Chine : Une croissance débridée…

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du 12 septembre 2007
Chine :
Une croissance débridée…
Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
-Une croissance de 11,5 % du PIB sur un an au premier semestre 2007, qui rappelle les records de 1994, lorsque
la progression du produit intérieur brut chinois pour toute l’année avait été de 13,1 %.
- Un excédent commercial de près de 25 milliards de dollars au mois d’août, en hausse de 32 % sur un an.
- Des exportations qui tournent à plein régime, avec une augmentation de 34,2 % sur un an pour les sept premiers
mois de l’année. De quoi ravir la place de deuxième exportateur mondial aux Etats-Unis d’ici la fin 2007.
De par ce dynamisme, la Chine s’apprête à devenir la troisième économie mondiale dès 2008, l’Allemagne.
Autrement dit, à l’aube des Jeux qu’elle accueillera dans quelques mois, l’Empire du Milieu est un athlète en forme
olympique. Un peu trop peut-être et des soupçons de dopage commencent à faire jour.
Risque de surchauffe ?
Premier symptôme du surrégime : une inflation galopante. Avec un taux de 6,5 % en août (+ 3,9 % sur un an),
l’inflation chinoise bondit à son plus haut niveau depuis onze ans et dépasse largement l’objectif annuel de 3 % fixé
par le gouvernement.
Et le panier de la ménagère pékinoise s’en ressent fortement : les prix de l’alimentation ne cessent de flamber (+
18,2 %) et représentent désormais le tiers du budget des ménages (contre 15 % environ aux Etats-Unis). Le
renchérissement des matières premières agricoles destinées à nourrir le bétail conjugué à une épizootie ont rendu
la traditionnelle viande de porc hors de prix (+ 49 % de hausse du prix de la viande en général).
Au-delà des frontières, ces tensions sur les prix ravivent les craintes d’une contagion inflationniste dans les pays
occidentaux très dépendants des produits chinois.
Autre signe de surchauffe : l’indice composite de la place de Shanghai a grimpé de 130 % en 2006 et pourrait faire
encore mieux cette année, malgré la crise du « subprime ». Les introductions en Bourse vont bon train : 44 IPO
durant les six premiers mois de l’année à Shanghai et Shenzhen, soit une levée de capital de quelque 124 milliards
de Yuans (11,94 milliards d’Euros). La capitalisation boursière a même dépassé, le mois dernier, le PIB chinois de
l’année 2006, avec un total de 23 000 milliards de Yuans (2 240 milliards d’Euros). Et la boulimie des investisseurs
chinois ne devrait pas se calmer d’aussitôt.
Autant de données suffisamment frappantes pour alerter les experts mondiaux mais qui ne semblent pas inquiéter
outre mesure les autorités chinoises. Certes, on notera les récentes prises de conscience qu’une croissance trop
forte et déséquilibrée - balance des paiements déséquilibrée, liquidités excessives, dépendance vis-à-vis des
partenaires commerciaux, taux d’épargne le plus élevé au monde, dépenses sociales insuffisantes et mal réparties
- comporte des risques.
Le gouvernement a de fait récemment prôné des mesures pour éviter la surchauffe, dont deux hausses des taux
d’intérêt, à dose homéopathique ceci dit - deux nouvelles pourraient intervenir avant la fin de l’année pour
contrecarrer la poussée inflationniste -, cinq relèvements des taux de réserves obligatoires des banques et des
aménagements fiscaux pour tenter de freiner les exportations.
Mais aucun secteur de l’économie chinoise n’a encore vraiment ralenti.
Ce n’est d’ailleurs guère dans son intérêt. La Chine reste bel et bien « l’atelier du monde ». Les produits « Made in
China », à bas prix et parfois de piètre qualité - comme l’ont pointé du doigt les récents rappels de jouets par le
groupe californien Mattel - ont envahi les rayons de nos supermarchés. Les raisons de cette colonisation : une
production à tous crins et une monnaie sous-évaluée, ce qui revient à subventionner illégalement les produits
chinois à l’étranger.
Ce que ne manquent pas de dénoncer Washington et Bruxelles. La parité du renminbi est depuis trois ans un sujet
de tensions. La semaine dernière, le président américain George Bush a même profité du sommet de l’APEC pour
demander à son homologue Hu Jintao de prendre des « mesures soutenues » en faveur de la flexibilité du Yuan.
Le Yuan, quand la faiblesse est une force
D’un côté, la sous-évaluation de la monnaie chinoise explique le creusement du déficit commercial américain - qui
s’est alourdi de 12,5 % entre juin et juillet dernier, à 23,8 milliards de dollars.
De l’autre, cette situation est à l’origine du gigantesque excédent commercial de la Chine, certes flatteur mais qui
la rend au final très dépendante de ses exportations, donc des aléas de l’économie mondiale, donc de la santé du
géant américain.
A Pékin, on refuse de voir le cours du Yuan s’apprécier fortement par rapport au Dollar, comme il devrait le faire
compte tenu du contexte économique, et on maintient qu’une réévaluation trop brutale aurait de graves
conséquences, notamment sociales.
Pourtant, une appréciation de la monnaie aiderait à freiner l’accroissement de l’excédent de balance courante, à
ralentir le gonflement des réserves de devises et à limiter le recours aux relèvements des coefficients de réserves
obligatoires des banques. Au final, à assainir la situation chinoise.
Le statu quo semble donc difficile à tenir à long terme. Premier risque : celui d’une bulle et d’une contagion aux
autres monnaies de la région. Et à terme « un atterrissage brutal de l’économie chinoise », prévient le Trésor
américain, lequel handicaperait fortement la Chine et ses partenaires commerciaux, au premier rang desquels les
Etats-Unis.
Alexandra Voinchet
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