CHI 013b – Histoire de la Chine contemporaine 4
1.3 UNE SOCIETE FONDAMENTALEMENT PAYSANNE
Au 19ème siècle, la population chinoise est estimée à 430 millions d’habitants (auto-
estimations). Les Chinois sont restés sur ce chiffre pendant au moins un siècle. Il s’agissait
surtout des Chinois habitant dans les zones irrigables (c’est plus difficile de recenser les habitants
dans le fin fond des montagnes). Les paysans représentent plus de 90% de la population. Les
exploitations sont minuscules. Un foyer de paysan est composé de cinq à six personnes. La
superficie de ces exploitations diminue constamment : deux hectares en moyenne dans le Nord et
un hectare dans le Sud. La grande propriété n’existe pas.
Le propriétaire foncier est un paysan propriétaire de terres qu’il n’exploite pas lui-même.
Il se contente de les louer à d’autres paysans. Ces fermages sont ses principales sources de
revenus. Selon une enquête menée pendant la guerre sino-japonaise, la part des terres affermées
c’est-à-dire louées par les paysans par rapport à la superficie totale était de 30 à 35%.
La part des fermiers dans la population totale est elle aussi de 30 à 35%. C’est la moyenne
générale pour l’ensemble du pays avec des différences selon les régions. Dans le Nord du pays, le
bassin du Huang He et la Mandchourie, la part des fermiers est de 10%. Dans le bassin du
Yangzi, elle est de 40% et dans le Sud de la Chine (Guangdong, Fujian) de 76%. Dans le Nord, il
y a plus de paysans propriétaires que dans le Sud. Le prix du fermage est très élevé. Dans les
années 1930, le prix du fermage représentait 44% de la valeur de la récolte. C’est une condition
misérable. Tous les paysans sont pauvres. Les propriétaires fonciers sont juste un peu moins
pauvres que les autres.
Il n’y a pas de marché national en Chine sauf pour quelques rares marchandises parmi
lesquelles l’opium. Le marché national est fragmenté en marchés régionaux pour un certain
nombre de produits comme le sel ou la soie. Cette fragmentation du marché est due à l’arriération
des transports et à leur coût. La Chine dispose certes d’un important réseau de voies navigables
ainsi que des canaux mais les embarcations restent traditionnelles (jonques). Il n’y a pas de routes.
Les moyens de transport traditionnel sont lents et chers. Ce qui pose des obstacles à la circulation
des marchandises, c’est la nature de la société chinoise et son histoire. Les poids et les mesures ne
sont pas unifiés, le système monétaire non plus.
A l’époque, il y avait deux sortes de monnaie en Chine : d’abord la monnaie d’argent sous
forme de lingots qu’on appelle tael (ou liang). Ensuite une monnaie de cuivre (enfilée sous des
ligatures de sapèques). Mais le poids du tael variait d’une région à une autre. Il y avait aussi en
circulation des monnaies d’origine étrangère comme le dollar mexicain. En outre, à cause des
barrières douanières intérieures, les marchands chinois devaient acquitter une taxe (lijin) perçue
sur les marchandises en transit. La taxe est instituée à l’époque de la rébellion des Taiping au 19ème
siècle. La production industrielle en usine est à l’époque insignifiante.
1.4 LA CRISE DE L’EMPIRE CONFUCEEN
Cette civilisation admirable et admirée a atteint son apogée au 18ème siècle sous les Qing.
C’est une dynastie d’origine mandchoue, c’est-à-dire non chinoise (on parle de dynastie allogène).
Le territoire à l’époque s’étend sur 13 millions de km², il s’agit de l’extension territoriale la plus
vaste qu’ait connue la Chine.
Toutefois, le déclin s’amorce dès la fin du 18ème siècle. Au début du 19ème siècle, la
civilisation chinoise est en crise. Cette crise a des racines à l’intérieur. C’est d’abord une crise
démographique : il y a eu une très forte augmentation de population au 17ème et 18ème siècles. C’est
une crise des moyens de subsistance. L’historien américain Mark Elvin a travaillé sur cette
question et parle de piège d’un équilibre à haut niveau : le niveau technique élevé permettant de
nourrir une population très abondante se heurtant à l’impossibilité d’en accroître le rendement
constitue un obstacle à une évolution. Cette crise se manifeste par des rébellions populaires qui
éclatent vers la fin du 18ème siècle.
La fin du règne de Qianlong est marquée par la rébellion de la secte du Lotus Blanc (Bai
Lianjiao). Au début du 19ème siècle, c’est la rébellion de la secte des Huit Trigrammes (Ba guajia).