Les chemins de la puissance La Chine Depuis l’arrivée au pouvoir de la dynastie Qing en 1644, l'empire chinois connaît son apogée territoriale. Au XIXème siècle, alors que la dynastie est toujours en place, les puissances coloniales européennes et japonaise en mal de conquêtes commencent à s’intéresser à la Chine et parviennent à prendre le contrôle de certains territoires (Indochine par la France, Hong Kong par le Royaume-Uni, Corée par le Japon). Ils imposent à la Chine les traités inégaux (ouverture commerciale forcée, perte de territoires). En 1911-1912 éclate une révolution qui jette à bas la dynastie Qing et proclame la République. Deux partis politiques majeurs naissent à la suite de cette révolution : le Parti Communiste Chinois (PCC) en 1921, et le Guomindang, parti nationaliste chinois. Ces deux partis seront appelés à s'affronter, mais jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, la Chine reste un pays sous forte domination étrangère. Lors de la guerre, le Japon procède même à son occupation (guerre sino-japonaise), et la Chine ne retrouve son intégrité territoriale qu’après la défaite de celui-ci. S'ouvre alors une guerre civile opposant les communistes aux nationalistes (1946-1949). Le Guomindang est finalement évincé, mais il parvient toutefois à conserver le contrôle de Taïwan, où il restera le parti unique jusqu'à la fin des années 1980. I/ La Chine communiste 1) La construction d'une puissance communiste Suite à cette guerre civile, le République populaire de Chine est proclamée en 1949, et Mao Zedong, le dirigeant du PCC, en prend la tête. Le pays n'est reconnu que par les autres états communistes, qui deviendront naturellement ses alliés. L'URSS accorde sa protection militaire au pays, mais la Chine conserve son entière indépendance. Cette alliance a pour effet d'isoler le pays de l'occident. Les années 1950 sont marquées par la récupération de territoires anciennement contrôlés, comme le Tibet, qui avait profité de la révolution pour redevenir quasiindépendant. Cependant certains territoires continuent à lui échapper : Taïwan reste contrôlée par le Guomindang et Hong Kong par les britanniques. Enfin, durant ces années la Chine s'implique au niveau régional en envoyant des troupes lors de la guerre de Corée (1950-1953) afin de contrer la contre-offensive américaine, et en soutenant les rebelles communistes en Indochine (guerre d'Indochine entre 1946 et 1954). 2) L’évolution des relations avec l'URSS Comme dit précédemment, la jeune Chine communiste recherche dès sa création des alliés, et c'est dans ce but qu'elle se rapproche de l'URSS. Le système communiste chinois est très comparable à celui de l'URSS, et les Chinois imitent dans les années 1950 la voie empruntée plus tôt par leurs alliés : nationalisation de l'industrie, plans quinquennaux visant à fixer des objectifs de production, collectivisation des terres. La révolution industrielle est lancée, avec pour priorité le développement de l'industrie lourde (métallurgie, sidérurgie, construction navale, mines, etc...). De la même façon, le système politique chinois est calqué sur le système soviétique, avec une constitution qui définit celui-ci comme étant une démocratie populaire (un système supposé être plus démocratique que les modèles libéraux). Cependant, à partir de la fin des années 1950, la Chine décide de prendre peu à peu son indépendance et de s’éloigner de l'URSS. Plusieurs raisons expliquent cet éloignement. D'une part, les deux pays connaissent des différends frontaliers, qui provoquent des tensions et mènent jusqu'à des affrontements armés en 1969. D'autre part, la Chine ne tolère pas l'assouplissement de la politique internationale soviétique envers les USA (gestion de la crise des missiles de Cuba), celle-ci se déclarant prête à poursuivre le combat contre le « camp impérialiste ». Enfin, le rapport de dépendance que la Chine entretient avec l'URSS, surtout en matière de défense, et le fait que cette dernière semble vouloir maintenir un certain rapport de vassalité, est de moins en moins toléré par les Chinois, qui aspirent à traiter dans le cadre d'un rapport d’égal à égal. Ainsi la Chine achève d’acquérir son indépendance en matière de défense avec un premier test nucléaire réussi en 1964, et elle ouvre ainsi une seconde voie au communisme international en se posant comme leader du monde communiste. 3) L'affirmation de l’indépendance chinoise La Chine se voit donc succéder à l'URSS en tant que fer de lance du monde communiste, et celle-ci dispose d'un atout majeur contrairement à son ancien allié : elle fait partie des pays du tiers monde, dont l’économie est basée majoritairement sur l'agriculture. Elle devient donc un modèle de développement pour les pays pauvres anciennement colonisés et disposant d'une économie primaire. De plus, dans le cadre de la Guerre Froide et de la séparation du monde en deux blocs, celle-ci proclame sa volonté de non-alignement (neutralité), et elle se fait donc le chef de tous les autres états non-alignés. Cette position amène la Chine à jouer un jeu trouble en matière de politique étrangère. En effet, celle-ci annonce d'une part sa volonté de lutter contre le modèle capitaliste occidental, mais d'autre part elle amorce une détente et une reprise des relations avec l'occident. C'est dans ce sens qu'elle cherche et obtient sa reconnaissance sur la scène internationale. Elle obtient d'abord la reconnaissance de la France en 1964 (rétablissement des liens diplomatiques notamment), puis se rapproche des USA, pour enfin être reconnue et admise à l'ONU (reconnaissance par l'ensemble de la communauté internationale), dont elle devient membre permanent du Conseil de Sécurité en 1971 en remplacement de Taïwan. Le maoïsme dans un premier temps fascine le monde. Ce courant représente en effet, notamment aux yeux de la jeunesse, un nouveau souffle révolutionnaire communiste qui balaye les déceptions consécutives aux échecs du modèle soviétique. Mao incarne le nouveau visage du communisme et de la révolution permanente, selon les termes de Trotski, un visage plus humain, loin des souvenirs des atrocités commises par Staline, et surtout beaucoup plus adapté aux réalités des nouveaux pays décolonisés. Pourtant, le maoïsme s'appuie sur les mêmes méthodes que le communisme stalinien : omniprésence du culte de la personnalité, propagande à outrance, autoritarisme et restriction des libertés individuelles, confiscation de la propriété privée. A l'image de Staline, Mao envisage de lancer de grandes politiques de réforme visant à dynamiser l’économie du pays et à ancrer le communisme dans les mentalités. C'est en ce sens qu'est lancé, à partir de 1958, le Grand Bond en Avant : les paysans se voient imposer, en plus de leurs travaux agricoles, des tâches de production industrielle et de grands travaux (ponts, routes). Le bilan est catastrophique : les paysans sont exténués et ils ne parviennent pas à récolter suffisamment pour alimenter la population. S'ensuit une terrible famine ayant provoqué la mort de plusieurs millions de personnes (45 selon les estimations). Suite à l’échec de cette politique, Mao est écarté du pouvoir et remplacé, tout en conservant la tête du PCC. Mais celui-ci vit mal la perte de pouvoir, et c'est pourquoi il lance en 1966 la révolution culturelle. Celle-ci vise d'une part à épurer le parti, comme cela avait été fait par Staline en Russie, et d'autre part à briser les vieilles traditions chinoises, jugées trop conservatrices et faisant obstacle à l’établissement durable du communisme. Cette révolution, qui s'appuie sur la jeunesse, mène le pays au bord de la guerre civile, provoque un nombre de morts toujours indéterminé (entre plusieurs centaines de milliers et plusieurs millions), et permet à Mao de récupérer le pouvoir jusqu'à sa mort en 1976, date à laquelle s’achève la révolution culturelle. Malgré ces politiques, la Chine ne parvient pas à devenir une puissance économique majeure. Elle parvient cependant à être reconnue politiquement sur la scène internationale. II/ La montée en puissance depuis 1980 1) La mise en place du socialisme de marché A la mort de Mao en 1976, son successeur et ancien collaborateur Deng Xiaoping, conscient des échecs des politiques mises en place jusqu'ici, décide d'ouvrir l’économie chinoise au monde. La réussite de pays voisins, tels la Corée du Sud ou Taïwan, à moderniser leur économie en entrant sur le marché mondial inspire le nouveau dirigeant chinois. Celui-ci décide de mettre en place des réformes pour moderniser la Chine, les « quatre modernisations » (agriculture, industrie, sciences et technologies, défense). En matière d’économie, Deng Xiaoping décide de procéder à une ouverture progressive de l’économie du pays en créant quatre ZES (Zones Économiques Spéciales) en 1979 sur la façade maritime sud du pays, non loin de Hong Kong et Macao. Ces deux possessions sont toujours aux mains de puissances européennes à l’époque (Grande-Bretagne et Portugal), et sont donc déjà très ouvertes sur le monde. Ces ZES sont des zones ouu les entreprises étrangères sont largement favorisées (baisse des taxes), ceci dans le but de favoriser leur implantation. Le reste des cootes s'ouvrira progressivement par la suite, dont Shanghai dans les années 1990. Parallèlement à cela, la Chine, en matière de finance, signe les accords relatifs à son adhésion au FMI, à la Banque Mondiale et à l'OMC, ce qui la réintègre pleinement au système international. Cette ouverture économique et financière permet à la Chine de connaître des taux de croissance records (plus de 10% sur certaines années) jusqu'à aujourd'hui, et en conséquence le niveau de vie de la population augmente, même si de très fortes inégalités sociales comme spatiales apparaissent rapidement. Cependant l'ouverture de la Chine est loin d’être complète. En effet, le socialisme de marché suppose un contrôle étroit de la sphère politique sur l’économie. De nombreux secteurs ne peuvent être privatisés et restent entre les mains des pouvoirs publics. De plus, au contraire des principes du libre-échange et du capitalisme, l’État s'autorise à intervenir directement sur l’économie pour la réguler (alors que les tenants du modèle capitaliste soutiennent que le système se régule de lui-même). Le modèle politique chinois reste quant à lui extrêmement verrouillé et autoritaire, et c'est là un paradoxe. Les rares tentatives de revendication populaire pour une démocratisation sont écrasées dans le sang, comme en 1989 sur la place Tian'anmen, ouu les chars dispersent brutalement les manifestants (1800 morts). De même en 2008, les manifestations organisées par les moines tibétains pour revendiquer la libération de certains de leurs confrères emprisonnés sont écrasées. Encore aujourd'hui, la Chine reste hermétique à toutes les pressions de la part de la communauté internationale en vue d'une démocratisation ou en vue de veiller à respecter les droits de l'Homme. Le parti unique y est également toujours présent. 2) La Chine, une superpuissance mondiale en devenir Au niveau régional, la Chine représente un acteur de premier plan au sein du continent asiatique. Elle est membre de deux organisations de coopération asiatiques, l'ASEAN et l'Organisation de Coopération de Shanghai, et dispose ainsi de partenaires régionaux. Elle soutient également le régime communiste Nordcoréen, une alliance informelle qui lui permet d’être le seul pays au monde à pouvoir investir en Corée du Nord. Cependant la Chine est également très concurrencée sur son continent, d'une part par le Japon, son rival historique, et d'autre part par les autres pays alliés des USA (notamment la Corée du Sud). Toutefois, en cas de différend, la Chine préfère toujours adopter une position d'apaisement afin d’éviter tout risque de conflit à l’échelle régionale. Les tensions se portent actuellement sur la délimitation des eaux territoriales chinoises en mer de Chine, mais les dirigeants chinois tentent la négociation afin d’éviter toute confrontation. A part ce différend, la Chine dispose actuellement de ses frontières définitives. En effet, le pays récupère le contrôle de Hong Kong en 1997 et de Macao en 1999, en leur accordant toutefois un statut de relative indépendance. La question de la récupération de Taïwan n'est plus vraiment à l'ordre du jour, la Chine préférant faire preuve de patience dans l'espoir de voir l’île demander son rattachement. A l’échelle mondiale, la Chine est devenue un acteur majeur, mais ne peut toujours pas être considérée comme une superpuissance au même titre que les USA. En effet, même si le pays dispose de la deuxième économie mondiale, d'autres critères de puissance ne sont encore qu'en cours d'acquisition. D'une part, la Chine ne peut pas encore être considérée comme une puissance militaire de premier plan. Malgré le fait que les dépenses militaires chinoises aient très fortement augmenté lors de la dernière décennie, se hissant ainsi au deuxième rang mondial, et que les pouvoirs publics aient fait de la modernisation de l’armée une priorité, la Chine reste encore sur ce point très loin derrière les USA. De plus, contrairement à ces derniers, ainsi qu'aux autres puissances occidentales, la Chine ne bénéficie pas de bases stratégiques implantées dans d'autres régions du monde. Lors des conflits, la Chine a donc tendance à adopter une position neutre et tente d'apaiser les tensions, car la paix mondiale est une des conditions pour la construction de la puissance économique chinoise. Concernant les autres critères de puissance, la Chine a également beaucoup de chemin à parcourir. Sur le plan financier et commercial, le dollar reste toujours maître dans les échanges, même si la Chine commence depuis peu à se constituer un stock d'or suffisant pour revendiquer sa monnaie nationale, le Yuan, en tant que monnaie d’échange internationale, renversant ainsi l’hégémonie du dollar. De même, les alliances politiques et économiques tissées avec d'autres nations sont encore fragiles. C'est d'ailleurs dans ce cadre que la Chine tente d’améliorer ses relations avec l'Afrique en investissant massivement sur ce continent afin de s'assurer des partenariats commerciaux (acquisition de matières premières). Enfin, le soft power chinois est encore en cours d’élaboration, et la culture et la langue chinoises restent encore peu diffusées et mal comprises à travers le monde. Pour remédier à cela, des instituts culturels chinois (instituts Confucius) ouvrent leurs portes partout dans le monde afin de diffuser cette culture. Le système éducatif chinois est également en pleine évolution. En effet, celui-ci aspire à devenir une référence mondiale, mais pour l'heure les élèves du niveau universitaire sont envoyés massivement à l’étranger (Amérique du Nord, Europe) afin d’accélérer le processus de transfert de connaissances et de technologies.