CQFD 43

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CQFD 43
CQFD 43 (Dossier 7 de l’ECN 2008)
Enoncé
Un adolescent de 17 ans, est conduit en consultation par sa mère, en raison d'une perte d'appétit et
d'un amaigrissement de plus de 10 kg en quelques mois, associés à des douleurs abdominales,
manifestations dont il souffre depuis plus d'un an. Il a, pour cette raison, déjà été hospitalisé à deux
reprises et a fait l'objet, chaque fois, d'un contrat de poids et de séparation. Il a eu depuis un suivi
psychiatrique. Deux ans avant ces hospitalisations, il avait été opéré pour des douleurs itératives de
la fosse iliaque droite, accompagnées de diarrhée sans hémorragie, auxquelles était imputée la
responsabilité de cette perte d'appétit. Une appendicectomie avait été pratiquée. Le compte-rendu
opératoire mentionnait : "iléite suspendue de moins de 10 cm de long, à moins de 5 cm de la
jonction iléo-caecale". Le prélèvement histologique pratiqué au cours de l'intervention confirmait
l'existence d'une "iléite sans spécificité". La mère est inquiète de cette troisième rechute. Le malade
pèse 29 kg et mesure 154 cm. Il est en première S. C'est un excellent élève, travailleur,
consciencieux, perfectionniste, réputé même "un peu maniaque" (se lave fréquemment les mains,
vérifie souvent que la porte de sa chambre est bien fermée...). Il est insatisfait de ses notes pourtant
élevées. Dans ses antécédents on relève deux événements importants. D'une part, le décès de sa
soeur, âgée de 15 ans, alors qu'il en avait 12. C'était une jeune fille handicapée, grabataire, sans
langage, dénutrie, à cause de graves difficultés d'alimentation. Elle avait eu une hémorragie
méningée à l'âge de 3 ans et restait confinée à la maison. Après cet événement, le malade s'était
replié sur lui-même : il était auprès d'elle quand elle est décédée brutalement et il se reproche de
n'avoir rien pu faire. C'est, environ, un an après qu'il s'était mis à maigrir et à se plaindre de ses
douleurs ; il était devenu triste et pleurait souvent. D'autre part, l'année suivante, ses parents
s'étaient séparés. Le père abusait des boissons alcoolisées. Le malade vit depuis avec sa mère qui
dénigre en permanence son ancien mari. A l'entretien, le malade est réticent, méfiant, agressif, très
critique à l'encontre des médecins "qui ne comprennent rien". L'examen physique ne révèle aucune
anomalie sauf la présence d'un empâtement douloureux de la fosse iliaque droite.
Question N°1
Quel diagnostic a été posé par les médecins qui ont suivi cet adolescent lors des dernières
hospitalisations, au vu des traitements mis en application? Justifiez votre réponse.
Question N°2
Quels éléments de l'anamnèse et de la symptomatologie peuvent faire remettre en cause ce
diagnostic ?
Question N°3
Quel autre diagnostic évoquez-vous à présent ?
Question N°4
Quel(s) symptôme(s), non signalé(s) dans cette observation, mais éventuellement présent(s) dans
l'affection en cause, serai(en)t susceptible(s) d'étayer cet autre diagnostic?
Question N°5
Quels éléments de personnalité relève-t-on chez ce garçon ?
Question N°6
Y a-t-il une indication à poursuivre le suivi psychiatrique après les deux dernières hospitalisations?
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Question N°7
Quelle mesure immédiate proposez-vous d'adopter en fonction des signes actuels et pour quelles
raisons ? Quelles en sont les modalités de mise en œuvre ? En cas de refus de la part du patient,
quelle attitude doit être adoptée ? Justifiez votre réponse.
Question N°8
Enoncer sans les détailler les principes thérapeutiques de la maladie en cause.
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CORRECTION du Dossier 7 de l’ECN 2008
Q1/
Trouble du comportement alimentaire type anorexie mentale « nervosa » essentielle
restrictive pure de l’adolescent
Arguments :
 Thérapeutique mise en place : isolement en hospitalisation avec séparation familiale,
thérapie familiale, contrat de poids, suivi psychiatrique et pédiatrique
 Terrain : début à l’adolescence (âge compatible)
 Trouble du comportement alimentaire : anorexie, amaigrissement massif
 Hyperinvestissement scolaire (excellent élève, notes élevées)
 Isolement social (repli sur lui-même)
 Absence de plainte psychiatrique (critique à l’encontre des médecins)
 Evolution chronique, avec rechutes (2 hospitalisations)
 Décompensation dépressive : triste, pleure souvent
Q2/
Signes évocateurs d’organicité :
 Signes fonctionnels : douleurs abdominales localisées de la fosse iliaque droite,
itérative, d’évolution chronique par poussées
 Signes physiques : empâtement douloureux de la fosse iliaque droite
 Troubles du transit : diarrhée chronique
 Terrain : sexe masculin (atypique pour une anorexie mentale), âge compatible avec une
maladie inflammatoire chronique de l’intestin (début à l’adolescence, 13 ans)
 Antécédent d’intervention chirurgicale ayant objectivé une iléite à l’examen
macroscopique et histologique d’une biopsie iléale
 Anorexie par perte d’appétit et non par restriction alimentaire volontaire, absence
d’hyperactivité motrice, de pensée obsédante autour de l’alimentation, de
dysmorphophobie
 Inefficacité de la prise en charge psychiatrique (3ème rechute)
Q3/
On évoque une pathologie organique : maladie inflammatoire chronique de l’intestin de type
Maladie de Crohn iléale terminale
Q4/
En faveur d’une maladie de Crohn on recherchera :
 Des signes digestifs :
- Alternance diarrhée – constipation
- Syndrome subocclusif = syndrome de Koenig (borborygmes et débâcle de gaz et de
selles faisant suite à des douleurs intenses et ballonnement abdominal post-prandial)
- Signes rectaux (syndrome rectal avec faux besoins, ténesme, épreintes), syndrome
dysentérique (selles glairo-sanglantes, rectorragies)
- Signes anaux (antécédent de fissure, sténose, abcès ou fistules anales)
 Des signes généraux : fébricule au long cours ; asthénie ; retard de croissance staturopondéral (courbe de croissance) ; retard pubertaire ; pâleur
 Des signes extra-digestifs :
- cutanés (érythème noueux, aphtes, pyoderma gangrenosum)
- oculaires (uvéites, épisclérites)
- rhumatologiques (oligo-arthrite, spondylarthropathie, sacro-iliite)
14 pts
8
2
2+2
19 pts
2
2
4
4
2
5
8 pts
8
24 pts
1
3
3
2+2
2
3+2
3
3
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Q5/
On retrouve des traits de personnalité pathologique :
Anxiété
Eléments de personnalité obsessionnelle compulsive :
 Perfectionniste, consciencieux, méticuleux, ordonné
 Dévotion excessive pour le travail, exigence envers lui-même (insatisfait de ses notes)
 Tendance aux doutes et aux scrupules, rigidité autoritarisme (agressif)
 Compulsions de lavage, de vérification.
Un diagnostic de trouble de la personnalité ne peut être porté qu’en absence de tout trouble
mental avéré. Les éléments doivent être fixes, stables et durables pour parler de trouble de la
personnalité et entraîner une souffrance significative et une altération du fonctionnement
social. Toutefois on ne parle pas de trouble de personnalité chez l’enfant.
Q6/
Oui, C’est un sujet vulnérable avec risque de complications psychiatriques.
 Risque de survenue de trouble dépressif majeur avec risque suicidaire
- Traits de personnalité pathologiques
- Traumatisme psychique familial : deuil pathologique, intense (décès de sa sœur)
- Contexte familial (séparation des parents, alcoolisme paternel)
 Personnalité anxieuse ou obsessionnelle
La maladie de Crohn elle-même nécessite un accompagnement psychologique
(pathologie chronique, composante psychosomatique pouvant favoriser les poussées…)
Il n’y a pas lieu de poursuivre le suivi pour un trouble du comportement alimentaire
Q7/
Hospitalisation en urgence
avec accord parental (autorisation de soins signée) et de l’enfant pour prise en charge
nutritionnelle devant l’amaigrissement massif avec un indice de masse corporelle à 12,2
Kg/m2 (risque vital pour l’enfant).
On privilégiera renutrition ou assistance nutritionnelle par sonde naso-jéjunale (pour mise
au repos du tube digestif lors de la poussée inflammatoire) à débit continu, augmentation
progressive des apports caloriques et prévention du syndrome de renutrition
Bilan diagnostique spécialisé gastro-intestinal nécessaire
Raisons :
 AEG
 Dénutrition sévère + perte de poids > 10% (IMC = à 12, < 17 kg/m2)
 Retard de croissance
En cas de refus de la part du patient (et des parents) malgré les efforts du médecin pour les
convaincre de la nécessité de l’hospitalisation
Décision par le détenteur de l’autorité parentale
En cas de refus de sa part ou de conflit entre les parents, Ordonnance de Placement
Provisoire, plaçant l’enfant sous la responsabilité de l’hôpital après signalement judiciaire
au procureur de la République (ou à son substitut)
Q8/ QUESTION RETIREE (traitement du Crohn = Hors Programme)
Prise en charge de la maladie de Crohn :
Traitement médical :
 Pendant les crises :
- Hospitalisation si poussée sévère
- Traitement anti-inflammatoire par dérivés salicylés (5-ASA)
8 pts
4
2
2
8 pts
4
1
1
1
1
17 pts
4
3
1
3+1
2
3
0 pts
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

- Corticothérapie systémique
- Mise au repos du tube digestif, puis régime sans résidu
- Renutrition entérale en cas de dénutrition
- Rééquilibration hydro électrolytique, correction des carences
- Traitement symptomatique (antalgiques, antispasmodiques)
Entre les poussées :
- Traitement d’entretien par les dérivés salicylés per os
- Corticoïdes topiques
Immunosuppresseurs (azathioprine, méthotrexate) ou biothérapie (anti-TNF alfa)
selon la sévérité de la maladie
Traitement chirurgical en cas de complications (abcès, perforations…) ou d’échec des
traitements médicaux
Suivi en ambulatoire (consultations régulières chez un gastro-entérologue) de l’efficacité
et de la tolérance des traitements, dépistage de l’apparition de complications (digestives,
extra-digestives), communication avec le médecin traitant,
Education du patient et de sa famille sur la maladie, déconseiller l’usage du tabac (facteur
favorisant et aggravant les poussées)
Soutien psychologique (maladie chronique), adhésion aux associations de patients, mise en
place d’un PAI (Projet d’Accueil Individualisé) en milieu scolaire
Prise en charge à 100% au titre de l’ALD 30 (exonération du ticket modérateur)
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ITEM 118 – MALADIE DE CROHN
Définition :
Maladie inflammatoire transmurale qui peut toucher l’ensemble du tube digestif (bouche à anus)
Epidémiologie :
• Incidence = 5-6/100 000
• Sex-ratio = 1
• Maladie du sujet jeune +++ (pic incidence 15-30 ans)
• ATCD familiaux = 10% cas
• Tabac = facteur de risque de MC
Diagnostic positif :
• Clinique :
• Diarrhée chronique
• Douleurs abdominales
• Signes généraux (fièvre, anorexie, amaigrissement)
‣ Formes iléales, iléo-caecales, iléo-coliques droites = douleur FID + diarrhée hydrique
(= syndrome appendiculaire)
‣ Formes coliques G, pancoliques = douleurs abdominales diffuses + diarrhée glairosanglante
‣ Formes jéjunales, étendues grêle = syndrome sub-occlusif + amaigrissement
(malabsorption)
‣ Formes sténosantes = syndrome de König
• Paraclinique :
• Coloscopie totale avec iléoscopie (endoscopie)
‣ Lésions discontinues, hétérogènes
‣ Evolutives : ulcérées, non ulcérées, fistules
‣ Cicatricielles : cicatrices, pseudo-polypes, sténoses
‣ Intervalles muqueuse saine
‣ Atteinte colon ± iléon
‣ Biopsies +++
‣ Inflammation intestinale chronique
‣ Infiltrat lympho-plasmocytaire
‣ Modification architecture cryptique ou glandulaire
‣ Fibrose
‣ Signes activité inflammatoire = infiltrat à PNN
‣ Granulome épithélioïde et gigantocelulaire +++
‣ Fibrose + épaississement paroi
‣ Sclérolipomatose
• Entéro-scanner
‣ Signe du peigne du méso
‣ Epaississement pariétal
‣ Rétrodilatation iléon terminal
• Syndrome inflammatoire (hyperleuco PNN, anémie normo ou microcytaire,
thrombocytose, CRP élevée)
• Hypo-albuminémie
• ASCA ⊕ (2/3 des cas), pANCA -
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Evolution :
• Poussées +++
• AINS = facteurs déclenchant +++
• Arrêt tabac diminue la fréquence
• Diminution espérance de vie
Complications :
Aigues
Subaiguës
A long terme
- Fistules
- Abcès
- Thrombose veineuse profonde
- Occlusions
- Appendicite, péritonite
- Hémorragie digestive - Sténoses
digestives
- Sténoses digestives
- Dénutrition, carence
- Amylose secondaire (AA)
- Cancer (grêle, CCR, anus si LAP)
Manifestation extra-digestives associées aux MICI
Extra-digestives
Maladies inflammatoires chroniques
- Uvéite antérieure
- Erythème noueux
- Aphtose buccale
- Arthrites - polyarthrites
- SPA
- CSP
Prise en charge (bilan initial selon HAS) :
• Interrogatoire
• Examen clinique
• Examen général +++ (rhumatologique, dermatologique, ophtalmologique,
hématologique, HGE)
• Bilan paraclinique +++
• pANCA, ASCA
• Iléo-coloscopie avec biopsies en zone malade et saine
• EOGD
• ± lavement baryté, entéro-scanner ou IRM, VCE (en absence syndrome de
König), écho-endoscopie
• NFS plaq VS CRP
• Ferritinémie
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• Urée + créat
• BH
• Albumine
• B12 + Folates (dénutrition)
• Coproculture
• EPS
• Recherche génotype + activité TPMT
Références = HGE et chirurgie viscérale Zeitoun/Lefevre/Chryssostalis KB 2009, HGE CDU-HGE
Masson 2008
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