1927-1937)
C’est la période qui sépare la fin du front uni du début de la guerre sino-japonaise de 1937. Cette
période est importante dans l’histoire de la Chine du 20ème siècle, elle est difficile à cerner et le
débat historiographique n’est pas clos.
1
1.1
LA VICTOIRE INCERTAINE DU GUOMINDANG
LE SECOND SEMESTRE DE 1927
Les gouvernements nationaux de Wuhan et de Nankin se réconcilient en 1927. Ils se
réunissent à Nankin. Le gouvernement de Wuhan en a fini avec les communistes en juillet 1927.
Cependant, une des conditions de la réunification est le départ de Jiang Jieshi.
En l’absence de Jiang Jieshi, le Guomindang est pris en main par une faction militaire du
camp nationaliste : la faction du Guangxi. Néanmoins, droite et gauche s’affrontent et rappellent
Jiang Jieshi en janvier 1928.
1.2
LA DEUXIEME PHASE DE L’EXPEDITION CONTRE LE NORD (PREMIER SEMESTRE 1928)
L’expédition du Nord est alors reprise en avril 1928. Leur progression se heurte à divers
obstacles, notamment une expédition militaire japonaise envoyée dans la province du Shandong,
officiellement pour protéger la vie et les biens des résidents japonais qui y sont nombreux. Il y a
des négociations et les Japonais se retirent. L’expédition continue.
Approchant de Pékin, Zhang Zuolin (seigneur de la guerre) quitte la capitale pour se
replier à Shenyang (Mandchourie). Il est assassiné le 4 juin par un commando japonais qui fait
sauter son train (ici est l’amorce des intrigues qui vont déboucher trois ans plus tard par la
conquête de la Mandchourie par les Japonais).
Le Nord est conquis non pas par les troupes nationalistes mais par les troupes de Feng
Yuxiang et Yan Xishan (ex-seigneurs de la guerre). Yan Xishan est lié aux forces les plus
conservatrices de la société chinoise. Il s’est rallié aux nationalistes mais il n’est pas vraiment
nationaliste. En décembre 1928, le fils et successeur de Zhang Zuolin, Zhang Yueliang, se rallie
au Guomindang. Ainsi, la Mandchourie reconnaît le gouvernement de Nankin (Zhang Yueliang
est mort en 2001 à Taiwan à l’âge de cent ans). La réunification est achevée en décembre 1928,
mais elle est plus apparente que réelle. Ce sont les seigneurs de la guerre ralliés qui contrôlent le
Nord.
Le régime des seigneurs de la guerre est fini mais le nouveau régime hérite de quelques
uns de ces seigneurs de la guerre et de nombreux fonctionnaires de l’ancien régime. Ce qui a
changé est le centre de gravité qui s’est déplacé vers le Sud (Nankin). Le centre de gravité
politique se rapproche du centre de gravité économique (Shanghai).
Mais c’est une unité de façade entre 1928 et 1931. Il y a des guerres civiles, des conflits
armés intérieurs. Il y en a eu deux en 1929 et un en 1931 qui oppose Jiang Jieshi à Feng Yuxiang
et Yan Xishan. En 1931, c’est la guerre civile la plus sanglante de cette période. Elle cause 250
000 morts et d’énormes destructions. Ce qui met fin à ces guerres civiles est l’agression japonaise
qui commence en 1931 et qui réconcilie tout le monde.
Une grande partie de la Chine de l’Ouest échappe à l’autorité de Nankin. Par exemple,
dans le Sichuan et le Yunnan, il y a encore des seigneurs de la guerre. En 1935, le Guomindang
réussit à pénétrer dans ces provinces. Quant au Xinjiang, il est indépendant et dans la mouvance
soviétique. Toutefois la plus grande partie de la Chine est soumise au gouvernement de Nankin.
De plus, le pouvoir nationaliste est beaucoup plus fort que celui de Pékin. Son ambition est
d’établir un État fort.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
43
2
LES DEBUTS DU NOUVEAU REGIME : VERS UNE RESTAURATION DE L’ETAT
L’essentiel est que l’État national entre 1927 et 1937 est un État fort ; plus fort que
n’importe quel État précédent. Mais Roux parle de « la faiblesse d’un État fort ».
2.1
LA DICTATURE DE TUTELLE
La fin de la conquête militaire est achevée en 1928. Le Guomindang établit le régime de
dictature de tutelle en application du programme politique de Sun Yat-sen. C’est un régime de
parti unique. Tout autre parti est interdit. En octobre 1928, le gouvernement national, le
Guominzhongfu, est réorganisé conformément à la doctrine de Sun Yat-sen (les cinq pouvoirs).
Le gouvernement national à partir de 1928 est divisé en cinq yuan :
- le yuan exécutif
- le yuan législatif
- le yuan judiciaire
- le yuan de contrôle
- le yuan des examens
C’est le gouvernement national. Mais le yuan exécutif est le gouvernement proprement dit
(ministère des affaires étrangères, de l’éducation, de l’industrie, des finances…). Les membres du
yuan législatif sont nommés pour deux ans.
Le yuan de contrôle est chargé de superviser la fonction publique (ses membres sont
nommés). Le yuan des examens s’occupe du recrutement des agents de la fonction publique.
Cette organisation politique est exportée à Taiwan après 1949.
2.2
LA MISE AU PAS DE LA SOCIETE CIVILE
Dès 1927, les nouvelles autorités entreprennent de mettre la société chinoise au pas. Cela
n’est pas seulement limité à la répression du mouvement communiste mais vise toute la société
chinoise et notamment la société urbaine.
Le recul de l’État pendant la période des seigneurs de la guerre avait permis à la société
urbaine de jouir d’une certaine autonomie par rapport à l’État. La société urbaine a été prise en
charge par des organisations des élites urbaines, sous la conduite de ces élites, qui témoignaient
d’une grande vitalité politique. Dans les années 1920, la bourgeoisie chinoise poursuit des
objectifs propres.
Quand il prend le pouvoir, le Guomindang prend le contrôle des chambres de commerce,
des guildes, des tongxianghui. Ces organisations ne sont pas supprimées mais restructurées. Le
Guomindang place à leur tête des dirigeants caractérisés par leur docilité. Par exemple, à la tête
des chambres de commerce, on place des petits marchands.
Des municipalités sont mise en place dans les grandes villes : Shanghai, Tianjin, Wuhan.
L’État prend en charge la gestion de ces grandes villes (gêné jusque là par les notables). Il y a une
prise de pouvoir par le Guomindang qui représente une avancée de l’État. C’est la soumission de
la société civile. Dans ces conditions, il est difficile de dire que le Guomindang est le régime de la
bourgeoisie chinoise.
Certes, la prise du pouvoir par le Guomindang et la restauration du pouvoir qui s’en suit a
comblé les attentes de la bourgeoisie chinoise. Mais en même temps, la restauration de l’État
prive la bourgeoisie de son autonomie.
2.3
LA POLITIQUE ECONOMIE DU GUOMINDANG
Les milieux d’affaires sont les bénéficiaires de la restauration du Guomindang. Mais cela
n’est même pas sûr. Car si au début le Guomindang favorise la carrière et les intérêts des
banquiers chinois, en 1935, le gouvernement prendra le contrôle des banques en dépouillant les
banquiers.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
44
Vers 1935, on a une prise de contrôle de nombreux secteurs de l’économie par le
Guomindang (nationalisation, entrepreneurs spoliés). Le pouvoir attend d’eux qu’ils financent le
gouvernement. Les entrepreneurs industriels et les commerçants sont beaucoup moins bien
traités. La fiscalité nationaliste est écrasante. En 1935, le Guomindang étend son contrôle à
l’industrie.
2.4
L’EFFORT DE RECONQUETE DE LA SOUVERAINETE
La reconquête des droits souverains de la Chine, la défense de l’indépendance et de
l’intégrité territoriale sont les principaux objectifs de la révolution nationale. L’État a obtenu des
succès non négligeables. En 1931, les nationalistes sont confrontés à l’agression japonaise.
Le gouvernement national cherche à obtenir l’abolition des traités inégaux. Mais il
s’interdit tout recours à la force. Il cherche à atteindre cet objectif par la négociation. La méthode
est progressive. Il s’agit de récupérer la souveraineté douanière. Elle s’attache à obtenir le
démantèlement de l’extraterritorialité et des concessions. Le démantèlement de l’économie
douanière est le préalable à la reconstruction et au développement économique du pays. Les
droits de douane sont élevés pour protéger l’industrie.
Dès 1928, la Chine nationale obtient la reconnaissance de l’autonomie douanière, à
l’exception du Japon qui traîne jusqu’en 1930. L’autonomie douanière entre en vigueur le 1 er
janvier 1931. Les nouveaux tarifs douaniers sont de 30 à 35% plus élevés. Le démantèlement de
l’extraterritorialité est plus difficile. Les puissances arguent avec mauvaise foi de l’absence d’un
droit moderne en Chine.
La diplomatie nationaliste révise à la baisse ses ambitions et cherche à abolir les
juridictions étrangères en Chine (dans les concessions). Mais l’extraterritorialité n’est pas
démantelée. Il faut attendre la seconde guerre mondiale. En janvier 1943, l’extraterritorialité est
démantelée. Les États-Unis et la Grande Bretagne renoncent à l’extraterritorialité dans des traités
avec le gouvernement nationaliste. Seule la France s’accroche à l’extraterritorialité après guerre.
La Grande Bretagne rend quatre concessions, ainsi que les territoires à bail de Wei Hai Wai. La
Belgique rend sa concession de Tianjin.
3
3.1
L’EVOLUTION CONSERVATRICE DU REGIME NATIONALISTE
LE MUSELLEMENT DU GUOMINDANG
L’élimination des communistes en 1927 n’a pas supprimé tout de suite et complètement
l’élan révolutionnaire du Guomindang. Les cadres inférieurs de ce parti continuent de vouloir des
réformes sociales et économiques, d’animer des mouvements de masse dans les campagnes. Ces
cadres sont pour la majorité des gens très jeunes.
En 1929, 1/3 des membres du parti ont moins de 25 ans. Jiang Jieshi, quand il revient au
pouvoir en janvier 1928, ordonne à la jeunesse de cesser toute activité politique et de mettre un
terme aux mouvements de masse. La réforme agraire est suspendue et ajournée.
En même temps, la direction du Guomindang ordonne aux membres du parti de se faire
réinscrire. Le but est de filtrer, d’éliminer les membres suspects soupçonnés d’être communistes
ou trop progressistes, indociles, activistes. Il s’agit du qingdang (purifier le parti). Cette épuration
des activistes du Guomindang trop progressistes soupçonnés de crypto-communisme est parfois
sanglante. Elle débouche sur un musellement du parti. En muselant le parti de ses éléments les
plus progressistes et dynamiques, le régime se prive du soutien des masses.
Le Guomindang n’est plus un parti qui a un rôle. Il devient une simple légitimation du
pouvoir. Ceci va décevoir la jeunesse du pays. Il y a un divorce de la population avec le
Guomindang. Avec l’épuration du Guomindang, le régime se prive du soutien populaire.
Le Guomindang dans les années 1930 est dirigé par une coalition de conservateurs, de
modérés. Ils sont loin de refléter la réalité de la société chinoise. Le comité exécutif central est
dominé par les militaires. Un tiers est militaire, le reste est composé de catégories intellectuelles :
des professeurs, des juristes, des journalistes, des éditeurs. Les ouvriers et les paysans sont quasi
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
45
absents. Les milieux d’affaires ne sont pas représentés. Le sentiment de beaucoup de gens est que
le Guomindang a été usurpé par les bureaucrates de l’Ancien régime. Il est vrai qu’ils ont réussi à
se placer dans l’administration du nouveau régime. Le Guomindang n’a pas joué un rôle
important.
3.2
UNE DICTATURE FAIBLE
La base de pouvoir de Jiang Jieshi est l’armée, plus exactement l’armée centrale, c'est-àdire des unités directement liées à Jiang Jieshi dont les officiers sont les anciens cadets de
l’Académie militaire de Whampua (Huangpu).
Le régime nationaliste dans les années 1930 jusque dans les années 1940 est une
nébuleuse de cliques dont le pouvoir est souvent occulte. La plus influente auprès de Jiang Jieshi
est la clique C.C. c'est-à-dire la clique des frères Chen (Guofu et Lifu). Cette faction noyautait
l’appareil du Guomindang ainsi que les syndicats ouvriers officiels, l’administration et la police
(contrôle de l’une des deux polices secrètes du régime : le Zhongtong). Mais les luttes entre
cliques sont incessantes et contribuent à affaiblir le régime.
Le pouvoir de Jiang Jieshi est très tôt dénoncé par la gauche du Guomindang et il ne sera
jamais absolu. Jiang Jieshi n’est pas un dictateur tout puissant car il doit compter avec les cliques
et les autres personnalités du parti.
4
L’AGRESSION JAPONAISE
À partir du début des années 1930, la principale puissance impérialiste en Chine est le
Japon. L’influence japonaise en Chine prend des proportions énormes et le Japon supplante les
autres puissances impérialistes en Chine. Les menées du Japon en Chine débouchent sur la guerre
sino-japonaise en 1937 qui dure jusqu’en 1945. Les années 1920 et 1930 voient au Japon une
hausse de la contestation de gauche (communiste) et surtout de droite. Le radicalisme d’extrême
droite dénonce le gouvernement, les milieux d’affaires, les intellectuels, qu’il juge soumis aux
États-Unis ; que les élites ne se préoccupent plus ni du bien public, ni de l’harmonie sociale,
qu’elles sont responsables de la désunion nationale.
Cette contestation débouche sur la violence dans les années 1930. Les nationalistes
japonais observent la renaissance de l’État chinois à partir de 1928. Il faut agir rapidement pour
placer définitivement la Chine sous contrôle japonais. L’impérialisme japonais dans les années
1930 a plusieurs aspects. Des aspects stratégiques ; la Chine ne doit pas devenir une puissance
militaire mais il faut en faire une base à partir de laquelle le Japon va faire face à l’URSS.
Économiques ; la Chine doit rester le fournisseur de matières premières et être un débouché pour
les produits japonais. Psychologiques : le Japon est le premier pays asiatique qui a réussi à se
libérer de la domination occidentale. Il s’estime le devoir et le droit de conduire les autres pays
asiatiques sur la voie de la modernisation même si ces pays ne le veulent pas. C’est ce qu’on a
appelé le panasiatisme.
La Chine depuis 1928 affirme ses droits en Mandchourie. Cela contrarie les ambitions
japonaises. Les autorités chinoises interdisent de vendre des terres aux étrangers en Mandchourie.
Cela affecte aussi les immigrés coréens (la Corée est une colonie japonaise depuis 1910). Cela
entraîne des disputes opposant les immigrés coréens et les villageois chinois, à l’origine d’une
tension dans l’été 1931 entre la Chine et le Japon.
Des officiers de l’armée japonaise du territoire à bail de Liadong (baie de Kuantung) vont
passer à l’action. Dans la soirée du 18 septembre 1931, un commando détruit à l’explosif environ
un mètre de la voie ferrée du Sud mandchourien. Cet attentat sera imputé par la propagande
japonaise à la garnison chinoise de cette ville. C’est le prétexte à une invasion de toute la
Mandchourie par l’armée du Kuantung. Elle met hors de combat en quelques heures la garnison
chinoise et s’empare de la ville dès le lendemain. C’est ce qu’on appelle l’incident du 18
septembre 1931. Les troupes chinoises de Mandchourie de Jiang Xueliang évacuent la
Mandchourie et se réfugient de l’autre côté de la grande muraille. À peine la conquête de la
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
46
Mandchourie achevée, au printemps 1932, c’est la bataille contre Shanghai qui dure plusieurs
semaine. Les Chinois se réfugient dans le Fujian.
C’est une crise grave entre les deux pays. Il y a une flambée du nationalisme en Chine qui
s’en prend à Jiang Jieshi et en profite pour dénoncer la dictature du Guomindang. L’affaire est
portée par les Chinois devant la Société des nations. Ils demandent l’évacuation du Japon de la
Chine. Les États-Unis s’impliquent et s’inquiètent de la situation.
La Société des nations confie une mission d’enquête en Mandchourie à un britannique,
Lord Lytton, au cours de l’année 1932 et celui-ci rend un rapport à l’automne qui fait beaucoup
de concessions au Japon. Mais ces concessions sont acceptées par la Chine.
Le 15 septembre 1932, Tokyo reconnaît le Mandchoukouo dont l’indépendance a été
proclamée le 1er mars. Pu Yi (dernier empereur Qing) avait été placé à la tête de cet État avec le
titre de régent le 9 mars. À la fin de décembre 1932, l’armée japonaise du Kuantung expulse les
troupes chinoises de cette région.
Sous la pression des manifestations nationalistes, Jiang Jieshi décide de résister aux
japonais. Il en résulte une nouvelle offensive japonaise qui repousse encore plus les troupes
chinoises vers le Sud. Le gouvernement chinois accepte de négocier. Cela débouche sur un
armistice de Tanggu signé dans une localité proche de Tianjin en mai 1933.
De 1934 à 1935, la situation se calme. Le gouvernement chinois croit possible une
politique d’apaisement par rapport au Japon. Le gouvernement de Tokyo semble vouloir
renoncer à l’offensive. Au début 1935, il y a une provocation au Nord de la Chine.
Le 18 juin, ce sont des démonstrations de force aériennes au-dessus de Pékin et de
Tianjin. Le 29 juin, le Japon pénètre en Chine du Nord, il occupe le Nord de la Chine : la région
de Pékin. Il y met en place un gouvernement fantoche.
Cette nouvelle agression oblige le gouvernement de Nankin à renoncer à sa politique de
conciliation. Le 9 décembre 1935, les étudiants à Pékin manifestent contre le Japon et appellent le
gouvernement de Pékin à cesser les opérations contre les communistes et à reprendre l’offensive
contre le Japon (ce mouvement est réprimé). Mais la Grande Bretagne apporte son soutien actif à
la Chine, ainsi que l’URSS qui change de stratégie.
En août 1935, le Kominterm appelle à la formation de fronts unis contre le fascisme. Le
parti communiste chinois adopte cette stratégie en novembre 1935. Le pacte anti-Kominterm
signé par l’Allemagne et le Japon en novembre 1936 incite l’URSS à précipiter le rapprochement
entre communistes et nationalistes. Notamment depuis l’incident de Xi’an en décembre 1936.
Le 12 décembre, Jiang Jieshi est fait prisonnier par les troupes de Zhang Xueliang, pour
qu’il abandonne les opérations contre les communistes et déclenche l’offensive contre le Japon.
Derrière l’URSS essaye de précipiter les rapprochements entre communistes.
5
LA DISSIDENCE COMMUNISTE
Jiang Jieshi en 1927 avait décidé d’en finir avec les communistes (répression à Shanghai).
Les communistes quittent le gouvernement de Wuhan ainsi que le Guomindang. La direction du
parti et les militants se dispersent et entrent dans la clandestinité. Les communistes sont interdits.
Les militants sont traqués par la police et mènent une vie et une activité clandestine. Le parti
communiste chinois dans les villes disparaît. S’il n’y avait eu que des militants urbains en 1927,
l’histoire du parti communiste chinois se serait arrêtée là.
Mais en 1927, le parti communiste chinois n’est pas que urbain. Il est aussi une force
militaire. Des unités de l’armée nationaliste sont acquises aux communistes. Ils se rebellent et
prennent le maquis. Le parti communiste chinois va connaître une nouvelle naissance. Il va
devenir un parti rural. La révolution communiste chinoise va trouver un second souffle à la
campagne. Une nouvelle voie à la fois rurale et militaire. Cependant, la direction du parti
communiste chinois va continuer de raisonner en termes classiques de révolution urbaine. Le
parti communiste chinois va continuer de croire à une révolution urbaine. Ce qui va lui entraîner
des échecs cuisants.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
47
Ceux qui sont les plus pragmatiques, comme Mao Zedong, réussissent à s’affranchir du
modèle de la révolution urbaine. Mais ils n’ont pas avant 1935 assez de poids pour se faire
entendre. En 1935, pendant la longue marche, Mao Zedong s’impose au parti. Les dirigeants du
parti se réunissent en août 1927 à Wuhan. Ils sont convoqués par l’internationale communiste.
Lors de cette réunion, Chen Duxiu est condamné pour opportunisme de droite, il est exclu du
parti communiste chinois et est remplacé par Qu Qiubai au poste de secrétaire général.
La réunion décide d’un programme d’insurrection armée à déclencher au nom du
Guomindang de gauche (la ligne de Qu Qiubai). Dès le 1er août, des officiers communistes de
l’armée nationaliste stationnés dans le Jiangxi entraînent leurs troupes dans la rébellion au nom du
Guomindang de gauche. L’objectif est de s’emparer de Canton. Les chefs de ces unités sont Zhu
De, He Long, Ye Ting. Ils occupent la capitale de la province (Nanchang) le 1er août 1927 (cette
date est célébrée en République de Chine populaire comme la date de naissance de l’armée
rouge).
En septembre, Mao fomente une insurrection dans le Hunan. C’est l’insurrection de la
moisson d’automne qui échoue. Une troisième tentative à lieu à Canton en décembre 1927 mais
elle est écrasée en trois jours. Les rescapés de ces actions se retrouvent début 1928 dans le Hunan
à la frontière du Jiangxi. C’est l’amorce d’une première base communiste dont le principal
dirigeant est Mao. Le mouvement communiste chinois se territorialise en même temps que naît
l’armée rouge.
Malgré les échecs des insurrections, la direction du parti communiste chinois et du
Kominterm ne changent pas de ligne. Elles souhaitent toujours s’emparer de villes. En 1930, les
insurrections programmées échouent lamentablement. On installe un dispositif de défense
efficace. Mao et Zhu De refusent de participer. Il y a une lutte interne au sein du parti
communiste chinois.
En janvier 1931, le parti a une nouvelle direction collégiale, un groupe appelé les 28
bolcheviks (activistes formés à Moscou qui suivent les directions du Kominterm). C’est un échec.
Ils essayent de revenir à une stratégie urbaine. Le parti perd sa base ouvrière de Shanghai.
Pendant ce temps, Mao et Zhu De inventent une stratégie paysanne de la révolution
communiste. Dans le Jiangxi est mis en œuvre une réforme agraire égalitariste. Chaque foyer de
paysan reçoit la même superficie de terre. Mais c’est encore assez modéré, car même les
propriétaires fonciers ont droit à la terre. Au cours de l’automne 1930, ils décident de créer les
soviets, les bases communistes. Le 15 janvier 1931, un bureau du Soviet central est formé.
En novembre a lieu un premier congrès des soviets qui établit la République soviétique de
Chine dont la capitale est Ruijing. Cet État regroupe entre 2 et 5 millions de personnes. Les
supérieurs de Mao sont obligés de fuir Shanghai en 1932. Ils débarquent à Ruijing. De là, les
bases communistes avaient résisté aux campagnes d’annihilation par la guérilla.
Les 28 bolcheviks contestent cette stratégie, et imposent un type d’opération plus
classique. L’abandon de la guérilla est fatal aux bolcheviks. Ils décident de radicaliser la nouvelle
politique agraire qui vise l’expropriation totale des propriétaires fonciers et privilégie les pauvres
dans la distribution des terres. Mao Zedong est exclu du parti.
En 1935, c’est la fuite, la débandade de la longue marche. Mao et ses partisans vont
rejoindre au bout de 12 000 km le Nord de la province du Shanxi en passant par le Sichuan. Ils
partent 100 000, ils arrivent 8000. C’est un épisode héroïque qui est devenu légende. Mais
beaucoup moins héroïque dans tout cela est la rupture entre Mao Zedong et Zhang Zhu De
quand ils arrivent dans le Sichuan (ils se séparent et les troupes de Zhang Zhu De sont écrasées
par un seigneur de la guerre). Le parti installe son quartier général à Yan’an. Mao devient le chef
du parti, il en prend le contrôle. Cela débouche sur le deuxième front uni dirigé contre le Japon,
conclu en 1937.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
48
LA GUERRE SINO-JAPONAISE ET LA GUERRE
CIVILE (1937-1949)
Ce sont des années de guerre. De 1937 à 1949, la guerre ravage la Chine. De 1937 à 1945, c’est la
guerre sino-japonaise. De 1945 à 1949, c’est la guerre entre nationalistes et communistes. Pendant
12 ans, la Chine ne connaît que la guerre.
En 1937, les communistes sont dans une situation difficile. Ils sont chassés de leur base du
Jiangxi et se réfugient dans la Chine du Nord. Douze ans plus tard, ils triomphent. Dans cette
période, la révolution a triomphé. Une thèse est qu’ils ont triomphé à la faveur de la guerre sinojaponaise et que le Guomindang a été assassiné par le Japon. Mais cette thèse néglige les
continuités par delà 1937.
D’autres disent que le Guomindang avait échoué dès le début des années 1930. Ils estiment que la
révolution nationaliste a avorté. Le débat n’est pas clos. Le chapitre sera divisé en deux parties : la
guerre sino-japonaise et la guerre civile entre nationalistes et communistes.
1
1.1
1.1.1
LA GUERRE ETRANGERE
L’INVASION
LA GUERRE DE MOUVEMENT, 1937-1938
La guerre sino-japonaise commence par un accrochage qui survient dans la soirée du 7
juillet 1939 entre la garnison chinoise de la ville de Wanping (banlieue de Pékin) et les troupes
japonaises. Cette ville se trouve à l’entrée du pont Marco Polo. L’état-major japonais en profite
pour déclencher l’invasion de la Chine. Des unités de l’armée japonaise de Mandchourie et de
Corée pénètrent en Chine. L’offensive se déploie en direction de la Mongolie intérieure et du
Sud, le long de la voie ferrée qui relie Pékin à Wuhan. À la fin de 1937, les japonais ont conquis la
plus grande partie du Nord de Shanghai, le Hebei, le Henan, le Shandong.
Auparavant, pour contrer l’offensive japonaise, Jiang Jieshi ouvre un deuxième front à
Shanghai. Le 13 août 1937, Jiang Jieshi lance ses divisions à l’attaque des quartiers concédés de la
ville (où il y avait de nombreux japonais). Tokyo envoie des renforts, débarqués au Nord et au
Sud de la ville. La flotte et l’aviation japonaise bombardent la flotte chinoise. La ville subit
beaucoup de dommages. Les Chinois battent en retraite. Shanghai est définitivement occupée par
le Japon le 9 novembre. Les Chinois se replient à Nankin.
Nankin est prise par les Japonais le 13 décembre. Les Japonais commettent des atrocités :
c’est le massacre de Nankin qui fait 150 000 victimes dont 40 000 civils. 20 000 femmes sont
violées. Les troupes chinoises se replient vers Wuhan où le gouvernement nationaliste s’installe.
Après la prise de Nankin, les Japonais essayent de faire la jonction entre leurs troupes du
Nord et du Sud. Celle-ci est réalisée le 19 mai 1938 grâce à la prise de Xuzhou. Les Chinois sont
incapables de contrer cette poussée malgré une victoire à Taierzhuang (petite ville du Jiangsu).
C’est la seule victoire chinoise de cette guerre. Les Chinois tentent de stopper la progression
japonaise en bombardant les digues du Fleuve Jaune le 9 juin 1938. Le Fleuve Jaune change de
cours et submerge des milliers de village. Il y a 4 millions de sinistrés, 900 millions de paysans
noyés. Mais cela n’empêche pas la progression de l’armée japonaise. Cette action est reprochée
aux nationalistes par les libéraux après-guerre, elle entraîne le discrédit des nationalistes.
Le 21 octobre 1938, les japonais s’emparent de Canton. La chute de Canton détermine la
chute de Wuhan. Les nationalistes sont en déroute vers Chongqing (au Sichuan).
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
49
1.1.2
LES TROIS CHINE, 1938-1945
Après la chute de Wuhan, les caractères et les conditions de la guerre changent
complètement. C’est la fin de la guerre de mouvement. La ligne de bataille ne change pas. Les
Japonais renoncent à conquérir l’Ouest chinois car l’occupation totale de la Chine nécessiterait
des effectifs et des ressources énormes qu’ils ne peuvent fournir. Ils cherchent à contrôler le pays
par le contrôle politique des pouvoirs locaux.
Il y a donc trois Chine : la Chine occupée, la Chine libre et la Chine rouge. La Chine libre
est contrôlée par les forces nationalistes de Jiang Jieshi : le Sichuan, le Yunnan, le Guizhou, le
Nord du Tibet.
La Chine rouge correspond à la zone contrôlée par les communistes. Elle occupe une
zone à cheval sur plusieurs provinces, déshéritées, à l’écart des voies de communication. C’est
d’abord le Shan-Gan-Ning (Shaanxi, Gansu, Ningxia) puis le Jin-Cha-Ji (Hebei, Chaar, Hubei).
Il y a un archipel de petites bases au Shandong, au Jiangsu, et dans l’Anhui.
La Chine occupée correspond à tout le reste. Toutefois, le Tibet, le Xinjiang, le Qinghai et
le Ningxia, éloignés du conflit, sont quasiment indépendants. Mais les Japonais n’occupent que
les grandes villes et les voies de communication (les grands axes). Entre ces mailles, ils ne
contrôlent que le jour, pas la nuit.
Un gouvernement collaborationniste s’établit fin 1937 dans la Chine du Nord par l’armée
japonaise de la Chine du Nord puisque tous ses membres ont servi les seigneurs de la guerre.
L’armée japonaise de la Chine centrale établit à Nankin un gouvernement collaborationniste dont
les alliés sont des proches de Duan Qirui.
Les Japonais essayent d’obtenir la fusion de ces gouvernements. C’est un succès jusqu’en
mars 1940. Il est unifié et remplacé par un gouvernement unique dont Wang Jinwei prend la tête.
Il fait défection fin 1938. Il quitte Chongqing et se réfugie à Hongkong. Il appelle Jiang Jieshi à
conclure l’armistice avec les japonais. Il accepte de prendre la tête du gouvernement
collaborationniste en mars 1940.
1.2
LE REGIME DU GUOMINDANG DANS LA GUERRE
De son réduit du Sud-Ouest, le Guomindang connaît une dégénérescence accélérée. Jiang
Jieshi contrôle le Sichuan. Le Yunnan est contrôlé par le seigneur de la guerre Long Yun qui tire
ses ressources de la culture du pavot. L’opium contamine le régime de Jiang Jieshi. Pour financer
le gouvernement de guerre, le Guomindang fait fonctionner la planche à dollar. L’inflation est
galopante.
En 1941, c’est Pearl Harbor et l’entrée en guerre des États-Unis. Ils soutiennent les
nationalistes. En conséquence, un taux de change a été fixé entre le dollar et le yuan (ce qui
entraîne de la corruption). La Chine libre ne se bat guère contre les Japonais. Elle trafiquerait
plutôt avec eux.
Après l’entrée en guerre des États Unis, la politique de Jiang Jieshi consiste à marchander
pour obtenir le meilleur prix de la participation de la Chine à la guerre. Mais Jiang Jieshi a
compris que les Japonais allaient être vaincus. Il s’abstient d’engager ses forces dans les combats.
Jiang Jieshi est invité à participer aux côtés de Staline, Roosevelt et Churchill à la conférence du
Caire (1943) et à celle de Téhéran. À Téhéran, Jiang Jieshi obtient que la Chine devienne le 4ème
grand de l’Organisation des Nations Unies. Toutefois à Téhéran, Staline promet d’entrer en
guerre contre le Japon dès que l’Allemagne aura capitulé. La Chine reprend la lutte contre les
communistes en 1941.
1.3
LES COMMUNISTES CHINOIS DANS LA GUERRE
Ils n’ont pas trop souffert de l’offensive japonaise de 1937. Ils remportent même une
victoire qui attire l’attention de l’opinion. Jusqu’à la première semaine de 1940, ils sont à l’abri
dans leur base chinoise du Nord (Yan’An). Le résultat de l’offensive japonaise est que les
nationalistes ne sont plus en mesure de les attaquer.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
50
Les Japonais n’occupent que les grandes villes et les axes de communication. Ils étendent
leur influence en mettant en œuvre la réforme agraire, tantôt modérée, tantôt radicale. Modérée
quand les communistes ont eu besoin des notables pour lutter contre les Japonais. Ce
mouvement de radicalisation et de libéralisation s’est répété plusieurs fois.
Dans le cadre du deuxième front uni, les troupes communistes ont été insérées dans la
nomenclature nationaliste. C’est l’armée de la huitième route (Balujun). Les troupes du centre de
la Chine sont appelées la nouvelle quatrième armée (Xinsijun). Les effectifs de la Balunjun
passent de 22 000 à 13 000 en août 1940, tandis que ceux de la Xinsijun de 3000 à 100 000
hommes.
En août 1940, les communistes engagent toutes leurs forces dans une vaste offensive
contre les Japonais, dite offensive des quatre régiments. C’est un changement de stratégie sous
l’influence de Peng Dehuai. Il y a de nombreuses pertes communistes dans cette guerre. Cette
tentative leur fait une formidable publicité en Chine. Ils apparaissent comme les champions du
patriotisme alors que les nationalistes ne font rien. Les nationalistes rompent le front uni en
attaquant la Xinsijun en janvier 1941. C’est la fin du font uni anti-japonais.
D’août à octobre 1941, les communistes doivent faire face à une violente offensive
japonaise. Ils prennent en main les opérations de répression des communistes jusque là confiées à
la collaboration. Le mot d’ordre est de tout tuer, tout piller, tout brûler. C’est un moment difficile
pour les communistes. La population qu’ils contrôlent passe de 100 millions en 1940 à 130
millions en 1942.
De plus, il y a les calamités naturelles dans les bases, à l’origine de disettes dont souffrent
la population et l’armée. Les armes et les munitions commencent à manquer. Tout cela est à
l’origine de deux évolutions : la radicalisation de la politique agraire (pour motiver les paysans à
produire plus) et la purge au sein du parti. Il s’agit d’unifier les communistes autour de Mao. C’est
le mouvement de rectification du style de travail du parti (Zheng fang yundong).
C’est de 1942 que date la consolidation définitive de Mao Zedong sur le parti. En 1944 et
1945, c’est le relâchement de la pression japonaise et nationaliste. Les Japonais déclenchent en
1944 une offensive contre les nationalistes. En 1945, les communistes contrôlent 950 000 km² de
territoire et 100 millions d’habitants.
Ils se sont renforcés en mobilisant les paysans contre l’occupant et ils ont réussi à se
forger une légitimité aux yeux de l’opinion. Ils apparaissent comme une alternative possible au
Guomindang. Ils se font connaître à l’étranger, aux États-Unis grâce aux reportages d’Edgar
Snow qui interviewe Mao (il a beaucoup contribué à la légende du communisme chinois). En
1945, la guerre entre les nationalistes et les communistes était inévitable. Mais une partie de
l’opinion chinoise souhaitait un compromis, qu’on évite la guerre civile ; c’est aussi ce que
souhaitaient les alliés et les États-Unis.
2
2.1
2.1.1
LA GUERRE CIVILE
VERS UNE GUERRE CIVILE INEVITABLE
LA COURSE AU DESARMEMENT DES JAPONAIS
Dès la capitulation, une course s’engage pour le désarmement japonais, c'est-à-dire
désarmer 1 300 000 hommes pour les troupes japonaises et 800 000 pour les troupes du
gouvernement collaborationniste.
Les communistes pénètrent en Mandchourie à partir du 14 août et procèdent au
désarmement de l’armée japonaise en Mandchourie. Les soviétiques avaient envahi la
Mandchourie le 9 août. Le 23 août 1945, le commandant en chef des forces nationalistes ordonne
aux troupes japonaises de se rendre qu’au gouvernement et au besoin de résister par les armes.
Les Américains libèrent Tianjin et Pékin de l’occupation japonaise qui transporte les
troupes gouvernementales du Sud Ouest en Chine du Nord, en Mandchourie, sur la côte… par
ponts aériens. Les troupes gouvernementales s’installent dans les grandes villes grâce aux
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
51
Américains. Les gouvernementaux occupent les grandes villes. Les communistes occupent les
campagnes. Ils se retrouvent dans la situation des Japonais.
2.1.2
L’ECHEC DE LA MEDIATION AMERICAINE
Les alliés souhaitent tous que la Chine échappe à la guerre civile. Les Américains
s’entremettent entre les nationalistes et les communistes. Le 28 août 1945, Mao rencontre Jiang
Jieshi à Chongqing. Les négociations sont engagées et elles débouchent sur un accord le 10
novembre 1945 qui prévoit la création d’une conférence consultative politique qui doit être
formée de représentants de toutes les forces politiques du pays. Cet accord prévoit l’amalgame
des troupes nationalistes et communistes.
Les communistes refusent, ainsi que le fait de dissoudre le gouvernement de leur base. De
toute façon, les accrochages sont nombreux pendant les négociations. La réunion de la
conférence consultative est ajournée sine die. Truman envoie en Chine le général Marshall pour
relancer les négociations (à la fin novembre 1945). Il réussit à convaincre les parties de reprendre
les négociations. Dès le 10 janvier 1946, il y a un accord de cessez-le-feu et la constitution d’une
conférence consultative.
Le 31 janvier, c’est la signature d’un accord qui prévoit la mise en place d’un
gouvernement de coalition, la fin de la dictature de tutelle, la rédaction d’une constitution,
l’amalgame des troupes. Mais c’est le même obstacle qui pose problème : l’amalgame des troupes.
De toute façon, ni les nationalistes, ni les communistes ne veulent d’un accord.
En mars 1946, le Guomindang refuse de reconnaître au parti communiste chinois ainsi
qu’à la ligue démocratique un droit de veto au sein du Conseil politique. Les communistes
renoncent à participer au gouvernement de coalition. C’est la fin des négociations. Au même
moment, les soviétiques se retirent de Mandchourie et les troupes communistes chinoises
s’emparent de Sipinju. Les nationalistes contre-attaquent et c’est le début de la guerre civile au
printemps 1946. Le général Marshall reconnaît son échec en juin 1946 et quitte la Chine.
2.1.3
LES DEUX PREMIERES ANNEES DE GUERRE CIVILE
Les nationalistes veulent exterminer les communistes en deux à six mois. Il y a 4 300 000
hommes chez les nationalistes, 1 200 000 chez les communistes. De plus, les nationalistes sont
mieux armés que les communistes. L’offensive nationaliste est d’abord victorieuse. Les
nationalistes s’emparent de Zhangyakou et de Yan’An en mars 1947. À la fin de 1947 tout semble
réussir aux nationalistes.
Mais dès juillet 1947, c’est la contre-attaque communiste. Ils reconquièrent une grande
partie de la Chine du Nord. La Mandchourie est conquise par Lin Biao. En septembre 1948, Mao
Zedong déclenche l’offensive finale. Chen Yi occupe le Shandong deux mois plus tard à la
bataille de Huai Hai (dans le Nord du Jiangsu et de l’Anhui). Liu Bocheng est assisté par Deng
Xiaoping.
En janvier 1949, Tianjin et Pékin sont prises. En avril, les communistes franchissent le
Yangzi et s’emparent de Shanghai en mai. Shanghai est investie par les troupes de Chen Yi.
Canton est prise en octobre. L’essentiel de la Chine est occupée par les communistes. La
fondation de la République de Chine populaire est proclamée le 1er octobre.
2.2
2.2.1
LA VICTOIRE DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS : LA FAUTE DU GUOMINDANG
LA CORRUPTION DU REGIME
Il y a la dégénérescence du Guomindang et la supériorité des communistes qui
apparaissent comme une alternative crédible aux nationalistes. La façon dont les nationalistes ont
géré le jieshou, le processus de changement de pouvoir par lequel les nationalistes se sont
substitués aux Japonais et aux collaborateurs, a révélé l’ampleur de la corruption du Guomindang.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
52
Les nationalistes ont confisqué les biens des Japonais et ceux des collaborateurs. Mais ces
biens, au lieu d’être adjugés selon une procédure transparente et équitable, ont été accaparés par
les officiels nationalistes.
Cela a choqué l’opinion. Souvent ces officiels ont mis la main sur des biens qui avaient
appartenu avant guerre à des gens qui avaient suivi le gouvernement dans le Sichuan par
patriotisme. Ces biens ont été confisqués par les officiels du régime. La cupidité des officiels
nationalistes qui se sont jetés sur les immeubles, sur les voitures et les femmes japonaises a
choqué la population.
Les acquéreurs d’usine sont en plus très peu préoccupés de les refaire fonctionner. Ils les
revendent en tranche (pour le profit). C’est le scandale du Jieshou.
2.2.2
L’EFFONDREMENT ECONOMIQUE
L’économie urbaine qui s’était contractée du fait de la guerre ne reprend qu’après 1945.
Bientôt l’inflation anéantit tout espoir de reprise. Elle s’amplifie de plus en plus et devient
galopante dans les dernières années. Ceux qui ont souffert le plus de l’inflation sont les urbains à
revenu fixe, c'est-à-dire les fonctionnaires, les enseignants, les commerçants, les petits
entrepreneurs. Bref, tous ceux qui constituent la base sociale du régime.
Les ouvriers en pâtissent moins car le régime leur a accordé une indexation de leur salaire
sur l’inflation dans le but d’empêcher la contestation de se développer. Les ouvriers sont
dépolitisés et les communistes ne jouent guère de rôle parmi eux.
2.2.3
LE RALLIEMENT DES DEMOCRATES AU PARTI COMMUNISTE CHINOIS
Pendant la guerre sino-japonaise, une opposition non communiste s’organise dans la
Chine libre. Cette opposition proteste contre la répression, l’arbitraire et demande une
démocratisation du régime. Cette opposition se recrute parmi les intellectuels (professeurs,
journalistes, professions libérales). Ils sont peu nombreux, ultra-minoritaires même. Ils fondent
divers partis qui ne sont que des groupuscules dont les plus importants s’appellent ligues
démocratiques ou tiers partis.
Ils prétendaient représenter une troisième voie entre le régime nationaliste et le régime
communiste. Ils appellent de leurs vœux une réconciliation entre le Guomindang et le parti
communiste chinois après-guerre. Ils demandent que dès que les Japonais auront été vaincus, les
deux partis se réconcilient et évitent la guerre civile. Ils ont tendance à rejeter la responsabilité de
ce conflit sur les nationalistes car ils les ont sous les yeux. Pendant longtemps, ils refusent de
choisir entre les deux partis.
Mais le Guomindang, en s’acharnant sur eux, les pousse à se rallier au parti communiste
chinois qui développe à leur intention à partir des années 1940 un discours lénifiant : le discours
sur la nouvelle démocratie « Xin minzhu zhuyi, « 新民主注意 » (texte de Mao rédigé en 1940 : et
en 1949 il prononce un discours « des gouvernements de coalition » avec les petits partis dans le
cadre du troisième front uni). Le discours du début de l’année 1940 contient une analyse de classe
qui distingue entre un bourgeois compradore, c'est-à-dire lié à la fois à l’étranger et au
Guomindang, et la bourgeoisie nationale, c'est-à-dire non dépendante des étrangers et non liée au
Guomindang.
Cette analyse n’a aucun fondement sociologique, c’est un discours politique qui a servi de
base à toute la recherche historiographique en Chine jusqu’à nos jours. Quatre grandes familles
(les Jiang, les Song, les Kang, les Chen) sont stigmatisées par Chen Boda, un intellectuel qui
servait de secrétaire à Mao.
Le Guomindang s’acharne sur l’opposition démocrate et la pousse dans les bras des
communistes avec qui ils se rallient. Désormais ils seront otages du parti communiste chinois.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
53
2.3
2.3.1
LA DEFAITE DU GUOMINDANG, LA SUPERIORITE DES COMMUNISTES
LA REFORME AGRAIRE
Le facteur qui a le plus joué est le soutien des paysans aux communistes. Le Guomindang
est toujours resté aux côtés des propriétaires fonciers, de l’ordre social établi (inégalitaire et
générateur de misère).
Le parti communiste chinois a su mobiliser les paysans pendant la guerre sino-japonaise et
après. Pendant la guerre sino-japonaise, les communistes ont organisé les paysans les plus
défavorisés et les ont poussés à réclamer les baisses des prix du fermage, des baisses de taux
d’intérêt. Ils ont suscité la lutte des classes dans les villages dans une perspective nationaliste,
pour lutter contre les Japonais, en dirigeant la lutte contre les chefs de village qui collaboraient.
Les communistes ont suscité un nationalisme paysan en l’encadrant et en le canalisant.
Après guerre, il n’y a plus d’ennemi extérieur. Les communistes sont assez confiants en leur
victoire pour modifier leur politique paysanne dans un sens plus modéré. Il s’agit de gagner le
maximum de paysans à leur cause. Il y a une inflexion de la politique paysanne après guerre. Cette
nouvelle orientation politique entend ménager les paysans riches.
Mais l’offensive nationaliste du second semestre 1946 et de la première semaine de 1947
conduit les communistes à durcir leur politique paysanne. Ils occupent Yan’An en mars 1947. Les
nationalistes se livrent à des atrocités contre les activistes paysans. Ces atrocités ont fait
définitivement basculer les paysans du Nord de la Chine du côté des communistes.
Ils mettent en œuvre une réforme agraire radicale. Cette nouvelle politique est définie
dans un document adopté le 10 octobre 1947 : « principes directeurs de la réforme agraire ».
Tous les propriétaires fonciers devront être privés du droit à la propriété. Cette réforme est
mise en œuvre dans la violence. C’est une révolution qui est organisée par les communistes.
Ils dressent les paysans défavorisés contre les propriétaires terriens et les paysans riches. Ils
établissent une liste noire des hommes à abattre. Il y a des meetings où ils sont jugés. On brûle
les titres de propriété, les reconnaissances de dette, on lynche l’accusé.
C’est ainsi que les communistes se sont attachés les paysans (lire Fanshen de Hinton,
ingénieur agronome américain qui après guerre a rejoint les communistes et a observé la réforme
agraire dans les villages du Shanxi).
2.3.2
DE LA CAMPAGNE A LA VILLE
Les communistes dans l’année 1949 se préparent à investir les villes d’où ils sont absents
depuis 1927. Ils ont perdu le contact avec les réalités urbaines.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
54
LES ANNEES DU SOCIALISME
ORTHODOXE (1949-1957)
Cette seconde moitié du 20ème siècle se divise en deux : la charnière est 1978. En décembre 1978,
lors du 11e Congrès, une décision capitale des dirigeants a débouché sur l’ouverture de la Chine et
le retour au capitalisme.
Dans la première partie du régime, il faut distinguer trois périodes :
- de 1949 à 1957 (le socialisme orthodoxe)
- de 1958 à 1969 (l’utopie marxiste)
- de 1969 à 1978 (le déclin du maoïsme).
1
1.1
L’INSTALLATION DU REGIME
LA RECONQUETE DE L’ESPACE CHINOIS
Le 1er octobre 1949, à la date de la proclamation du régime, les communistes n’occupent
pas la totalité du pays. Mais ce sont eux qui réalisent la véritable réunification du pays. Toutefois,
en beaucoup d’endroits la résistance nationaliste se poursuit.
L’occupation du Tibet en octobre 1950 parachève la reconquête de l’espace traditionnel
chinois, c'est-à-dire l’espace que contrôlait les Qing d’après 1860. Il manque Taiwan, qui est le
refuge nationaliste, Hong Kong et Macao qui restent des enclaves étrangères. Le Tibet est
récupéré. Mais il reste autonome pendant environ 10 ans. En 1959, il est totalement occupé.
1.2
LA LOI SUR LE MARIAGE ET LA REFORME AGRAIRE
Le régime en juin 1950 prend deux décisions importantes. Il promulgue une loi sur le
mariage et passe à une nouvelle réforme agraire.
La loi sur le mariage a un contenu précis. Elle interdit certaines pratiques comme la
polygamie entre autres et elle protège l’enfant. Elle veut signifier la rupture avec le passé
(féodalisme selon les communistes). En fait le Guomindang avait promulgué une loi sur le
mariage dans les années 1930. Cette loi des communistes n’est donc pas innovante mais elle a un
fort impact. Elle est promulguée en direction des communautés urbaines.
La loi sur la réforme agricole officialise un processus en cours depuis 1947 et le généralise
aux régions conquises depuis l’offensive finale de 1948 et 1949 (le Sud du pays). Au total, cette
réforme agraire aura fait entre 3 et 5 millions de morts (propriétaires fonciers ou paysans riches).
Le parti communiste chinois avait fixé des quotas par village (une famille par village à éliminer).
Le processus de réforme agraire s’achève au début 1952. Il n’y a plus de paysan sans terres.
Chaque foyer paysan est devenu propriétaire.
Cette révolution a été brutale, sanglante. Mais on ne peut nier le changement que cela a
représenté pour la majorité des paysans. Le parti communiste chinois a fait disparaître
définitivement une classe qui représentait un échelon intermédiaire entre le pouvoir et la masse
des paysans et qui vivait aux dépens de la paysannerie. Le parti communiste chinois est devenu le
maître des campagnes.
1.3
LA MISE AU PAS DE LA SOCIETE URBAINE
La société urbaine a été mise au pas par le parti progressivement. La première étape est la
publication en juin 1950 d’une loi sur les syndicats qui fait obligation à tous les syndicats ouvriers
existant de s’affilier à la fédération de tous les syndicats contrôlés par les communistes.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
55
L’année 1950 est une année de transition, c'est-à-dire une année où le parti semble vouloir
appliquer une politique libérale par rapport à la société urbaine. Mais la Chine entre dans la guerre
de Corée.
La mise au pas de la société urbaine intervient en 1951-1952 avec des campagnes de
masse. La première est menée de février à septembre 1951. C’est la campagne de suppression des
contre-révolutionnaires. Elle vise tous les adversaires déclarés ou non du régime (le Guomindang,
les sociétés secrètes, les guildes, les tongmenghui). Cette campagne est violente, meurtrière. Elle
donne lieu à des rafles nocturnes et des exécutions sommaires. Elle fait plusieurs centaines de
milliers de morts tandis que deux millions d’individus sont jetés en prison. Le régime invente le
lao jiao et le lao gai, ainsi que les camps de concentration.
Une deuxième campagne de masse a lieu en mai 1951. C’est le « mouvement de réforme
démocratique ». Il s’agit d’une campagne d’épuration des syndicats. On se débarrasse des
dirigeants des corporations ouvrières souvent liés aux sociétés secrètes et aux mafias.
Une troisième campagne de masse est lancée en décembre 1951 et dure jusqu’en
décembre 1959. C’est la campagne « des trois contre » (San fan yundong) : contre la corruption,
contre le gaspillage et contre le bureaucratisme. C’est une campagne d’épuration des rangs des
cadres du parti et de l’État. Il faut débusquer ceux accusés d’avoir cédé à la corruption, gaspillé.
En fait, ce sont des règlements de compte. Au total 7% des cadres sont sanctionnés (278 000
personnes).
Une quatrième campagne est déclenchée en février 1952 et dure jusqu’en juin 1952. C’est
la campagne des « cinq contre » : la corruption, l’évasion fiscale, le vol des biens de l’État,
l’escroquerie dans les contrats passés avec l’État, le vol des secrets de l’État. Cette campagne vise
les patrons, les entrepreneurs privés du commerce, de l’industrie, c'est-à-dire la bourgeoisie
nationale. On recherche des gens qui sont accusés d’avoir essayer de corrompre.
La campagne des trois contre avait été clémente. Ce n’est pas le cas de celle des cinq
contre : les patrons se suicident, d’autres sont mis à l’amende. C’est la fin de la bourgeoisie
nationale. Les patrons restent à la tête de leur entreprise mais ils n’en sont plus que les gérants.
Toutefois, la nationalisation n’aura lieu qu’en 1956 pour l’industrie et en 1958 pour la
distribution.
1.4
L’ALLIANCE AVEC L’URSS ET LA GUERRE DE COREE
Au plan international, la République de Chine populaire à peine fondée se range dans
le camp socialiste. Mais les dirigeants américains de l’époque ont voulu croire à la possibilité
d’établir des relations amicales avec les communistes chinois. Au début de 1950 il y a une
déclaration des dirigeants américains qui montre qu’ils espèrent encore des relations amicales.
Cependant, Mao, dès juillet 1949 avait déclaré que la nouvelle Chine tomberait d’un seul
côté (soviétique). De fait, Mao se rend à Moscou le 16 décembre 1949. C’est son premier et
dernier voyage à l’étranger. Il est reçu par Staline qui le traite avec beaucoup de condescendance.
Les négociations ont lieu, mais Staline n’y participe pas directement. Elles traînent en longueur,
ce qui humilie les Chinois. Mao demande à Zhou Enlai de venir le rejoindre à Moscou.
Zhou Enlai arrive le 20 janvier 1950, accompagné de plusieurs membres du
gouvernement et de certains dirigeants du parti de la région de Mandchourie (très liés au
soviétiques). L’arrivée de Zhou Enlai débloque les négociations et elles débouchent sur un traité
d’amitié, d’alliance et d’assistance mutuelle signée le 14 février 1950. Ce traité est conclu pour 30
ans. Il a pour objet d’empêcher le retour de l’agression ou la violation de la paix du Japon, ou de
tout État qui s’allierait au Japon (États-Unis). En plus du traité, deux accords sont signés le même
jour : le premier prévoit que le réseau ferré du Sud Mandchourie et le Chemin de fer de l’Est
chinois seraient exploités en commun par l’URSS et la Chine pendant 20 ans.
Le même accord met la base navale de Lüshun à la disposition de l’URSS. Le second
accord est relatif à un prêt de l’URSS à la Chine d’une somme de 300 millions de dollars. Le taux
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
56
d’intérêt est très bas. Il sera utilisé sur cinq ans et à rembourser en nature, c'est-à-dire en matières
premières, en thé, en or ou en dollar.
Le 27 mars suivant, d’autres accords sont passés relatifs aux Xinjiang (pour l’exploitation
du pétrole, des richesses minières, de l’uranium).
Huit mois après la proclamation de la République de Chine populaire, la Chine est
entraînée dans un conflit militaire à l’extérieur. Il dure du 23 juin 1950 au 27 juillet 1953. Cette
guerre a été le prix à payer pour le soutien de l’URSS. Les Chinois se sont battus à la place des
soviétiques contre les Américains. Ils ont été entraînés dans la guerre mais ils n’ont pas été
complètement instrumentalisés. La guerre de Corée est au départ une guerre civile qui a été
internationalisée.
La Corée est une colonie japonaise entre 1910 et 1945. Il y a une résistance coréenne,
nationaliste et communiste. Pendant la seconde guerre mondiale, les alliés décident que la Corée
devra recouvrer son indépendance après guerre, et elle est placée sous tutelle internationale
pendant une période de transition. Ainsi, elle est divisée, après la capitulation du Japon, en deux
zones d’occupation : soviétique au Nord et américaine au Sud. La limite est le 38e parallèle.
Dans la zone soviétique, un gouvernement est mis en place, dominé par Kim Il-Sung
(mort en 1994). Dans la zone américaine, un gouvernement est formé de nationalistes (non
communistes) dont le dirigeant est Syngman Rhee.
En novembre 1948, les communistes coréens proclament la République populaire de
Corée. En juillet 1945, ils reçoivent de grandes quantités d’armes des soviétiques. En revanche,
les États-Unis ne soutiennent pas les sudistes de façon active. Ils ne veulent pas s’engager en
Corée.
Le 25 juin 1950, les communistes coréens déclenchent une offensive contre le Sud. Séoul
est très vite occupée. Fin juillet, l’armée sudiste est repoussée jusqu’à la mer. C’est une défaite
totale pour les nationalistes. Cette défaite détermine les États-Unis à intervenir sous couvert de
l’Organisation des Nations Unies.
Le 27 juin, une force d’intervention de l’Organisation des Nations Unies est formée qui a
pour mission de repousser les communistes coréens jusqu’au 38e parallèle, de rétablir la paix et la
sécurité en Corée. Le général MacArthur est placé à la tête de cette force de l’Organisation des
Nations Unies, constituée principalement d’un contingent américain. MacArthur avait conduit les
troupes américaines à la victoire sur le Japon.
En réalité cette force de l’Organisation des Nations Unies est une façade, ce sont les
intérêts américains qui sont en jeu. Le 15 septembre 1950, les Américains débarquent en Corée.
Ils repoussent rapidement les troupes nord-coréennes. Mais MacArthur cédant aux pressions de
Syngman Rhee franchit le 38e parallèle le 7 octobre. Trois semaines plus tard, les troupes
américano-coréennes atteignent le fleuve Yalu (à la frontière chinoise). Les communistes coréens
sont battus.
Les 24 et 25 octobre, 200 000 hommes des troupes chinoises franchissent le Yalu
(commandées par Lin Biao). La propagande chinoise présente ces troupes comme des volontaires
(en réalité ce sont des troupes régulières). Pyongyang est prise fin novembre. Les forces
américano-coréennes sont repoussées au-delà du 38e parallèle. Au milieu de février 1951,
l’offensive de Lin Biao est stoppée par les Américains.
Les Chinois sont arrêtés par les bombardements massifs sur leurs arrières, et ils manquent
d’avions et de blindés. Ils ont des effectifs importants et lancent des vagues humaines. Les pertes
chinoises sont énormes : 1 million de morts. Les pertes nord-coréennes s’élèvent à 600 000
morts. Les pertes sud-coréennes à 415 000 morts. Les pertes américaines à 54 000 morts et 100
000 blessés ou disparus. Dès février 1951, la guerre s’enlise. C’est la mort de Staline le 5 mars
1953 qui débloque la situation. Il s’agit du règlement difficile de la succession de Staline qui
provoque la paralysie du pouvoir. Cela débouche sur un armistice signé le 27 juillet 1953 à
Banmendian.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
57
Dans cette guerre, la Chine a été obligée de s’engager. Les Chinois se battent à la place
des soviétiques. Mais il y a aussi la crainte d’une invasion américaine et la crainte de l’impact
d’une victoire américaine en Asie orientale. Cette guerre renforce l’isolement chinois sur la scène
internationale. Elle hâte le durcissement du régime (les campagnes de 1951). La participation
chinoise à ce conflit correspond à une sorte de revanche sur l’humiliation du 19ème siècle.
Mao Zedong déclare que le temps où un agresseur occidental pouvait annexer un pays en
disposant quelques pièces d’artillerie sur un rivage est révolu. En 1952, la transformation
socialiste chinoise n’a pas été lancée. Mais le régime que le parti communiste chinois a établi n’a
rien à voir avec le régime précédent. Le parti communiste chinois a supprimé la classe dirigeante
qui dominait les campagnes.
En 1952, la Chine a retrouvé sa stabilité qu’elle n’avait pas connue depuis la fin des Qing.
La production industrielle a repris et a retrouvé ses niveaux de 1936. En juillet 1953, les Chinois
sont débarrassés de la guerre de Corée. C’est donc un nouveau départ.
2
LA CHINE A L’ECOLE DE L’URSS, 1953-1956
Au début des années 1950, au sein du parti communiste chinois, il y a un consensus : la
Chine doit suivre la voie de l’URSS. Mao dit que le parti communiste et l’URSS sont les meilleurs
professeurs et qu’il faut se mettre à leur école. À cette date, il n’y a d’ailleurs pas d’autre
expérience socialiste que l’URSS.
La Chine transpose le modèle de l’Union soviétique :
- l’agriculture est collectivisée.
- l’économie planifiée (plans quinquennaux).
- c’est une économie administrée.
La Chine adopte la voie de développement soviétique qui consiste à développement une industrie
lourde (quasi inexistante en Chine à l’époque, sauf en Mandchourie). Il y a l’idée qu’il ne peut y
avoir de passage au socialisme et au communisme sans industrialisation. Les décisions sont prises
en 1953 :
- avec le plan quinquennal.
- l’étatisation du commerce des céréales.
- la nationalisation de l’agriculture.
2.1
LE LANCEMENT DU PREMIER PLAN QUINQUENNAL
Le plan quinquennal est une invention soviétique lancée en 1928. Les communistes
chinois adoptent cette institution et lancent le premier plan quinquennal en 1953. Mais ce plan
quinquennal est achevé dans sa rédaction au début 1955, rendu public début juillet 1955 (il
englobe rétroactivement 1953 et 1954). Il y avait une incertitude en 1953, la Chine était toujours
engagée en Corée et Staline était toujours vivant. Jusqu’à sa mort, il a bloqué l’aide que les
Soviétiques avaient promis à la Chine.
Staline meurt, la Chine se retire du conflit coréen. L’aide soviétique arrive. En 1953, les
Chinois ont les résultats du premier recensement effectué. On découvre 100 000 personnes en
plus de ce que l’on pensait.
Les objectifs de ce premier plan sont de créer une industrie lourde, ce qui confirme la
destination des investissements. 58,2% des investissements sont destinés à l’industrie, 19,2% aux
transports et 4,6% à l’agriculture. 90% des investissements doivent aller à l’industrie lourde.
La priorité est donnée à la construction ou au développement de grandes unités de
production. Le plan prévoit le développement de 156 grandes unités qui devront absorber la
moitié des investissements destinés à l’industrie lourde.
Concernant le rythme de développement, le plan prévoit une croissance de la production
industrielle de 100% sur cinq ans, c'est-à-dire de 14,7% par an. Le développement de l’agriculture
n’est pas une priorité. L’industrialisation programmée par ce plan a été financée par les Chinois
eux-mêmes, par les paysans.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
58
Il y a eu une aide soviétique non négligeable mais cette aide va diminuer à partir de 1958
et elle est supprimée en 1962 du fait de la rupture entre les deux pays. L’URSS a fourni à la Chine
les matières premières, les équipements, les machines. Elle a mis à disposition des Chinois des
techniciens qui ont aidé à construire et à développer les grandes unités de production. En 1960, il
y a en Chine 1300 experts soviétiques. Après la mort de Staline sont signés les premiers accords
relatifs à cette aide. Ils prévoient que l’aide soviétique s’appliquera à des projets, c'est-à-dire à la
construction des grandes unités de production. En octobre 1954, il y a 156 projets financés par
l’URSS (nombre figurant dans le premier plan quinquennal).
On a construit trois combinats sidérurgiques à Baotou, devenu le grand centre industriel
de l’industrie lourde chinoise ; ainsi que celui de Wuhan et de Anshan. Ont été aussi édifiées une
raffinerie à Lanzhou et deux centrales hydroélectriques dont celle de Sanmenxia (sur le Fleuve
Jaune). Également 41 centrales thermiques, trois usines de construction mécanique, trois usines
de chimie lourde. Mais l’aide soviétique n’a pas suffit à elle seule à financer l’industrie lourde. Elle
est financée par les paysans.
2.2
L’ETATISATION DU COMMERCE DES CEREALES
Elle est décidée le 19 novembre 1953. Cette décision fait de la distribution des
produits de l’agriculture en Chine un monopole de l’État. Le seul partenaire pour le paysan est
l’État. C’est un système unifié d’achat et de vente. La finalité de ce monopole est de transférer le
maximum de ressources du secteur agricole vers le secteur industriel.
Il faut distinguer les plantes céréales et les plantes industrielles (coton, oléagineuses,
sucre…). L’État a acheté aux paysans à un prix fixé très bas les plantes industrielles. Il les revend
aux entreprises à un prix peu élevé. Les produits de ces industries légères sont vendus aux
consommateurs à des prix élevés.
Ainsi, il y a un écart important entre les prix agricoles et les prix industriels. Les bénéfices
réalisés par l’industrie légère sont récupérés par l’État qui réinvestit dans l’industrie lourde. Une
fois la récolte engrangée, les foyers paysans gardent seulement une partie des céréales pour la
consommation de l’année à venir. Ce ne sont pas les foyers eux-mêmes qui décident combien
consommer, ce sont les cadres du parti qui décident. Une autre partie est stockée et elle est
destinée à l’ensemencement et aux réserves en cas de mauvaises récoltes. Une troisième partie est
remise à l’État en tant qu’impôt (peu important). Une quatrième partie des surplus agricoles est
achetée intégralement par l’État à un prix fixé très bas. C’est le surplus agricole dont la livraison
est obligatoire. L’État revend ce surplus au consommateur urbain à un prix peu élevé.
Ces prix peu élevés permettent de maintenir les salaires des urbains à des montants peu
élevés ce qui permet de dégager des bénéfices, réinvestis dans la construction d’industries lourdes.
Le corollaire du système est le rationnement. Il est institué pour les céréales à partir de 1953 et
pour le coton à partir de 1954.
Les foyers vont recevoir des coupons d’achat correspondant à des quantités données de
céréales, de porc…. Ces coupons sont valides dans un magasin d’État donné ce qui permet de
renforcer le contrôle de la population. Car pour recevoir ces coupons il faut être résident urbain.
Ce système de rationnement est resté en vigueur jusque dans les années 1980. Il est ensuite
supprimé.
Le surplus agricole a pu représenter près de 90% des recettes de l’État. Il couvre les
investissements effectués pendant la première période du quinquennat. C’est l’étape
essentielle de la construction socialiste.
2.3
LA COLLECTIVISATION DE L’AGRICULTURE
Elle est décidée dans l’hiver 1953-54. Il est prévu qu’elle devra être progressive. Dans un
premier temps, les paysans formeraient des équipes d’entraide. D’abord pendant le temps des
travaux agricoles, puis de façon permanente. Dans un deuxième temps, les paysans formeraient
des coopératives inférieures de type semi-socialiste.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
59
Les paysans y sont appelés à mettre en commun toutes leurs terres qu’ils cultiveraient
ensemble. Les foyers devaient rester propriétaire de leur terre et toucher un dividende
correspondant à leur apport en plus d’un salaire. Dans un troisième temps, il est prévu que les
paysans formeraient des coopératives de type supérieur, de type socialiste, où tout serait mis en
commun.
Le travail est rémunéré au moyen de point de travail correspondant à une tâche donnée,
multiplié par le nombre de journées travaillées. Il est prévu un délai entre la coopération
inférieure et supérieure (plusieurs années). De fait, la collectivisation est difficile dès le début. Des
coopérations sont formées dès 1954, les paysans renâclent ; ils ne sont pas contents. Les
coopérations sont dissoutes à peine créées. D’où l’attitude prudente du parti communiste chinois.
Mais le 31 juillet 1955, Mao prononce un discours où il fustige ceux qui avancent en
hésitant comme les femmes aux pieds bandés. Ce discours a eu pour effet l’accélération du
processus de formation de coopératives et met fin aux tergiversations des cadres du parti. Les
paysans rivalisent d’ardeur et de zèle, ils sont encouragés par les campagnes contre les
opportunistes de droite.
Le processus est achevé à la fin de l’année 1956. Finalement Mao a été obligé d’accélérer
le mouvement. Mais cela s’est plutôt bien passé en comparaison avec ce qui s’est passé en Russie
pour le premier plan quinquennal. Il y a deux explications à cela : Mao est populaire chez les
paysans. Et les paysans ne se sont pas encore habitués à leur statut de propriétaire indépendant.
2.4
LA NATIONALISATION DE L’INDUSTRIE
La transformation socialiste du secteur privé de l’économie urbaine est engagée très tôt.
Les campagnes des années 1950 ont affaibli les patrons. La nationalisation de l’industrie et du
commerce est décidée en 1955. Elle est achevée à la fin mars 1956.
Ces anciens patrons vont recevoir une compensation sous forme de dividende annuel
correspondant à 5% des bénéfices jusqu’à la révolution culturelle de 1966, puis elle est supprimée.
Les petites entreprises artisanales sont nationalisées et intégrées dans un système centralisé.
2.5
2.5.1
LES INSTRUMENTS DU CONTROLE SOCIALISTE
LE HUKOU (户口)
C’est une des conséquences les plus importantes de l’étatisation du commerce, de
l’industrie et de l’agriculture : la séparation des populations rurale et urbaine. Au début des années
1950, il y a un afflux de paysans important dans les villes. C’est une conséquence de la réforme
agraire : les parcelles sont trop exiguës et les paysans ne peuvent survivre.
Le système du Hukou qui apparaît dès l’année 1951 dans certaines grandes villes est à
l’origine établi en vue du grand recensement de 1953. Il est définitivement fixé en 1958 : chaque
foyer reçoit un livret qui tient lieu de carte d’identité. L’unité enregistrée est le foyer comprenant
tous les membres d’une famille à une même adresse. On est soit enregistré à la ville, soit à la
campagne.
Il n’empêche pas une vague d’exode rural. Mais l’on renvoie ces intra-migrants illégaux à
la campagne. En conséquence, les villes ne sont pas beaucoup développées. Leur population
augmente peu à peu, leur superficie également. Le nombre de villes reste stable.
2.5.2
LA DANWEI (UNITE DE TRAVAIL, 单位)
C’est l’unité, l’institution de base. Elle peut être une entreprise, une usine, une école, un
établissement d’enseignement, un bureau de l’administration, une instance du parti communiste,
une cellule, une section, une branche syndicale, une organisation de masse, une association, un
hôpital, un dispensaire, un comité de voisinage…
On est rattaché à une danwei. C’est un système qui existe encore aujourd'hui. L’origine de
la danwei est ancienne. La danwei détermine une fragmentation de l’espace urbain. Il occupe un
espace clos, ceint de murs. C’est une unité multifonctionnelle. Elle doit fournir tous les services,
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
60
et pas seulement le lieu de travail. Elle fournit également des magasins, des dispensaires, des lieux
de loisirs. Elle prend en charge ses membres du berceau jusqu’à la tombe. Dans les danwei les
plus archétypales, on y passe sa vie !
En conséquence, la ville est un espace fragmenté. Le quartier est une réalité qui disparaît.
Le corollaire est qu’il n’y a pas de banlieue.
2.6
LE BILAN DU PREMIER PLAN QUINQUENNAL
Le bilan de l’exécution du premier plan quinquennal est effectué par Liu Shanshi lors du
8ème Congrès du parti communiste chinois qui se tient en septembre 1956. Il y a une exaltation
des résultats de ce premier plan, qui sont effectivement impressionnants en termes de
performances quantitatives.
Le taux de croissance économique est porté à 8,9% en moyenne par année. Le taux de
croissance de la production a été de 18,7% sur un an en moyenne, plus élevé que ce qui a été
prévu initialement par le plan (en effet, l’objectif fixé était de 14,3%). La production de charbon a
été multipliée par deux et la production d’acier par quatre.
C’est un bilan positif. Le parti communiste chinois a réussi à impulser l’industrialisation
de la Chine. Il est en passe de réaliser cette industrialisation, domaine dans lequel la bourgeoisie
chinoise avait échoué en 1949.
Le taux de croissance de la production n’a jamais été aussi élevé à aucun moment dans les
périodes précédentes. La production industrielle a augmenté de 5,5% en moyenne entre 1912 et
1949 (sous la République). De 1912 à 1920, la production industrielle avait été augmenté
d’environ 13,8% en moyenne. Entre 1953 et 1957, le taux de croissance annuel est beaucoup plus
élevé.
De plus, l’espérance de vie passe de 36 ans en 1950 à 57 ans en 1957 (soit 15 ans de plus
que dans la plupart des pays en voie de développement de l’époque).
Mais il y a des ombres au tableau. Tout d’abord, le taux de croissance de l’agriculture n’a
été que de 3,8%. Le plan avait fixé comme objectif un taux de 4,3%. Malgré le contrôle des
migrations internes, l’exode rural n’est pas maîtrisé. La population des villes a été multipliée par
deux, et passe à 90 millions d’habitants d’où la détérioration du cadre de vie urbain. Ils vont jouir
d’une superficie habitable de plus en plus réduite.
3
3.1
3.1.1
LA CRISE DU MODELE SOVIETIQUE ET LA NAISSANCE DU MAOÏSME
L’ANNEE DE REMISE EN QUESTION : 1956
LES PROBLEMES DU SOCIALISME CHINOIS
Le modèle soviétique est remis en question en 1956. C’est une crise du socialisme chinois,
à laquelle Mao va essayer d’apporter des réponses. Mais c’est aussi une crise générale du
socialisme, comme le démontre les événements en Europe de l’Est et en Europe centrale et
orientale.
3.1.2
LES REPONSES DE MAO
Mao Zedong met en question le socialisme chinois contre ses collègues du parti
communiste chinois. Il est lucide et il met le doigt sur des problèmes réels. Ces problèmes sont
l’agriculture et la place faite aux intellectuels dans le régime social chinois.
3.1.2.1
LE PLAN POUR L’AGRICULTURE DE JANVIER 1956
Mao va imposer le premier plan pour l’agriculture le 25 janvier 1956. C’est un plan de
développement de l’agriculture sur douze ans. Les objectifs de ce plan sont ambitieux. La
production de céréales devra augmenter de 150% avec un objectif quantitatif de 450 millions de
tonnes. En 1957, 170 millions de tonnes sont produites.
Mais cet objectif ne sera atteint pour la première fois qu’en 1993 dans un cadre
économique bien différent (celui de la réforme de Deng Xiaoping).
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
61
Quels sont les moyens ? Il faut intensifier les techniques traditionnelles en usage en Chine
depuis le 18ème siècle. Mao ignore la révolution verte à l’œuvre dans les autres pays de l’Asie du
Sud-est (qui utilisent les engrais chimiques). Elle n’atteint la Chine que dans les années 1970. Ce
mouvement que Mao déclenche en janvier 1956 va échouer. Le plan est abandonné dès juin 1956.
Les collègues de Mao imposent l’abandon du plan. Les paysans renâclent : ils abattent le bétail,
les coopératives sont dissoutes dans certaines régions.
Les paysans se rendent compte que les moyens du plan allaient capoter. On leur demande
de repiquer plus serré et cela ne marche pas. Les charrues mises à leur disposition sont beaucoup
trop lourdes, et elles sont inutilisables dans les rizières.
Cet épisode représente la naissance du maoïsme, se caractérisant par une volonté
d’accélérer le mouvement. On a un désaccord ouvert entre Mao et ses pairs du parti pour la
première fois.
3.1.2.2
LA PLACE DES INTELLECTUELS DANS LE REGIME SOCIALISTE CHINOIS.
Ce problème est posé par Mao Zedong et surtout par Zhou Enlai. Zhou Enlai estime que
la Chine a besoin de ses intellectuels. Le parti a besoin que les intellectuels s’engagent. Pour Zhou
Enlai, les intellectuels sont ceux qui détiennent un savoir technique. Sont considérés comme
intellectuels tous les diplômés du secondaire. Zhou Enlai veut leur donner plus de liberté, de
pouvoir de décision.
Mao de son côté donne aussi d’autres réponses sur cette question. Il prononce, le 24 avril
1956, un discours qui ne sera publié qu’en 1978 et qui est resté plus ou moins secret. Il est publié
sous le titre des 10 grandes relations (十大伦). Ici le caractère 伦 a le sens de contradiction. Mao
développe un bilan très critique du socialisme en Chine. C’est aussi une critique du modèle
soviétique.
Dans ce discours, il critique la priorité donnée à l’industrie lourde, au détriment de
l’industrie légère et de l’agriculture. Il critique aussi le déséquilibre sectoriel engendré par le
premier plan ; ainsi que le déséquilibre géographique (l’industrialisation se fait exclusivement à
l’intérieur du pays).
En matière politique, il dénonce et critique le régime politique. Il appelle à une
amélioration des relations entre le parti et la population, des relations entre les Han et les
minorités nationales (il veut une politique plus libérale). Il professe le libéralisme.
En matière de stratégie, il critique l’alignement de la Chine sur l’URSS ; il se déclare
partisan du développement par la Chine de la bombe atomique qui permettrait de diminuer
l’importance des armes conventionnelles et de faire baisser les dépenses militaires. Cette
opposition va à l’encontre des chefs de l’armée et notamment du maréchal Peng Duhuai, partisan
de l’alignement sur l’URSS.
Mao impose, quelques jours plus tard, une solution au problème des intellectuels. C’est le
mouvement des Cent fleurs lancé le 2 mai 1956. Il dit : « Cent écoles rivalisent, que cent fleurs
s’épanouissent ».
Ce discours semble lever les restrictions mises alors à la liberté d’expression. Dans la
première moitié de la décennie 1950, les intellectuels sont la cible de plusieurs mouvements de
masse dont ils subissent les critiques. Les intellectuels intéressés ont réagi à cette incitation de
façon diverse. De manière générale, ils sont plutôt prudents et ne s’engagent dans le débat d’idées
qu’avec une grande précaution. C’est le cas plus particulièrement des spécialistes en sciences
sociales et des philosophes. De même, les écrivains âgés (entre 50 et 60 ans), ceux qui ont
commencé leur carrière avant 1949 et les intellectuels du mouvement du 4 mai sont prudents.
Les plus téméraires sont les scientifiques et les plus jeunes écrivains. Les scientifiques se
sont risqués à critiquer les cadres du parti. Ils remettent en question la compétence de leurs
supérieurs dans les domaines scientifiques et techniques. Les cadres du parti l’ont mal pris, ils se
vengeront.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
62
Les jeunes écrivains qui commencent leur carrière sont membres du parti. C’est le cas
notamment de Lu Binyan (né en 1925) et Wang Meng (né en 1934). Dans les récits qu’ils publient
dans les revues littéraires, ils critiquent la réalité de la société socialiste chinoise, mais cela au nom
même des idéaux marxistes-socialistes-léninistes. Par exemple, une nouvelle de Wang Meng met
en scène un jeune home plein d’idéal qui débarque dans une instance du parti et découvre la
routine, l’apathie, la bureaucratie… Ses œuvres rencontrent un vif succès mais elles inquiètent
l’appareil du parti car la critique est faite au nom du marxisme. Dès janvier 1957, Wang Meng est
critiqué par le Quotidien du peuple.
3.1.3
L’OPPOSITION ENTRE MAO ET LES CADRES DU PARTI
Au milieu de l’année 1956, il y a un désaccord entre Mao et les autres dirigeants. La
fraction majeure du parti lui reproche d’avoir ouvert une crise. Le plan pour l’agriculture
provoque le mécontentement des paysans. Le mouvement des Cent fleurs débouche sur une
critique. La population urbaine revendique sa part et le parti est obligé de concéder des hausses
de salaires.
Les régimes communistes sont remis en question en Europe de l’Est et en URSS. En
février 1956, lors du 20ème Congrès du parti communiste, le secrétaire général, Nikita
Khrouchtchev, fait un rapport extrêmement sévère des excès du stalinisme. Ces révélations ont
un grand retentissement dans le monde. Elles ont choqué de nombreux partis frères parmi
lesquels le parti communiste chinois qui ne s’y attendait pas.
La direction du parti communiste chinois a proposé dans un éditorial publié dans le
Quotidien du Peuple le 5 avril 1956 un texte intitulé Sur l’expérience historique de la dictature du prolétariat.
Y est élaborée une définition de la dictature du prolétariat que les erreurs de Staline n’invalidaient
pas. Il y a une réaffirmation du centralisme démocratique, le texte réaffirme notamment le bienfondé de la dictature du peuple.
Les communistes chinois prennent la définition de Staline. Mao est mis en minorité. Mais
il ne renonce pas à sa position critique du socialisme chinois. Pour Mao, le seul responsable de la
crise est le parti. Et le seul moyen de résoudre la crise est de déclencher une nouvelle campagne
de rectification du parti, analogue à celle mise en œuvre à Yan’an en 1942. Mao, lors du 8ème
Congrès du parti communiste chinois, propose de mettre en œuvre ce mouvement de
rectification du parti.
S’engage un débat où Mao se heurte aux congressistes, Liu Shaoqi notamment. La
majorité refuse la rectification du parti. Le Congrès demande à Mao de rentrer dans le rang. Il
désapprouve les initiatives maoïstes précédentes. Le Congrès promulgue de nouveaux statuts
dans lesquels la référence à la pensée de Mao est supprimée, et il modifie l’organisation du parti
en réduisant l’influence du secrétariat. Le Congrès de 1956 se réduit à un simple organe
administratif chargé de la réorganisation du parti et à sa tête se trouve Deng Xiaoping (mais il est
plutôt maoïste).
3.2
3.2.1
LA DESILLUSION DE 1957
L’AGGRAVATION DE LA CRISE
La crise du socialisme chinois s’aggrave à la fin de l’année 1956 et au début de l’année
1957. Une crise du socialisme, incarnée dans la volonté de détachement des régimes polonais et
hongrois au printemps 1956, suscite en Chine l’inquiétude des dirigeants communistes chinois qui
redoutent une contagion. Nagy va proclamer la neutralité de la Hongrie et la réorganisation du
parti. Les communistes prosoviétiques interviennent militairement en Hongrie. En Pologne, les
dirigeants du parti communiste réussissent à stabiliser la situation.
Ces événements inquiètent les Chinois qui réagissent. En décembre 1956, les
communistes chinois approuvent l’intervention soviétique en Hongrie tout en critiquant le
chauvinisme des grandes puissances qui, selon eux, sont les responsables de la crise. De fait,
l’agitation dans les villes va grandissante et des grèves ouvrières éclatent au début de l’année 1957.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
63
3.2.2
MAO IMPOSE SA SOLUTION : LE MOUVEMENT DE RECTIFICATION DU PARTI
Mao ne renonce pas pour autant. Dans une série de conférences prononcées fin février, il
évoque des contradictions au sein du peuple qui surgissent dans les régimes socialistes, mais qui
peuvent être résolues par le moyen de la critique et de l’autocritique. C’est l’idée que le parti
communiste chinois peut et doit être critiqué par tout un chacun.
Il relance sous une autre forme son projet de rectification du parti. Ce sont des
conférences prononcées devant un auditoire restreint, mais elles ont été enregistrées et sont
diffusées. L’appareil du parti est réticent mais Mao parvient à imposer l’idée, et ce même devant
des acteurs qui pourront être des gens extérieurs au parti. Les gens sont invités à s’exprimer.
Toutefois pendant plusieurs semaines, il n’y a pas de réaction.
À la mi-mai 1957, le ministre de la culture émet cette proposition où il estime que ceux
qui prononcent des propos contre-révolutionnaires ne sont pas forcément contrerévolutionnaires (dans leur for intérieur).
Les étudiants de Beida, commencent à s’exprimer. De même, les dirigeants des partis
membres du front uni comme Zhang Bojun, président de la ligue démocratique et qui occupe la
charge de ministre des communications, Luo Longqi qui occupe le poste de ministre de
l’industrie forestière ou encore Chu Anping, rédacteur du Guangming Ribao. Ils dénoncent ce
qu’est l’imposture du front uni, le critique de ne leur avoir laissé qu’un rôle de figurant, de ne pas
avoir respecté le programme commun de 1949. Les étudiants, quant à eux développent la critique
radicale du régime. On appelle ce mouvement le mouvement des Cent fleurs (par analogie avec le
discours de Mao).
Le 8 juin 1957, le quotidien du peuple dénonce « les individus qui ont profité du
mouvement de rectification pour relancer la lutte des classes ». Le parti met un terme à la liberté
d’expression. Le parti lance une campagne anti-droitière, un mouvement, une purge qui vise ceux
qui s’étaient exprimés.
Cette campagne va durer un an. Elle prend pour cible les personnalités qui avaient
exprimé leurs critiques : les dirigeants démocrates, les leaders étudiants dont Lin Xiling, ainsi que
les écrivains connus, les anciens compagnons de route du parti comme Deng Ling, Ai Qing, Feng
Xuefeng. Ils sont attaqués à cause de l’influence qu’ils auraient eu sur les jeunes écrivains qui se
sont exprimés. La campagne anti-droitière a d’abord été une purge au sein du parti même si
beaucoup des victimes de cette purge ont été des gens qui n’appartenaient pas au parti. Les
victimes de la campagne anti-droitière sont majoritairement des membres du parti.
En un an, un million de membres du parti ont été étiquetés droitistes et ont subis la
purge. Beaucoup sont envoyés dans des camps de travail (laogai). Beaucoup n’en ressortiront que
vingt ans plus tard. D’autres sont soumis à des mesures d’enfermement temporaires. Par
exemple, ils sont obligés de suivre des classes d’étude. D’autres sont exilés à la campagne. La
campagne anti-droitière a brisé de nombreux intellectuels et les a éloignés définitivement du parti.
En conséquence, un fossé se creuse entre les intellectuels et le parti.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
64
L’EXPERIENCE MAOÏSTE ET SON ECHEC (19581969)
À partir de 1958, ce qui caractérise la politique du parti communiste chinois c’est le volontarisme.
Il s’agit d’accélérer la croissance de l’économie dans un processus d’industrialisation. C’est la
politique de Mao, mais pas seulement. C’est au début celle d’une majorité de dirigeants du parti
parmi lesquelles Liu Shaoqi, Deng Xiaoping et d’autres.
Mais Mao se confronte à l’opposition de ses pairs. En 1958, Liu Shaoqi et Deng Xiaoping se
rallient aux politiques de Mao. En 1956, le mouvement de rectification a révélé l’ampleur du
mécontentement. L’opinion ne soutient pas le régime. De plus, il y a la rupture avec l’Union
soviétique. La nouvelle politique débouche sur le Grand bond en avant qui est un échec et qui
provoque un schisme.
D’un côté, il y aura Mao qui refusera de reconnaître son échec et de l’autre des dirigeants
importants du parti dont Liu Shaoqi, Deng Xiaoping et Zhou Enlai qui vont refuser l’utopisme
de Mao et initier une autre politique. À partir des années 1960, il y a une lutte entre ces deux
lignes qui va durer jusqu’à la prise de pouvoir par Deng Xiaoping. La révolution culturelle est
l’épisode le plus paroxystique.
1
LE GRAND BOND EN AVANT, 1958-1959
Officiellement, le Grand bond en avant a été lancé en mai 1958 lors de la deuxième
session du 8ème Congrès du parti communiste chinois. Mais en fait, le mouvement est lancé depuis
le début de l’automne 1957, depuis le troisième plénum du comité central issu du 8ème Congrès. Le
comité central a adopté le plan rejeté en 1956. Le Grand bond en avant a mis en œuvre ce plan
pour l’agriculture.
1.1
QU’EST CE QUE LE GRAND BOND EN AVANT ?
C’est la mise en œuvre d’une politique qui vise à accélérer la croissance, le développement
des forces productives. Il s’agit d’atteindre en deux ans les objectifs du deuxième plan
quinquennal. Il vise à développer en même temps l’industrie lourde et l’industrie légère. En ce
sens, le Grand bond en avant procède de l’esprit des 10 grandes relations.
On retrouve la volonté de décentralisation. Quels sont les moyens ? Le principal est la
mobilisation des paysans. Pour Mao, les masses paysannes chinoises, même si elles sont
nombreuses, ne sont pas un handicap. Elles sont au contraire un atout. Il faut les mobiliser. Il est
persuadé que les paysans sont les héritiers d’un esprit révolutionnaire.
Aussi, on a recours à des techniques intermédiaires : la valorisation des industries locales
(des petits hauts-fourneaux sont installés dans les communes populaires où devait être produit de
l’acier). Ceci débouche sur un échec. Mais le Grand bond en avant verra la création de
nombreuses petites unités de production dans le domaine de la fabrication de briques, d’engrais,
d’usines de décorticage de riz, montés par les communes populaires.
Ces petites unités de production ont souvent survécues à l’échec du Grand bond en
avant. Elles seront à l’origine d’une expansion ultérieure. Dans ce domaine, ce n’est pas un échec
total. Mais ce qui caractérise le Grand bond en avant, c’est le volontarisme et le productivisme.
Il faut produire tout, tout de suite, et en grande quantité. Un slogan de Liu Shaoqi de
l’époque est « Davantage, plus vite, mieux, meilleur marché ! ». Le Grand bond en avant a pour
ambition d’atteindre le niveau de développement de la Grande Bretagne en 15 ans.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
65
1.2
LA MOBILISATION DES PAYSANS
Dès l’hiver 1957-1958, des millions de paysans sont mobilisés pour des grands travaux à
finalité hydraulique. On leur fait creuser des canaux, construire des barrages. Dix millions d’entre
eux sont mobilisés dans le Henan. Le Henan est une plaine, donc les travaux d’irrigation sont
fondamentaux. Ils sont mobilisés pour ces travaux hydrauliques, pour le reboisement, pour
l’extermination des insectes et des oiseaux nuisibles.
En juillet 1958, c’est la campagne contre les quatre pestes : « les rats, les mouches, les
moustiques et les moineaux » jugés nuisibles. Les paysans mobilisés sont soumis à une discipline
militaire. C’est un travail forcé. On construit des canaux avec de simples bêches.
À partir du printemps 1958 (mars-avril), on voit se former de grandes coopératives par la
fusion des petites coopératives déjà existantes.
1.3
LES COMMUNES POPULAIRES
Ces fusions sont spontanées. Elles résultent de décisions prises par les dirigeants, les
cadres à la tête des coopératives (ce n’est pas une décision de Pékin). Ils ont décidé
d’institutionnaliser la mobilisation à grande échelle des paysans expérimentée pendant l’hiver.
La fusion de ces coopératives prend le nom de commune populaire. La première fut
formée par la fusion de 27 coopératives du xian de Suiping dans le Henan. Cette première
commune populaire est aussitôt baptisée « spoutnik », en Chinois Weixin. À la fin août naissent
les communes populaires qui se forment rapidement. À la fin de 1958, tous les foyers paysans
font partie d’une commune populaire.
Les 750 000 coopératives qui existaient ont fusionné pour former les 26 500 communes
populaires (en Chinois 人民公社).
Le regroupement de 4500 à 5000 foyers, soit 25 000 personnes sur 4500 hectares. Donc
ces communes populaires sont en moyenne 25 fois plus grandes qu’une coopérative. La
commune populaire n’est pas seulement un collectif plus important que la coopérative. La
différence essentielle est que les coopératives ne s’occupent que de production agricole.
Les communes populaires sont non seulement des institutions économiques, vouées à la
production agricole mais elles renfermaient des activités industrielles, commerciales, bancaires.
Elles gèrent des usines, des écoles. Elles absorbent les fonctions administratives qui appartenaient
jusqu’ici au village administratif, le xian. Le territoire de la commune populaire tend à recouvrir le
xian. Une nouvelle organisation apparaît, englobant tous les services.
La commune populaire jouit d’une autonomie. Il y a la fusion des organes politicoadministratifs et de l’appareil économique. Les paysans sont répartis en brigades de production.
Elle correspond à l’ancienne coopérative. Dans les communes populaires, le travail est organisé
comme dans l’armée.
Les communes populaires tendent à être des communautés. Il y a une marginalisation de
la famille. Les repas sont pris dans des cantines collectives. Les paysans sont obligés
d’abandonner leur maison pour des dortoirs collectifs. La femme est mise au travail. Des crèches
sont construites. La commune populaire est le cadre de vie du paysan jusqu’au milieu des années
1980.
Mais les paysans sont à nouveau mobilisés dès la fin de l’été 1958 pour les terrassements
et les grands travaux. La récolte semble bonne. Mais le gouvernement annonce en août que la
récolte se situe entre 240 et 300 millions de tonnes. Se serait-on trompé fin août ?
Mao Zedong à l’automne 1957 avait ordonné qu’on dégraisse de nombreux ministères, les
commissions du gouvernement central, parmi lesquelles la commission au plan et le bureau des
statistiques. De nombreux experts ont été envoyés à la campagne car il les jugeait trop peu
révolutionnaires. On est en plein enthousiasme. Les cadres de la base ont eu tendance à exagérer
les chiffres. En décembre, le comité central du parti annonce 375 millions de tonnes. Plus tard ce
sera 500 millions de tonnes.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
66
En fait, on saura plus tard que la production avait été de 200 millions de tonnes. Certains
pensent que la grande unité est réalisée. On mange enfin dans le 1er trimestre 1958. En
conséquence, jusqu’à décembre, il y a une hausse des prélèvements obligatoires. Au cours de
1958, les objectifs de la production industrielle sont révisés à la hausse.
Pour la production d’acier, l’objectif est multiplié par deux (de 6 millions on passe à 12
millions de tonnes). En 1958, l’État prélève 10 millions en plus. En 1959, les prélèvements
obligatoires s’élèvent à 67 millions de tonnes. Ils vont représenter 40% de la production totale.
En 1957, c’est 17% de la production de céréales.
Mais les paysans, dès la fin de l’été 1958 sont de nouveau mobilisés pour les grands
travaux. On ne leur laisse pas le temps de rentrer la récolte qui pourrit sur pied. Et les
prélèvements obligatoires augmentent. Dès l’hiver 1958-1959, il y a un déficit de céréales.
1.4
LA FAMINE
La récolte de 1959 est moins abondante. Celle de 1960 sera mauvaise comme celle de
1961 (144 et 168 millions de tonnes). Ces mauvaises récoltes sont dues à de mauvaises conditions
climatiques mais surtout à l’inadéquation du système des communes populaires et la
désorganisation du Grand bond en avant.
Cela débouche sur une crise grave qui se manifeste dans l’hiver 1959-1960. On a faim :
c’est la disette. On meurt de faim (c’est la famine). Le nombre de décès excédentaires dus à la
famine est estimé entre 16 et 27 millions de morts ! C’est énorme. Sans précédent.
La Chine a connu beaucoup de famines dans son histoire. À la fin du 19ème siècle, la plus
grave avait fait entre 9 et 13 millions de victimes. La famille entre 1920 et 1921, 500 000 morts.
Entre 1928 et 1930, 2 millions de morts.
Dès l’hiver 1958-1959, c’est la catastrophe. Certains dirigeants tirent la sonnette d’alarme.
Il s’agit notamment de Peng Dehuai, ministre de la défense, et de Chen Yun, membre du bureau
politique. Mais la direction du parti ne prend pas la mesure du danger à cause de l’enthousiasme
ambiant.
Pendant la première semaine de 1959, le parti prend des mesures. On institutionnalise les
communes populaires. On interdit la distribution de nourriture. On s’apprête à une seconde
année de Grand bond en avant. Les politiques sont confirmées au printemps 1959. Toutefois
Mao, en avril 1958, renonce à un second mandat de Président de la République. La République
de Chine populaire élit Liu Shaoqi.
1.5
LA PURGE DE PENG DEHUAI
C’est le début de la lutte entre les deux lignes, le début d’un schisme au sein du parti
communiste chinois. En juillet 1959, les dirigeants du parti sont réunis à Lushan (Jiangxi). C’est
une réunion des dirigeants du parti communiste chinois mais qui est aussi élargie à d’autres
dirigeants qui n’appartiennent pas à cette instance.
Officiellement, il s’agit de préparer le dixième anniversaire de la prise du pouvoir.
Officieusement, ils débattent de la suite du Grand bond en avant. Le 14 juillet, Peng Dehuai
critique le Grand bond en avant. Il établit un bilan négatif et déclare que la formation des
communes populaires est prématurée.
Il dénonce les erreurs statistiques dues « au fanatisme petit bourgeois qui conduit le parti à
négliger la situation concrète ; et qui découle du principe maoïste de placer la politique au poste
de commande ». Mao voit rouge ! En août, Peng Dehuai est démis de ses fonctions de ministre
de la défense. Il est assigné à résidence, emprisonné et meurt de faim dans sa cellule.
1.6
LA RUPTURE ENTRE LA CHINE ET L’URSS
Une autre raison est que les dirigeants chinois devaient faire un choix de stratégie et de
politique de défense. Tout le monde est d’accord pour que la Chine se dote de la bombe
atomique. Mais quelle stratégie adopter jusque là (c'est-à-dire jusqu’en 1964) ?
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
67
Deux politiques sont proposées. La première émane des professionnels de l’armée dont
Peng Dehuai est le porte-parole. Ils veulent développer la Bombe sur le modèle soviétique, que la
Chine accepte le leadership de l’URSS sur le camp socialiste, c'est-à-dire la subordination à la
ligne soviétique. La sécurité de la Chine passe par la coopération avec l’URSS.
Les responsables de l’armée s’inquiètent de la détérioration des relations avec l’URSS. En
juin 1959, le mois qui précède la réunion de Lushan, les soviétiques abrogent unilatéralement un
accord prévoyant un transfert de technologie nucléaire. L’autre politique, proposée par Mao
implique la rupture avec l’URSS pour des raisons idéologiques et sociales. Il veut que la Chine se
dote de la bombe par ses propres moyens.
Il juge que les forces conventionnelles sont assez développées et peuvent être utilisées
dans des stratégies défensives où l’élément humain est plus important que l’élément matériel
(c’est la doctrine de la guerre populaire). Peng Dehuai espère qu’en démontrant l’échec du Grand
bond en avant, il montrera la nécessité de l’aide avec l’URSS. Mao réagit mal. Il rappelle que son
fils et son frère sont morts en Corée.
2
LA « LUTTE ENTRE LES DEUX LIGNES » ,1960-1966
L’échec du Grand bond en avant provoque un schisme au sein du parti communiste
chinois. D’un côté, il y a Mao qui ne reconnaît pas l’échec du Grand bond en avant et qui entend
continuer.
De l’autre côté, il y a des gens qui refusent le volontarisme utopique de Mao comme Liu
Shaoqi, Deng Xiaoping, Chen Yun, Zhou Enlai. Liu Shaoqi est Président de la République depuis
1959. Deng Xiaoping est le secrétaire général du parti. Chen Yun est membre du bureau
politique, il passe pour être l’économiste du parti. Zhou Enlai est le Premier ministre.
Ces gens imposent une autre politique, mise en œuvre de 1961 à 1966. C’est une politique
pragmatique. Ils résident à Zhongnanhai (résidence impériale au cœur de Pékin). Mao est le
principal Président, au centre de tout.
2.1
2.1.1
LA POLITIQUE DES PRAGMATIQUES
LE REAJUSTEMENT
Malgré la crise de subsistance (aux hivers 1959 et 1960), le parti communiste chinois ne
renonce pas aux politiques du Grand bond en avant qui sont réaffirmées à Wushan en août 1959.
Également, en avril 1960, le parti confirme les politiques du Grand bond en avant. Des
mesures d’urgence sont prises à l’automne 1960. On se décide à importer du blé canadien et
australien. La crise de subsistance menace d’atteindre les villes (épargnées grâce à l’augmentation
des prélèvements obligatoires).
Au milieu de 1961, il y a un infléchissement significatif. Des politiques de réajustement
sont mises en œuvre. Mais la rhétorique parle toujours de Grand bond en avant même s’il s’agit
d’autre chose en pratique. Les politiques de réajustement sont l’initiative de Zhou Enlai, qui est
relayé par Liu Shaoqi et Deng Xiaoping. Deng Xiaoping a dit : « peu importe qu’un chat soit
blanc ou noir, pourvu qu’il attrape les souris » (en juillet 1962).
Il y a une opposition farouche de Mao aux politiques de réajustement. Il se bat contre
elles à partir de 1962 à travers un mouvement d’éducation socialiste et la révolution culturelle. Les
pragmatiques réduisent les investissements. Les objectifs de production d’acier et de charbon
sont revus à la baisse. Des milliers d’entreprises d’État sont fermées et leur personnel renvoyé à la
campagne. Dans les usines, les stimulants matériels sont rétablis (il y a une augmentation de la
productivité des ouvriers). La planification est réhabilitée.
Le Grand bond en avant avait mis à mal la planification. Les fonctionnaires de la
Commission des statistiques et de la planification avaient été envoyés à la campagne. Zhou Enlai
a une formule : « le pays doit être considéré comme un échiquier ». La politique agricole est
modifiée à la mi-mai 1961. Les prélèvements obligatoires sont réduits. Le prix d’achat des
produits agricoles : céréales, oléagineux, coton est augmenté.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
68
Surtout, on assiste à une décollectivisation partielle de fait. Dans les communes
populaires, les équipes de travail deviennent autonomes. Ce sont elles qui décident de l’emploi
des fonds qui leur sont confiés, d’où de nouveau un lien entre le travail fourni par le paysan et sa
rémunération.
Dans certaines régions, les terres des communes sont divisées entre les foyers. On assiste
à une restauration de l’exploitation familiale. Ceci dans le cadre de contradictions entre la
production du foyer et celui demandé par les autorités. Les foyers doivent donner une partie de
leur production à l’État. En contrepartie, elles peuvent vendre leur part sur les marchés libres.
Quand il n’y a pas de collectivisation complète, ils peuvent cultiver pour leur propre usage un
lopin individuel.
Ils sont autorisés à se livrer à des activités annexes : élevage de poules, de porcs et à
vendre ces produits sur le marché. Cette politique en chinois a pour nom 三自一包 (lopin
individuel, marché libre, activité individuelle, plus contrat de production). C’est un retour à
l’exploitation familiale mais pas à la propriété. Cela ne s’est pas fait partout. Dans d’autres régions,
on a simplement une autonomisation de l’unité de travail.
Cette politique a permis la reprise de la production agricole. Les politiques de
réajustement ont eu un volet politique et idéologique. Les dirigeants pragmatiques patronnent un
communisme sage et confucianisé dont Liu Shaoqi se fait le porte-parole dans son ouvrage
« Pour être un bon communiste ».
2.1.2
MAO EST CRITIQUE
Cette idéologie est également défendue par les intellectuels communistes, qui sont
protégés par le maire de Pékin : Peng Zhu. Ils s’expriment en 1961 et 1962 dans le Quotidien du
peuple. Divers textes paraissent, notamment de Deng Tuo, Liao Mosha, Wu Han (intellectuels
pékinois protégés par Peng Zhu).
Sous couvert d’évoquer un épisode de l’histoire chinoise, ils font allusion à des faits et à
des évènements contemporains. À mots couverts, c’est une critique de Mao, des politiques du
Grand bond en avant… Wu Han est un historien qui étudie la dynastie Ming. Il publie un
ouvrage sur Hai Rui, mais il faut y lire une critique de Mao. Han Rui était un mandarin démis de
ses fonctions car il avait critiqué l’empereur. Il y a une analogie avec Peng Duhai.
Peng Zhu était un dirigeant historique du parti. Il est actif dans les années 1930 dans la
Chine du Nord. Il est proche de Liu Shaoqi. Il s’est toujours opposé à Mao.
2.2
LA CONTRE-OFFENSIVE DE MAO
Mao combat les politiques de réajustement à partir de 1962. Il tente de reprendre la main.
Il n’a pas perdu le pouvoir mais il a perdu la main. Dès octobre 1962, il donne son explication de
l’échec du Grand bond en avant : 70% à cause des conditions climatiques et 30% à cause de
problèmes humains. Puis, il appelle à ne pas oublier la lutte des classes.
2.2.1
LE MOUVEMENT D’EDUCATION SOCIALISTE
Il lance un mouvement de masse appelé mouvement d’éducation sociale. C’est un
mouvement similaire à celui de rectification du parti. Son enjeu est le contrôle de l’appareil du
parti à la campagne en mobilisant la base rurale, c'est-à-dire les cadres du parti dans les villages et
les paysans les plus pragmatiques, contre l’appareil du parti. Formellement, la cible est le
révisionnisme (la ligne du parti communiste soviétique : « ceux qui se sont engagés sur la voie de
restauration du capitalisme »).
Ce mouvement échoua ; en partie parce que les paysans renâclaient à participer. Vu les
difficultés, ils ne veulent pas retenter le coup. Les adversaires de Mao réussissent à retourner le
mouvement contre les maoïstes.
En fait, la conduite du mouvement changea de main plusieurs fois. Il y a eu une purge de
2 millions de cadres de la base. Les adversaires de Mao ont été les plus sévères. Entre novembre
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
69
1963 et avril 1964. Wang Guangmei (Mme Liu Shaoqi) dirige une purge extrêmement sévère dans
le xian de Taoyuan (Hebei). Cette expérience est ensuite généralisée (son mari sème la terreur
dans les campagnes).
La purge ordonnée par Liu Shaoqi envoie dans les villages des équipes de travail. Le
mouvement d’éducation socialiste s’achève en janvier 1965. Constatant son échec, Mao lance le
thème de la révolution culturelle. Mao en vient à penser que le parti est en train d’être subverti de
l’intérieur par l’influence bourgeoise et révisionniste : « The enemy is inside ».
Le révisionnisme est la ligne du parti communiste soviétique. Khrouchtchev conteste
Mao. Quant à Mao, il stigmatise le manque de foi révolutionnaire qui se traduit par le
bureaucratisme, l’autoritarisme des cadres, le carriérisme, la tendance des gens à s’occuper de
leurs intérêts personnels plutôt que du bien commun. C’est une politique qui conduit à
l’essoufflement révolutionnaire, à la sclérose… Mao redoute que la politique de Liu Shaoqi ne
permette à ces tendances de s’enraciner chez les cadres.
2.2.2
L’APPEL A LA « REVOLUTION CULTURELLE »
La révolution culturelle renvoie à l’idée d’une nécessaire révolution dans la révolution. Le
but est l’élimination des nouveaux mandarins. Pourquoi « culturelle » ? Parce que Mao estime
qu’elle doit être une révolution dans les mentalités, une révolution idéologique. Mao entreprend
de reprendre la main dans le domaine de l’idéologie et de la culture.
Mao a un puissant allié : Lin Biao qui a remplacé Peng Duhai au ministère de la défense.
À l’initiative et au souhait de Lin Biao, « il faut que la nation toute entière se mette à l’école de
l’armée de libération populaire ». C’est en 1964 qu’est édité le petit livre rouge : 毛主席语录. Il
est la bible des gardes rouges sous la révolution culturelle. Lin Biao invente aussi le personnage de
Lei Feng, le soldat modèle au service du peuple et non de ses intérêts personnels. Il est
l’abnégation incarnée. Il va mourir pour avoir sauvé une vache, en se faisant écraser par un train.
Toujours en 1964, Jiang Qing, la femme de Mao (l’ex), entreprend en juillet de réformer la
culture. Elle s’attaque à l’Opéra de Pékin. Les sept pièces sont remplacées par sa propre
composition. Par ailleurs, Jiang Qing se lie avec les jeunes intellectuels radicaux de Pékin et de
Shanghai. À Pékin travaillent des philosophes, des sociologues à l’Académie de Sciences sociales.
Ce sont Guan Feng, Qi Benyu, Lin Jie notamment. À Shanghai, c’est notamment Zhang
Chunqiao, futur membre de la bande des quatre.
En 1964 Jiang Qing obtient l’établissement du groupe central de la révolution culturelle,
dont la mission est de préparer et de conduire la future révolution culturelle. Mais les adversaires
de Mao réussissent à circonscrire ce noyau de la révolution culturelle.
3
3.1
LA REVOLUTION CULTURELLE
LE LANCEMENT DE LA REVOLUTION CULTURELLE (NOVEMBRE 1965-MAI 1966)
L’offensive est lancée contre Peng Zhu. Elle prend la forme d’une campagne contre
l’écrivain Wu Han. Le 10 novembre, un journaliste obscur, Yao Wenyuan, publie un article qui
critique la pièce de Wu Han sur Han Wei, démis de son mandarinat.
En février 1966, les intellectuels radicaux du groupe de Shanghai et les partisans de Mao
dans l’armée font alliance à l’occasion d’un forum sur la littérature et les beaux-arts dans les
forces armées.
Une campagne est lancée contre Luo Ruiqing. Il est démis en mars. Le contexte est celui
d’un schisme idéologique entre la Chine et l’URSS. La dispute débouche sur la rupture entre ces
États en juillet 1960. Moscou rappelle ses experts. Et c’est la rupture définitive en 1963 par
Albanais et Yougoslaves interposés.
À l’automne 1965, un combat vif s’engage sur la stratégie que la Chine doit adopter (débat
entre Luo Ruiqing et Lin Biao). Les États-Unis s’engagent dans le conflit vietnamien à la frontière
chinoise. En septembre 1963, un texte de Lin Biao est publié intitulé « Vive la glorieuse guerre du
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
70
peuple ». En octobre 1964, la Chine se dote de la bombe atomique. Le conflit entre l’URSS et la
Chine débouche en 1969 sur des heurts armés et des combats livrés au Nord de la Mandchourie.
La résistance de Lin Biao saute. Mao peut lancer sa révolution culturelle. Le 16 mai 1966,
une circulaire met en garde contre les bourgeois infiltrés dans le parti. C’est le thème du complot,
du traître. Ils démettent Peng Zheng de ses fonctions. Il est remplacé par des partisans de la
révolution culturelle. Notamment : Jiang Qing, Chen Boda, Kang Shen (patron des services
secrets), Guan Teng, Qi Benyu, Wang Li. La bande des quatre (formule qui apparaîtra après la
chute de ses membres) : Jiang Qing, Zhang Chunquo, Yao Wenyuan, Wang Li.
3.2
LA MOBILISATION DE LA JEUNESSE
Les acteurs de la révolution culturelle sont les jeunes. En jouant la carte de la jeunesse,
c’est le retour aux sources, au mouvement du 4 mai 1919, d’où sort le parti communiste chinois.
C’est l’idée que les jeunes doivent faire leur expérience de la révolution. Cela justifie le slogan
lancé : « il est juste de se révolter ».
La jeunesse urbaine est mobilisée. Les campagnes ne doivent pas être impliquées dans ce
mouvement. La mobilisation concerne essentiellement les jeunes de l’enseignement supérieur et
secondaire. Ils sont appelés à être les acteurs principaux du mouvement. Mao entend contrôler
étroitement le mouvement.
Les jeunes répondent à l’appel de Mao avec enthousiasme, à partir du 1 er juin 1966. Un
dazibao est publié sur le campus de l’université de Pékin par une enseignante en philosophie dans
lequel elle dénonce le recteur de l’université de Pékin, l’accusant de révisionnisme. Mao salue cet
article. C’est le premier dazibao de la révolution culturelle. Ces jeunes entreprennent de dénoncer,
de critiquer les dirigeants de leur établissement qui sont membres de parti communiste chinois.
Ce mouvement a rencontré des aspirations.
En 1966, le régime a 17 ans. Il est bien installé. Le parti communiste chinois a ces 17 ans
durant mythifié sa révolution. Les jeunes ont été nourris à la révolution communiste. Ils trouvent
imbuvable la mentalité d’ancien combattant que les adultes leur rabâchent. Il y a de plus une
discipline stricte, étouffante pour les jeunes. Une partie de la jeunesse aspire à faire sa révolution.
Il faut distinguer dans la jeunesse ceux qui appartiennent aux familles des cinq catégories
rouges (bénéficiaires de la révolution) et des cinq catégories noires (vaincues par la révolution : les
propriétaires fonciers, les bourgeois, les intellectuels…) qui veulent aussi trouver leur place dans
la nouvelle société. Cette catégorie noire se voit refuser l’accès aux longues études (deuxième
cycle et enseignement supérieur).
Des deux côtés, la référence est Mao qui représente la seule légitimité. Ces jeunes
prennent l’appellation de gardes rouges, dès le mois de mai, sur le campus de l’université de
Qinhua à Pékin.
3.3
LES CINQUANTE JOURS (JUIN-JUILLET 1966)
Le mouvement, à peine lancé, est détourné par les adversaires de Mao qui en prennent le
contrôle (Liu Shaoqi). Des équipes de travail sont envoyées dans les universités, dans les écoles
secondaires pour prendre en charge le mouvement. Ces équipes de travail se portent au secours
des cadres du parti qui allaient être la cible du mouvement.
Elles s’allient aux jeunes issus des cinq catégories rouges et s’efforcent de détourner la
lutte contre les professeurs qui deviennent les boucs émissaires. Puis, ils font la chasse aux jeunes
issus des catégories noires. Ceux-ci, après des meetings, sont envoyés à la campagne.
À partir de ce moment apparaissent des factions parmi les gardes rouges, avec d’un côté
les jeunes « noirs » (faction rebelle) et les jeunes « rouges » (loyalistes, conservateurs car leur
objectif est de défendre les cadres du parti).
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
71
3.4
3.4.1
LE TEMPS DES GARDES ROUGES (AOUT 1966-AOUT 1967)
LA PREMIERE PHASE (AOUT 1966-FEVRIER 1967)
En juillet, Mao réussit à reprendre la main. Au cours d’une réunion du comité central du
parti communiste chinois, il réussit à faire adopter une motion intitulée Décision en 16 articles sur la
révolution culturelle. C’est le produit d’un compromis avec ses adversaires.
À l’issue de cette réunion, Liu Shaoqi perd la vice-présidence du comité central. Il est
remplacé par Lin Biao. Avec cette Décision en 16 articles, les équipes de travail sont désavouées et
rappelées. Les étudiants issus des catégories noires peuvent à nouveau participer au mouvement
(les attaques contre eux cessent).
3.4.1.1
LA DESTRUCTION DES QUATRE VIEILLERIES
Mao oriente l’action des gardes rouges contre les quatre vieilleries 四旧. Les gardes
rouges ont carte blanche pour perquisitionner chez ceux accusés d’être les ennemis du peuple.
C’est de l’été 1966 que datent les actes de vandalisme contre le patrimoine culturel (destruction
d’œuvres d’art, de livres, de bibliothèques). Les jeunes peuvent circuler dans le pays gratuitement
pendant plusieurs semaines.
Il s’agit de prendre contact avec les gardes rouges pékinois. Mao et ses alliers ne perdent
pas de vue leur objectif principal : se débarrasser de leurs adversaires. Aussi, ils mettent un frein
dès 1966 aux actions des gardes rouges. C’est la fin des voyages gratuits. Et la fin de la période de
destruction des quatre vieilleries.
3.4.1.2
LA REVOLUTION CULTURELLE ATTEINT LES USINES
À Shanghai au cours de l’automne 1966, la lutte entre les gardes rouges rebelles, les cadres
du parti et les gardes rouges loyalistes débouche sur le chaos. Les ouvriers ont été entraînés dans
le mouvement. Ils patronnent la première organisation de gardes rouges pour la lutte contre les
quatre vieilleries. Cette organisation de garde rouge loyaliste prend le nom de garde rouge écarlate.
Ils appartiennent à la famille des gardes dont l’objectif est de protéger les cadres.
Au début de novembre, les maoïstes forment une autre organisation de gardes rouges qui
entreprend de recruter parmi les travailleurs du secteur non privilégié (apprentis, contrat à durée
déterminée). Ils baptisent cette organisation « le quartier général rebelle des ouvriers ». Cette
organisation est fondée par les maoïstes, les cadres de rang inférieur.
Et parmi eux on trouve Wang Hongwen (cadre intermédiaire qui exerce des fonctions de
contremaître dans une filature). Il sera le quatrième membre de la Bande des Quatre. Très vite, de
véritables combats les opposent.
3.4.1.3
LA « TEMPETE DE JANVIER 1967 ». A SHANGHAI
À la fin du mois de décembre 1966, un combat cause huit morts du côté des gardes
rouges écarlates. Cela déclenche la grève générale le 30 décembre. Et c’est le chaos, le désordre.
Le secrétaire du comité du parti Zao Sijiu perd le contrôle de la situation.
Que ce soit du côté des gardes rouges loyalistes ou du côté des ouvriers, on revendique
des augmentations de salaire (qui n’avaient pas bougé depuis 1956). Zhang Chunqiao passe à
l’action. Il arrive à Shanghai, et met en place une administration formée de délégués du quartier
général rebelle des ouvriers. C’est une prise de pouvoir par les maoïstes. Elle a été baptisée
« Tempête de Janvier » ou « révolution de janvier ». Cette prise de pouvoir rétablit l’ordre à
Shanghai. Il n’y aura plus aucun désordre à Shanghai pendant toute la révolution culturelle.
3.4.1.4
L’IMPOSSIBLE INSTITUTIONNALISATION DE LA REVOLUTION CULTURELLE
Après l’expédition de Shanghai, les maoïstes encouragent les organisations de gardes
rouges du reste du pays à prendre le pouvoir (à l’imitation des événements de Shanghai). Un
éditorial du Quotidien du Peuple a pour mot d’ordre « Prenez le pouvoir ! ». Il incite les masses à
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
72
former des comités révolutionnaires. On assiste à des prises de pouvoir par les gardes rouges au
niveau de la Danwei, des municipalités.
De bout en bout, la révolution culturelle est un événement exclusivement urbain.
Toutefois, la situation résultant de cette prise de pouvoir est confuse. Dans certains endroits, des
organisations rivales prétendent avoir pris le pouvoir et en appellent à Pékin pour trancher.
Ailleurs, les comités du parti mettent en scène des prises de pouvoir fictives. Ailleurs encore, la
prise du pouvoir est effective mais l’on ne sait pas quoi en faire.
3.4.1.5
LE « CONTRE COURANT DE FEVRIER »
En février 1967, des chefs de l’armée hostiles à Mao et à la révolution culturelle tentent
d’y mettre fin. Ils veulent en tout cas limiter le chaos. Différentes mesures visent à mettre fin à la
violence. Surtout l’armée donne la chasse aux gardes rouges et particulièrement les rebelles
maoïstes (les noirs).
Une fois de plus, Mao reprend la main et relance le mouvement. Son objectif est d’abattre
Liu Shaoqi et consorts. Début avril, une directive du comité central et de la Commission des
affaires militaires du bureau politique enlève à l’armée le droit de déclarer contre-révolutionnaire
des organisations de gardes rouges qui se reconstituent.
3.4.2
LA DEUXIEME PHASE (MARS-AOUT 1967)
Elle va durer jusqu’à la fin de l’été et le début de l’automne 1967. Les choses sont
différentes. La révolution culturelle va dégénérer en pure lutte de factions. Les gardes rouges se
transforment en bandes rivales dont l’objectif est d’éliminer les autres.
À partir d’avril 1967, l’armée est partie prenante. Et elle est divisée. Il y a en son sein des
maoïstes et des anti-maoïstes. Les gardes rouges s’emparent des armes de l’armée et attaquent les
unités de l’armée du camp opposé. Cela entraîne des guerres civiles locales entre les organisations
de gardes rouges rivales.
C’est surtout dans le Sichuan, au Henan, en Mandchourie (Heilongjiang) et en Mongolie
intérieure que les luttes sont les plus sanglantes. Dans le Sichuan, il y a eu 90 000 morts. À
Wuhan (capitale du Hubei), autre grand centre industriel de la Chine, les luttes entre gardes
rouges sont intenses. Les combats entre gardes rouges loyalistes (le million de héros) dont les
principaux membres sont des ouvriers, des cheminots et des cadres du parti et les gardes rouges
maoïstes font 350 morts et 1500 blessés fin juin. La dimension particulière de ce conflit, du fait
de l’intervention de Pékin, donne aux événements de Wuhan une dimension nationale.
À la mi-juillet, une délégation du centre composée de Mao, de Zhou Enlai (Premier
ministre), de deux proches de Lin Biao et de deux membres du groupe de la révolution culturelle
(dirigé par Jiang Qing) arrive à Wuhan pour négocier une solution au conflit avec le commandant
de la région militaire de Wuhan, Chen Zaidao. Les militants du Million de Héros sont passés à
tabac.
Pékin réplique en ordonnant des opérations militaires contre Wuhan. Des parachutistes
sont largués et prennent le contrôle de la ville. Ils désarment les membres du Million de Héros et
les troupes de Chen Zaidao. À Wuhan, au mois de juillet 1967, on a frôlé la guerre civile car des
unités de l’armée sont au bord de s’affronter.
Cela a pour effet d’exciter les gardes rouges maoïstes. Jiang Qing jette de l’huile sur le feu,
et déclare qu’il est légitime de réagir à la violence. En août, les gardes rouges de Pékin se
déchaînent. Ils occupent le ministère des affaires étrangères (Zhou Enlai est coincé dans son
bureau). Ils procèdent au saque de l’ambassade de Grande Bretagne et au siège de l’ambassade de
l’URSS. En juillet-août 1967, la révolution culturelle est à son paroxysme.
Mais au début de l’automne 1967, les gardes rouges sont désavoués par Mao qui déclare
que la majorité des cadres sont bons. Jiang Qing s’arrête elle aussi et désavoue les gardes rouges.
L’armée est autorisée à se servir des armes contre les gardes rouges. Les autorités essayent de
raisonner les gardes rouges, de les réconcilier.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
73
3.5
LA FIN DE LA REVOLUTION CULTURELLE : LES COMITES REVOLUTIONNAIRES (SEPTEMBRE
1967-OCTOBRE 1968)
En même temps, Mao ordonne la mise en place dans les provinces de nouvelles
structures du pouvoir. Les comités révolutionnaires doivent se substituer aux comités du parti. Ils
doivent associer trois groupes :
- les gardes rouges (organisation de masse)
- les militaires
- les cadres du parti reconnus comme bons (réformés).
Il faudra plusieurs mois pour un retour au calme dans la lutte de faction. Les comités
révolutionnaires voient le jour au cours de 1968. Cette triple coalition a du mal à se constituer.
Il y a une reprise des luttes de faction dans le Xinjiang et au Guangxi (au printemps et à
l’été 1968, on aperçoit de Hong Kong des cadavres flottant dans la rivière des Perles). Le dernier
acte est l’occupation du campus de l’université de Pékin par l’armée (où s’étaient réfugiés les
gardes rouges rebelles) en juillet 1968. En septembre 1968, Liu Shaoqi est exclu du parti. Mao a
atteint ses objectifs.
Les gardes rouges sont envoyés à la campagne, beaucoup vont rester toute la décennie qui
va suivre (jusqu’à l’accès au pouvoir de Deng Xiaoping). Le contexte est celui de la perception
d’une menace soviétique. En août 1968, les soviétiques envahissent la Tchécoslovaquie (après le
printemps de Prague). Au printemps 1969, il y a des accrochages entre les soviétiques et la Chine
en Manchourie sur le fleuve Amour. À l’été, ce sont des combats entre troupes chinoises et
soviétiques au Xinjiang.
3.6
LE 9E CONGRES DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS (AVRIL 1969)
En avril 1969, le 9e Congrès du parti communiste chinois est réuni. On entreprend de
reconstruire le parti sur la base de la triple alliance. Il n’y avait pas eu de Congrès depuis 13 ans.
C’est un nouveau départ pour le parti. Mais la direction issue de ce Congrès n’est pas unie.
Il y a trois factions :
- les tenants de la révolution culturelle (ceux qui vont veiller à préserver l’héritage de la
révolution culturelle)
- les dirigeants, cadre du parti, pris pour cible
- et au centre, les militaires.
Cette direction est désunie.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
74
LE DECLIN DU MAOÏSME ET LA PRISE DE
POUVOIR PAR DENG XIAOPING (1969-1978)
La révolution culturelle a couvert la période des années 1966 à 1969. En République de Chine
populaire, on fait prolonger la révolution culturelle jusqu’à 1976. Cette périodisation de la
révolution culturelle est contestable. Elle procède d’une volonté d’exonérer Mao de la
responsabilité de ce qui s’est passé pendant cette décennie en rejetant la responsabilité à Lin Biao
et à ceux qui ont constitué la bande des quatre. La révolution culturelle se confond avec le
développement des gardes rouges.
L’ordre est rétabli début 1969. Le 9ème Congrès du parti communiste chinois est un jalon dans le
processus de retour à l’ordre. De 1969 à 1976, c’est la phase finale de la période maoïste et c’est
une phase de déclin. Mais elle est relativement calme par rapport à la révolution culturelle. La
décennie se caractérise par un grand immobilisme. Mao n’a plus de projet. Il se contente de
maintenir la balance entre les différentes factions pour conserver l’essentiel du pouvoir.
La question de la succession de Mao est dans toutes les têtes. Mais le calme n’est qu’apparent. Il y
a des luttes intenses au sommet. De 1969 à 1971, ces luttes opposent Lin Biao à Mao Zedong.
C’est une pure lutte pour le pouvoir. De 1972 à la mort de Mao (1976), ces luttes opposent les
tenants de l’héritage de la révolution culturelle (les radicaux) dont le chef de file est Jiang Qing.
En face, il y a les technocrates pragmatiques (les gestionnaires) dont le chef de file est Zhou Enlai
(cumulant les fonctions de Premier ministre et de ministre des affaires étrangères).
1
1.1
LA CHUTE DE LIN BIAO, 1970-1971
LA DIFFICILE RECONSTRUCTION DU PARTI
La direction issue du 9ème Congrès du parti communiste chinois en avril 1969 n’est pas
unie. Il y a trois factions en présence :
- la faction de Lin Biao qui contrôle l’armée. D’autant plus que l’armée est devenue un
acteur politique de premier plan. Et que le 9e Congrès a désigné Lin Biao comme
successeur de Mao.
- le groupe des radicaux : mais au lendemain de la révolution culturelle, ce groupe n’est
pas en position de force.
- les technocrates, civils et militaires. Rescapés de la révolution culturelle. Ils
représentent l’ancien appareil du parti. Ils sont conduits par Zhou Enlai.
Mao et Lin Biao se méfient l’un de l’autre. Surtout Lin Biao dont la position institutionnelle n’est
pas très forte. Il est au deuxième rang dans la hiérarchie, derrière Zhou Enlai.
Lin Biao a peut-être voulu évincer Mao mais en tout cas il s’efforce de freiner la
reconstruction du parti et notamment la remise en place des comités municipaux et provinciaux
qui avaient été détruits. Il empêche les cadres de sortir des écoles du 7 mai contrôlées par l’armée.
En novembre 1970, seulement 45% des comités du parti du niveau du xian sont
reconstitués et des municipalités ont été rétablies. Les comités provinciaux du partis sont
reconstitués entre décembre 1970 et l’été 1971. Mais à cette date, 22 comités provinciaux sur 29
ont à leur tête un officier de l’armée. Une majorité des cadres sont des militaires. Le premier
comité provincial du parti à avoir été reconstitué est celui du Hunan. Son premier secrétaire est
Hua Guofeng. C’est un personnage important par la suite, qui émerge à ce moment.
Tout cela inquiète Mao car l’armée ne doit pas jouer un rôle important dans un régime
socialiste. Mao est en désaccord avec Lin sur la stratégie à adopter par rapport à l’URSS. Au
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
75
printemps 1970, Mao met à l’ordre du jour de la session de l’Assemblée populaire la rédaction
d’une nouvelle Constitution. Mao suggère que cette nouvelle Constitution devrait supprimer le
poste de Président (vacant après l’élimination de Liu Shaoqi).
Lin Biao s’oppose à cette suppression. Il propose que Mao soit élu. Mao soupçonne Lin
Biao de vouloir ce poste pour lui-même. À partir de ce moment, Mao entreprend d’éliminer Lin
Biao. Puis Mao s’allie aux radicaux. Il les remet sur scène. Il fait entrer des gens qui lui sont
fidèles dans différents organes contrôlés par Lin Biao. Durant l’été 1971, Lin Biao est isolé et
menacé.
1.2
L’ELIMINATION DE LIN BIAO.
Le soir du 12 septembre 1971, Lin Biao est alors à Beidaihe (station balnéaire proche de
Pékin) près de Shanhaiguan. Il s’enfuit à bord d’un avion avec sa femme, son fils et quelques
collaborateurs. Son avion prend la direction de l’URSS. Mais il s’écrase en Mongolie extérieure,
tuant ses passagers, le 13 septembre à 2 h 30. La mort de Lin Biao est tenue secrète pendant
longtemps (elle n’a été connue qu’en 1972 en Occident).
Cette version officielle circule dans le parti à partir de janvier 1972. Selon cette version,
Lin Biao aurait tenté d’assassiner Mao. Cette version fait état d’un document : le document n°571
( 五 七 一 ) mais si on change les caractères cela donne 武 起 义 , « insurrection armée »).
L’authenticité de ce document est douteuse. D’autres versions disent que Lin Biao a été assassiné
par Mao le 12 septembre alors qu’il rentrait d’un banquet de la résidence de Mao. Le 24
septembre, Zhou Enlai fait arrêter quatre des principaux collaborateurs de Lin Biao. Le rôle de
l’armée est amoindri mais elle continue à dominer le système politique. Lin Biao est remplacé à la
tête du comité des affaires militaires par Ye Jianying.
2
2.1
LA LUTTE ENTRE LES PRAGMATIQUES ET LES RADICAUX, 1972-1976
LA TENTATIVE DE REAJUSTEMENT DE ZHOU ENLAI : 1972
Au lendemain de sa chute et de sa disparition, Lin Biao est dénoncé comme
déviationniste de gauche. Sa chute va nuire aux radicaux. Zhou Enlai va en profiter pour imposer
une politique de réajustement.
Le but de cette politique est de relancer la production. Elle passe par une certaine
rétrogradation de la collectivisation dans les communes populaires et par un rétablissement de
l’autorité des directeurs dans les usines. Les radicaux avaient en 1968 suscité un mouvement
visant à faire passer la continuité du niveau de l’équipe à la brigade. Ce mouvement avait présenté
la commune populaire de Dazhai (Shanxi) comme un modèle à imiter. Elle va être un exemple
pendant toute la décennie.
Sous l’impulsion de Zhou Enlai, une nouvelle orientation est donnée au mouvement
d’imitation de Dazhai. Il s’agit de vanter les résultats de Dazhai en matière de mécanisation et
d’autonomie. Zhou Enlai ordonne en 1972 la réouverture des universités. Il rétablit les principes
de sélection en vigueur avant la révolution culturelle. C’est une politique qui va trouver sa
traduction en matière de politique extérieure.
La Chine entre à l’Organisation des Nations Unies à l’automne 1971 et prend la place de
Taiwan. C’est l’aboutissement avec les États-Unis, amorcé en 1969. En février 1972, Nixon fait
une visite officielle en Chine. C’est aussi un rapprochement avec le Japon. Tanaka Kakuei fait une
visite officielle en Chine en septembre 1972. Zhou Enlai ne réussit cependant pas à imposer
durablement sa politique à cause de l’opposition des radicaux qui reçoivent dès l’automne 1972 le
soutien de Mao. Mao juge que Zhou Enlai est allé trop loin. Il décrète que la déviation de Lin
Biao n’avait pas été une déviation de gauche mais de droite.
Jusqu’en 1976, les radicaux vont lancer contre les pragmatiques une série de campagnes
de masse, qui vont toutes s’essouffler rapidement. À partir de 1973, les campagnes de masse ne
marchent plus car il y a une lassitude dans la population (la révolution culturelle a fatigué les gens).
La moins éphémère de ces campagnes de masse est la campagne de Pi Lin Pi Kong.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
76
2.2
LA CAMPAGNE PI LIN PI KONG, 1973-1974
La vraie cible de cette campagne est Zhou Enlai et ses politiques de réajustement.
Confucius et Lin Biao sont accusés d’être des agents de restauration du passé. Lin Biao est
considéré comme l’archi-vilain. La campagne n’a pas passionné. Zhou Enlai et ses alliers
retournent la campagne contre ses promoteurs, en manipulant les symboles de l’histoire de la
Chine.
La critique du confucianisme implique une valorisation des adversaires : Qin Shi Huangdi
et Li Si qui ont brûlé les livres. Les propagandistes proches de Zhou Enlai avaient fait remarqué
que Qin Shi Huangdi et Li Si n’avaient pas brûlé les livres d’agriculture et de médecine. Ils
détournent la campagne et se font les chantres du développement technique, des sciences, du
développement économique. Par ailleurs, Qin Shi Huangdi et Li Si sont assimilés aux excès de la
révolution culturelle. Cet épisode témoigne de l’extrême fermeture de la Chine à cette époque.
2.3
ZHOU ENLAI PROPOSE UNE NOUVELLE VISION DE L’AVENIR DE LA CHINE : LES
« QUATRE MODERNISATIONS » DE 1975
En 1974, Mao lâche les radicaux et apporte son soutien aux pragmatiques. En novembre
1974, Mao propose à Deng Xiaoping de remplacer Zhou Enlai à la tête du gouvernement. Zhou
est gravement malade.
Quelles sont les motivations de Mao ? Mao a l’impression qu’il devient une marionnette
aux mains des radicaux. Il se méfie de Jiang Qing. Il emploie à cette époque l’expression de
« Bande des quatre ».
Deng Xiaoping est vice Premier ministre. Après un marché avec Mao, il devient chef de
l’armée. Mao souhaite affaiblir le poids de l’armée. La réhabilitation de Deng est une monnaie
d’échange contre le retour des militaires dans leurs casernes. Zhou Enlai propose en janvier 1974
un nouveau programme qu’il appelle les quatre modernisations. C’est une préfiguration des
politiques mises en œuvre par Deng Xiaoping, quand il aura pris le pouvoir. Zhou Enlai présente
ce plan lors de la première session annuelle de la Nouvelle assemblée nationale populaire.
C’est son dernier discours et son testament politique. Il préconise la modernisation de
l’agriculture, de l’industrie, des sciences et techniques et de la défense nationale. Le but de ce
programme est de faire de la Chine un pays socialiste prospère et puissant. Il veut hisser la Chine
à la fin du siècle au rang de grande puissance économique mondiale. Zhou Enlai explique que la
Chine ne se trouve que dans la phase initiale de construction du socialisme.
Cette analyse de la situation historique permet de suggérer que la révolution culturelle est
une aberration. Ce que Mao avait poursuivi depuis 1952 est venu trop tôt. Il s’agit de justifier la
réhabilitation des cadres du parti éliminés sous la révolution culturelle. Elle permet de justifier les
méthodes de recours aux techniques et aux capitaux étrangers. En gros, il propose l’abandon de
la révolution. Après la mort de Mao, le slogan de la modernisation est à l’ordre du jour.
2.4
LES CONVULSIONS DE L’ANNEE 1976 : DISPARITION DE ZHOU ENLAI, DE MAO, CHUTE
DE LA BANDE DES QUATRE
Zhou Enlai meurt le 8 janvier 1976. Sa disparition ouvre une crise du régime qui est une
crise de succession et aussi une crise de légitimité. Il y a des manifestations à Pékin et en province
au printemps.
Mao désigne comme successeur au poste de Premier ministre Hua Guofeng, pas Deng
Xiaoping qui est écarté. Est écarté également Zhang Chunqiao, le prétendant au poste, du côté
radical. Mao fait connaître son choix au bureau politique le 28 janvier et la décision est portée à
la connaissance du pays le 7 février.
Il survient quelque chose d’inattendu : le peuple chinois s’exprime ! Tout commence par
le dépôt d’une couronne mortuaire et d’un portrait de Zhou Enlai devant la stèle des héros de la
révolution, place Tiananmen, le 19 mars par un groupe d’élèves d’une école primaire. Le 24 mars,
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
77
c’est un individu isolé qui dépose un témoignage. Le 25 mars, c’est au tour des élèves d’une école
secondaire de faire la même chose. Puis, il y a un effet boule de neige.
Les gens rendent hommage à Zhou Enlai, dirigeant modéré, soucieux du bien-être du
peuple. Mais la police nettoie la place à chaque fois. Lorsque le 30 mars, des soldats viennent
déposer leurs témoignages, la police n’enlève plus rien ! Le 4 avril, à la veille du jour de la fête des
morts (清明节), des foules se rendent place Tiananmen. Parmi les textes déposés, il y a des
attaques contre la Bande des Quatre.
Le soir du 4 avril, le bureau politique se réunit. Ne sont présents que les radicaux de Hua
Guofeng. Deng Xiaoping et les siens ne sont pas là. On considère que ce qui se passe place
Tiananmen est une remise en cause du pouvoir. Le 5 avril, la police nettoie la place. Les gens
encore présents sont arrêtés. Le lendemain, la foule revient place Tiananmen. À 21 h 30, la police
illumine la place. Les forces de sécurité interviennent. Il y a 50 morts, des centaines de blessés, 15
000 personnes arrêtées. Des manifestations analogues ont lieu en province. Le 7 avril, le
quotidien du peuple publie la version officielle. Les événements sont qualifiés de contrerévolutionnaires.
Le même jour, Deng Xiaoping est accusé d’avoir fomenté une manifestation et est démis
de toutes ses fonctions. Deng Xiaoping est immédiatement enlevé et emmené dans le Sud du
pays, à l’initiative des militaires, des membres de son bureau politique et de ses alliés politiques,
afin de le soustraire à une tentative d’élimination physique. Cet épisode finit par la répression.
Hua Guofeng et les radicaux ont fait alliance contre Deng Xiaoping. Mais cela ne dure pas car la
Bande des Quatre ne veut pas partager le pouvoir. Elle lance une campagne contre Hua Guofeng.
Depuis le début de l’année, le marasme est inquiétant. La disette apparaît dans le Sichuan
et l’Anhui. Le désordre et le banditisme s’installent. Le 28 juillet, un tremblement de terre détruit
la ville de Tangshan (Hebei, à l’Est de Pékin). Le séisme fait 650 000 victimes dont 242 000 morts.
Les secours ne parviennent qu’extrêmement lentement. Les secouristes se livrent au pillage.
Mao meurt le 9 septembre. La situation politique est confuse. La Bande des Quatre tente
un coup d’État. Elle se heurte à Hua Guofeng et Deng Xiaoping (chef de l’armée) qui se coalisent
pour empêcher la prise de pouvoir. La Bande des Quatre est arrêtée le 6 octobre 1976.
3
LA PRISE DU POUVOIR PAR DENG XIAOPING
La coalition qui s’était formée contre la Bande des Quatre se divise cependant très vite.
En juillet 1977, Deng Xiaoping est réhabilité et pour la deuxième fois, il revient aux affaires. Ses
partisans ont obtenu son retour mais il lui faut encore un an et demi pour renverser
définitivement la situation à son profit.
C’est en décembre 1978, lors du 3ème plénum du 11ème Comité central du parti communiste
chinois, qu’il y parvient. Il prend le pouvoir à l’issue d’un large et difficile combat idéologique au
sein du parti communiste chinois au cours du second semestre de 1977 et de toute l’année 1978 ;
alors que se développe à partir de l’automne 1978, en dehors du parti communiste chinois, dans
la rue à Pékin, tout un mouvement populaire de protestation contre la révolution culturelle.
3.1
L’ECHEC DE HUA GUOFENG
Ce qui a rendu ce mouvement possible est l’échec de Hua Guofeng à s’imposer comme
successeur de Mao. Ce n’est pas seulement un échec personnel, mais aussi un échec d’une
politique néo-maoïste.
3.2
LE SICHUAN ET L’ANHUI DECOLLECTIVISENT
Au début de 1978, on assiste à un début de décollectivisation dans les provinces du
Sichuan et de l’Anhui.
Dans l’été 1978, la famine menace dans ces provinces ; dans la province de l’Anhui en
particulier, sujette à des catastrophes naturelles. On assiste à une révolution, les paysans
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
78
décollectivisant spontanément. Mais les responsables du parti dans ces provinces (Zhao Ziyang
au Sichuan et Wanli en Anhui) vont faire parti de l’équipe de Deng Xiaoping dans les années
1980. Zhao Ziyang sera un futur premier ministre et le secrétaire général du parti.
3.3
LA BATAILLE IDEOLOGIQUE DE L’ETE 1978 : « CHERCHER LA VERITE DANS LES FAITS »
C’est une bataille idéologique, autour du slogan « chercher la vérité dans les faits ».
L’auteur de cette formule est Mao mais c’est le slogan des pragmatiques du parti (Deng
Xiaoping). Le sens est : laissons de côté l’idéologie, allons vers le réalisme. La majorité silencieuse
des cadres du parti s’est mobilisée par pragmatisme.
3.4
LE MOUVEMENT DES PLAIGNANTS
On assiste au mouvement des plaignants à Pékin, à l’automne 1978. Les gens victimes de
la révolution culturelle demandent à être réhabilités.
3.5
LE PRINTEMPS DE PEKIN
Puis on assiste à un mouvement populaire qui se déroule à la mi-novembre à Pékin (le
printemps de Pékin). Ce qui a été déterminant, c’est la prise de position de la municipalité de
Pékin qui proclame le 15 novembre 1978 que les manifestations de 1976 n’avaient pas été contrerévolutionnaires mais révolutionnaires.
À partir du 17 novembre apparaissent à Chang An Daxue (avenue Chang An) à la hauteur
du carrefour de Xidan, sur le mur d’un dépôt d’autobus, des dazibao qui expliquent que puisque
le verdict du parti déclarant contre-révolutionnaire les manifestations de 1976 a été annulé, la
nomination de Hua Guofeng au poste de Premier ministre et de vice-président du parti doit être
elle aussi annulée. On procède à l’arrestation de Hua Guofeng.
D’autres dazibao sont collés sur « le mur de la démocratie » et demandent la réhabilitation
des dirigeants victimes de la révolution culturelle comme Liu Shaoqi et Peng Dehuai. À partir du
19 novembre, le mouvement s’enhardit à dénoncer Mao et son rôle pendant la révolution
culturelle. Le 27 novembre a lieu place Tiananmen une manifestation dont les slogans crient
« Vivent la liberté, vive la démocratie ! ». À la différence du mouvement de 1976, le mouvement
de novembre se déroule en présence des médias étrangers. Deng Xiaoping a su très habilement
utiliser les médias étrangers.
3.6
LE 3EME PLENUM DU 11EME COMITE CENTRAL (12-18 DECEMBRE 1978)
Il a dialogué avec les journalistes étrangers (c’est une première à l’époque). Ce mouvement
se déroule tandis que le comité central du parti est réuni à Pékin. Il s’achève sur le troisième
plénum du 12 décembre. Deng Xiaoping réussit à prendre le pouvoir.
Tout l’héritage de la révolution culturelle est répudié. Une orientation nouvelle est donnée
aux politiques du parti. À partir de ce moment, Deng Xiaoping n’a plus besoin de ce mouvement
populaire. Des mises en garde sont adressées au mouvement contre d’éventuels débordements.
D’ailleurs, le mouvement se divise. Il y a ceux qui sont satisfaits de la prise de pouvoir par Deng
Xiaoping et de l’autre coté une tendance radicale qui entend continuer à aller plus loin.
Cette tendance radicale se manifeste pour la première fois le 5 décembre lorsque Wei
Jingsheng appose son dazibao, où il explique qu’il faut introduire une cinquième modernisation :
la démocratisation du régime. Wei Jingsheng est un jeune homme de 22 ans, il a été garde rouge
et il occupe à l’époque l’emploi d’électricien des jardins publics de Pékin. Il a participé aux
manifestations de 1976. La tendance radicale va s’exprimer tout le long de l’hiver 1979 dans des
publications de fortune, du type samizdat, préparés et distribués sous le manteau. On peut citer
des revues comme Beijing Zhichun (le printemps de Pékin), Tansuo (revue éditée par Wei
Jingsheng et Siwu Luntan).
Deng Xiaoping qui pendant quelques semaines tolère encore le mouvement y met fin au
début du printemps. Wei Jingsheng est arrêté le 29 mars 1979 ainsi que quarante militants du
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
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printemps de Pékin. Le procès de Wei Jingsheng s’ouvre en octobre 1979. Il sera condamné à
quinze ans de réclusion et de privation de droits civiques. Le 8 décembre 1979, les autorités
interdisent l’affichage des dazibaos à Xidan. C’est la fin du mouvement populaire. Tout ceci
résulte d’une reprise en main de la rue par Deng Xiaoping.
Un événement important est l’adoption par le parti au printemps 1979 de quatre
principes, qui affirment sans équivoque la dictature du prolétariat, le pouvoir du parti
communiste chinois et le parti unique. Le pouvoir de Deng Xiaoping ne sera définitivement
assuré et consolidé qu’en 1981. Pendant les premières années il restera toujours des incertitudes.
Mais en 1981, Hua Guofeng est éliminé définitivement. Il perd toutes ses positions au
sein du parti. La prise de pouvoir par Deng Xiaoping ne s’est pas accompagnée d’une
démaoïsation véritable. En juin 1981, le parti adopte une résolution concernant l’histoire du parti
communiste chinois qui prétend tirer un trait sur l’époque maoïste, mais on continue d’affirmer
que Mao est un dirigeant qui a eu une action positive.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
80
L’OUVERTURE ET LA REFORME : L’ERE
DENGUISTE (1979-1989)
L’année 1978 marque la fin du maoïsme. La Chine change de cap et se lance dans l’ouverture et la
réforme (kaifang gaige). C’est la nouvelle ligne du parti communiste chinois, dans laquelle on se
trouve encore actuellement.
Cette nouvelle ligne a profondément transformé la Chine. Mais il faut se garder d’imaginer que le
changement de cap de 1978 a eu pour objectif d’abandonner le socialisme et d’engager la Chine
sur la voie du capitalisme. En 1978, les dirigeants chinois, même les plus réformistes, n’imaginent
même pas cela. L’objectif est de remédier au mauvais état de l’économie au sortir de la révolution
culturelle.
C’est depuis 1992 que la Chine s’est le plus transformée. Entre 1979 et 1989, les politiques
d’ouverture et de réforme ne sont pas allées aussi loin qu’en 1992. 1978 marque une césure
essentielle mais 1992 aussi. Cette première période se divise elle-même en trois :
- la première phase de 1979 à 1984, la politique d’ouverture et de réforme ne concerne
que la campagne et le secteur agricole.
- la deuxième phase de 1985 à 1989 (ou 1988), la réforme est portée à la ville, c'est-àdire au secteur de l’industrie (c’est un approfondissement de la politique d’ouverture
et de réforme).
- la troisième phase de 1988 à 1992, il y a une tentative de retour à la situation d’avant
1985 et d’annulation de ce qui avait été fait.
Ce chapitre débouche sur la crise politique de 1989. Il est orienté vers cette crise et essaye de la
comprendre.
1
LE PREMIER STADE DE LA REFORME, 1979-1984
La ligne qui est adoptée lors du 3ème plénum du 11ème Comité central est la reprise du
programme des quatre modernisations de Zhou Enlai. On crée aussi les zones économiques
spéciales et on assouplit l’économie planifiée du secteur urbain. Et surtout, une politique de
réajustement dans les campagnes qui implique la décollectivisation et un rééquilibrage des
investissements.
1.1
LA NEP RURALE
Elle consiste en une décollectivisation de l’agriculture. Cette décollectivisation a été
progressive. Elle ne sera achevée qu’en 1985, année où les communes populaires sont
définitivement supprimées.
Dès 1979, des systèmes de responsabilité ayant pour but de lier étroitement la
rémunération des paysans à leur travail effectivement fourni sont mis en place. Plusieurs formules
ont été expérimentées, toujours plus éloignées de l’exploitation collective. Au début ce sont des
contrats signés entre les autorités et les équipes des communes populaires.
1.1.1 LES POLITIQUES
1.1.1.1
LA DECOLLECTIVISATION DE L’AGRICULTURE
Très vite, ce sont les familles qui sont invitées à signer ces contrats de production. On
met en avant les formules des années 1960 après l’échec du Grand bond en avant. Notamment le
baochadaohu, c'est-à-dire le forfait de production avec les foyers. On assiste à un retour à une
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
81
exploitation familiale. Les foyers sont autorisés à exploiter les parcelles comme bon leur semble, à
disposer de leur production après avoir livré à l’État une certaine part de la production. Le reste,
elles en font ce qu’elles veulent, elles peuvent notamment le vendre sur le marché. Mais les foyers
paysans ne sont pas pour autant propriétaires de la parcelle qu’ils exploitent. Ils n’en ont que
l’usufruit.
Le problème en Chine est qu’il y a trop de monde à la campagne, des bras sont
inemployés. On estime entre 40 et 90 millions le nombre de travailleurs sous-employés. C’est le
problème le plus aigu qui se pose à la Chine. Quoi qu’il en soit, à la fin de l’année 1982, plus de
80% des foyers paysans travaillent sous le régime du Baochadaohu.
Les communes populaires ne sont plus qu’une coquille vide. Mais elles subsistent jusqu’en
1989. Elles ne fonctionnent qu’en tant qu’organisme gérant les entreprises industrielles installées
sur leur territoire.
En décembre 1982, le parti décide de rétablir le système administratif en vigueur avant la
création des communes populaires. L’échelon du xian est rétabli. Les parcelles sont exiguës et ne
permettent pas d’exploitations rentables. Les foyers se spécialisent dans telle ou telle culture, ils
ont besoin d’étendre leurs exploitations. Certains foyers louent à d’autres paysans. C’est le début
d’une différenciation sociale à la campagne.
1.1.1.2
RELEVEMENT DES PRIX AGRICOLES
Un autre aspect est le relèvement des prix agricoles (décision du 3ème plénum du 11ème
comité). Le prix d’achat des céréales est augmenté de 20%, de même que celui des plantes
oléagineuses. Le prix d’achat du coton est augmenté de 15%, celui de la viande de porc de 25%.
1.1.2
LES EFFETS
Les contrats de production avec les foyers ont libéré la productivité des paysans. Entre
1979 et 1984, la production agricole a augmenté de 6,5% par an. Ainsi c’est une croissance
beaucoup plus importante que pendant toute la période maoïste. Le revenu des paysans a
augmenté de 15,4% par an (c’est sans précédent). En 1984, l’écart des niveaux de vie entre ruraux
et urbains a diminué. Pour un revenu réel égal à 100 en 1978, on a un indice de 225 en 1984, et
235 en 1988.
Mais pour les paysans, après 1984, c’est fini. On a une quasi-stagnation. En fait les belles
années pour la paysannerie sont les années 1979 jusqu’à 1984, après c’est fini. Il y a eu plus qu’un
doublement du niveau de vie paysan en termes réels (inflation déduite). Ce niveau de vie se reflète
dans la consommation. Les paysans sont toujours consommateurs de céréales (il n’y a pas de
changement sur ce point). Mais la différence est qu’à la fin de la décennie, les paysans
consomment des céréales nobles : du riz, du blé et non plus du millet ou du sorgho. Pour la
viande, la consommation paysanne a été multipliée par deux. En 1980, un paysan consomme 6 kg
de viande par an. En 1988, 12 kg par an.
La consommation en biens durables change. En 1980 il y avait une bicyclette pour trois
familles. En 1988, c’est une bicyclette par famille. Les paysans bâtissent leurs maisons en dur.
La part des ruraux dans la population totale diminue. Elle passe de 88% en 1979 à 75%
en 1989. Le nombre des ruraux reste cependant constant : 850 millions de paysans en Chine au
début de la décennie. Mais le poids de la paysannerie commence à diminuer.
Ces gens vivent dans des bourgs et travaillent dans des entreprises installées à la
campagne. Il y avait 3000 bourgs en 1980. À la fin de la décennie, ils sont 10 000. Leur
population atteint 150 000 millions d’habitants, soit 18% de la population rurale. Ces entreprises
de bourgs sont créées au début de la décennie. Beaucoup existent depuis plusieurs années et sont
établies au moment du Grand Bond en avant. Ces entreprises de bourg connaissent un
développement rapide. Ce sont tantôt des entreprises collectives qui sont gérées par
l’administration des xian et des zhen, tantôt des ateliers familiaux. En 1980, ces ateliers familiaux
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82
n’existent pas. En 1988, la moitié des actifs ruraux non agricoles travaillent dans de tels ateliers
familiaux. Ils sont majoritaires dans le secteur des services et de la restauration.
Sur 14 millions d’emplois, 12 millions sont des emplois dans les ateliers familiaux. 2
millions sont des emplois dans les entreprises collectives. C’est la même chose pour le secteur des
transports. Dans le bâtiment, les ateliers familiaux témoignent d’une forte proportion
d’entreprises sauf pour la briqueterie. Ces gens ne tirent pas totalement leur revenu du seul travail
de la terre. Le surplus de main d’œuvre rurale trouve à s’employer dans ces entreprises à la
campagne. C’est le proverbe 离土不离乡.
Un certain nombre de paysans vont travailler dans les villes. À la fin de la décennie, près
de 20 millions de ruraux circulent entre la ville et la campagne. On a publié à l’étranger le chiffre
de 70 millions de personnes en transit. Ce chiffre est exagéré. En réalité, ce fut 20 millions, ce qui
est considérable néanmoins.
1.2
L’OUVERTURE
L’ouverture est l’autre volet de la politique du 3ème plénum du 11ème comité du parti
communiste chinois. Le but est d’acquérir des technologies modernes à moindre frais en évitant
l’endettement. On autorise les entreprises étrangères à s’établir en Chine. Un autre but est de
développer les exportations.
Ce sont des nouvelles stratégies du développement de la Chine. On abandonne la
stratégie autocentrée. Une loi a été adoptée en juillet 1979 qui autorise l’établissement en Chine
de sociétés mixtes (joint-venture). Au même moment, quatre zones franches, qui sont bientôt
baptisées zones économiques spéciales, sont créées dans le Sud du pays :
- Shenzhen, au Nord de Hong Kong
- Zhuhai, au Nord de Macao, c’est un chef-lieu de xian
- Shantou (Suatow)
Ces trois zones économiques spéciales se trouvent dans le Guangdong. Et la quatrième se trouve
dans le Fujian : Xiamen (Amoy).
Ces zones franches sont destinées à accueillir les entreprises mixtes sino-étrangères ou les
entreprises à 100% étrangères produisant exclusivement pour l’exportation. Le but est d’acquérir
une technologie avancée, d’attirer les capitaux étrangers eux-mêmes attirés par la main d’œuvre
chinoise. Ces entreprises ne doivent pas produire pour le marché intérieur. Elles sont isolées du
reste du monde par une frontière imperméable.
Ces zones économiques spéciales ont rencontré un grand succès. De nombreuses
entreprises étrangères sont attirées par le faible coût de la main d’œuvre ainsi que par les
nombreux avantages offerts (exemption de droits à l’importation et à l’exportation). Elles
investissent dans ces entreprises mixtes.
Mais ce n’est qu’à partir de 1983 que le système commence à fonctionner, car pendant
plusieurs années, les investisseurs doutaient de la pérennité de la nouvelle politique. Hua Guofeng
n’a été éliminé qu’à la fin des années 1970 et le procès de la Bande des Quatre se déroule au
premier semestre 1981. Il y a aussi que la réglementation relative aux investissements étrangers a
été longtemps incomplète, et que les entreprises étrangères ne sont pas autorisées à écouler leur
production sur le marché chinois.
La zone qui se développe le plus est celle de Shenzhen. Elle correspond au xian
limitrophe au Nord du Hong Kong. Après la création de la zone économique spéciale, Shenzhen
est devenue une véritable ville alors qu’avant elle n’était qu’un petit village de pécheurs. Shenzhen
se développe grâce aux Chinois de Hong Kong qui investissent massivement.
Par ailleurs, le but est d’attirer les capitaux étrangers. Le parti cherche à s’assurer de la
collaboration des anciens capitalistes chinois ou de leurs descendants. En 1979, le parti
communiste chinois verse de nouveaux à ces gens les dividendes versés avant la révolution
culturelle. En une seule année 600 millions de dollars sont versés. De nombreuses fonctions leur
sont confiées dans l’administration économique (dans les organismes appelés à traiter avec les
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
83
étrangers). Ainsi Rong Yiren (issu d’une grande famille de filateurs de Shanghai) est nommé
président de la Compagnie chinoise de crédit et des investissements internationaux. (la CITIC ou
China International Trust and Investment Company).
1.3
DANS LE SECTEUR URBAIN : ASSOUPLISSEMENT DE LA PLANIFICATION
Avant 1984, la politique de réforme ne concerne pas le secteur urbain de l’économie. Elle
ne concerne que l’agriculture. Dans le secteur urbain, quelques mesures de réajustement sont
mises en œuvre (décentralisation, assouplissement de la planification). Il y a en outre une plus
grande latitude qui est donnée aux directeurs des entreprises dans la gestion.
Des mesures plus audacieuses sont préconisées par Deng Xiaoping ou Zhao Ziyang
(Premier ministre depuis les années 1980). Mais elles sont combattues vigoureusement par Chen
Yun qui domine cette première moitié des années 1980. Chen Yun est l’auteur de la formule de
« la cage et de l’oiseau ». L’oiseau, c’est le marché, il faut lui laisser de l’espace mais il ne faut pas
qu’il sorte de la cage.
2
LA REFORME EST PORTEE DANS LES VILLES, 1985-1989
L’extension de la réforme est une nécessité objective. D’une part, la décollectivisation de
l’agriculture fait apparaître un trop plein de main d’œuvre à la campagne (entreprise rurale, bourg
ou ateliers familiaux).
L’économie urbaine est incapable de satisfaire aux besoins de l’économie agricole (en
fertilisants, pesticides…). La production d’énergie est insuffisante. Les transports sont sousdéveloppés. Ce sont des goulots d’étranglement sur lesquels bute la croissance. Dans les années
1980, le taux de croissance est de 8,8%. Mais le moteur est les entreprises rurales (pas les
entreprises d’État).
2.1
2.1.1
LES POLITIQUES
LES PRINCIPES
En février 1984, Deng Xiaoping fait une tournée des zones économiques spéciales. Son
but est de les défendre contre les attaques des conservateurs, notamment Chen Yun. Ce dernier
dénonce la réapparition des concessions, une politique qui brade les intérêts des Chinois aux
étrangers. Deng Xiaoping en fait l’éloge.
Au cours d’une réunion se déroulant entre le 6 et le 12 avril 1984, le secrétariat particulier et
le gouvernement décident d’ouvrir les échanges avec les étrangers, et ce sur 14 villes de la côte :
1. Dalian
2. Qinhuangdao.
3. Tianjin
4. Yanhai
5. Qingdao
6. Lianyungang
7. Nantong
8. Shanghai
9. Ningbo
10. Wenzhou
11. Fuzhou
12. Canton
13. Zhangjiang (Fort Bayard)
14. Beihai
En octobre 1984, le 12ème comité réuni en troisième session plénière décide d’étendre la réforme
au secteur urbain. Le but est de mettre en place une économie marchande planifiée. Plus tard, elle
prendra le nom « d’économie de marché socialiste » (au cours du 13ème Congrès de 1987). Cela
implique une réduction de la planification impérative aux produits d’importation vitale, c'est-à-
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
84
dire une déplanification de la production et de la distribution. Cela implique aussi le recours au
principe de la régulation par les prix du marché.
Cela entraîne une autonomie des entreprises d’État appelées à organiser elles-mêmes leurs
activités de production, de recrutement et la rémunération du personnel. En 1984 disparaît le
système d’allocation autoritaire des emplois.
2.1.2
MISE EN ŒUVRE
Une nouvelle dynamique se met en œuvre à partir de 1985. À partir du 13ème Congrès de
septembre 1987, le parti communiste chinois s’oriente vers une stratégie de développement
prioritaire de la côte (impulsée par Zhao Ziyang qui appelle la zone côtière à se tourner vers
l’extérieur et à s’insérer dans le système capitaliste mondial). Ce qui implique que le
développement des zones côtières allait être décuplé.
La mise en œuvre a été difficile. Un système de responsabilité contractuelle est mis en
place dans les entreprises d’État mais seulement à partir de 1986-87. Il y a beaucoup de
résistances. Mais en 1989, ce système est mis en place dans 80 à 90% des entreprises d’État. En
1989, 80% des produits de l’industrie sortent du secteur non planifié. 20% restent dans le secteur
planifié. Au début de la décennie, le rapport était inversé.
2.2
LA CHINE ENTRE DEUX ECONOMIES
En 1988, 56,6% de la production industrielle en valeur est le fait des entreprises d’État.
36,4% sont dus au secteur collectif (entreprise de bourg), 7% d’entreprises privées. Au Jiangsu
(dans les provinces côtières), la part du secteur collectif est encore plus importante. Un marché
(« des marchés ») est né. Mais les produits industriels ont deux prix :
- le prix du marché
- le prix fixé par l’État.
Dans les entreprises, bien que les directeurs aient vus leur pouvoirs accrus, le pouvoir est en
réalité détenu par les bureaucraties et les administrations de tutelle (qui sont appelées les « bellesmères » par les managers : on n’échappe pas à leur domination !).
Ce phénomène est une dérive de la décentralisation. Ceux qui profitent de la réforme sont
les bureaucrates locaux, les officiels du parti ou de l’État. Le double système des prix a un effet
particulièrement ennuyeux : il rend possible la corruption.
2.3
2.3.1
LES EFFETS SOCIAUX
APPARITION D’INEGALITES
Des inégalités apparaissent entre les villes et les campagnes, et entre les régions côtières et
l’intérieur. L’écart entre les revenus des paysans et ceux des urbains, qui a baissé au cours de la
première moitié des années 1980, s’élève dans la seconde moitié de la décennie. À la fin de la
décennie, il est plus élevé qu’en 1978.
Le développement prioritaire des régions côtières a entraîné des inégalités avec l’intérieur
(qui se confirment en 1987). Il y a une différence entre les prix des produits agricoles (qui
stagnent, voire diminuent) et les prix des produits industriels (qui augmentent). Il y a une
stagnation, voire une diminution des revenus des paysans.
À partir de 1984, la cause première est la stagnation des récoltes, notamment des céréales
et du grain. Elles atteignent en 1984 407 millions de tonnes. Mais en 1985, ce n’est plus que 379
millions de tonnes. En 1989, 407 millions de tonnes : la production stagne.
Les revenus des propriétés agricoles des paysans stagnent, donc baissent puisque les prix
de leur production baissent. Mais les foyers paysans sont de plus en plus nombreux à avoir des
revenus non agricoles (ateliers familiaux). Ces revenus non agricoles ont permis de compenser
une baisse des revenus agricoles. En 1989, ils chutent. Les paysans subissent de plein fouet les
mesures anti-surchauffe prise par les autorités. Apparaissent des inégalités à la campagne, entre
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
85
les paysans (des paysans ont réussi à s’enrichir, des foyers à 10 000 yuan, d’autres plus nombreux
se sont appauvrit). Cela a continué dans les années 1990 et continue à l’heure actuelle.
2.3.2 DIVERSIFICATION SOCIALE
2.3.2.1
A LA VILLE
Avant 1979, on a le parti, l’État et les gens soumis à un contrôle totalitaire. Cela change
dans les années 1980. On voit apparaître des groupes intérêts car de nouveaux enjeux de pouvoir
apparaissent dans les villes (associations de toutes sortes, professionnelles, dirigeants d’entreprise,
« de malfaiteurs ») à partir de 1984.
Néanmoins, ces groupes d’intérêts continuent d’être dominés et exploités par la
bureaucratie. Les vrais entrepreneurs sont les bureaucrates, les dirigeants du parti qui prélèvent
leur dîme et leur rente (c’est le pluralisme bureaucratique). C’est un phénomène de féodalité
bureaucratique qui caractérise ces années 1980.
2.3.2.2
A LA CAMPAGNE
Il apparaît un nouveau mode d’organisation économique. C’est un mode familial. Les
ateliers familiaux, nombreux, échappent à l’emprise de l’État et se situent en dehors de
l’économie planifiée. Ce mode d’organisation familial de l’économie a déterminé de nouvelles
relations sociales, d’entraide (outils, animaux de labour) selon le modèle de la tontine. Ces
financements privés ont joué un rôle important dans le développement des entreprises rurales.
C’est en particulier à Wenzhou que ce modèle d’organisation social a trouvé son
expression la plus achevée (et qu’on a appelé « le modèle de Wenzhou »). Il y a une communauté
solidaire fermée, entreprenante. On voit l’émergence d’une société autonome. Mais elle reste
mineure car elle n’est pas reconnue comme telle dans son identité et au niveau du pouvoir.
L’apparition d’exploitations familiales et d’ateliers familiaux ne change pas les rapports au
pouvoir.
On réinvente des formes culturelles qui avaient disparues (les clans, les cultes, la religion
populaire de syncrétisme), des comportements sociaux qui avaient été éliminés sous Mao (les
rixes armées entre les clans, les superstitions).
3
LES DEBATS IDEOLOGIQUES ET POLITIQUES
Dans l’année 1979, de totalitaire, le régime devient « autoritaire ». Le parti est beaucoup
moins omniprésent qu’entre 1949 et 1978. Le droit est réhabilité. Le parti veut construire la
légalité socialiste. Le régime denguiste est à cet égard proche du modèle soviétique classique
(légitimité socialiste) et proche du régime que la Constitution de 1954 avait défini.
Une nouvelle Constitution est adoptée le 4 décembre 1982 (c’est la quatrième de la
République populaire de Chine : la première était de 1954, la seconde de 1975, la troisième
« libérale » de 1978 : elle légalisait l’affichage des dazibao).
La quatrième Constitution s’efforce de délimiter les compétences du parti et de l’État. La
réforme politique est à l’ordre du jour dès 1980. On l’a appelée le « serpent de mer » : elle
disparaît, réapparaît mais elle n’émerge jamais. C’est la direction du travail idéologique et
politique.
Hu Yaobang explique que la direction du parti communiste chinois ne doit pas s’identifier
au travail administratif de la conduite gouvernementale. Il y a aussi une volonté de retour à la
légalité socialiste, au principe d’autonomie du pouvoir judiciaire. On affirme le principe de
l’égalité des citoyens, on supprime les étiquettes de classe.
L’éviction définitive de Hua Guofeng fait que le camp denguiste se divise (les
pragmatiques). L’hypothèque d’un possible retour en force du maoïsme est levée. Il y a une
tendance favorable à l’approfondissement de la population d’ouverture. Mais la réforme se heurte
à l’opposition d’un groupe hostile à son approfondissement. Il y a :
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
86
- les staliniens orthodoxes (conservateurs)
- les intermédiaires
- les staliniens éclairés (terme du sinologue Jürgen Domes)
Les orthodoxes sont représentés par Li Xianmian et le Maréchal Ye Jiangying. Les piliers du clan
conservateur (les réformistes sont Hu Yaobang, secrétaire général du parti communiste chinois)
et Zhao Ziyang (qui est un peu moins réformiste que Hu Yaobang). Parmi les éclairés on trouve :
Chen Yun, Peng Zhen.
À la fin des années 1980, les orthodoxes reçoivent le renfort des vieux généraux de
l’armée. Ils trouvent que la politique d’ouverture va trop loin. On baisse les crédits militaires, ils
entendent moderniser l’armée. Cela ne leur plaît pas. Deng Xiaoping demande aux militaires de
subvenir eux-mêmes à leur besoin. Ce qui fait que l’armée se lance dans des activités
économiques.
4
LA CRISE POLITIQUE, 1988-1989
Dès le début des années 1980, il existe au sein du parti communiste chinois un courant
« libéral », partisan d’une réforme politique. Il n’impute pas les effets pervers de la réforme
économique (la corruption) à l’économie bourgeoise, mais à la persistance de la tradition chinoise,
la persistance de traits féodalistes.
Pour ce courant, le remède à ces effets pervers ne doit pas être recherché dans le
renforcement de la discipline du parti, ni dans la limitation de l’ouverture mais dans le
développement d’une société démocratique socialiste et dans l’instauration d’un système de
supervision des cadres par les masses. Il faut séparer les fonctions du parti communiste chinois et
de l’État, rendre à la presse son rôle d’information et de critique, ménager pour les intellectuels
une sphère d’autonomie afin qu’ils s’expriment sans contraintes (c’est vouloir faire émerger le
serpent de mer des années 1980).
En 1981, des élections ont été organisées dans les universités. Mais elles ont été truquées.
Les conservateurs, qui dominent les instances du parti ont un traitement des problèmes très
traditionaliste. Il n’y a que des solutions conservatrices à ces problèmes et un retour à la discipline
socialiste : la réaffirmation de la morale socialiste.
De 1983 à 1985, on eut successivement dans l’été 1983 une campagne dont la cible était la
délinquant et la criminalité (environ 10 000 exécutions capitales). Elle a terni l’image du régime à
l’étranger (on a eu des doutes sur le régime denguiste). Ensuite une campagne contre la
« pollution spirituelle » de novembre 1983 jusqu’à début 1984. Elle s’adresse aux intellectuels. Sa
cible est les théories occidentales, longtemps réfutées par le marxisme, qui ont été réimportées en
Chine et que l’on présente comme une nouveauté. Cette campagne inquiète les intellectuels qui
adoptent le profil bas.
Les réformistes allument des contre-feux début 1984. Il y a une campagne de mise en
veilleuse. Au printemps 1984, jusqu’à l’été 1985, c’est une phase plus libérale qui correspond à
une période durant laquelle est lancée la réforme urbaine. En septembre 1985, Chen Yun, leader
conservateur, impose une nouvelle campagne contre la corruption. De nouveau, en 1986, c’est
une phase libérale.
Ces campagnes ont une efficacité limitée. Elles n’ont pas l’ampleur des campagnes de l’ère
maoïste. La population adopte le profil bas en attendant que ça passe. Les intellectuels en Chine
ont une situation qui change de façon importante dans les années 1980. Traditionnellement, ils
constituent une catégorie sociale dépourvue d’autonomie qui ne peut subsister en dehors du
patronage des personnages influents du régime. Ils sont les boucs émissaires désignés chaque fois
que le vent change de direction.
Ce qui est déterminant est la polémique des années 1980 sur l’humanisme et l’existence de
l’aliénation sous le socialisme. Selon la théorie marxiste, la révolution met fin à l’aliénation. Or,
ces intellectuels chinois affirment que l’aliénation existe sous le régime communiste. La
révolution n’a pas forcément libéré les gens. Tout cela se dirige contre l’orthodoxie. De plus, le
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
87
monopole du parti dans le domaine idéologique est brisé. L’idéologie n’est plus la prérogative
exclusive des dirigeants politiques. Les intellectuels conquièrent une sphère autonome.
Li Zihou, très actif dans les années 1960-1970, développe dans les années 1980 un
discours différent sur l’histoire des idées (confucianisme, histoire des idées politiques du 20ème
siècle, histoire du maoïsme en Chine) qui rompt avec la vulgate maoïste.
Dans l’été 1986, la faction réformiste du parti réussi à imposer un dégel. C’est la
campagne du Double cent, shuang bai yundong, 双 百 运 动 . Les intellectuels s’expriment :
notamment Fang Lizhi (astrophysicien à l’université de Hefei, capitale de la province du Anhui),
Yan Jiaqi (chercheur en sciences politiques à l’Académie des sciences sociales, il a écrit une
histoire de la révolution culturelle très importante), Liu Binyan, journaliste du mouvement des
Cent fleurs, Zhang Xianliang.
Les intellectuels s’expriment dans l’été 1986. Ils se mettent à revendiquer le droit de
penser en dehors de tout cadre politique établi. Ils remettent en question que le marxisme soit
l’ordre de la vérité dernière. Les conservateurs mettent fin à cette campagne en septembre.
Quelques semaines plus tard, à la fin de l’automne 1986, la contestation étudiante qui naît
à Hefei s’étend à Shanghai, Nankin, et à Pékin (du 25 décembre au 1er janvier 1987). La
motivation des étudiants est une exaspération posée par les conditions difficiles et une inquiétude
par rapport à l’avenir.
En 1980, les bourses étudiantes sont diminuées, le coût de la vie augmente, les dortoirs
sont exigus. Les étudiants s’inquiètent pour leur avenir. Ce malaise est exprimé en termes
politiques. Ce mouvement a été comme la répétition générale du mouvement du printemps 1989,
qui a débouché sur une tuerie.
Le parti est dominé par les conservateurs et met un terme à ces manifestations au début
janvier 1986 (voir la cohérence des dates). Le 6 janvier 1986, une campagne dirigée contre la
libération bourgeoise est lancée. Le 16 janvier, le secrétaire général du parti Hu Yaobang, pilier de
la faction réformiste est démis de ses fonctions. Il est remplacé par Zhao Ziyang qui appartient à
la faction réformiste. Il est plus engagé que Hu Yaobang. Le lendemain, Fang Lizhi, Lin Binyan et
Wang Ruowang sont exclus du parti.
À la fin 1986, début 1987, la crise politique débouche sur une nouvelle glaciation
idéologique qui dure jusqu’au début de l’automne 1987. La réforme idéologique elle aussi est au
point mort. Le 13ème Congrès du parti communiste chinois relance la politique de réforme et
d’ouverture. Zhao Ziyang n’est pas favorable à la réforme politique, il est favorable à la réforme
économique. Pour lui, le stade primaire du socialisme est de développer les forces productives,
garantir la plus grande stabilité possible. Zhao Ziyang est partisan du néo-autoritarisme (pas des
réformes économiques).
À partir du printemps 1986, on a un phénomène d’inflation qui résulte d’une
augmentation de la demande par rapport à l’offre. Elle est provoquée par l’augmentation des
importations due à la demande urbaine en hausse (effet de la réforme urbaine) alors que les
exportations diminuent. Cette inflation culmine en 1988 (21%). L’augmentation des prix
mécontente la population urbaine (ce qui va avoir une influence sur le mouvement de 1989). Le
gouvernement en 1988 est à court d’argent car en contrepartie de la politique de développement
prioritaire des côtes, il a tenté d’apporter son aide financière aux régions de l’intérieur.
En août 1988, le gouvernement prend des mesures visant à maîtriser l’inflation et à
ralentir la croissance. Le contrôle des prix est rétabli. Les crédits sont réduits. Les investissements
sont suspendus notamment dans l’immobilier. Le 3ème plénum du 12ème comité central (en
septembre) entérine cette décision. Ces mesures sont un coup d’arrêt aux réformes (prix et
salaires). C’est un coup dur pour les réformistes. Zhao Ziyang se voit retirer la direction des
secteurs économique, qui est confiée à Li Peng (conservateur).
Cette politique a pour résultat une explosion du chômage. De nombreuses entreprises
licencient du personnel. Il y a la rencontre de ceux qui perdent leur emploi en ville et la grande
migration des ruraux en ville.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
88
5
LA TENTATIVE DE RETOUR A L’ORTHODOXIE, 1989-1991
Ce mouvement est né à la mi-avril et se développement jusqu’au mois de juillet. Le
pouvoir y a mis un terme de façon brutale dans la nuit du 3 au 4 juin 1989. Ce mouvement a tenu
en haleine l’opinion internationale, avec indignation. Il se déroule sous les yeux des caméras de la
télévision occidentale. On a pensé que le régime communiste chinois n’en avait plus pour
longtemps et que la Chine allait se démocratiser. Les faits n’ont pas donné raison à cette idée.
Quelle est la véritable portée de ce mouvement ? Les principaux acteurs sont les étudiants.
D’autres milieux se sont joints : les intellectuels, les ouvriers et la population urbaine apporte son
soutien. Ce mouvement s’est déroulé dans les grandes villes et surtout Pékin. Pékin est dirigé par
Jiang Zemin et il a réussi à ce que cela ne dérape pas. En conséquence, on fait appel à lui après la
répression.
Au début, ce mouvement est un remake du printemps 1976 (mort de Zhou Enlai). Cette
fois, c’est la mort de Hu Yaobang. Dès la nouvelle de son décès, des étudiants lui rendent
hommage comme la figure d’un bon mandarin. Le 16 avril, 6000 étudiants se rassemblent place
Tiananmen pour demander que toute la vérité soit dite sur la démission de Hu en janvier 1987.
Quelques jours après, la demande de réhabilitation de Hu passe au second plan. Les
revendications sont plus générales et tournent autour du thème de la démocratie. Les étudiants
dénoncent la corruption des dirigeants au sein du parti communiste chinois ainsi que la
corruption des membres de leur famille. C’est l’aspect le plus essentiel du mouvement des
étudiants.
Après les funérailles de Hu Yaobang, le mouvement se développe de deux sortes : il
s’étend aux grandes villes, des associations se forment, elles se coordonnent et décrètent le 23
avril la grève des cours. Dès le lendemain, le gouvernement dit que ce mouvement est
antisocialiste et menaçant pour le parti communiste chinois. Le 26 avril, le quotidien du peuple
publie un éditorial dont les termes sont graves ! Il accuse les étudiants d’organiser des troubles
anti-parti et anti-socialiste. Ce texte n’atteint pas son objectif. Il aurait pu. Il renforce la
détermination des étudiants.
Zhao Ziyang est intervenu. Il plaide pour une solution et demande le retrait de cet
éditorial. En mai, le mouvement se radicalise. Le 13 mai, les étudiants entament une grève de la
faim qui dure jusqu'au 19 mai (c’est nouveau en Chine contemporaine). Cette grève a provoqué
deux choses : d’abord le ralliement de la population de Pékin à la cause des étudiants, en
particulier les ouvriers. Il détermine les intellectuels à s’engager du côté des étudiants. Le pouvoir
s’inquiète : il redoute un effet solidarnosk. Il prépare la loi martiale : celle-ci est imposée le 19 mai.
Mais les étudiants restent place Tiananmen.
Zhao Ziyang les adjure de lever le camp. Ils renoncent à la grève de la faim mais ils
restent. 40 000 soldats sont envoyés pour déloger les étudiants. La population dresse des
barricades. Les autorités enjoignent les étudiants de quitter la place avant le 22 mai. Le soir du 2
juin, des véhicules militaires écrasent les manifestants, cela entraîne des heurts. Les unités armées
interviennent le 3-4 juin. 3000 soldats encerclent Pékin : des morts, des arrestations, des
exécutions. Zhao Ziyang est démis de ses fonctions.
Le contenu concret que les étudiants ont mis dans les mots « démocratie », « liberté » est
vague. Liberté de la presse, d’expression dénonçant la supervision du gouvernement par le peuple.
Très peu ont élaboré davantage. Plus grave, la légitimité du parti unique n’a jamais été remise en
question. Le 17 mai, est clamée la demande de mise à l’écart de Deng Xiaoping et la renaissance
des organes indépendants qu’ils avaient formé. Les étudiants avaient cessé leur mouvement. Mais
cette revendication est à la fois beaucoup et peu, car l’existence d’organes indépendants est une
remise en cause du système de parti unique.
Quelle est la vraie signification du mouvement ? Les étudiants sont mécontents de leur
sort (conditions d’études déplorables). En mars 1989, ils ont été envoyés faire un stage à la
campagne après avoir passé leur diplôme. Il leur est interdit de refuser une affectation autoritaire
d’emploi. Dans la lignée politique d’autorité, ce système est réaffirmé. Mais comme en 1986, ce
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
89
malaise est exprimé en termes politiques. Il n’est jamais exprimé de façon explicite (dans la
culture et l’héritage confucéen, le pêché capital est l’égoïsme, l’individualisme, l’intérêt particulier,
personnel) d’où sa traduction en termes politiques : au lieu d’exprimer leurs revendications en
leur nom, ils ont voulu parler au nom de la société.
Or, en se posant en défenseurs du bien commun, ils se placent dans la position du bien
moral. Ils se prétendent plus pur, plus moral que le parti. Cela impliquent qu’ils mettent en cause
la légitimité du parti.
À partir du 26 avril, il y a interférence entre le mouvement étudiant et les luttes de faction
au sein de la direction du parti. Zhao Ziyang a essayé d’enrôler la contestation étudiante au
service de sa propre cause. Au printemps 1989, il est en position difficile par rapport à Li Peng (la
faction conservatrice du parti communiste chinois). Il essaye d’instrumentaliser ce mouvement. Il
porte une lourde responsabilité dans ce qui s’est passé même s’il a été limogé en juin 1989. Ce
mouvement a pris cette ampleur parce qu’il a été happé par les luttes de faction au sein du parti
communiste chinois. Ce mouvement n’est pas l’expression d’une autonomie de la société civile.
La véritable signification du mouvement n’est pas celle qu’on lui a attribuée à l’époque.
Après la répression du mouvement, Zhao Ziyang est démis de ses fonctions. Et il est
assigné à résidence. Le débat continue entre les réformistes et les conservateurs. Depuis
l’automne 1988, il y a eu un coup d’arrêt à la politique de réforme. La situation paraît bloquée
entre l’été 1989 et l’été 1991.
Ce qui débloque la situation sont les difficultés de l’économie chinoise et ce qui se passe à
l’étranger. Il y a un effondrement social, le mur de Berlin est tombé, ainsi que l’URSS en 1991 (19
août, à la suite du putsch manqué), Boris Eltsine a pris le pouvoir, c’est la fin du communisme en
URSS.
Début 1992, Deng Xiaoping qui avait officiellement pris sa retraite en décembre 1989
décide de remonter au créneau. Deng Xiaoping est né en 1904. Il entreprend un voyage dans le
Sud qui dure un mois. Il se rend à Wuhan, dont le maire est son gendre, puis à Shenzhen, puis à
Shanghai.
Lors de cette « Nanxun » de Deng Xiaoping (visite d’inspection), il prononce de
nombreux discours où il fait l’éloge des zones économiques spéciales. Il appelle à cesser de se
poser des questions sur la nature, socialiste ou communiste, de ces zones économiques spéciales.
C’est un appel à relancer les politiques de réforme et d’ouverture ; cela débloque la situation.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
90
HISTOIRE A VIF DE LA CHINE ACTUELLE (1989 A
NOS JOURS)
L’initiative de Deng Xiaoping remet les réformistes en selle. Le 14ème Congrès du parti
communiste chinois en octobre 1992 confirme cette relance. Depuis, la politique de réforme et
d’ouverture ne sera plus jamais remise en cause. Dès 1993-1994, il y a une surchauffe, qui est
maîtrisée de façon plus aisée.
En 1997, la crise asiatique ne remet pas en cause la politique de réforme. Il y a un très sérieux
approfondissement des réformes. La direction chinoise a permis à l’économie de marché de se
développer de façon considérable depuis 1992. Elle a permis à un capitalisme chinois de se
constituer et de se développer. Jusqu’en 1992, il s’agissait d’une économie socialiste. Depuis 1992,
elle s’éloigne du socialisme. Tout retour en arrière est devenu impossible.
La politique de réforme a libéré la société chinoise. Elle goûte à la liberté d’entreprendre et de
consommer. En revanche, il n’y a pas de libéralisation du système politique. Il est toujours de
type léniniste. Ce système cherche à survivre. Mais il lui faut constituer une nouvelle légitimité. La
seule qui lui reste est la poursuite des politiques de réforme. Tant que le capitalisme se développe,
le pouvoir communiste est assuré de se maintenir.
1
LES PERSONNAGES CLES DU REGIME
Il y a deux personnages clés à l’heure actuelle :
- Jiang Zemin qui est à la tête du parti depuis juin 1989. Il est le chef de l’État, Président de
la République.
- Zhu Rongji, qui occupe les fonctions de Premier ministre depuis 1991. Il succède à Li
Peng (leader de la faction conservatrice).
Li Peng a pris la présidence de l’Assemblée nationale populaire. Zhu Rongji est le Premier
ministre en titre depuis 1998. Tous les deux sont des « Shanghaiens » (ils ont été tous deux maire
de Shanghai).
Jiang Zemin est né en 1926, il est ingénieur de formation. Zhu Rongji est né en 1928, il a
aussi une formation d’ingénieur. Jusqu’en 1982, Jiang Zemin est dans la carrière professionnelle.
Il a fait des études en URSS. À partir de 1983, il entre en politique et devient maire de Shanghai
jusqu’en 1988. En 1989, il est secrétaire général du parti communiste chinois.
Zhu Rongji a une carrière de bureaucrate. Il est membre de la commission du plan dans
les années 1950. En 1957, il est purgé, étiqueté droitiste. Il passe toutes ces années en camps où il
nourrit les cochons, jusqu’en 1978. Il est réhabilité en 1978 et retrouve ses fonctions au sein du
gouvernement. En février 1988, il succède à Jiang Zemin au poste de maire de Shanghai.
Zhu Rongji est à l'origine du développement de Pudong, sur la rive droite de la rivière
Huangpu. Zhu Rongji et Jiang Zemin sont les piliers de la troisième génération de dirigeants
communistes chinois. Cette troisième génération doit passer la main à une quatrième génération,
lors du 16ème Congrès du parti communiste chinois, en septembre de cette année.
On parle beaucoup de Hu Jintao pour la succession. Jiang Zemin n’est pas trop pour mais
son réseau au sein du parti communiste chinois n’est pas très développé. Des deux, c’est Zhu
Rongji qui est le plus réformiste. C’est lui qui a imprimé ce nouvel élan à la politique de réforme.
La position de Zhu Rongji n’est pas solide : en position inconfortable, il a toujours été menacé.
Depuis 1992, Zhu Rongji cherche à briser les féodalités bureaucratiques qui ont handicapé le
développement économique de la Chine.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
91
Il cherche à restructurer les entreprises d’État. Il cherche à éliminer les entreprises qui ne
sont pas rentables. Il ne cherche pas à éliminer ce secteur, au contraire il veut sauver celles qui
sont encore viables. Il cherche à restructurer la gestion de l’économie chinoise. En 1998, il y a eu
une réforme du gouvernement.
La vielle commission de planification d’État a été rebaptisée et a reçu une nouvelle
mission. Il ne s’agit plus de diriger l’économie du pays mais de préparer des mesures macroéconomiques en vue de la régulation. On abolit la planification impérative. Les neufs ministères
qui coiffaient chacun un secteur de l’industrie ont été transformés en bureaux placés sous
l’autorité de la commission économique et du commerce extérieur (une sorte de MITI chinois).
Cette réforme augmente l’autorité de Zhu Rongji au sein de la direction chinoise. On
empêche les autorités sectorielles de faire obstacle à l’adhésion de la Chine à l’Organisation
mondiale du commerce. En octobre 2000, on supprime ces bureaux issus de ces ministères.
2
LES VOIES DE LA REFORME
D’abord sur la fiscalité, qui a consisté en une nouvelle répartition du produit de l’impôt.
Une plus grande part de l’impôt va vers le gouvernement central.
La réforme des banques vise à donner aux banques plus d’indépendance par rapport aux
administrations provinciales, à les soustraire de la tutelle des gouvernements provinciaux. Ce sont
des réformes importantes car elles visent à une recentralisation de l’action de l’État, une
rationalisation.
Dans les années 1980, c’est une décennie de décentralisation, comme méthode de la
réforme. Dans les années 1990, c’est la recentralisation. Ce qui a causé l’échec de la réforme a été
l’excessive décentralisation qui est à l'origine des féodalités dans les provinces. Zhu Rongji veut y
mettre fin en recentralisant.
La réforme dans le change : le yuan devient convertible partiellement. Il est dévalué de
40% dans le cadre d’une politique visant à développer les exportations.
La réforme en cours des entreprises d’État : elles lui coûtent cher ! À partir de 1995, cette
réforme a commencé à être mise en œuvre. Les plus grosses entreprises d’État purgent leurs
sureffectifs (par des licenciements ou des dépôts de bilan). Une autre voie de la réforme : le
gouvernement encourage les investissements dans de nouvelles industries : l’électroménager,
l’informatique, les télécommunications, les secteurs les plus pointus techniquement.
La dernière voie est l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce. Les négociations
ont duré 15 ans. Elles ont abouti le 17 septembre 2001. Hong Kong, dès 1986, était incluse dans
le système, Macao y entre en 1991. L’entrée de Taiwan dans l’Organisation mondiale du
commerce est imminente. L’Organisation mondiale du commerce permet à la Chine d’élargir ses
débouchés, notamment au niveau des exportations. Il faut sécuriser les marchés déjà conquis,
notamment aux États-Unis en faisant sauter cette angoisse d’une décision américaine accordée à
la Chine. Mais l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce pose problème.
Dès avant l’adhésion, la Chine a baissé ses droits de douanes : en 1992, de 43%. En 1997,
de 17%.
3
LES FACTEURS DU SUCCES : L’INTRODUCTION DU CAPITALISME
Ce sont d’abord les investissements étrangers. Dans les années 1980, le moteur de la
croissance était les entreprises autofinancées (entreprises rurales). Elles ne jouent plus ce rôle
dans les années 1990. L’essor des NPI asiatiques (Taiwan, Corée du sud, Singapour, Hongkong)
n’a pas été autant dû aux investissements (surtout crédits et aides publiques financières des ÉtatsUnis).
Naissance d’un capitalisme chinois. La part du secteur non étatique dans la production
industrielle a augmenté de façon considérable. Elle représente 51% de la valeur de la production
industrielle en 1992, 73% en 1995 (27% étant du secteur étatique, CQFD). Ce sont les entreprises
collectives, rurales, gérées par les xian, les bourgs… :
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
92
les entreprises à capitaux étrangers (10% de la valeur de la production
industrielle en 1995).
- les entreprises privées proprement dites.
- les entreprises individuelles, indépendantes.
160 millions d’emplois sont du secteur non étatique. 112 millions d’emplois sont du secteur
étatique. Par ailleurs, le gouvernement favorise la formation de grands groupes industriels autour
de grandes entreprises d’État qui ont un avenir. Un décret pris en 1991 et 1997 dresse la liste de
120 groupes à encourager.
Il y a l’idée que des entreprises faisant partie de tel groupe pourront être aménagées par
des échanges de toutes sortes entre elles (capitaux, participation, personnel, technique,
information…). Il y a l’idée que de tels groupes ont beaucoup contribuée au développement
économique du Japon et de la Corée (Keiretzu, Chaebol).
Une des plus importantes de ces groupes industriels chinois est Airline group mais elle ne
comprend que neuf filiales alors que n’importe quelle simple grosse entreprise japonaise peut
avoir beaucoup plus de filiales. Ces groupes japonais n’ont pas été créés par le gouvernement. Ils
se sont constitués de façon autonome. Et ça ne marche pas bien parce que les activités des
sociétés de crédit ont été limités par la Banque centrale. Néanmoins, on assiste à la naissance d’un
capitalisme chinois.
-
4
LE BILAN
Les résultats impressionnants : le taux de croissance est très élevé. D’après les statistiques
officielles :
- 13% en 1992, 1993, 1994. 9%, en 1995.
- 7,1% en 1999
- 8% en 2000
Le produit intérieur brut a été multiplié par 2,5 pendant la décennie. En 1995, il était de 2
milliards 400 millions USD c’est-à-dire le deuxième mondial après les États-Unis et le Japon. Le
commerce extérieur a été multiplié par 4 (10ème rang mondial). En 2001, la Chine était la septième
puissance économique mondiale. En 2020, elle sera la deuxième puissance commerciale du
monde.
Le produit intérieur brut par habitant est de 445$ en 1995, contre 10 000$ pour Taiwan.
En 2001, il est de 1000$ par habitant. La production énergétique par tête est de 80 kg de teq par
an. Pour les États-Unis, c’est trois tonnes !
Il y a des laissés pour compte de la politique. La moitié de la population vit en dessous du
seuil de pauvreté (200 ¥ par an). Ils ne mangent pas à leur faim. L’ouverture de la Chine,
l’avancée des réformes et la naissance du capitalisme ne transforment pas 1 milliards 300 millions
de Chinois en consommateurs. 700 millions de paysans survivent. 500 millions sont des laissés
pour compte de la réforme dans les villes. 100 millions sont entrés dans l’ère de la consommation
et forment la nouvelle classe moyenne.
Cette classe moyenne se forme sous nos yeux. Souvent le point de départ est un avantage
donné par la danwei, d’obtenir un appartement à très bas prix, et aussi par le biais des études des
enfants à l’étranger. Les laissés pour compte sont tous les autres, les paysans urbains qui n’ont pas
eu ces opportunités. En 1994, il y a 80 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de
pauvreté (200¥ par an) et 300 millions d’analphabètes.
Les paysans se trouvent dans la situation la plus difficile. L’économie rurale n’est plus une
économie planifiée. Mais elle n’est pas non plus une économie de marché. Les paysans n’ont pas
le droit de ne pas produire. S’ils produisent à perte, ils ne sont pas libres de choisir de ne pas
produire. S’ils s’arrêtent de produire, ils sont quant même obligés de payer les impôts car
l’administration est corrompue et exploite les paysans au maximum. Les paysans ne sont pas
maîtres du processus de production car l’État continue de contrôler les intrants (fertilisants,
outillages, et les produits agricoles).
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
93
En 1999, l’administration provinciale du Hubei a diminué le prix d’achat des céréales de
quelques fen ce qui lui permet de réaliser des bénéfices. Mais à ce nouveau prix, l’entreprise n’est
plus rentable. À un certain moment, tout cela va occasionner des problèmes alimentaires. Les
ouvriers sont le deuxième groupe de laissés pour compte. Les entreprises d’État sont le problème
le plus difficile à résoudre. En 1994, la moitié était déficitaire. Elles engloutissent le tiers des
profits réalisés par les banques qui sont obligées de combler le déficit. Entre 1988 et 1994, moins
de 1000 entreprises d’État sont en liquidation. Le problème : qu’en faire ? Les entreprises d’État
emploient 112 millions de personnes. Depuis le milieu des années 1990, il y a un processus de
liquidation des entreprises d’État déficitaires. Mais en 2001, il y a de nombreux chômeurs dans les
villes : 15 à 20% de la population active.
5
QUE RESTE-T-IL DU COMMUNISME ?
Il reste le système politique. Le parti communiste tient d’une main ferme la politique,
l’armée, l’administration et l’information. C’est un régime politique léniniste. Mais l’idéologie du
parti communiste chinois n’est pas en phase avec la réalité. Le marxisme-léninisme ne signifie
plus rien pour les bénéficiaires de la réforme. Le parti communiste chinois ne tire plus sa
légitimité de la révolution en tant qu’horizon.
Par contre, il tire sa légitimité de la Révolution en tant que passé, c'est-à-dire la lutte de
libération nationale (ça marche). Les symboles du parti communiste chinois (le drapeau rouge)
sont aussi ceux de la nation chinoise. Le parti communiste chinois joue sur la fibre nationaliste
contre l’impérialisme.
Autre effort : le parti communiste chinois a décidé l’été dernier d’autoriser les patrons à
être membre du parti (le parti communiste chinois est normalement issu de la classe ouvrière).
C’est la doctrine de la triple représentativité. Mais il y a un tel désir de stabilité dans la population
chinoise, surtout parmi les bénéficiaires, que le parti communiste chinois n’est pas remis en
question. Les membres du parti communiste chinois sont de plus en plus nombreux (il est
nécessaire d’être membre pour faire carrière).
Les débats au sein de l’Assemblée nationale populaire sont parfois une caisse de
résonance. C’est une chambre d’enregistrement qui n’a pas de rôle possible dans l’avenir. On y
débat de problèmes fondamentaux, notamment le barrage des Trois Gorges. Les résistances
viennent des laissés pour compte, des paysans. On a assisté à des émeutes de paysans. Ils
comptent sur l’intérêt des fonctionnaires compatissants et désintéressés (Li Changping).
Li Changping a adressé au gouvernement un mémoire où il expose la situation difficile
des paysans de son xian. Il passe pour un nouveau Peng Dehuai. Pour se faire entendre, il faut
soit qu’ils aient la possibilité d’élire au suffrage direct les administrateurs de xian, de bourg, de
former des associations de paysans. La question de l’élection des assemblées au niveau des xiang,
des zhen ou cun (village) est à l’ordre du jour depuis une dizaine d’années. Jusqu’à présent, elle
n’a pas été mise en œuvre. On en a fait l’expérience dans telle ou telle localité.
Le parti cherche toujours à contrôler les élections plus ou moins directement. En
décembre 1998, les habitants du xiang de Buyun (Sichuan) ont élu au suffrage direct leur chef de
xiang sans en demander l’autorisation. C’est la première élection au suffrage direct en République
Populaire de Chine. Les autorités n’ont pas annulé le scrutin. L’élu était une personnalité que le
parti agréait. Mais le pouvoir n’en a pas fait un précédent (pas de lendemain). Zhu Rongji serait
favorable à l’élection des dirigeants de xiang, voire de xian. Mais Jiang Zemin redoute que
l’élection au suffrage direct ne conduise les gens à exiger une extension de la démocratie.
Les ouvriers manifestent, en particulier au Nord-est, en Mandchourie, car les problèmes
des entreprises d’État se posent de façon plus aigue. Le danger pourrait venir de la nouvelle classe
moyenne. L’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce risque d’avoir pour conséquence
l’aggravation des inégalités. La contestation pourrait prendre la forme d’une surenchère
nationaliste : le Falungong, mouvement politico-religieux, qui édite le Dajiyuan.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
94
Le pays risque de pâtir car les entreprises rurales ne jouent plus dès les années 1990 le
même rôle qu’en 1980 d’absorber le surplus de main d’œuvre rurale excédentaire. La population
rurale augmente. Tout ça survient au moment de la restructuration des entreprises d’État.
6
ACTUALITE
Nous n’avons pour le moment aucun recul sur ces douze dernières années, il est donc
difficile d’en parler. On touche à l’opinion : « où va la Chine ? » se demande Domenach. C’est
une question bête. Il n’y a pas eu de retour en arrière entre 1989 et 1992 (début de la relance par
Deng Xiaoping). En 1990, on fonde la Bourse de Shanghai (la Bourse de Shenzhen a été fondée
dans les années 1980). Le 14ème congrès du PCC à l’automne 1992 a lancé le mot d’ordre
d’économie de marché. Il s’agissait de marier le socialisme et le marché. Cela signifie une volonté
de redresser les entreprises d’Etat par le marché. Il ne fut jamais question de démanteler les
entreprises qui posaient déjà des problèmes (et qui en posent toujours aujourd’hui). Aucune
privatisation de ces entreprises d’Etat n’a eu lieu. Certaines ont été segmentées en de nouvelles
entités d’Etat appelées à s’affronter sur un marché qui devient concurrentiel mais il n’y a pas eu
de privatisation de ces nouvelles entités. En 1992, l’ouverture a été étendue à l’ensemble du
territoire. Jusque là, depuis 1984, seulement 14 villes côtières étaient ouvertes et depuis 1988
toutes les zones côtières étaient ouvertes. L’évolution depuis 1992 est donc un
approfondissement des évolutions précédentes.
Il y a des inflexions importantes au marxisme-léninisme comme la décision de Jiang
Zemin en 1999 de céder à la mondialisation ce qui provoque une mutation fondamentale. La
politique des dirigeants chinois n’est plus une politique d’ouverture réversible mais l’insertion
totale de la Chine dans la division internationale du travail. Cette décision apparaîtra peut-être
plus tard comme marquant le début d’une nouvelle période de l’histoire du pays (les dates
charnières n’apparaissent que plus tard dans l’histoire). Cela débouche sur l’adhésion de la Chine
à l’OMC à la fin 2001. Les négociations d’adhésion ont abouti le 17/09/2001 (elles avaient
commencé 15 ans plus tôt). Ce n’est qu’après la crise de 1997 que la Chine se prépare à cette
adhésion. La crise asiatique a donc développé des choses. Hong Kong est membre de l’OMC
depuis 1986, Macao depuis 1991 et l’adhésion de Taiwan devrait suivre celle de la RPC.
L’adhésion à l’OMC impliquait une ouverture des marchés étrangers aux produits chinois. Cette
ouverture n’a pas été immédiate, elle fut étalée dans le temps. L’adhésion à l’OMC permet une
mise en œuvre en grand d’une stratégie de développement extravertie. La part des exportations
dans le PIB n’était ainsi que de ¼ en 1994 (elle est en augmentation). L’ouverture totale du
marché chinois aux produits étrangers entraîne une baisse des droits de douane chinois. Ces
droits de douane ont été fortement abaissés en 1992 (de 43%) et en 1997 (de 17%).
Les investissements étrangers ont considérablement augmenté depuis 1992. Ils ont rendu
le capital abondant en Chine (le travail est abondant, ultra bon marché et inépuisable). En 2002,
la Chine est la première terre d’accueil des investissements internationaux (52,7 milliards de
dollars). En 2003, il y a en Chine près de 420 000 entreprises étrangères implantées qui sont là
soit pour trouver une plateforme de production à l’exportation, soit pour prendre une part du
marché chinois. Une partie de ces investissements directs étrangers sont des capitaux chinois qui
se sont expatriés dans les paradis discaux pour revenir en Chine pour bénéficier des avantages
fiscaux accordés aux entreprises étrangères. L’autre partie est composée d’investissements
taiwanais (d’où une surestimation de 25% du chiffre de 53 milliards). Un rapport de la CNUCED
ramène ce chiffre à 40 milliards. 60% des investissements émanent de Hong Kong et Taiwan. Les
firmes délocalisent leur production en Chine en vue de la réexportation vers les Etats-Unis. Elles
s’intéressent peu au marché chinois. Le Japon est redevenu le premier partenaire économique de
la Chine devant les Etats-Unis. Il exporte vers la Chine des produits à faible valeur ajoutée ensuite
transférés en Chine et qu’il réexporte vers le Japon. Le Japon connaît depuis les années 1990 une
grave crise : il s’en sort uniquement grâce à cette stratégie. Peu d’entreprises japonaises
s’intéressent au marché chinois (sauf Toshiba). Les firmes occidentales sont celles qui s’y
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intéressent le plus. Il n’y a pas un marché chinois mais une multitude de micro marchés locaux.
Les relations sont souvent difficiles avec la bureaucratie chinoise. L’environnement réglementaire
reste déficient. Les firmes occidentales se convertissent à la réexportation (les constructeurs
automobiles par exemple) même si de plus en plus d’automobiles circulent en Chine. Les
constructeurs automobiles occidentaux prévoient que les capacités de production dépasseront
bientôt les capacités d’absorption.
La Chine profite-t-elle vraiment de l’internationalisation de son économie ? Ce n’est pas si
sur. Les investisseurs n’ont pas intérêt à dire le contraire. A l’actif, les entreprises étrangères ont
créé des emplois estimés à 6 100 000 postes (3% de la main d’œuvre urbaine). Les entreprises
étrangères contribuent aux exportations chinoises (45% des exportations). Mais la grande
question est la question technologique. Lorsque Deng Xiaoping a décidé d’ouvrir le pays à
l’étranger, on espérait que l’ouverture permette des transferts technologiques. Il y a une montée
en gamme technologique : les produits électroniques remplacent peu à peu les produits textiles
mais cette montée en gamme reste sous le contrôle des firmes étrangères notamment asiatiques.
Le textile a été l’eldorado de nombres d’urbains chinois licenciés des entreprises d’Etat. Les
exportations étrangères ont augmenté de 25% depuis 1992 par an, 6% pour les entreprises
chinoises. Le transfert technologique est à surveiller. La Chine est devenue l’atelier du monde
(cette formule apparaît en 2002).
En ce qui concerne la politique de change, le yuan a été dévalué discrètement en 1994-95
et cette dévaluation a permis à la Chine de gagner la bataille de la productivité. Depuis, le yuan est
arrimé au dollar à un taux situé aux environs de 8¥ pour un dollar (c’est une fourchette très
étroite). Lorsque le dollar baisse (comme ces derniers mois), cela favorise les exportations
chinoise. Le yuan était en 2003 toujours inconvertible. On fait remarquer que la grande valeur des
exportations chinoises est sous-évaluée (300 milliards de dollars). Des économistes disent qu’il
faudrait multiplier ce chiffre par 5. Si l’on calcule le PIB de la Chine en Parité de Pouvoir d’Achat
(qui tient compte des différences dans le coût de la vie), le cours du yuan devrait être multiplié
par 5 ce qui ferait que le PIB chinois serait en deuxième position derrière les Etats-Unis (5027
milliards de dollars) alors que la France serait en 7ème position avec 1425 milliards de dollars. Du
coup, la Chine serait le premier exportateur mondial devant les Etats-Unis. A l’automne 2003, la
question du taux de change a défrayé la chronique. Le président de la Federal Reserve américaine
Alan Greenspan a posé cette question. Il voulait que le yuan soit décroché du dollar et réévalué
de 20%. L’Europe a fait les mêmes demandes. La Chine a opposé une fin de non-recevoir. Les
Japonais n’ont pas fait ces demandes car un yuan faible les arrange puisqu’ils réexportent.
Cette politique d’ouverture large qui consiste à louer de l’espace et de la monnaie à des
entreprises étrangères n’est pas favorable aux entreprises privées. Elle détermine une répartition
inégale des ressources sur le territoire. L’entreprise privée existe en Chine depuis le 13ème congrès
à l’automne 1987. Une entreprise privée en Chine emploie plus de 7 personnes. En dessous, on
considère qu’il s’agit d’une entreprise individuelle. L’entreprise individuelle existe depuis juillet
1981. 74% des entreprises privées en 2002 avaient été créées après 1992. En 2002, le secteur
privé représente le ¼ de la production industrielle, le 1/3 du produit intérieur brut hors
agriculture et employaient 11% de la population active. On appelle entreprise privée une
entreprise qui n’est pas étrangère. Les entreprises privées ne sont pas nées d’un plan de
privatisation des entreprises d’Etat (il n’est jamais question de vendre des entreprises d’Etat au
privé en Chine contrairement à ce qui s’est passé dans la Russie post-URSS). L’entreprise privée
est née ex nihilo des initiatives de la population. Les entrepreneurs privés sont d’anciens
employés des entreprises d’Etat qui ont carnet d’adresses, des guanxi qui détournent des capitaux.
Ces entreprises privées sont urbaines surtout dans le Zhejiang, autour de Ningbo et Wenzhen.
L’environnement de ces entreprises privées est caractérisé par une grande insécurité car
l’environnement réglementaire progresse mais pas suffisamment. Les entreprises privées doivent
avoir des guanxi. Ils sont à la merci de changements politiques. On apprend souvent que des
entrepreneurs sont arrêtés et spoliés. Par exemple, en juin 2003, Zhou Zhengyi qui avait une
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fortune immobilière à Shanghai est arrêté. Il a été accusé d’avoir contracté des prets bancaires
frauduleux, d’avoir acquis des terrains à coût minime et d’en avoir expulser les résidents. C’est
probablement vrai mais il n’aurait pas été arrêté si Jiang Zemin son protecteur n’était pas parti à la
retraite (maintenant le président est Hu Jintao).
Depuis 1999, le pouvoir s’efforce d’améliorer les conditions de l’entreprise privée. La
constitution a été amendée, elle reconnaît que l’entreprise privée est une composante de la
production nationale. Au début de l’année 2004, l’Assemblée Nationale du Peuple a inscrit le
droit de propriété dans la Constitution. Auparavant, en juillet 2001, Jiang Zemin avait émis la
nouvelle doctrine de la triple représentativité qui signifie que les entrepreneurs sont les bienvenus
dans le parti. Mais cela ne signifie pas le libéralisme. Cette idée a été adoptée lors du 16 ème congrès
de novembre 2002 qui a marqué la passation de pouvoir entre Jiang Zemin et Hu Jintao. Le
tandem Jiang Zemin (président et secrétaire général du parti) Zhu Rongji (premier ministre) a
cédé la place au tandem Hu Jintao + Wen Jiabao. D’autres problèmes se posent à l’entreprise
privée en Chine : le financement par exemple. Il y a des banques en Chine (les quatre grandes
banques sont la banque de Chine, la banque de l’industrie et du commerce, la banque de la
construction et la banque de l’agriculture). Ces banques captent une épargne populaire très
importante mais elles financent principalement les entreprises d’Etat. 1% des crédits bancaires
sont destinés aux entreprises privées en Chine. Les industries ne peuvent pas s’adresser aux
bourses qui servent principalement les entreprises d’Etat (sur 1200 entreprises cotées, seulement
200 sont privées). L’avenir du secteur privé en Chine tient plus à l’entrée des patrons dans le parti
qu’à une facilitation de l’accès au financement. Les entreprises privées sont souvent familiales et
les banques hésitent à s’engager financièrement auprès de telles entreprises dont le
fonctionnement et les perspectives de fonctionnement restent opaques. Le même raisonnement
freine l’entrée des entreprises privées sur les marchés boursiers. Un chercheur français qui
s’intéresse à l’entreprise privée est Gilles Guileux. Il a étudié l’histoire de l’entreprise privée à
Taiwan. A Taiwan hier et en Chine aujourd’hui, les entreprises privées se sont développées sur la
base de relations clientélistes avec l’Etat. Mais la comparaison s’arrête là. En Chine, le secteur
privé émerge dans un cadre juridique flou et fluctuant encore aujourd’hui d’où la nécessité de
liens informels avec l’administration. A Taiwan, on s’est appuyé sur les liens familiaux locaux
mais avec un cadre juridique stabilisé. Le fait que Taiwan avait été une colonie japonaise pendant
50 ans a compté, ça a transformé la culture chinoise qui s’est judiciarisée. Cela a permis l’essor des
entreprises mais aussi le succès de la réforme agraire.
Le secteur d’Etat reste prioritaire pour les dirigeants pas seulement à cause du problème
social qu’elles posent (le problème des employés avec leur « bol de riz en fer »). Le pouvoir hésite
à s’en débarrasser car il faut trouver une solution pour eux. On leur demande de « se jeter dans la
mer ». Certains ont réussi et d’autres pataugent. Le but du pouvoir est de revitaliser les entreprises
d’Etat. En 1995, la politique Zhuada fangxiao a été adoptée (on garde les grandes, on laisse
tomber les petites). On essaye d’introduire les petites en bourse mais l’Etat reste majoritaire dans
leur capital. La frontière entre le secteur public et le privé est donc poreuse. On a créé des
commissions pour piloter cette restructuration : on choisit un petit nombre d’entreprises d’Etat
dans le pétrole, l’acier, les télécoms qui devront être des champions nationaux et affronter la
concurrence étrangère mais il n’est pas question de privatiser ces entreprises d’Etat que le
pouvoir veut transformer. Cette politique procède de l’idée que de tels groupes ont contribuée au
développement économique du Japon et de la Corée. Les dirigeants chinois ne disent pas que ces
groupes n’ont pas été créés par le gouvernement. Mais ces champions nationaux sont fort peu
nombreux. Périodiquement, l’Etat dit que toutes les entreprises d’Etat en banqueroute devraient
être supprimées mais il ne le fait pas à cause des employés. Les fonds sont donc gaspillés.
Le problème de l’opacité du système bancaire et des créances douteuses. On s’inquiète de
l’effondrement du système bancaire chinois. Les 4 grandes banques d’Etat financent des
entreprises d’Etat qui ne sont rien d’autre que des tonneaux sans fond (les banques drainaient
l’abondante épargne des ménages de 1000 milliards de dollars pour les financer). Elles prêtent à
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des entreprises d’Etat qui ne rendent pas et de toute façon elles ne sont pas liquidées. En 2002, le
volume des prêts douteux bancaires oscillait entre 350 et 600 milliards de dollars soit entre 30 et
50% de l’encours total. Les économistes occidentaux disent que ce n’est pas grave car les
privatisations vont tout changer mais ces privatisations n’arrivent pas. L’Etat renfloue
régulièrement les banques. En 1998, il les a renfloué de 32,5 milliards de dollars, et 200 milliards
de dollars en 1999 et 2000.
On a parlé récemment de l’augmentation des importations chinoises. La Chine a des
besoins en énergie et en matières premières de plus en plus importants (en pétrole, en acier et
autres métaux). C’est lié à l’explosion du secteur automobile en Chine. La fièvre immobilière, la
pollution de l’eau, le manque d’eau (comme on a l’hydroélectricité, cela entraîne des pénuries).
Tous les problèmes sociaux dans les villes et à la campagne (la misère des paysans).
L’idée de la naissance d’une société civile ou d’une classe moyenne est stupide. Cette idée
d’une classe qui permettrait la démocratisation du régime plait beaucoup aux investisseurs
étrangers car ça les justifie. Les intellectuels rompent avec le marxisme, il y a aussi un éloignement
entre les intellectuels et la population (ils ne sont plus en phase avec elle). Il y a eu une tentation
nationaliste dans les années 1990. Le nationalisme est utilisé (c’est l’idéologie de rechange du parti
mais c’est à double tranchant). On a vu apparaître une nouvelle gauche : des gens qui voudraient
remettre en question la modernité occidentale en s’en prenant à la mondialisation.
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LECTURES OBLIGATOIRES
Chapitre 1 :
L’Empire Qing à la fin du 19ème siècle
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Chapitre 2 :
La fin de l’Empire et la Révolution de 1911 (1895-1911)
Marie-Claire Bergère, Histoire de Shanghai, Paris, Fayard, 2002, p143-156
Au moment de la révolution chinoise, Shanghai prend une place privilégiée. En effet de
nombreux mouvements de contestation politique naissent pour critiquer la position trop laxiste
de l’empire vis-à-vis des concessions internationales. On critique notamment les prérogatives
toujours plus grandes du tribunal mixte de la concession internationale. Les étudiants, lettrés et
autres shenshang s’organisent en communautés ou groupes de pression et lancent des
mouvements de boycott des produits américains en réponse aux limitations sur l’émigration aux
Etats-Unis.
Le mécontentement croissant des shenshang vis-à-vis de l’administration impériale les poussent à
s’organiser. Ils se lient avec la ligue jurée de Sun Yat-Sen. Chen Qimei rentre à Shanghai comme
représentant de cette ligue jurée (il entretient des relations troubles avec la bande verte). Cette
coopération entre notables et révolutionnaires prépare le soulèvement qui commence en octobre
1911. Chen Qimei complète ses troupes puis lance une attaque très peu sanglante sur la garnison
impériale stationnée non loin de Shanghai.
On établit un gouvernement local et les marchands contribuent par des donations à ses finances.
C’est l’époque d’un bouillonnement des idées (le parti socialiste apparaît de même que des
mouvements féministes). Mais la situation locale se détériore car le gouvernement local de Chen
Qimei est à court de fonds. Quand la République s’installe, les shenshang acceptent de reprêter
de l’argent au Gouvernement national provisoire : lui est capable d’élargir son assise et de trouver
des appuis financiers. L’abstention des élites et la passivité de la population font échouer l’assaut
que Chen Qimei tente de donner contre l’arsenal de Jiangnan loyal à Yuan Shikai. Les
Shanghaiens ne peuvent plus poursuivre tous seuls.
Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, Paris, Points Seuil, 2002, p617-639
Un mouvement de réformisme progressif se développe. Le traité sur l’outre-mer de Wei Yuan
informe sur les étrangers à l’époque des guerres de l’opium. La rébellion Taiping de Hong
Xiuquan s’inspire du protestantisme. Un mouvement d’occidentalisation prend place : « les
enseignements de la Chine comme fondement constitutif, ceux de l’Occident comme pratique
fonctionnelle ». On cherche à combattre l’Occident avec ses méthodes et on reconnaît sa
supériorité technologique et scientifique. Mais l’adaptation ne fonctionne pas sur un vieux
fondement administratif chinois. Yan Fu appelle à une mobilisation des Chinois : le
confucianisme est jugé responsable de l’arriération des Chinois face à l’occidentalisme européen
et japonais.
Kang Youwei a été formé à l’académie de l’Océan d’érudition. Il adhère au courant de renouveau
du bouddhisme mahayana de la fin des Qing. Il cherche à réévaluer la tradition classique chinoise.
On critique les faux classiques de l’interrègne de Wang Mang. On donne un statut de saint à
Confucius. Après la défaite de 1895, il se fait entendre de l’empereur et participe aux Cent Jours.
Mais ses réformes inspirées de celle de Mutsuhito seront annulées. Son mérite est qu’il reste
attaché à la réinterprétation de l’héritage scripturaire.
Liang Qichao a été formé à la même école et est le disciple de Kang Youwei. Il fonde un journal
dans lequel il milite pour une assemblée parlementaire, une refonte du système des examens,
l’abolition du système des pieds bandés. On intègre l’idée d’évolution dans la cosmologie chinoise.
On passe d’un nationalisme antimandchou à un nationalisme anti-étranger. La Chine est ce qu’il y
a sous le ciel (tianxia). On cherche à atteindre la grande paix tout en maintenant l’idéal spirituel
confucéen. Après l’échec des Cent Jours, Liang Qichao et Kang Youwei s’exilent au Japon. Kang
ne se départira jamais de ses idées de réforme alors que Liang plus réaliste abandonnera les
discussions sur les faux classiques.
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Les réformistes deviennent beaucoup plus radicaux. Zhang Binglin désacralise les classiques en
disant qu’ils sont des morceaux d’histoire. On critique de manière assez acerbe le confucianisme,
on veut saborder les valeurs sacrées confucianistes. Pour avoir insulté l’empereur Guangxu dans
un éditorial, il est emprisonné pour 3 ans en 1903. Liang Qichao le progressiste s’oppose à Sun
Yat-sen le nationaliste.
Liu Shipei est un penseur radical qui a reçu une éducation traditionnelle. Il est profondément
antimandchou. Il a une vision du monde moniste centrée sur l’énergie vitale : il a une vision de
l’intérêt général. Il rejoint l’anarcho-socialisme et aspire à un monde égalitaire..
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Chapitre 3 :
L’échec de la République (1912-1928)
Marie-Claire Bergère, L’Age d’or de la bourgeoisie chinoise, Paris, Flammarion, 1986, p207-212
Yuan Shikai veut mettre en place une politique à la fois moderne et autoritaire. Cette politique de
développement économique passe par le renforcement d’une bureaucratie d’élite. Il commence
donc par supprimer toutes les assemblées élues et interdit le parti Guomindang. Il cherche à
libérer la Chine du joug impérialiste européen (en cherchant à éviter les investissements
étrangers). Il cherche donc à ne pas être le laquais des investisseurs. Mais la disparition des
assemblées locales est un problème car elle empêche toute défense des intérêts locaux. En
supprimant toute possibilité d’expression locale et administrative aux commerçants, Yuan Shikai
cherche surtout à concentrer au maximum l’administration. Mais son régime reste faible et il ne
peut que céder aux 21 demandes japonaises. La période a certes été marquée par une forte
croissance mais celle-ci était une coïncidence. En effet, le gouvernement privé d’argent pratiquait
une politique de forte taxation. Les bourgeois n’ont finalement pas réussi à s’allier à un régime
politique digne de ce nom.
Dictionnaire de la civilisation chinoise, Paris : Encyclopedia Universalis, Albin Michel, 1998, p803-805
Né au Henan dans un milieu d hauts fonctionnaires, Yuan Shikai (1859-1916) devient un
excellant militaire qui s’illustre en Corée. Il prend parti pour les réactionnaires pendant les « Cent
Jours de réforme ». Il met fin à la révolte des Boxers puis remplace Li Hongzhang à son poste de
haut commissaire des affaires militaires et étrangères. Après la mort de Cixi, il est mis à l’écart
tout en gardant un certain ascendant sur les militaires. Dépassé par les événements de 1911, le
prince Chun le rappelle pour mettre fin à la crise. Yuan Shikai formule alors toute une série
d’exigences comme la création d’une assemblée ou la formation d’un cabinet. La dynastie affolée
cède et en même temps Yuan négocie avec les autres partis en présence comme les républicains
de Sun Yat-Sen et les Européens. Il négocie l’abdication de la dynastie et se fait remettre le poste
de président par Sun Yat-Sen en février 1912. Il se débarrasse de son premier ministre, fait
interdire le Guomindang en tuant son leader Sang Jiaoren. Il dissout l’Assemblée, remplace la
Constitution par un nouveau texte qui lui donne des pouvoirs illimités, devient président à vie
ayant le droit de désigner son successeur. Pendant la première Guerre mondiale, le Japon
demande les droits allemands du Shandong dans ses 21 demandes qui sont acceptées et portent
un coup fatal au régime. Yuan Shikai tente alors une restauration monarchique mais se heurte à la
résistance imprévue du Japon et d’intellectuels comme Cai E et Liang Qichao. Les rebellions du
Guizhou et du Guangxi poussent Yuan à rétablir la République mais en vain. Il meurt
brutalement laissant le pays dans l’anarchie. Yuan Shikai était considéré à son époque comme un
homme providentiel, un homme avisé aspirant à de nombreuses réformes mais qui était trop
plein d’ambition.
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Chapitre 4 :
L’essor de la Chine urbaine littorale (1912-1928)
John King Fairbank, La grande Révolution chinoise, 1800-1989, Paris, Flammarion, 1989, p263-292
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Chapitre 5 :
Les débuts du parti communiste chinois et la révolution nationaliste (1921-1927)
Lucien Bianco, Les origines de la révolution chinoise, Paris, Gallimard, 1987, p101-142
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Chapitre 6 :
La décennie de Nankin (1927-1937)
Lucien Bianco, « Paysans et communistes dans la Révolution chinoise », Historiens et géographes,
n°340, mai-juin 1993, p113-124
Ce n’est qu’à partir de la guerre sino-japonaise que se développe vraiment le communisme en
Chine. En effet, les tentatives passées (la Longue marche ou la République soviétique du Jiangxi)
n’avaient pas été couronnées de succès. Les communistes n’avaient pas mené suffisamment loin
le mécontentement rural. Selon Chalmers Johnson, ils auraient décuplé leur base entre 1937 et
1945 en se présentant non pas comme des réformateurs mais comme des résistants : ils luttaient
contre l’impérialisme japonais pour survivre. Cette thèse est sans doute erronée.
Sous l’Empire comme sous la République, l’agitation paysanne fut forte notamment contre les
propriétaires fonciers ou l’administration locale. Mais cette opposition était relativement
désorganisée. En se rebellant, on cherche plus à mettre fin à un abus local. Ils ne s’insurgent que
pour rétablir leur statu quo. Cette autodéfense locale est donc très éloignée de l’approche globale
révolutionnaire.
Au début de la guerre, pour mobiliser contre l’occupant, il fallait s’intéresser aux étudiants, aux
instituteurs, aux propriétaires fonciers ainsi qu’aux voyous et autres malandrins en mal
d’occupation. Les larges masses paysannes attendaient. Les soutiens des communistes étaient
donc des rivaux potentiels de même que les vagabonds qui se livraient aux plus offrants. Le
mouvement paysan se déclencha sans paysans. C’est la panique qui jeta les paysans
abstentionnistes dans les bras des communistes et des autres forces anti-japonaises. Le PCC s’est
mis à protéger les paysans aux abois qui avaient réformés leurs groupes d’autodéfense locaux. Il
ne fallut pas moins de 3 ans pour que les paysans ne commencent à s’intéresser au PCC à travers
de sa politique de baisse des loyers : le PCC aidait à agir contre les propriétaires fonciers pour
faire baisser les loyers.
Il était néanmoins difficile de contrôler les paysans. Chaque meeting était préparé par des
agitateurs communistes qui exposaient les abus dont s’étaient rendus coupables les cibles du parti.
Mais après avoir relaté leurs méfaits, les paysans devenaient souvent agités. Les paysans autrefois
silencieux ne peuvent plus contenir leur indignation. Les paysans commencèrent aussi à frauder le
parti en ne lui reversant pas les rentes normalement dues. Ils se liguèrent en associations qui
voulaient demander toujours plus de baisses fiscales à l’élite. Pour ne pas s’aliéner l’élite, le PCC
dut réfréner les exigences paysannes (au prix d’une certaine perte de popularité) : c’était une sorte
de virage au centre. Une offensive appelée Offensive des Cent Régiments menée pendant l’été
1940 par Peng Dehuai est une réussite mais la réplique japonaise est sans merci. Se sachant
vulnérable et voulant éviter la fuite des élites, le parti vire au centre. La participation paysanne
baisse donc de manière phénoménale entre la fin 1940 et le début 1943. Elle avait été obtenue
avec un cocktail de peur et de méfiance. Il ne restait plus qu’un petit lot de militants dévoués
pour protéger toutes les masses.
Les communistes quand ils arrivaient dans un village analysaient la situation. C’était surtout les
pauvres (pas les très pauvres) célibataires (donc avec moins d’attaches que les mariés) qui faisaient
de bons révolutionnaires. L’age était aussi déterminant : les vieux étaient plus susceptibles de se
lancer dans la lutte. A la fin de la guerre, la majorité des cadres est composée de pauvres (on a
épuré le parti des membres de l’élite rurale et des gens à la loyauté douteuse). Le parti assurait une
formation spéciale aux paysans pauvres. Ces derniers étaient encore plus nombreux dans l’armée.
Mais il restait à convaincre la majorité de se joindre à la lutte (au point de vue militaire et
financier). Les assujettis versent donc lors d’un échange des sortes d’impôts mais avec le
communisme, il s’agit plutôt d’un pari. Les cadres du parti ont beaucoup de mal à recruter des
soldats et ils sont donc obligés de recourir à l’achat déguisé de volontaires ou à la conscription
forcée. Les jeunes gens vont se cacher dans les zones occupées à l’approche du recruteur. On
peut choisir d’accomplir son devoir patriotique mais on ne peut pas choisir de payer ou non
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l’impôt. La levée des grains s’est beaucoup mieux passée que celle des hommes. Seule une
minorité dévouée soutenait réellement le parti alors que la majorité participait de façon plus ou
moins contrainte : on ne sait pas quand il s’agit d’obéissance ou de participation spontanée. Il
valait mieux coopérer. On dit qu’à l’arrivée des soldats communistes, le soutien des communistes
devient involontaire et automatique. Il y avait donc une forme de subordination dans ces relations.
Les communistes ont appris sur le tas et pas à pas à faire la révolution. C’est donc les acteurs qui
ont aidé Mao à l’emporter, l’invasion japonaise ayant aussi beaucoup aidé. Les paysans pendant la
guerre sont devenus plus endurants.
C'est pendant et à la faveur de la Seconde Guerre mondiale que les communistes chinois ont
accompli les progrès décisifs qui leur ont permis de l'emporter en 1949. Ces progrès ont été
réalisés à peu près exclusivement en milieu rural, en dépit de difficultés énormes et imprévues : la
plupart des paysans n'étaient aucunement disposés à se laisser embrigader par les révolutionnaires.
Avant la guerre, les paysans se révoltaient souvent, mais cette agitation spontanée se situait aux
antipodes de l'action révolutionnaire. Au début de la guerre, la réserve des paysans a contraint
les communistes à s'appuyer sur l'élite rurale qui les exploitait et sur un lumpenptoletariat peu sûr.
Plus sensibles aux avantages économiques qu'aux appels patriotiques, les paysans n’en n'ont pas
moins manifesté fort peu d'empressement à dénoncer l'exploitation sociale dont ils étaient
victimes. Rallier las paysans n’était que le premier pas : les communistes eurent ensuite beaucoup de
peine à contenir et canaliser leur fureur, puis à maintenir leur participation en période de revers
et d'insécurité accrus. Seule une infime minorité – recrutée non parmi les plus pauvres, mais
parmi les plus jeunes – soutint avec enthousiasme et persévérance le régime révolutionnaire. Les
autres se contentèrent d'obéir: parce qu'ils ne pouvaient faire autrement et aussi, à l’occasion, parce
que telle ou telle « campagne » politique déclenchée par les communistes favorisait leurs
intérêts.
Que tous ces handicaps n'aient pas empêché les communistes d'accomplir la tâche délicate
qu'ils s’étaient assignée illustre le rôle décisif du corps de révolutionnaires professionnels que
Lénine s'est évertué à forger (il a transmis la recette aux communistes chinois). Ce qui ne signifie pas
que ces derniers n'aient pas, chemin faisant, transformé quelque peu leur partenaire : le matériau
paysan, dont ils firent la piétaille de la révolution. Mais ils ne l’ont pas changé essentiellement,
comme l'ont confirmé avec une belle régularité les réactions paysannes aux politiques, divergentes
ou contradictoires, mises en oeuvre depuis 1949 par les communistes au pouvoir
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Chapitre 7 :
La guerre sino-japonaise et la guerre civile (1937-1949)
Yves Chevrier, La Chine moderne, Paris, PUF (Que sais-je ?), 1997, p105-124
La guerre sino-japonaise s’intègre dans un conflit plus vaste après Pearl Harbor. De juillet 1937 à
octobre 1938, les japonais occupent la plaine septentrionale, le bas Yangzi, les cotes jusqu’à
Canton. Le gouvernement nationaliste se retire à Chongqing. Wang Jinwei prend la tête du
gouvernement collaborateur de Nankin en 1940. La résistance chinoise est principalement
défensive.
Le deuxième front uni : le PCC après le soulèvement de décembre 1935 réclame la fin de la
guerre civile et l’union nationale contre le Japon. Le Guomindang refuse dans un premier temps
le rapprochement mais après avoir été pris en otage par Zhong Xueliang au QG de Xian, Jiang
Jieshi est libéré après s’être uni avec le PCC. En septembre 1937, il y a un accord et l’armée rouge
est intégrée à l’armée. Le PCC conserve son indépendance territoriale et organisationnelle. Le
Kominterm souhaite une meilleure intégration du PCC à l’administration nationaliste. La chute
des grandes villes aux mains des japonais entraîne la reprise en main de Mao Zedong (en octobre
1938) ce qui entraîne une détérioration de l’alliance. Des incidents militaires ont lieu entre l’armée
rouge et les troupes nationalistes ce qui entraîne une quasi-rupture. L’alliance subsiste jusqu’en
1945 bien que les troupes sont plus intéressées à se chercher des poux qu’à combattre l’ennemi.
Le gouvernement nationaliste se replie à Chongqing, une région repliée. Il subit des
bombardements ce qui entraîne l’inflation et la corruption. La hausse des prix de 300% par an. La
conscription semestrielle prend plus de victimes que la famine et les inondations. Néanmoins, il
obtient l’abolition des traités inégaux et l’acceptation comme puissance mondiale.
Le décollage des communistes : 100 millions de paysans dont 1 million dans le parti et de même
dans l’armée. L’armée rouge attaque par guérilla les arrières japonais dans la campagne. On crée
un damier d’organisations communistes qui constitue un chapelet administratif à la fin de la
guerre. Le parti impose sa trame à la trame cellulaire des campagnes ce qui entraîne une résistance
à l’occupant. Le pouvoir armé communiste est doté de puissances techniques de mobilisation.
L’Etat communiste utilise le potentiel de militarisation des campagnes avec le niveau local. On
cherche à réorganiser et moderniser le monde paysan : les droits des femmes, la réforme du
mariage. Le parti veut dynamiser la politique de la campagne. On veut supprimer les privilèges
d’un parti au pouvoir. Les cadres doivent s’autocritiquer et rester humbles : les intellectuels
doivent rester conformes à la ligne. Ils sinisent les communistes.
Yan’an est un régime policier doté de camps. La main de fer sous le gant de velours : le règne est
intransigeant, le parti s’érige en classe privilégiée même si elle s’autocritique et va se former à la
campagne. Le régime n’est plus si innocent. Le milieu rural en pénurie donne une dynamique au
système. Yan’an se remplit d’intellectuels et de guérilleros. On vit à la troglodyte et rééduque les
nouveaux venus. On forme des cadres, on uniformise la pensée littéraire, la théorie, l’histoire du
parti. L’intervention américain empêche l’affrontement entre le PCC et le GMD jusqu’au
printemps 1946.
On compte faire pression sur les nationalistes pour intégrer le PCC au gouvernement. Chaque
camp essaye de se débarrasser de l’autre ce qui débouche finalement sur le fait que seul le
gouvernement nationaliste bénéficie de l’aide américaine. Mais en reprenant la garde de toutes les
infrastructures laissées par les Japonais, Nankin épuise ses forces, le PCC ayant quitté Yan’an
passa à l’offensive et bat les nationalistes. La RPC est proclamée et le régime nationaliste fuit à
Taiwan. Une des grandes raisons de la débâcle nationaliste tient au fait que les nationalistes ont
du faire face à un immobilisme croissant dans les campagnes, à un découragement face à la
corruption et à la désertion et surtout à une inflation plus que galopante.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
107
La révolution agraire est lancée : les petits paysans reprennent dans le bruit et le fracas les biens
des grands propriétaires fonciers. On prône l’égalitarisme à marche extrêmement forcée. Les
paysans sont tellement contents de l’avancée de ces réformes que le parti doit reprendre les zones
libérées en main pour éviter la formation de conglomérats agricoles.
Mais l’intelligentsia ne se rallie pas vraiment au PCC, elle est plutôt contre le Guomindang
qu’autre chose. Le ralliement au PCC se fait à marche forcée. Le système des trois tiers dans les
assemblées était censé donner un caractère œcuménique au tout mais sans succès. On promet un
gouvernement de coalition. Le PCC passe pour un agent de la modernité. Le mouvement ouvrier
a été affecté par la collaboration, il doit donc se reconstituer. Le PCC entame une reconversion
urbaine (ce qui parait d’abord très contradictoire car le PCC est surtout paysan). Un pouvoir
totalitaire se met donc en place tranquillement. La révolution se fait par l’Etat, le PCC ayant les
assises rurales nécessaires : pas de guerre civile comme en Russie après l’arrivée des communistes
car la guerre civile était antérieure. Les bases paysannes de la Révolution finissent par devenir une
part de l’Etat. La polarisation du conflit par le Guomindang et les propriétaires fonciers entraîne
l’absence de toute contestation à l’intérieur du camp chinois. Mais dans la transition vers le
socialisme, des vois discordantes apparaîtront ce qui provoquera l’ire de Mao. Le communisme
de Mao évolue donc, on peut dire qu’il se sinise. Mais le développement d’une forme de
stalinisme modernisé en Chine n’empêchera pas de combler la rupture entre les élites
occidentalisées et l’Etat prisonnier de sa bureaucratie. La société chinoise de l’après Mao s’est
ouverte sans se moderniser (a contrario de Taiwan).
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
108
Chapitre 8 :
Les années du socialisme orthodoxe (1949-1957)
Jean-Luc Domenach, Aux origines du Grand Bond en avant : le cas d’une province chinoise, 1956-1958,
Paris, Editions de l’EHESS – Presses de la FNSP, 1982, p12-40
Les premières années du régime communiste ont véritablement amené en Chine une période de
prospérité économique et de forte croissance. Le régime voulait industrialiser le pays de manière
massive et surtout rééquilibrer cette industrialisation entre les provinces. Les aides directes à
l’agriculture étaient relativement peu importantes comparées aux aides indirectes comme
l’amélioration du réseau routier et hydraulique comme par exemple pour la Huai et le Fleuve
jaune. On construit le barrage hydroélectrique de Sanmen pour lequel il a fallu évacuer près de
600 000 personnes. La stratégie était donc ambitieuse. La ville devient le vecteur et l’horizon du
progrès, elle prend de l’importance surtout par rapport aux voies de communication sur lesquelles
elle se trouve. Le progrès se diffuse à partir des villes, surtout sur le plan médical. Par contre, le
taux de scolarisation stagne. Les efforts d’alphabétisation sont plus réussis avec une politique de
radiodiffusion et de publication d’ouvrages. Mais les usines et les mines produisaient des biens
destinés au marché national et non à celui de la province Les méthodes d’industrialisation étaient
très coûteuses. Les constructions étaient souvent inadaptées au terrain choisi, l’intention
planificatrice se heurtait au manque de personnel qualifié et au penchant naturel de
l’administration pour la paperasse. La production agricole a cru pendant la période mais il faut
noter tout de même qu’elle a fait les frais de la stratégie économique du premier plan.
Néanmoins, les premiers progrès ont surtout servi à retrouver le niveau de production d’avantguerre. Mais l’atmosphère sociale se dégrade à cause du contrôle étatique sur le commerce
céréalier. La technologie agricole est quasiment inexistante. La croissance démographique est
lourde de menaces La croissance démographique a donc absorbé une bonne partie des progrès
céréaliers. Les calamités naturelles expliquent pour l’essentiel les variations et en partie le
ralentissement de la croissance céréalière. La progression de la production agricole est donc
fragile.
On a détruit la classe bourgeoise locale et fait venir des zones côtières des personnes qualifiées
qui ont éprouvé de grandes difficultés à s’intégrer. Les logements nouvellement construits se
révèlent insuffisants en nombre et souvent insalubres. L’atmosphère sociale en ville était déjà
dégradée, celle de la campagne commence aussi à le devenir. On découvre que l’avenir c’est la
ville. On ne trouve plus de trace de l’enthousiasme militant des débuts. Le nouveau régime a
poursuivi au Henan deux grands objectifs politiques : mettre en place une administration efficace
et assurer le pouvoir du Parti communiste. Un indicateur du renforcement de l’administration
provinciale est constitué par les modifications des circonscriptions territoriales par concentration.
Le nombre de cadres de la province augmente.
De nombreux ruraux deviennent cadres du parti. Mais les campagnes demeurent moins pénétrées
que les villes. Les cadres ont des formations peu adaptées à leur emploi mais ils bénéficient
d’avantages considérables : un salaire stable, des facilités de tous ordres et surtout un pouvoir
sans véritable contrepoids. Le pas le plus important vers la maîtrise des campagnes avait plutôt
été, dans l’automne 1953, l’établissement du marché unifié de la céréale. Mais à partir de quand la
domination du PCC a-t-elle été considérée comme tyrannique ? Il valait mieux arrêter de parler
politique et prendre quelques précautions : derrière la peur et l’obéissance passive, tout un réseau
d’échanges de services et de combines (la vie reprenait).
Pour rentrer au parti, il fallait disposer de bonnes origines. Il y avait une hiérarchisation avec les
exclus tout en bas de la chaine : les musulmans, les contre-révolutionnaires. Les autorités
rencontraient l’hostilité et la ruse chaque fois qu’elles tentaient de renforcer leur emprise.
Le parti s’est divisé à cause de divergences sur la politique rurale : des rivalités d’ordre personnel
et bureaucratique apparaissent. On cherche à combattre les faux rapports et les coopératives trop
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
109
précoces. Il faut combattre les initiatives capitalistes spontanées qui se manifestent dans la
paysannerie.
François Gipouloux, Les Cent fleurs à l’usine : agitation ouvrière et crise du modèle soviétique en Chine,
1956-1957, Paris, Editions de l’EHESS, 1986, p189-211
x
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
110
Chapitre 9 :
L’expérience maoiste et son échec (1958-1969)
John King Fairbank, La grande Révolution chinoise, 1800-1989, Paris, Flammarion, 1989, p443-479
X
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
111
Chapitre 10 : Le déclin du maoïsme et la prise du pouvoir par Deng Xiaoping (1969-1978)
Claude Aubert et Jean-Luc Domenach, La société chinoise après Mao : Entre autorité et modernité, Paris,
Fayard, 1986, chap III, p91-129
Le régime de Mao était bien totalitaire, et depuis 1976 la priorité est la modernisation
économique. Nous allons étudier les changements du point de vue des actions oppositionnelles et
de l’agitation sociale. Le pouvoir n’a pas un monopole total sur la politique, le meilleur exemple
est celui de Taiwan où il existe des réseaux politiques de l’île, une propagande taiwanaise sur le
continent chinois, des organisations anti-communistes, souvent formées d’étudiants. Ces
organisations ne sont jamais totalement réprimées, c’est pour cela que Deng Xiaoping crée en
juin 1983 un ministère de la sécurité d’Etat qui est en réalité un ministère anti-Taiwan.
Dès 1978, des mouvements démocratiques se forment de plus en plus, dans le même temps une
contestation néo-maoïste apparaît s’exprimant par la violence. Ces phénomènes de contestation
montrent bien l’existence de politiques souterraines, voire de sous-produits politiques. 2 sources
d’opposition :
- individuelle, souvent anonyme (ex : critique…)
- petits groupes clandestins (ex : manifestations…)
Les idées maoïstes sont rarement reflétées chez l’opposition, ce qui prouve l’impopularité de
Mao, de plus ces phénomènes sont souvent de nature urbaine.
L’agitation sociale depuis 1976 : les troubles urbains sont différents des troubles ruraux, car ce
sont souvent des paysans qui se manifestent seulement lorsque les crises de famine surgissent, ils
pillent, manifestent… Il y a aussi les soldats, des jeunes qui ont été affectés à la campagne pour
diverses raisons et veulent retourner à la ville.
En ville, l’agitation est continue et mieux organisée, mais ne touche jamais l’ensemble du monde
urbain, plusieurs exemples : les soldats démobilisés après la guerre de Corée qui étaient violents et
bien organisés, les ouvriers qui manifestent pour des motifs matériels (salaire…), les étudiants qui
étaient contre des suppressions concernant leurs études.
Des nouveaux troubles apparaissent ensuite, comme les chômeurs qui étaient 30 millions en
1979, ils apparaissent à cause de la politique économique rigoureuse. Les exilés, violents, surtout
présents à Shanghai. Les plaignants dus aux changements politiques demandent la réhabilitation
de condamnés… Ces plaintes ont surtout une importance symbolique car ont en réalité un effet
minime.
L’agitation marginale et segmentation : ces faits sont incertains car ne sont seulement connus que
grâce à la presse taiwanaise. Leur nombre est limité et ils apparaissent surtout quand les privilèges
sont menacés. Il y a une segmentation ville/campagne : les villes sont plus pacifiques et
s’expriment avec des manifestations et des pétitions tandis que les campagnes sont plus violentes
et leurs manifestations concernent des problèmes matériels. Cette segmentation empêche une
opposition totale au pouvoir, c’est une agitation polynucléaire.
Explications et contre-exemples : en réalité ces dangers sont bénins car le pouvoir monopolise les
moyens : la force, l’argent, la communication. Il arrive à enfermer les oppositions radicales dans
une sorte de contradiction, dans des couches « d’ennemis du peuple » car cela les marginalise. La
violence est chassée où le contrôle de l’Etat est présent, il y donc un regain de violence dans les
zones hors contrôle : sport, campagne, vengeances privées, zones éloignées comme le Tibet, la
Mongolie.
Une évolution retardée : après l’arrivée de Deng Xiaoping, on reste encore dans des années
maoïstes mais sans Mao, les agitations restent les mêmes. Fin 1978, les manifestations de
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
112
chômeurs, d’ouvriers sont encore plus fréquentes mais les répressions commencent à diminuer,
les négociations sont plus nombreuses. Dès 1982-1983, les effets de la politique de modernisation
commencent à se faire ressentir, la situation des personnes s’améliore, ce qui calme les
protestations mais il n’est pas impossible que celles ci réapparaissent bientôt.
Le poids politique de l’agitation : le social influence souvent le politique déjà en 1979, Deng
utilise l’opinion en sa faveur pour affaiblir ses ennemis mais ensuite le lien cesse. Le social permet
de maintenir certaines idées mais ne joue pas un grand rôle dans le politique. Il remplit cependant
3 fonctions : il visualise les dangers, notamment le conservatisme maoïste, il hâte les solutions aux
problèmes catégoriels (cas des exilés), accélère les solutions aux dossiers délicats. L’agitation
sociale n’est donc pas un facteur important concernant le choix de la politique mais il est parfois
utilisé comme moyen d’appui, dans l’avenir il va certainement avoir un rôle croissant.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
113
Chapitre 11 : Ouverture et réforme (1979-1989)
Chen Yan, L’éveil de la Chine : les bouleversements intellectuels après Mao, 1976-2002, Paris, Editions de
l’Aube, 2002, p59-73
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
114
Chapitre 12 : Histoire sur le vif de la Chine actuelle (de 1989 à nos jours)
Marie-Claire Bergère, Histoire de Shanghai, Paris, Fayard, 2002, p427-456
La région de Shanghai a d’abord été délaissée par le pouvoir central. En effet, il a préféré installer
des zones économiques spéciales dans les régions du Sud, au Guangdong et au Fujian. Ces
régions sont un grand succès, le pouvoir central ne veut pas en effet pâtir d’un échec possible de
l’ouverture à Shanghai qui est une de ses principales sources de revenu.
Mais voyant que Shanghai est à la traîne économiquement, que les monopoles publics sont
largement déficitaires et à la suite de protestations des élites voyant leur ville devenir la lanterne
rouge du pays, le pouvoir central installe progressivement des zones économiques spéciales à
Pudong. Ces zones sont un grand succès, beaucoup d’entreprises étrangères s’installent (on voit
par exemple la HSBC réinstaller son siège chinois à Shanghai), on construit un grand port
international, des voies express, un nouvel aéroport et maintenant un deuxième périphérique. La
croissance repart.
Cette croissance amène de nouvelles populations à Shanghai : cette immigration est d’abord
illégale mais avec l’assouplissement du système du hukou, elle devient légale. Les ouvriers
immigrés sont très mal payés, font de basses taches pour des entreprises privées. De même les
femmes sont employées comme agents de service ou femmes de ménage. Il en est de même pour
les fonctionnaires licenciés. On voit apparaître une grande disparité de salaires entre les riches
employés des entreprises étrangères et les ouvriers des basses classes qui ont souvent été expulsés
de leurs logements avec l’arrivée des gratte-ciel.
A nouvelle ville, nouveau style de vie. On admet le divorce, l’enfant unique coûte une fortune, on
mange plus au restaurant qui n’est plus la gargote qu’on connaissait, on construit des monuments
comme un musée, un opéra
Alexandre Fur, Pierre Gentelle et Thierry Pairault, Economie et régions de la Chine, Paris, Armand
Colin, 2000, p69-117
Le Nord-est est le vieux bassin industriel de la Chine. C’est une véritable usine, d’où la gravité
importante de la crise sociale due au démantèlement de l’Etat Providence qui entraîne une
paupérisation. La crise des industries lourdes est similaire à celle des bassins industriels européens.
La concurrence des provinces du Sud est importante pour les industries légères. Les zones
économiques spéciales reçoivent un traitement préférentiel. Le secteur public se maintient
fortement (à 75%) malgré l’apparition du secteur privé et des sociétés mixtes.
On voit apparaître une grande tendance à la déconcentration et à la sortie des villes. D’où une
transition qui se met en place entre l’économie planifiée et l’économie de marché. On voit
apparaître notamment des sortes de technopoles (avec l’installation de multinationales). Des
zones de développement apparaissent d’où une ségrégation socio-spatiale au sein de l’espace
métropolitain avec ses agglomérations bureaucratiques au tissu urbain dégradé, des usines
surdimensionnées et une population paupérisée et de l’autre coté des périphéries modernes,
socialement privilégiées, liées aux nouveaux moyens de communication participant au monde en
voie de globalisation.
Le réseau ferré est très dense : c’est un héritage de l’occupation japonaise qui permet d’évacuer
facilement les matières premières. La Mandchourie est organisé en forme de couloir. On a
cherché à renforcer des voies ferrées et créer des canaux de navigation, des autoroutes. Un seul
axe de communication d’où une congestion. Le Nord-est est devenu un espace répulsif. Le rail
domine le transport de marchandises. Pour faire face à la congestion du réseau, on augmente
l’autonomie fiscale locale. On redynamise aussi l’espace maritime. On lance sur la cote des
technopoles parfaites pour la délocalisation. Les retombées sont inégales. Dalian se sépare de son
hinterland : cette dynamisation significative de la cote est aussi appelée maritimisation.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
115
Le Nord de la Mandchourie s’intègre à l’Extrême-Orient avec des 3045 km de frontière avec la
Russie. Le commerce avec la Russie est principalement illégal. Mais après un accord sino-russe, ce
commerce fait un boum. Cela entraîne une interdépendance économique et la crainte d’une
colonisation chinoise à Vladivostok. De petits litiges éclatent sur la frontière avec la Russie. On
crée des voies ferrées et des villes frontalières.
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
116
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CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
119
TABLE DES MATIERES
L’EMPIRE QING A LA FIN DU 19EME SIECLE .............................................................................................. 2
1
LA CRISE DE L’EMPIRE CONFUCEEN ........................................................................................................... 2
L’AUTONOMIE DE LA CIVILISATION CHINOISE ....................................................................................... 2
L’EMPIRE CONFUCEEN .......................................................................................................................... 2
UNE SOCIETE FONDAMENTALEMENT PAYSANNE ................................................................................. 4
LA CRISE DE L’EMPIRE CONFUCEEN ...................................................................................................... 4
2
L’OUVERTURE ............................................................................................................................................ 5
2.1 L’EXPANSION EUROPENNE ................................................................................................................... 5
2.2 LES GUERRES DE L’OPIUM ET LES TRAITES INEGAUX ............................................................................ 5
2.3 LE JAPON ET LE DECLIN DU SYSTEME TRIBUTAIRE ................................................................................ 5
2.4 LE RESSERREMENT DE L’ESPACE CHINOIS ET LES AMPUTATIONS TERRITORIALES ................................. 6
3
L’ECHEC DE LA MODERNISATION DE L’EMPIRE CONFUCEEN...................................................................... 6
4
LA GUERRE SINO-JAPONAISE...................................................................................................................... 6
1.1
1.2
1.3
1.4
LA FIN DE L’EMPIRE ET LA REVOLUTION DE 1911 (1895-1911) ............................................................. 8
1
LA CRISE POLITIQUE DES ANNEES 1895-1900 ............................................................................................. 8
LA REVOLTE PROVOQUE UNE CRISE POLITIQUE .................................................................................... 8
LES CENT JOURS DE REFORME (WUXU BIANFA) .................................................................................... 9
KANG YOUWEI ET LE PROGRAMME REFORMISTE ................................................................................... 9
LE MOUVEMENT DES BOXERS, 1899-1911 ........................................................................................... 10
LE MEIJI CHINOIS .................................................................................................................................... 11
2.1 LES NOUVELLES POLITIQUES (XINZHENG) .......................................................................................... 11
2.2 LE PROGRAMME CONSTITUTIONNEL (LA REFORME POLITIQUE) ........................................................... 12
2.3 LES EFFETS SOCIAUX DES NOUVELLES POLITIQUES ............................................................................ 13
LA MENACE REVOLUTIONNAIRE .............................................................................................................. 14
3.1 LE RADICALISME REVOLUTIONNAIRE DES ETUDIANTS CHINOIS AU JAPON ......................................... 14
3.2 LA MONTEE DE L’ANTI-MANCHOURISME............................................................................................. 15
3.3 SUN YAT-SEN...................................................................................................................................... 15
3.4 TERRORISME ET ANARCHISME............................................................................................................. 16
LA REVOLUTION DE 1911......................................................................................................................... 16
4.1 LA CRISE FERROVIAIRE ....................................................................................................................... 16
4.2 L’INSURRECTION DE WUCHANG ......................................................................................................... 17
4.3 LES PROVINCES DECLARENT LEUR INDEPENDANCE........................................................................... 17
4.4 LE COMPROMIS ENTRE YUAN ET SUN, ET L’ABDICATION DE LA DYNASTIE.......................................... 17
CONCLUSION ........................................................................................................................................... 18
1.1
1.2
1.3
1.4
2
3
4
5
L’ECHEC DE LA REPUBLIQUE (1912-1928)................................................................................................. 20
1
LA DICTATURE DE YUAN SHIKAI, 1912-1916 ............................................................................................ 20
MARS 1912 A SEPTEMBRE 1913............................................................................................................ 20
OCTOBRE 1913 A DECEMBRE 1914 ....................................................................................................... 21
JANVIER 1915 A JUIN 1916 .................................................................................................................. 21
2
L’ERE DES SEIGNEURS DE LA GUERRE ...................................................................................................... 22
2.1 LE PHENOMENE DES SEIGNEURS DE LA GUERRE ................................................................................ 22
2.2 L’ECLATEMENT DE LA CHINE ............................................................................................................ 23
2.3 L’IMPOSSIBLE REUNIFICATION ............................................................................................................. 23
3
LE DESORDRE DE LA CHINE .................................................................................................................... 24
3.1 LE BANDITISME................................................................................................................................... 24
3.2 L’OPIUM .............................................................................................................................................. 24
3.3 LES CRISES ALIMENTAIRES DANS LES CAMPAGNES ............................................................................. 25
1.1
1.2
1.3
L’ESSOR DE LA CHINE URBAINE LITTORALE ...................................................................................... 26
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
120
1
LES MUTATIONS DE LA SOCIETE URBAINE ................................................................................................ 26
L’AUTONOMISATION DE LA SOCIETE CHINOISE.................................................................................... 26
L’ESSOR D’UN CAPITALISME INDUSTRIEL CHINOIS ............................................................................... 26
LA NAISSANCE DE LA BOURGEOISIE CHINOISE .................................................................................... 27
LE MONDE OUVRIER CHINOIS .............................................................................................................. 28
LA CROISSANCE URBAINE ET LA MODERNISATION .............................................................................. 28
UN EMBRYON DE CLASSE MOYENNE ................................................................................................... 28
LES STRUCTURES DE LA SOCIETE URBAINE CHINOISE .......................................................................... 28
LES ASPIRATIONS DE LA BOURGEOISIE CHINOISE ................................................................................ 29
2
LE MOUVEMENT DES IDEES : LE MOUVEMENT POUR UNE NOUVELLE CULTURE ....................................... 29
2.1 LES ACTEURS ...................................................................................................................................... 29
2.2 LES THEMES ....................................................................................................................................... 30
3
L’IRRUPTION DES MOUVEMENTS DE MASSE .............................................................................................. 31
3.1 LA MONTEE DU NATIONALISME .......................................................................................................... 31
3.2 LE MOUVEMENT DU 4 MAI 1919 .......................................................................................................... 32
3.3 LE MOUVEMENT DES IDEES APRES LE MOUVEMENT DU 4 MAI ET LA GENESE DU COMMUNISME CHINOIS
33
1.1
1.2
1.3
1.4
1.5
1.6
1.7
1.8
LES DEBUTS DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS ET LA REVOLUTION NATIONALISTE (19211927) ...................................................................................................................................................................... 35
1
1.1
1.2
1.3
LE RETOUR DE SUN YAT-SEN ................................................................................................................... 35
LA REFONDATION DU GUOMINDANG .................................................................................................. 35
LE PLAN DE RECONSTRUCTION NATIONALE ....................................................................................... 35
LES TROIS PRINCIPES DU PEUPLE ......................................................................................................... 36
1.3.1
1.3.2
1.3.3
2
LE NATIONALISME ...................................................................................................................................... 36
LE DROIT DU PEUPLE .................................................................................................................................. 36
LE BIEN-ETRE DU PEUPLE ........................................................................................................................... 37
LA NAISSANCE DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS ...................................................................................... 37
LA RUSSIE SOVIETIQUE ET LA CHINE ................................................................................................. 37
LA STRATEGIE DE L’INTERNATIONALE COMMUNISTE ET LA FONDATION DU PARTI............................. 38
LE PREMIER FRONT UNI ........................................................................................................................... 38
3.1 LA REORGANISATION DU GUOMINDANG............................................................................................. 38
3.2 LE DIFFICILE PILOTAGE DU FRONT UNI ............................................................................................... 39
LE MOUVEMENT DU 30 MAI 1925 ............................................................................................................. 40
L’EXPEDITION DU NORD ......................................................................................................................... 41
LA TRAGEDIE DE LA REVOLUTION CHINOISE ........................................................................................... 42
2.1
2.2
3
4
5
6
LA DECENNIE DE NANKIN (1927-1937)...................................................................................................... 43
1
LA VICTOIRE INCERTAINE DU GUOMINDANG .......................................................................................... 43
LE SECOND SEMESTRE DE 1927........................................................................................................... 43
LA DEUXIEME PHASE DE L’EXPEDITION CONTRE LE NORD (PREMIER SEMESTRE 1928) ...................... 43
LES DEBUTS DU NOUVEAU REGIME : VERS UNE RESTAURATION DE L’ETAT .............................................. 44
2.1 LA DICTATURE DE TUTELLE ............................................................................................................... 44
2.2 LA MISE AU PAS DE LA SOCIETE CIVILE .............................................................................................. 44
2.3 LA POLITIQUE ECONOMIE DU GUOMINDANG....................................................................................... 44
2.4 L’EFFORT DE RECONQUETE DE LA SOUVERAINETE ............................................................................ 45
L’EVOLUTION CONSERVATRICE DU REGIME NATIONALISTE..................................................................... 45
3.1 LE MUSELLEMENT DU GUOMINDANG ................................................................................................. 45
3.2 UNE DICTATURE FAIBLE ..................................................................................................................... 46
L’AGRESSION JAPONAISE.......................................................................................................................... 46
LA DISSIDENCE COMMUNISTE .................................................................................................................. 47
1.1
1.2
2
3
4
5
LA GUERRE SINO-JAPONAISE ET LA GUERRE CIVILE (1937-1949) .................................................... 49
1
1.1
LA GUERRE ETRANGERE .......................................................................................................................... 49
L’INVASION ........................................................................................................................................ 49
1.1.1
1.1.2
1.2
1.3
LA GUERRE DE MOUVEMENT, 1937-1938 ..................................................................................................... 49
LES TROIS CHINE, 1938-1945 ...................................................................................................................... 50
LE REGIME DU GUOMINDANG DANS LA GUERRE ................................................................................ 50
LES COMMUNISTES CHINOIS DANS LA GUERRE .................................................................................... 50
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
121
2
2.1
LA GUERRE CIVILE ................................................................................................................................... 51
VERS UNE GUERRE CIVILE INEVITABLE ............................................................................................. 51
2.1.1
2.1.2
2.1.3
2.2
LA VICTOIRE DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS : LA FAUTE DU GUOMINDANG ..................................... 52
2.2.1
2.2.2
2.2.3
2.3
LA COURSE AU DESARMEMENT DES JAPONAIS .............................................................................................. 51
L’ECHEC DE LA MEDIATION AMERICAINE .................................................................................................... 52
LES DEUX PREMIERES ANNEES DE GUERRE CIVILE ....................................................................................... 52
LA CORRUPTION DU REGIME ....................................................................................................................... 52
L’EFFONDREMENT ECONOMIQUE ............................................................................................................... 53
LE RALLIEMENT DES DEMOCRATES AU PARTI COMMUNISTE CHINOIS ............................................................ 53
LA DEFAITE DU GUOMINDANG, LA SUPERIORITE DES COMMUNISTES .................................................. 54
2.3.1
2.3.2
LA REFORME AGRAIRE ................................................................................................................................ 54
DE LA CAMPAGNE A LA VILLE ..................................................................................................................... 54
LES ANNEES DU SOCIALISME ORTHODOXE (1949-1957) ..................................................................... 55
1
L’INSTALLATION DU REGIME ................................................................................................................... 55
LA RECONQUETE DE L’ESPACE CHINOIS .............................................................................................. 55
LA LOI SUR LE MARIAGE ET LA REFORME AGRAIRE ............................................................................ 55
LA MISE AU PAS DE LA SOCIETE URBAINE ........................................................................................... 55
L’ALLIANCE AVEC L’URSS ET LA GUERRE DE COREE ........................................................................ 56
2
LA CHINE A L’ECOLE DE L’URSS, 1953-1956 ............................................................................................ 58
2.1 LE LANCEMENT DU PREMIER PLAN QUINQUENNAL............................................................................ 58
2.2 L’ETATISATION DU COMMERCE DES CEREALES ................................................................................... 59
2.3 LA COLLECTIVISATION DE L’AGRICULTURE ........................................................................................ 59
2.4 LA NATIONALISATION DE L’INDUSTRIE............................................................................................... 60
2.5 LES INSTRUMENTS DU CONTROLE SOCIALISTE ..................................................................................... 60
1.1
1.2
1.3
1.4
2.5.1
2.5.2
LE HUKOU (户口) ...................................................................................................................................... 60
LA DANWEI (UNITE DE TRAVAIL, 单位) ...................................................................................................... 60
2.6
3
LE BILAN DU PREMIER PLAN QUINQUENNAL ...................................................................................... 61
LA CRISE DU MODELE SOVIETIQUE ET LA NAISSANCE DU MAOÏSME.......................................................... 61
3.1 L’ANNEE DE REMISE EN QUESTION : 1956 .......................................................................................... 61
3.1.1
LES PROBLEMES DU SOCIALISME CHINOIS .................................................................................................... 61
3.1.2
LES REPONSES DE MAO .............................................................................................................................. 61
3.1.2.1 LE PLAN POUR L’AGRICULTURE DE JANVIER 1956 ................................................................................... 61
3.1.2.2 LA PLACE DES INTELLECTUELS DANS LE REGIME SOCIALISTE CHINOIS. .................................................... 62
3.1.3
L’OPPOSITION ENTRE MAO ET LES CADRES DU PARTI ................................................................................... 63
3.2
LA DESILLUSION DE 1957 ................................................................................................................... 63
3.2.1
3.2.2
L’AGGRAVATION DE LA CRISE ..................................................................................................................... 63
MAO IMPOSE SA SOLUTION : LE MOUVEMENT DE RECTIFICATION DU PARTI .................................................. 64
L’EXPERIENCE MAOÏSTE ET SON ECHEC (1958-1969) .......................................................................... 65
1
LE GRAND BOND EN AVANT, 1958-1959 .................................................................................................. 65
QU’EST CE QUE LE GRAND BOND EN AVANT ? .................................................................................... 65
LA MOBILISATION DES PAYSANS.......................................................................................................... 66
LES COMMUNES POPULAIRES............................................................................................................... 66
LA FAMINE ......................................................................................................................................... 67
LA PURGE DE PENG DEHUAI .............................................................................................................. 67
LA RUPTURE ENTRE LA CHINE ET L’URSS ......................................................................................... 67
2
LA « LUTTE ENTRE LES DEUX LIGNES » ,1960-1966................................................................................... 68
2.1 LA POLITIQUE DES PRAGMATIQUES ..................................................................................................... 68
1.1
1.2
1.3
1.4
1.5
1.6
2.1.1
2.1.2
2.2
LA CONTRE-OFFENSIVE DE MAO ........................................................................................................ 69
2.2.1
2.2.2
3
3.1
3.2
3.3
3.4
LE REAJUSTEMENT ..................................................................................................................................... 68
MAO EST CRITIQUE ..................................................................................................................................... 69
LE MOUVEMENT D’EDUCATION SOCIALISTE ................................................................................................ 69
L’APPEL A LA « REVOLUTION CULTURELLE » ................................................................................................ 70
LA REVOLUTION CULTURELLE ................................................................................................................. 70
LE LANCEMENT DE LA REVOLUTION CULTURELLE (NOVEMBRE 1965-MAI 1966)................................ 70
LA MOBILISATION DE LA JEUNESSE..................................................................................................... 71
LES CINQUANTE JOURS (JUIN-JUILLET 1966)........................................................................................ 71
LE TEMPS DES GARDES ROUGES (AOUT 1966-AOUT 1967) .................................................................... 72
3.4.1
LA PREMIERE PHASE (AOUT 1966-FEVRIER 1967) ......................................................................................... 72
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
122
3.5
3.4.1.1 LA DESTRUCTION DES QUATRE VIEILLERIES ........................................................................................... 72
3.4.1.2 LA REVOLUTION CULTURELLE ATTEINT LES USINES ................................................................................ 72
3.4.1.3 LA « TEMPETE DE JANVIER 1967 ». A SHANGHAI ..................................................................................... 72
3.4.1.4 L’IMPOSSIBLE INSTITUTIONNALISATION DE LA REVOLUTION CULTURELLE .............................................. 72
3.4.1.5 LE « CONTRE COURANT DE FEVRIER » .................................................................................................... 73
3.4.2
LA DEUXIEME PHASE (MARS-AOUT 1967) ..................................................................................................... 73
LA FIN DE LA REVOLUTION CULTURELLE : LES COMITES REVOLUTIONNAIRES (SEPTEMBRE 1967OCTOBRE 1968) .............................................................................................................................................
3.6 LE 9E CONGRES DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS (AVRIL 1969) ...........................................................
74
74
LE DECLIN DU MAOÏSME ET LA PRISE DE POUVOIR PAR DENG XIAOPING (1969-1978) .......... 75
1
LA CHUTE DE LIN BIAO, 1970-1971 ......................................................................................................... 75
LA DIFFICILE RECONSTRUCTION DU PARTI .......................................................................................... 75
L’ELIMINATION DE LIN BIAO. ............................................................................................................. 76
2
LA LUTTE ENTRE LES PRAGMATIQUES ET LES RADICAUX, 1972-1976 ........................................................ 76
2.1 LA TENTATIVE DE REAJUSTEMENT DE ZHOU ENLAI : 1972................................................................ 76
2.2 LA CAMPAGNE PI LIN PI KONG, 1973-1974 ......................................................................................... 77
2.3 ZHOU ENLAI PROPOSE UNE NOUVELLE VISION DE L’AVENIR DE LA CHINE : LES « QUATRE
MODERNISATIONS » DE 1975 ......................................................................................................................... 77
2.4 LES CONVULSIONS DE L’ANNEE 1976 : DISPARITION DE ZHOU ENLAI, DE MAO, CHUTE DE LA BANDE
DES QUATRE................................................................................................................................................. 77
3
LA PRISE DU POUVOIR PAR DENG XIAOPING ........................................................................................... 78
3.1 L’ECHEC DE HUA GUOFENG............................................................................................................... 78
3.2 LE SICHUAN ET L’ANHUI DECOLLECTIVISENT ................................................................................... 78
3.3 LA BATAILLE IDEOLOGIQUE DE L’ETE 1978 : « CHERCHER LA VERITE DANS LES FAITS » ................... 79
3.4 LE MOUVEMENT DES PLAIGNANTS ..................................................................................................... 79
3.5 LE PRINTEMPS DE PEKIN ..................................................................................................................... 79
3.6 LE 3EME PLENUM DU 11EME COMITE CENTRAL (12-18 DECEMBRE 1978) ................................................. 79
1.1
1.2
L’OUVERTURE ET LA REFORME : L’ERE DENGUISTE (1979-1989) ................................................... 81
1
1.1
LE PREMIER STADE DE LA REFORME, 1979-1984....................................................................................... 81
LA NEP RURALE ................................................................................................................................ 81
1.1.1
LES POLITIQUES ......................................................................................................................................... 81
1.1.1.1 LA DECOLLECTIVISATION DE L’AGRICULTURE ........................................................................................ 81
1.1.1.2 RELEVEMENT DES PRIX AGRICOLES ....................................................................................................... 82
1.1.2
LES EFFETS ................................................................................................................................................ 82
1.2
1.3
L’OUVERTURE .................................................................................................................................... 83
DANS LE SECTEUR URBAIN : ASSOUPLISSEMENT DE LA PLANIFICATION .............................................. 84
2
LA REFORME EST PORTEE DANS LES VILLES, 1985-1989............................................................................ 84
2.1 LES POLITIQUES .................................................................................................................................. 84
2.1.1
2.1.2
2.2
2.3
LES PRINCIPES ............................................................................................................................................ 84
MISE EN ŒUVRE ......................................................................................................................................... 85
LA CHINE ENTRE DEUX ECONOMIES .................................................................................................. 85
LES EFFETS SOCIAUX .......................................................................................................................... 85
2.3.1
APPARITION D’INEGALITES ......................................................................................................................... 85
2.3.2
DIVERSIFICATION SOCIALE ......................................................................................................................... 86
2.3.2.1 A LA VILLE ............................................................................................................................................ 86
2.3.2.2 A LA CAMPAGNE ................................................................................................................................... 86
3
4
5
LES DEBATS IDEOLOGIQUES ET POLITIQUES ............................................................................................ 86
LA CRISE POLITIQUE, 1988-1989............................................................................................................... 87
LA TENTATIVE DE RETOUR A L’ORTHODOXIE, 1989-1991 ........................................................................ 89
HISTOIRE A VIF DE LA CHINE ACTUELLE (1989 A NOS JOURS) ....................................................... 91
1
2
3
4
5
LES PERSONNAGES CLES DU REGIME........................................................................................................ 91
LES VOIES DE LA REFORME ...................................................................................................................... 92
LES FACTEURS DU SUCCES : L’INTRODUCTION DU CAPITALISME ............................................................... 92
LE BILAN ................................................................................................................................................. 93
QUE RESTE-T-IL DU COMMUNISME ? ........................................................................................................ 94
LECTURES OBLIGATOIRES.......................................................................................................................... 99
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
123
CHAPITRE 2 :
LA FIN DE L’EMPIRE ET LA REVOLUTION DE 1911 (1895-1911) ........................................... 100
Marie-Claire Bergère, Histoire de Shanghai, Paris, Fayard, 2002, p143-156 ............................................................ 100
Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, Paris, Points Seuil, 2002, p617-639 ....................................................... 100
CHAPITRE 3 :
L’ECHEC DE LA REPUBLIQUE (1912-1928) ........................................................................... 102
Marie-Claire Bergère, L’Age d’or de la bourgeoisie chinoise, Paris, Flammarion, 1986, p207-212 ................................. 102
Dictionnaire de la civilisation chinoise, Paris : Encyclopedia Universalis, Albin Michel, 1998, p803-805 ........................ 102
CHAPITRE 4 :
L’ESSOR DE LA CHINE URBAINE LITTORALE (1912-1928) ..................................................... 103
John King Fairbank, La grande Révolution chinoise, 1800-1989, Paris, Flammarion, 1989, p263-292 ........................ 103
CHAPITRE 5 :
LES DEBUTS DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS ET LA REVOLUTION NATIONALISTE (1921-1927)
104
Lucien Bianco, Les origines de la révolution chinoise, Paris, Gallimard, 1987, p101-142 ............................................. 104
CHAPITRE 6 :
LA DECENNIE DE NANKIN (1927-1937) .............................................................................. 105
Lucien Bianco, « Paysans et communistes dans la Révolution chinoise », Historiens et géographes, n°340, mai-juin 1993, p113124 ............................................................................................................................................................. 105
CHAPITRE 7 :
LA GUERRE SINO-JAPONAISE ET LA GUERRE CIVILE (1937-1949) ......................................... 107
Yves Chevrier, La Chine moderne, Paris, PUF (Que sais-je ?), 1997, p105-124 ....................................................... 107
CHAPITRE 8 :
LES ANNEES DU SOCIALISME ORTHODOXE (1949-1957) ...................................................... 109
Jean-Luc Domenach, Aux origines du Grand Bond en avant : le cas d’une province chinoise, 1956-1958, Paris, Editions de
l’EHESS – Presses de la FNSP, 1982, p12-40................................................................................................. 109
François Gipouloux, Les Cent fleurs à l’usine : agitation ouvrière et crise du modèle soviétique en Chine, 1956-1957, Paris,
Editions de l’EHESS, 1986, p189-211............................................................................................................ 110
CHAPITRE 9 :
L’EXPERIENCE MAOISTE ET SON ECHEC (1958-1969)........................................................... 111
John King Fairbank, La grande Révolution chinoise, 1800-1989, Paris, Flammarion, 1989, p443-479 ........................ 111
CHAPITRE 10 :
LE DECLIN DU MAOÏSME ET LA PRISE DU POUVOIR PAR DENG XIAOPING (1969-1978) ........ 112
Claude Aubert et Jean-Luc Domenach, La société chinoise après Mao : Entre autorité et modernité, Paris, Fayard, 1986, chap
III, p91-129 ................................................................................................................................................. 112
CHAPITRE 11 :
OUVERTURE ET REFORME (1979-1989) ............................................................................... 114
Chen Yan, L’éveil de la Chine : les bouleversements intellectuels après Mao, 1976-2002, Paris, Editions de l’Aube, 2002, p5973 ............................................................................................................................................................... 114
CHAPITRE 12 :
HISTOIRE SUR LE VIF DE LA CHINE ACTUELLE (DE 1989 A NOS JOURS) ................................ 115
Marie-Claire Bergère, Histoire de Shanghai, Paris, Fayard, 2002, p427-456 ............................................................ 115
Alexandre Fur, Pierre Gentelle et Thierry Pairault, Economie et régions de la Chine, Paris, Armand Colin, 2000, p69-117
................................................................................................................................................................... 115
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 117
TABLE DES MATIERES ................................................................................................................................ 120
CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine
124
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