Sommaire : droit des contrats Automne 2004 Julien Morissette Cours 2-3 : K et droit des Ks ...................................................................................................... 2 1) Quel est le problème économique ? ............................................................................... 3 2) Quel est le problème juridique ? .................................................................................... 3 3) Les valeurs et le droit des K ........................................................................................... 5 4) Les perspectives professionnelles .................................................................................. 6 Note : Comment utiliser un ouvrage de doctrine ....................................................................... 7 Cours 4-5 : Racines historiques du droit des k ........................................................................... 8 1) Capitalisme mondial et national ; marchand ; industriel et financier (Braudel, Rodrigue) ................................................................................................................................ 8 2) Commerce et production : les échanges-K transactionnels et relationnels .................. 10 3) Libéralisation de l’économie et institution du K (Roderick Macneil) ......................... 11 4) Les K dans l’actualité (p. 33 et suivantes) ................................................................... 12 5) Contrats relationnels et transactionnels en DC et en CL .............................................. 12 Cours 6 : Le K comme instrument de gestion organisationnelle ............................................. 17 1) Les alliances stratégiques privées ................................................................................ 17 2) Les partenariats public-privé ........................................................................................ 19 Cours 7 : Le K comme forme de régulation sociale ................................................................. 20 1) Les caractéristiques du K comme mode de régulation ................................................. 20 2) Ordre public et ordre privé du K .................................................................................. 21 Cours 8 : Liberté contractuelle et idéologies politiques ........................................................... 23 0) Survol historique .......................................................................................................... 23 1) Conception libérale et analyse micro-économique du droit des Ks ............................. 24 2) Conception critique et analyse sociopolitique du droit des Ks .................................... 25 3) Critiques néo-libérale, alter-mondialiste, écologiste, transformiste ............................. 28 Cours 9 : Les morales antinomiques du Droit des K................................................................ 29 1) Syndromes moraux du commerce et de la politique ................................................... 29 2) Morales de l’obligation et de l’aspiration .................................................................... 29 3) Règle de droit comme mesure d’autorité ou de discrétion ? ........................................ 32 Cours 10 : Science du droit et traditions juridiques : les approches du droit des K ................. 34 Cours 12 : Évolution générale du droit des K .......................................................................... 38 1) La doctrine classique .................................................................................................... 38 2) Les transformations des pratiques, des règles et de la doctrine au 20e s. ..................... 38 Cours 11 : Droit des K et traditions juridiques d’Occident ...................................................... 39 Module C : Transformation des K et du droit des K ................................................................ 42 1) Esser, « Institutionalizing Industry : The Changing Form of Contract », p. 501 ......... 42 2) Thibierge, « Libres propos sur la transformation du droit des contrats », p. 514 ........ 44 Module B : La création polycentrique du droit des K .............................................................. 46 1) Glenn, « A Transnational Law of Contract », p. 483 ................................................... 46 2) Lebel, « La mondialisation : une hypothèse économique galvaudée aux effets dramatiques », p. 489 ........................................................................................................... 47 3) Synthèse : progression ou régression ? ........................................................................ 48 4) Les enjeux de la transnationalisation du droit des Ks .................................................. 49 2 7 septembre COURS 2-3 : K ET DROIT DES KS Provigo c. A.R.G : k de franchise, convention d’affiliation Un K est un document liant 2 parties avec droits et obligations pour chacun qui est valide et reconnu et pour lequel on peut demander l’assistance technique de la cour pour - force obligatoire en droit (CCQ 1458) - enforceability (CL) Il faut savoir distinguer le law in K du law about K (droit des Ks) law in : clauses dans le K d’affiliation, ce sur quoi ils se sont entendus law about : vient de l’État (système politique), règles générales qui s’appliquent à tous les K pour qu’ils soient valides. Le droit des Ks se produit à deux niveaux, l’interaction entre ces niveaux étant parfois problématique (distinction de Fuller): 1- niveau des parties – law in 2- niveau des lois – law about Le contrat met en jeu des acteurs du domaine économique et du domaine juridique, ces joueurs s’interpellent. Niveau économique : vision monétaire, K en tant qu’instrument ayant comme but le profit, diminution des coûts, rationalité instrumentaliste, recherche de rentabilité Niveau juridique : règles, validité, obligations (-) et droits (+) [rights and duties], rationalité de valeur juridique * on doit connaître les intérêts économiques et les règles de droit Sphère juridique, activités purement juridiques Sphère économique Activités purement économiques Activités mixtes économique et juridique. Ex. la rédaction d’un K pour le faire utile et valide, règlement d’un problème au cours de l’exécution d’un K Contexte: état du droit des contrats Contrat de vente Contrat de franchise (ou de société) Acte juridique Échange (transfert de ressources) Organisation (mise en commun de ressources) Acte économique Contexte: état du marché (offre, demande...) 3 Questions concernant Provigo c. ARG : 1) Quel est le problème économique ? A.R.G (marché conventionnel, service personnalisé et prix élevés) voit son volume de vente diminuer suite à la concurrence des magasins à escomptes (moins de service, prix plus bas) et craint de disparaître [baisse de profit et perte de marché]. Il est dans l’incapacité de compétitionner car il est obligé d’acheter à $ fixé par Provigo, et ce $ est plus élevé que le $ payé par les magasins Héritages de Provigo. Selon Provigo : il s’agit seulement d’une façon de s’adapter aux nouvelles conditions du marché et de répondre à l’attaque des concurrents (Loblaw) par la stratégie de segmentation du marché. Le problème économique est que la stratégie de prix EDLP (everyday low prices) de Provigo pour ses magasins à escomptes diminue le volume de vente des magasins conventionnels opérés par les franchisés Gagnon (ARG). Rationalité économique : 1. Mise en commun des ressources / compétences respectives différentes. Maximisation des profits. 2. Limiter la concurrence entre les parties par une stratégie de coopération. Si cette raison domine, le but ultime de Provigo est d’éliminer ARG. Avantages économiques pour ARG : expertise, nom, coûts, éviter concurrence, MAIS manque de réciprocité Avantages économiques pour Provigo : économie d’échelle, augmentation des parts de marché, agglomération du pouvoir d’achat, stratégie de distribution, économie de gestion, diminution des coûts administratifs, expertise locale, sommes des avantages acquis qui donne avantages économiques globaux. Peut-on concurrencer Loblaw sans qu’il y ait de dommages collatéraux pour les franchisés ? ARG avait proposé des solutions qui ont été refusées par Provigo soit parce que : 1. Provigo veut que ARG disparaisse 2. Provigo désire la segmentation du marché et veut que l’avantage des magasins à escomptes reste. 2) Quel est le problème juridique ? Rien dans le K n’indique que Provigo n’a pas le droit de concurrencer ARG [law in]. Est-ce que des obligations peuvent exister même si elles ne sont pas explicites (aucune clause n’indique une obligation d’assistance technique)? Les obligations non-écrites dans le K font partie des obligations implicites qui viennent du Droit des Ks [law about], ces obligations implicites n’ont pas été respectées. Rationalité juridique : 1. Clarté, précision et durabilité du contrat. 2. Protection des intérêts de chacun; en cas de manquement d’une partie. Assurance juridique, importante pour la partie plus faible. Définition du contrat de 1932 (ÉU, p. 506). “Contract is the set of promises in the breach of which a remedy exists or will be found by a court of law.” Provigo dispose aussi de moyens de pression économiques, extra-judiciaires. 4 3. Pour la partie plus forte, question d’asseoir son pouvoir. Mais surtout, Provigo ne peut pas agir dans l’illégalité par besoin de légitimité. Le problème juridique est que ARG prétend que Provigo avait l’obligation de ne pas concurrencer ses franchisés ou l’obligation de fournir de l’assistance technique à ses franchisés même si la convention d’affiliation ne contient aucune mention explicite de ce sujet. 9 septembre La Cour d’appel du Québec conclut : 1. La responsabilité de l’appelante ne peut être contractuelle (pas dans le K), les dommages réclamés par l’intimé ne sont pas directs ou prévisibles. La libre concurrence de l’appelante devait être faite de bonne foi (arts. 6, 1375 et 1434) en raison de la nature du contrat et de l’équité, Provigo avait une obligation implicite de collaboration et d’assistance technique et commerciale, elle a manqué à cette obligation. Cela entraîne la responsabilité contractuelle (obligation implicite d’assistance technique) du franchiseur (art. 1458). - Le franchiseur peut faire concurrence à ses franchisés pour le bien du réseau - Le franchiseur doit aider son franchisé, mais le franchisé doit s’aider luimême…le marché implique des risques. L’obligation du franchiseur se termine à l’obligation du franchisé de s’aider lui-même. - Provigo a manqué parce qu’il n’a rien fait, a traité le franchisé comme si c’était un étranger. Il est donc fautif et responsable d’avoir manqué à l’obligation de collaboration. - Provigo a manqué à l’obligation de collaboration mais sa faute n’est pas d’avoir concurrencé. 2. La réclamation pour le magasin de Cowansville a été rejetée car il n’y a pas de lien de causalité. Le juge a accepté l’évaluation des experts sur les pertes avec une réduction de 10% (impondérables) mais il a refusé les dommages futurs. Dispositif : - ARG demandait 19 M mais reçoit environ 2,4 M - N’inclut pas le marché de Cowansville - N’inclut pas les dommages futurs (seulement pour la période 1990-1993) - Pas de dommages exemplaires - Pas d’injonction permanente 3. Le juge a établi un équilibre, Provigo a le droit de faire concurrence, mais avec certaines limites (celle de l’absence de profit pour ARG) et ARG reçoit des dommages. ARG a probablement aussi gagné un certain pouvoir de négociation. Raisonnement 1- y a-t-il un K ? entente, accord ? 2- est-il valide ? 3- quel est son contenu obligationnel ? 4- est-ce qu’il y a manquement à une obligation ? Breach of K ? Justifié ? 5- quel est le dommage, quelle compensation ? 5 Force obligatoire d’un contrat en DC (enforceability of contract en CL) : 1458. Toute personne a le devoir d'honorer les engagements qu'elle a contractés. Une personne qui manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu'elle cause à son cocontractant et est tenue de le réparer. 1590. L'obligation confère au créancier le droit d'exiger qu'elle soit exécutée entièrement, correctement et sans retard. Lorsque le débiteur, sans justification, n'exécute pas son obligation et qu'il est en demeure, le créancier peut : 1. Forcer l'exécution en nature de l'obligation; 2. Obtenir, si l'obligation est contractuelle, la résolution ou la résiliation du contrat ou la réduction de sa propre obligation corrélative; 3. Prendre tout autre moyen que la loi prévoit pour la mise en oeuvre de son droit. 3) Les valeurs et le droit des K 1) de justice, loyauté : droit est connecté sur cette valeur, même si techniquement bon, il doit aussi être juste réciprocité, équilibre sens de justesse de la règle qu’il ne faut pas oublier droit de l’un s’arrête où obligation de l’autre commence justice n’est pas synonyme de charité 2) d’efficacité : survie « business efficacy », argument plus économique d’utilité, il faut maximiser les avantages pour les deux parties, but : faire du profit franchiseur peut concurrencer à l’intérieur de certaines limites 3) de liberté : liberté de concurrence, de contracter. liberté du K de franchise qui est innommé, sans article car création contractuelle du 20e siècle, seules règles générales s’appliquent 4) d’ordre : règles du jeu en matière économique, principes de base respectés, bonne foi (1375) et loyauté (pas utile économiquement que le franchiseur écrase ses affiliés) doit exercer son pouvoir de façon légitime, de bonne foi, même si supérieur a) ordre interne : ordre privé du système de franchise, le franchiseur a + de pouvoirs mais on l’empêche d’installer un ordre tyrannique par l’obligation d’assistance b) Libre-concurrence : si on réduit l’efficacité de Provigo, Loblaw prend tout le marché il faut donc favoriser le jeu de l’offre et de la demande. Dans ce K, il y a asymétrie de pouvoir alors la franchise est là pour protéger l’abus de droit, mais c’est normal qu’il y ait une hiérarchie de pouvoir. Une entente peut exister sans nécessairement être un K. 6 K peut être valide du point de vue économique (ou juridique) sans l’être du point de vue juridique (ou économique) ex. K entre Hell’s Angels pour la vente de drogue est valable économiquement sans l’être juridiquement. 4) Les perspectives professionnelles étapes de la vie du K et expertise des juristes 1- stratégie contractuelle : détermination de la stratégie d’entreprise, adoption de franchise, etc., le juriste est alors un conseiller d’affaire (rain maker), degré d’implication minime 2- rédaction du contrat-type : (qui contient des blancs) le juriste est alors un rédacteur, niveau d’implication assez important 3- Négociation du contrat spécifique : le juriste est un négociateur, niveau d’implication moyen 4-Administration de problèmes : médiations par modes alternatifs, tentative d’éviter le procès, le juriste est alors un facilitateur, niveau d’implication moyen 5- Procès contractuel sur l’interprétation : le juriste est alors un avocat-plaideur (litigator / hired gun), niveau d’implication extrême. ______________________________________________________________________ 7 14 septembre NOTE : COMMENT UTILISER UN OUVRAGE DE DOCTRINE 1. Table de jurisprudence (ex. Provigo c. Supermarchés ARG et Supermarchés ARG c. Provigo) 2. Index alphabétique (ex. franchise, bonne foi, coopération, loyauté, obligation implicite) 3. Table des matières 4. Table de législation (ex. arts. 1375 et 1434, Loi sur la concurrence) 8 COURS 4-5 : RACINES HISTORIQUES DU DROIT DES K 1) Capitalisme mondial et national ; marchand ; industriel et financier (Braudel, Rodrigue) A. Rétrospective historique (vient de Braudel) - Économie-monde: Espace géographique et économique relativement autonome avec sa propre logique interne. Il évolue très lentement. Inclut une ville centre, les provinces (métropole) et les colonies. Elle a un type dominant d’économie: capitalisme partir du 15e s. en Europe, qui remplace le féodalisme. - Début de l’État moderne : se met en place en Angleterre au 16e - 17e s. La bourgeoisie marchande prend le contrôle de la culture politique, la CL prend un biais fortement commercial et libéral. Ce droit est par et pour les commerçants. - France avant 1789 : enflure politique et centralisatrice, pas commerciale. Le DC est proche de la tradition du droit Romain (concepts) et Canonique (morale). - Indépendance des colonies américaines : ÉU (raisons endogènes), Amérique latine (raisons exogènes : faiblesse des métropoles) dont les droits vont se différencier. Le droit canadien va rester plus proche de celui du RU. - ÉU dépassent l’Europe : État impérial du 20e s. avec pour centre New-York. Dans les années 60, Gilmore y proclame la “death of the common law of contracts” à cause de la specialisation à outrance. - Modèle des ÉU : Plus l’État libéral du 19e s. Secteur privé oligopolistique, que l’État régule beaucoup (FTC, SEC, FCC…), mais pas autant que dans le capitalisme public européen (France). Modèle de capitalisme financier. Le droit des contrats devient de plus en plus inséparable du droit administratif (moins du droit privé). ______________________________ 16 septembre B. Sources du droit des K 1- Racine française, branche des K civils Valeur de centralisation politique - législation uniformisante, superposant raison des lumières, droit Romain et droit Canon - aspect conceptuel plus développé (ce sont des professeurs qui ont rédigé le code) - matérialisé par Code Napoléon (1804) = ancêtre du CcBC et du CcQ - approche morale du K (K = engagement moral, promesse) - primauté de la religion et du politique - influent au Québec surtout sur les Ks civils (ex. immobilier), les règles des Ks commerciaux viennent de la CL 2- Racine anglaise, branche des K commerciaux et administratifs (partie est État) Valeur de commerce - droit commercial et libéral, voulu par les commerçants - pas de considérations morales comme en droit français - beaucoup d'influence sur les Ks administratifs (droit public), commerciaux et initialement d’assurance au Canada anglais et au Québec 9 3- Racine américaine, branche des K de travail, de consommation, de valeurs mobilières Valeur de capitalisme corporatif organisé - adoption en 1952 du Uniform Commercial Code par tous les états (sauf Louisiane) - grande influence sur les Ks de travail (syndicats, loi Taft-Hartley), le droit des valeurs mobilières, le droit de la consommation (ex. loi sur la protection du consommateur) et le développement des Ks d’assurance L’influence européenne régresse progressivement, l’influence des ÉU s’accroît. C. Rodrigue : Mondialisation (Analyse des tableaux) Fig. 1.1 : trois nouveaux pouvoirs face au pouvoir politique - Pouvoir industriel grandes entreprises, souvent monopolistiques, qui peuvent imposer leurs Ks création de Ks type d’adhésion partout dans le monde, affirmation du law in diminution de l’influence de l’État, moins de law about les Ks ne tiennent souvent pas compte des différences, même quand polyglottes - Pouvoir médiatique délocalisation et dépersonnalisation communication différente, plus distance, électronique article 41 de la loi sur protection du consommateur - Pouvoir financier/banquier financement devenu l’aspect dominant de la pratique contractuelle beaucoup de Ks commencent et finissent dans une banque nécessite l’approbation des fonds par banques chacun des K se double d’un K de financement, la distinction s’estompe Affaiblissement du contrôle étatique / politique des contrats. Fig. 1.3 : croissance de l’État - Les dépenses gouvernementales croissent : l’État est devenu gérant d’hôpitaux et d’écoles, réparateur de routes. Il génère des produits et services pour les citoyens, « contracting State », mais légifère moins qu’au milieu du 20e s. - Les commerçants, peu importe leur emplacement, peuvent choisir leur régime de droit, à l’exception de certaines lois impératives (art. 3111 CcQ). Même les lois impératives tendent à s’uniformiser par négociation entre pays. Les contraintes sont de plus en plus coûteuses pour les États. - Le droit transnational, non adopté par un État ou dans un traité, se développe énormément : Unidroit, lex mercatoria… Fait appel à des arbitres privés en cas de litige. 10 Fig. 1.7 : Divergence entre les différents types d’espaces dans une économie mondiale La mondialisation amène un phénomène de divergence: les espaces de l’entreprise, des médias et de la finance sortent de l’espace national, politique. Mène à une pratique contractuelle : 1. Délocalisation des Ks, il n’y a plus de convergences entre le lieu du K et le droit qui s’y applique (art. 3111 CcQ). 2. K courtepointe : une partie du K est régie par un droit national différent. 3. K polyglotte : un contrat-type adapté à plusieurs droits nationaux. Fig. 4.11 : L’impact des multinationales sur le commerce international - Croissance des contrats internationaux, intra-firmes et inter-firmes. - Les échanges intra-firmes obéissent maintenant aux lois internes des multinationales plutôt qu’aux lois d’États. - La logique de la coopération prime sur celle de la concurrence. - Étude de 1994: entre les ÉU et le Canada, 70% des échanges trans-frontaliers se font dans des multinationales (40%) ou avec des contrats de licence (30%). Seul 30% représente le commerce ‘ancien’. D. Conclusion Avec la modernité, l’ensemble de la culture et de la structure sociétale occidentale s’‘économise’. L’influence de la religion décline. Ceci mène une ‘économisation’ de la vision du K. Très différent de l’idée du ‘berît’. La mondialisation de l’économie qui s’accélère depuis 2 ou 3 décennies amène une conception juridique du K de plus en plus détachée des droits nationaux. Le lien entre contrat et droit étatique se dissout progressivement. Ex.: lex mercatoria, règles d’Unidroit. _________________________________ 21 septembre 2) Commerce et production : les échanges-K transactionnels et relationnels Ian Macneil : théorie relationnelle du K Élaborée par Ian MacNeil à partir des années 1970 (The New Social Contract, 1980). La pensée juridique est assez réticente à adopter cette théorie, nonobstant son réalisme. K transactionnel (discrete exchange) K relationnel échanges de biens ou services (ressources) échange droit de propriété, usage de la chose = transfert le contrôle sur une ressource qui existe déj (réallocation) création de ressources, coopération et collaboration se poursuit aprs le K ponctuel relation long terme 11 ex. K de vente ou de louage ex. K de travail, industriel, ou de franchise, création d'une société marchand individuel dans un contexte d'offre et de demande économie industrielle, économie de service (ex. R&D) Braudel : capitalisme commercial Braudel : capitalisme industriel / financier Elle affronte la vision classique (transactionnelle, “discrete”) du 19e s. Théorie de common law américaine, alors les civilistes, common lawyers anglais, classiques l’appliquent peu. Intérêts T: intérêts individuels, rapprochés dans un régime contradictoire. Chacun veut K mais chacun cherche max de profits. Forme adoucie de concurrence R: intérêts individuels Intérêts communs : entreprise produit ce pour quoi elle existe afin d’avoir des profits donc ça nécessite coopération des travailleurs Intérêts collectifs : syndicat Valeurs T: respect du K tel quel, exécution selon les terms and conditions, insiste sur fixité du K, respect intégral. R: importance de la continuité de la relation, insiste sur flexibilité pour atteindre productivité maximale, plus de souplesse, révisabilité du K, même régulièrement. 3) Libéralisation de l’économie et institution du K (Roderick Macneil) « Relational norms » : 1- common norms : (relationnelles + transactionnelles) ex: réciprocité 2- discrete norms : 1. Implementation of planning (réalisation de la planification); 2. Effectuation of consent (respecter le consentement exprimé). Les « expectation interests » devront être satisfaits. Un tel contrat est divorcé de son contexte. 3- relational norms : 1. Role integrity : chacun doit réaliser son rôle, même si les exigences précises ne sont pas prévues dans le K. Choses non écrites sont implicites. 2. Preservation of relation : norme de flexibilité, la relation est plus importante que le contrat. 3. Harmonization of (relational) conflict : resolution à l’amiable des conflits, arbitrage de griefs, ex: norme du travail. 4. Propriety of means: devoir d’employer les moyens appropriés pour atteindre les objectifs, ex : Provigo et ARG = assistance technique. 12 5. Supra-contracts norms : on ne peut pas tout écrire, il faut pouvoir compter sur la bonne foi de l’autre, ne pas se cacher derrière ce qui est écrit dans le K. Les « reliance interests » devront être satisfaits. 24 septembre L’évolution au 20e s. du ‘law about contracts’ (jugements, lois) a eu pour effet de ‘relationnaliser’ la plupart des contrats. Voir art. 116 de la Loi sur la protection du consommateur (1978): lorsqu’il y a des liens entre vendeurs et prêteurs (ex. automobile), le consommateur pourra opposer au prêteur d’argent les fautes du vendeur. Absence d’influence de la théorie de Macneil : 1. Baudouin et Jobin : Abordée indirectement dans la distinction entre contrat à exécution instantanée et contrat à exécution successive (qui ressemble au contrat relationnel, car il dure dans le temps) et dans la catégorie des contrats ‘civils et pour les fins d’une entreprise’. 2. Swan, Reiter & Bala : Théorie de CL, mieux représentée dans ce livre. L’index inclut ‘relational contracts’ et ‘transactional contracts’ (pp. 1008-9) et on en discute aux pages 151, 276, 629, 928. En revanche, Waddams (équivalent de Baudouin et Jobin en Ontario) ne mentionne Macneil qu’en introduction. 4) Les K dans l’actualité (p. 33 et suivantes) Ks relationnels sont de + en + fréquents et nombreux dans l’actualité, ils ont plus d’impact économique et social et ils sont plus structurants. Même les contrats typiquement transactionnels (vente) deviennent relationnels, à cause de la croissance des services. L'économie aujourd'hui est une économie d'organisations où l'État intervient beaucoup. Les Ks d'entreprise sont moins nombreux, mais plus importants (contrats macro-économiques et macro-politiques). Les tiers affectés par les contrats d'organisation sont beaucoup plus nombreux. Ex. utiliser une carte de crédit est transactionnel, mais il y a un monde immense de contrats organisationnels pour que ça fonctionne. Beaucoup de petites disputes se règlent devant les tribunaux. Alors que beaucoup de macrodisputes se règlent un niveau plus politique ou d'affaire. Dans les journaux : Transactionnel : 5, 7, 11, 12, 14, 15, 18, 20, 23 Relationnel : 1,2,3,4,6,8,9,10,13,16,17,19,21,22 28 septembre 5) Contrats relationnels et transactionnels en DC et en CL Les K nommés du CCQ : 13 Ks TRANSACTIONNELS : 1- transfert de droit de propriété ou transfert de droit réel (usage ou fruits ou hypothèque) * vente (1708) : propriété et paiement en argent, transfert essentiel et réciproque * donation (1806) : K à titre gratuit car pas contre-partie en échange ou retour du transfert de propriété (par acte notarié 1824) * échange (1795) : pas de paiement en argent, paiement en nature onéreux * prêt simple (2314) : reçoit droit de propriété mais incapable de retourner les mêmes avec obligation de retourner même type, échange différer dans le temps * pari (2629) : transfert de propriété conditionnel (si gagne) * usufruit : a le droit aux fruits de la chose, pas seulement usage 2- transfert du droit d’usage ou jouissance d’un bien * louage (1851, 1892 pour loyer) : locateur rend usage possible et accepte usage de son bien pour le temps prévu, locataire doit payer un prix de loyer en argent, K à exécution successive car chaque mois paiement et jouissance * transport (2030) : réserver espace pour une personne ou une chose, transfert d’usage, transporteur doit transporter d’un endroit à un autre (peut donner un sens différent du sens commun, y a-t-il une définition juridique différente, restreinte ou étendue?), client doit payer un prix en argent généralement, K à titre onéreux * affrètement (2001) : location d’un navire, seule différence avec louage est le fait que ce soit un bateau servant à la navigation commerciale (influence de CL) * crédit-bail (1842): louage avec option d’achat, aussi K de prêt, propriétaire est la banque * dépôt (2280) : obligation de garder sans possibilité d’utiliser, transfert de détention, K à titre gratuit habituellement, mais parfois onéreux comme stationnement. (respecter un règlement municipal) Exception à cette catégorie. * prêt à usage (2313) : prêteur doit remettre la détention et lui laisser jouir du bien, emprunteur doit remettre la détention après un temps X (gratuit ou $) * rente (2367) : donation à charge, aussi longtemps que les personnes sont en vie donne une rente en usage, pas de loyer à payer, plus long que prêt [Une fiducie donne lieu à une relation pas tout à fait contractuelle, relation juridique spéciale.] 3- transfert du contrôle sur une habilité manuelle ou intellectuelle * contrat d’entreprise ou de service (2098) : travail pour client où il n’y a pas de lien de subordination (2099 vs 2085) ne dirige pas la façon de faire * transport (2030) : transfert aussi une habileté en ce qui a trait au conducteur (mixte : louage d’espace et de service) 4- transfert d’un risque * assurance (2389) : risque de faute transférer à titre onéreux et exécution successive * cautionnement (2333) : quelqu’un qui est prêt à prendre un risque généralement à titre gratuit de non remboursement de l’emprunt 1382 : K aléatoires plutôt que commutatifs : la contrepartie est inconnue pour un assureur. 5- transfert de droit d’action en justice * abandon ou vente d’un droit de poursuite (2631) : règlement hors cour en matière pénale, « ambulance chasing » * convention d’arbitrage (2638) : exclusion de tout tribunal étatique, les deux parties abandonnent leur droit de recours en justice 14 T car transfert d’une propriété, d’un usage ou d’un risque, plus un K de transfert qu’un K de coopération. Il y a quand même une coordination mais pas de coopération dans un but commun, chacun recherche intérêt individuel Ks RELATIONNELS : * de travail (2085) : à titre onéreux, lien de subordination, relation contractuelle, salaire * mandat (2130) : différent d’un contrat de service (qui a un objet matériel) => demander quelqu’un d’autre de conclure un acte juridique (souvent une vente) en notre nom. * de société et d’association (2186) : relation de coopération, but commun plus évident, pas d’intérêt individuel précis retiré, partage des profits * à fin d’entreprise (1525.2-3) : près de la notion de K R, K de toute sorte de nature, catégorie plus générale * mariage (365) : pas un contrat nommé, mais une forme de contrat relationnel. Pourquoi plus de contrats T que R dans le CcQ ? 1. Raison historique : Le CCQ est plutôt tributaire de l’économie du 19e siècle, économie d’échange et de marché que l’économie du 20e siècle. Vieille armature qui vient du droit romain (Code Justinien), formulée plus clairement au 19e siècle. 2. Raison structurelle : Vision anthropomorphique du CcQ: bâtit sa structure sur les personnes physiques (même s’il y a des personnes morales). Plus important pour les êtres humains : droits fondamentaux. Plus important pour les entreprises : rentabilité et utilité stratégique (on peut la détruire au besoin). Une entreprise n’est pas intéressante à cause de son patrimoine, mais à cause de ses profits, ses parts de marché, son potentiel de croissance. 3. Si les entreprises avaient écrit le CcQ : Structure du style : 1. Des entreprises; 2. Des groupements d’entreprises; 3. Des réorganisations / fusions / liquidations; 4. Des actifs et du capital; 5. De la stratégie, des pouvoirs (économiques, juridiques) et des obligations de l’entreprise. Code relatif aux contrats de Chine populaire: les entreprises sont très présentes (art. 2). Ceci est trs différent de l’optique traditionnelle du CcQ. Tout ce qui concerne les rapports personnels (mariage, adoption...) est explicitement exclu du code, tout comme le contrat de travail. Ici, il y a 8 contrats relationnels sur 15: construction, service public, R&D, crédit-bail, agence / concession commerciale, intermédiaire... Qualification d’un contrat en DC, méthode d’analyse 1. Lire, relire et interpréter (1425 et suivants) les stipulations (‘provisions’) du contrat, le law in. 2. Law of contracts. Il faut qualifier (‘characterize’) le contrat. Essayer de trouver le contrat nommé applicable: qu’est-ce que chaque partie avait comme obligations et comme droits? 15 Permet de déterminer l’objet juridique du contrat (1412), l’opération juridique que les parties voulaient effectuer. S’il n’y a pas toujours de correspondance avec un des 22 contrats nommés: contrat innomé. 3. Si contrat nommé, voir les règles spéciales qui s’appliquent. La présomption civiliste est que les parties connaissent le droit et consentent son application sauf mention explicite ayant effet contraire. 4. S’il n’y a rien de spécifique dans le CcQ, il y a les règles générales (1377-1456) s’appliquant tous les contrats, nommés ou non. 5. Quel est le contenu implicite du contrat, son but, sa rationalité économique, sa nature (1434). 6. Faute d’autre chose, il faut regarder les usages (très fort en CL, mais même en DC). Si les parties n’ont pas fait de stipulations, elles voulaient normalement se référer aux usages. La logique n’en est pas une de promesse (promisory), mais une de fiabilité (reliance). 7. Sans usages (courant dans des domaines de pointe), l’équité est la valeur prépondérante (1434). 30 septembre La catégorie relationnelle est une catégorie cognitive mais non normative en droit québécois (pas mentionnée dans le CcQ). Existence et importances des contrats nommés 1. Quasi-inexistence de ces catégories en CL : - DC a un style plus canonique car la doctrine a beaucoup plus d’influence sur le système. La doctrine crée des catégories (ex. vente, achat...) et le législateur les récupère en partie. - Aspect religieux catholique: guide de conduite pour les ‘bons contractants’ avec des ordres et conseils. La mentalité religieuse est restée plus influente en DC qu’en CL. 2. Diminution de leur importance : - Liberté contractuelle et libéralisme ont renversé la règle de droit Romain comme quoi les seuls contrats reconnus par le droit étaient les contrats nommés. - De nouveaux contrats peuvent être inventés, les parties peuvent écarter presque toutes les règles (supplétives) du CcQ. - Pratique des textes contractuels a beaucoup changé. Plus détaillés et sophistiqués, de nombreuses règles étant écartées. La liberté contractuelle est plus utilisée. - Liste des contrats nommés est restée traditionnelle et n’a pas suivit l’évolution de l’économie (ex. rien sur la R&D). Common law : test d’enforceability Pas de contrats nommés en CL, que des règles générales (sauf pour le droit législatif). Pas d’exercice de qualification. Plutôt une checklist avec un test d’enforceabilitiy. 16 Approche micro-juridique: le départ est la promesse invoquée (art. 1373 CcQ : objet de l’obligation), pas la nature du contrat (art. 1412 CcQ : objet du contrat). Pas d’analyse complète, on ne fait que répondre au problème spécifique. Checklist du test d’enforceability, pour que le tribunal accorde sa protection : 1. Il y a-t-il un dommage (damage) subit par le demandeur? 2. Il y a-t-il un remède (remedy) que le tribunal peut donner en vertu des règles de droit? 3. Il y a-t-il eu considération (consideration, le demandeur a-t-il payé quelque chose en échange, si non c’est une promesse sociale non-enforceable)? 4. Il y a-t-il eu bris (breach) de contrat? 5. Si oui, il y a-t-il une excuse? 6. Le demandeur a-t-il été juste et raisonnable (fairness / reasonableness)? 7. Le demandeur recherche-t-il un remède qui serait illégal (illegality)? Les règles invoquées par les tribunaux de CL sont toujours plus micro-juridiques que les règles de DC : McKinley Motors v. Honda par rapport à Provigo c. ARG. Une règle de CL est agrémentée des faits: plus une décision qu’une règle de droit au sens du DC. La distinction T / R est utilisée en CL à l’intérieur de la checklist. Voir SRB, pp. 151, 276, 629, 928. Joue un rôle notamment en matière de fairness. 17 COURS 6 : LE K COMME INSTRUMENT DE GESTION ORGANISATIONNELLE Textes : Reve et Auditor General of Canada 1) Les alliances stratégiques privées Avec industrialisation sont venus les K R. Ce sont les organisations qui sont les acteurs contractuels les plus importants. Dans une économie concentrée en organisation, on voit apparaître une nouvelle figure du K, le K organisationnel où le K devient un outil de gestion qu’une organisation se donne. Au 19e siècle, celui qui fait le plus de K est l’entrepreneur. Maintenant, c’est une firme souvent de grande ampleur avec les problèmes suivants : - positionnement, dans quel créneau l’entreprise doit produire ? - beaucoup plus de K nécessaires pour fonctionner, être essentiellement contractuel implique des coûts de transaction plus élevés (+ de K = + de coûts) firme veut réduire ses coûts de transaction ; - une firme a des employés ce qui encourt des coûts administratifs (pour gérer le personnel et s’occuper des K de travail) et des coûts d’agence (comment m’assurer que mon représentant va bien me représenter, le « principal » doit s’assurer que « agent » fait bien son rôle pour que tout ce fasse de façon maximale). Contracts = f (skills, incentives) La firme est un « nexus of contracts » qui peut adopter… 3 stratégies : 1. Intégration – internaliser le travail d’un tiers considéré comme excellent dans son domaine en lui donnant un K de travail « internal K » devient salarié au lieu de fournisseur. Valeur : hiérarchie. Avantage : diminution des coûts de transaction (CT$). Inconvénient : augmentation des coûts d’administration (CA$) avec des coûts d’agence (CAg$) pour s’assurer qu’il continue de se forcer. On ne peut jamais tout internaliser. Pour les ressources spécifiques et cruciales. Contrats internes = f (core skills, incentives) 2. Alliance stratégique – fournisseur privilégié ou unique, K à long terme avec garantie d’un pourcentage d’activités et financement, développement d’un partenariat. Juridiquement deux entités différentes mais dépendantes. Valeur : coopération / collaboration. Avantage : diminution de CT$, moins cher en CA$ que K d’emploi. Inconvénients : - CAg$ ; - Partage des profits (financier) - Nécessite confiance à tous les échelons des deux entreprises. Pour les ressources complémentaires. Contrats d’alliance stratégique = f (complementary skills, inter-organizational incentives) Alliance stratégique : 18 1) avec un fournisseur particulièrement important, ex. « just in time » pour éviter le stockage 2) avec un client, ex. pour faire recherche et développement dans domaine commun 3) avec un compétiteur, pour s’entraider pour diminuer les coûts et augmenter les ressources et l’efficience 4) avec un compétiteur dans un autre marché qui pourrait faire concurrence, ex. pour diversifier les activités 3. Stratégie de marché – achat sur le marché à celui offrant le meilleur prix, K transactionnel. Valeur : réciprocité (« give and take »). Avantage : Réduction des CA$, les CAg$ sont selon le marché avec des sanctions commerciales. Inconvénient : Augmentation des CT$. Pour les ressources peu spécifiques. Contrats de marché = f (ressources standards) L’entreprise qui choisit le meilleur mélange des 3 stratégies va être la plus efficiente. Frontières organisationnelles des entreprises mouvantes : - 1920 - 50, stratégie agressive d’intégration. - 1970- aujourd’hui, sous-traitance avec ou sans partenariat, « intrapreneurship » avec la création de nombreuses quasi-firmes en détachant des ressources de grandes entreprises. 5 octobre Utilité pour les juristes : - Permet de déterminer la nature des obligations. Ex., l’obligation de loyauté est plus forte dans le K de travail. Dans le partenariat, c’est l’obligation de collaboration. Dans le K de marché, c’est l’obligation de réciprocité (ex. l’art. 5.6 d’Unidroit qui prévoit une qualité moyenne d’un produit faute d’autre stipulation). - Esser (pp. 506-13): permet de savoir comment rédiger un contrat. Ex. dans le K de marché, tous les termes de l’échange sont spécifiés. Alors que dans les autres types on caractérise le partenariat et le moyen de régler les conflits. 5 octobre - Tendance à la médiation – pour que celle-ci soit fructueuse, il faut comprendre la logique économique du K. - Évaluation de l’intérêt public en cause. Ex. moins présent dans un litige sur un K de marché. Exemples d’alliances stratégiques : 1. Rapprochement des Pharmacies Jean Coutu et des médecins Jean Coutu offre de l’argent et des loyers favorables à des médecins pour qu’ils s’installent près des pharmacies. C’est une alliance stratégique. Avantage pour Jean Coutu : se rapprocher de la clientèle. Avantage pour les médecins : effet de proximité, surtout argent. Moyens de contrôle non-écrits pour Jean Coutu : - Varier le loyer en fonction de la rentabilité des ventes. - Faire passer les patients par l’allée des médicaments. 19 - Menacer de résilier le bail unilatéralement. Illégal : Forcer la prescription des médicaments les plus chers ou en stock, ou que le pharmacien contrôle les ordonnances. 2. Entente entre Loblaws et les médecins Pas une alliance stratégique pour Loblaws. C’est plutôt du repositionnement concurrentiel : le créneau est élargie à l’alimentation plus la santé. Même stratégie que Jean Coutu qui a beaucoup élargi son créneau à partir de 1970. 3. Prochaine étape Alliance stratégique entre Loblaws et Jean Coutu qui seront devenus identiques. Ces regroupements sont de + en + permis par les ordres professionnels. 4. Problèmes d’intérêt public - Gouvernement obligé de négocier avec de gros cartels. - Réduction de la concurrence et de la qualité des services, en visant plutôt le profit. 2) Les partenariats public-privé Texte Auditor General of Canada Efficience et/ou intérêt public ? Le gouvernement fédéral, sorte d’entreprise publique, est aussi un « nexus of contracts ». Au cours du 20e s., ce fut surtout une stratégie d’intégration. Mais à partir des années 1980, avec le « new public management »: moins de fonctionnaires, plus de partenaires. Trois types de partenariats (p. 58, art. 5.13) : 1. Contracting-out au profit des provinces qui prennent les dossiers en charge d’une manière autonome. Fédéralisme coopératif et administratif, très présent depuis 20 ans. 2. Partenariat avec des organisations de l’économie sociale ou société civile qui sont subventionnées (ex. refuges pour les femmes violentées, protection du consommateur). Aucun lien avec les transactions commerciales. Avantage de plus grande spécialisation, meilleure connaissance du milieu. Auto-réglementation de certains domaines : LQ 2002 ch. 45 titre III: « organismes d’auto-réglementation », art. 72: l’agence peut promulguer des règlements de droit public au même titre que le législateur. 3. PPP: les entreprises privées ayant une expertise particulière sont partenaires de l’État, ex.: collecte des déchets, déblaiement, inspection des aliments ou des voitures… Influence thatchérienne. Problèmes des PPP : - Responsabilité (accountability), le ministre est-il responsable quand ce n’est pas un fonctionnaire mais un partenaire? - Les entreprises ont-elles la même obligation de transparence que le gouvernement? Si oui, les partenariats seront-ils toujours possibles? - Problèmes d’agence: l’intérêt public n’est pas nécessairement recherché par les entreprises privées. Ex.: est-ce qu’une prison privée va chercher réhabiliter les prisonniers ou au contraire encourager le crime? Il y a une tension entre efficience/rentabilité et intérêt public. 20 7 octobre COURS 7 : LE K COMME FORME DE REGULATION SOCIALE 1) Les caractéristiques du K comme mode de régulation Définition du K par rapport à d’autres modes de régulation qui tient en 4 règles, dominantes à l’époque où Fuller écrit (années 50-60) : 1. Réciprocité (dans les échanges), idée de give and take (la consideration est très importante en CL). Économistes: il s’agit d’un rapport gagnant-gagnant (Pareto!), le contrat est donc supérieur la loi qui fonctionne souvent selon un principe gagnantperdant. Il s’agit d’une justice commutative plus que distributive. 2. Coordination explicite, la volonté n’est pas explicite dans des ententes tacites, des coutumes. La forme est importante (l’écrit est préféré), et surtout la promesse (théorie promissoire) qui regarde vers l’avenir, non vers le passé (pas de K nécessaire si on suit une tradition). En CL, le contrat est un ensemble de promesses (« undertakings »). 3. Consensus / entente de régulation horizontale volontaire, les Ks ne sont pas imposés par ‘en haut’ comme les lois. 4. Négociation ou processus de marchandage, d’où la « bargain theory of contract ». Art. 1425 CcQ : on doit rechercher la volonté commune des parties dans l’interprétation des contrats. En CL : « meeting of the minds ». Ceci s’oppose aussi la volonté unilatérale qui ne peut imposer un contrat. Avec cette idée sociale vient l’idée de ce qu’est le K mais également ce qu’on peut ou ne peut pas faire avec K, dans quelles circonstances le K est approprié ou non, ex. inapproprié dans une famille ou une économie communautaire. On ne peut enfermer une relation à très long terme dans un contrat. Anomalies non conformes à la théorie de Fuller : 1. K de travail, plus une relation qu’un contrat 2. Ks qui se font sans négociation (K d’adhésion, article 1379 CcQ) Adaptations nécessaires à la théorie de Fuller : - K est utilisé dans les relations familiales, même si elles restent non-économiques et peu judiciarisées (sanction extra-judiciaire : séparation). - Théorie mal adaptée aux contrats relationnels, qui comprennent beaucoup de phénomènes d’autorité (également des sanctions extra-judiciaires) et qui peuvent exister à long terme. Il vaut mieux élargir la définition de K : - Indésirable que le K se désintéresse de ce qui prend de l’importance: zones grises de non-droit. - Les recours peuvent être collectifs plutôt qu’individuels (possible au Québec depuis 20 ans, livre 9 Cpc), comme les Ks d’adhésion. Si ces Ks demeurent ‘invisibles’ pour la théorie, aucuns mécanismes ne se développeront... 21 Certains Ks non susceptibles d’être exécutés par la justice peuvent être une source d’ordre social (ex. « gentlemen’s agreement »). Si les contrats étaient toujours liés au droit étatique, le rôle des avocats serait uniquement des agents d’information sur le droit étatique, le law about. Mais comme certains contrats n’ont pas de force obligatoire, l’avocat peut avoir d’autres rôles : quasi-médiation, architecture sociale… 12 octobre 2) Ordre public et ordre privé du K 2 éléments (bientôt 3) de la conception moderne du K : 1. Law in, liberté contractuelle, autonomie des parties. 2. Law about, émanant de l’État, utilisée en cas de litige. Auxquels il faudrait ajouter, pour plus de réalisme : 3. Law around, structuration émanant du milieu social (Belley, p. 86). Law around K : ordre normatif privé (ONP) Déf. : ensemble des valeurs qui ont cours dans l’environnement des parties et qui influencent les Ks de manière normative. Souvent informel, relève des modèles culturels, de la culture d’une collectivité plus que du texte. Règles de l’ONP Dans le cas des sous-traitants industriels (article de Belley), il y a un rapport quasi-féodal, de subordination et d’inégalité juridique. Mais celui qui exerce l’autorité a aussi une obligation de bienveillance, doit protéger ses subordonnées. Alors que la vision moderne inclut deux personnes égales, les autres rapports étant contre-nature ou contre l’ordre public. Norme d’immunité réciproque : les conflits ne seront pas réglés devant les tribunaux, norme culturelle non-écrite. Alcan, en 60 ans et 30 000 contrats, il n’y a pas eu une seule poursuite! L’ONP est relationnel, local, traditionnel. Mais il est sujet à changement: - Rapport de sous-traitance de + en + technique. On impose aux sous-traitants des critères de référence qui ont été délocalisés (ex. normes d’assurance-qualité ISO). - Relation professionnalisée. Plus un rapport féodal entre chef et exécutant, mais un rapport entre professionnels qui peuvent tous prendre de l’initiative. Si cette transformation réussit, le law around aura changé, en l’absence de tout changement dans le law about. Traditionnellement, le law around n’est pas justiciable, mais il est de plus en plus inscrit dans le law in comme une promesse (normes de qualité) et sera donc justiciable, reconnu par le law about. Parfois, le law around va aussi servir l’interprétation du law in. CL: Tradition d’accommodation, on tient plus compte des questions de « reliance ». DC : Moins vrai, tradition d’interprétation plus rigide. Liens entre le law around et le law about - Coexistent et s’appliquent au même moment. Les parties doivent tenir compte des deux. 22 - Se supportent mutuellement. Il y a plus souvent connivence que conflit entre les deux. Ex., l’entreprise dominante peut voir une partie de sa puissance confortée par le droit étatique (Alcan: concessions hydro-électriques), mais va aussi laisser l’État imposer la loi (sécurité, assurance emploi...), car elle veut paraître comme étant un bon citoyen corporatif. - Opèrent en même temps mais pas au même endroit. Le law in s’applique devant les tribunaux, le law around s’applique dans les négociations. Les juristes doivent changer leurs arguments en conséquence. - Acculturation réciproque. Chaque droit influence l’autre. - Conflit entre la valeur centrale des deux types de droit. Pour le law around, c’est clairement l’efficacité, au delà du respect intégral et stricte des contrats. C’est la culture économique. Pour le law about, c’est l’égalité juridique. C’est la culture juridico-politique. L’économie actuelle, féodale ? Comme il y a énormément de contrats d’adhésion asymétriques, retour vers une situation quasi-féodale. Selon Alain Supiot, on assiste à une re-féodalisation des rapports contractuels et sociaux, nonobstant l’apparence d’égalité juridique. Trois âges sociologiques des Ks 1. Moyen-Âge : Jusqu’au 15-17e s. Dieu => Roi => Seigneurs => Serfs. Chacun doit obéir au supérieur et être bienveillant envers l’inférieur. Relation de dépendance non choisie, uniquement accidentelle et statutaire, identique dans la sphère strictement économique: Corporation => Maîtres => Compagnons/Apprentis. Max Weber : le K est synonyme de dépendance statutaire en situation d’inégalité juridique. 2. Modernité : Apogée au 19e s. Horizontalisation de la vie économique. Il n’y a que de relations entre entres égaux. La seule autorité légitime au-dessus des individus est l’État, créé par le contrat social. Vision libérale, instrumentale du K. 3. 20e siècle : Re-féodalisation, supériorité des organisations sur des individus adhérents. La société civile/économique redevient verticale. Idée classique: la communauté politique internationale est de même type que la communauté civile - chaque État est souverain et égal aux autres (Traité de Westphalie, 1648). Or certains États sont aujourd’hui moins égaux que d’autres (dominés par les blocs, empires, super-puissance), même si les rapports sont horizontaux en théorie. Théoriquement, au 19e s., le politique était supérieur l’économique. Aujourd’hui, le politique et l’économique ont des rapports horizontaux. Selon Supiot, le K est devenu une technique d’organisation du pouvoir politique ou économique entre parties en principe égales. Le seul choix réel est l’adhésion. Le contrat commercial ressemble plus une constitution qu’à la définition d’un échange. 23 14 octobre COURS 8 : LIBERTE CONTRACTUELLE ET IDEOLOGIES POLITIQUES 0) Survol historique Depuis le 15-16e s., il y a eu 6 courants idéologiques qui se sont progressivement superposées en droit des contrats, sans se remplacer complètement (sédimentation), ce qui amène une certaine hétérogénéité des règles. A) Étatisme 15e - 18e s. Idées fondamentales : - Le law about est désormais une création quasi-exclusive de l’État. - L’État se substitue l’Église et aux communautés locales, qui sont reconceptualisées comme étant des créatures de l’État (la doctrine moderne de droit public a réécrit l’histoire). B) Libéralisme 18e - 19e s. Idées fondamentales : - Privatisation du droit des K. - Le law about est mineur par rapport au law in (État réduit jouant son rôle par des lois). - Régulation par les acteurs plutôt que par les autorités politiques (liberté morale de Kant, liberté économique de Smith). Source de la conception libérale et micro-économique du droit des Ks. C) Interventionnisme étatique Fin 19e - années 1980 Idées fondamentales : - Réaction au libéralisme : prône une « publicisation » du droit des Ks. - Moins de régulation par les acteurs, + par les instances gouvernementales. - Forme + poussées : nationalisation, économie socialiste sans propriété privée. Le Law about devient régulateur et impératif pour corriger les lacunes des marchés (Keynes) : chômage, inflation, distribution inégale des richesses… D) Néo-libéralisme Années 1980 – 1990 Idées fondamentales : - Réaction à l’interventionnisme : l’État est devenu dysfonctionnel. - Reprivatisation du droit des Ks (plus de liberté au law in). - Déréglementation, réduction du law about impératif. E) Néo-interventionnisme À partir des années 1990 Plus difficile à cerner que le néo-libéralisme, auquel il est une réaction. Idées fondamentales : - Republicisation et repolitisation du droit des Ks. - L’État doit gouverner au nom de l’intérêt général (Petrella). 24 F) Écologisme des Ks À partir des années 1980 Idées fondamentales : - En partie interventionniste, l’État doit agir dans certains domaines. - En partie libéral, retour aux collectivités locales. - Le droit des Ks devrait internaliser les coûts sociaux (ex. pollution naturelle ou sociale). - Tenir compte de l’intérêt des tiers non parties au K (absent de la vision libérale, pas dominant dans la vision interventionniste). Holisme : À partir du 15e s., l’État est le garant du droit des Ks. Pas remis en cause jusqu’à maintenant. Mais l’écologisme voit une régulation des individus, plutôt que centrale. Toutes les instances doivent être contrôlées et doivent agir (holisme). Re-sacralisation des Ks : partir du 15e s., l’État exerce son pouvoir d’une manière de plus en plus laque. Les termes comme « sanctity » pour utiliser plutôt « enforceability », « validity »... La régulation vient d’une créature humaine et non pas divine, l’État. Or, selon les écologistes, tout ce qui importe n’a pas été créé par les humains (vision cosmique, qui a un aspect religieux). Forme d’hérésie à la théorie moderne : on peut faire des Ks avec soi-même (même s’il n’y a pas deux volontés), avec une non-personne (animal, plante…) et indirectement avec la nature dans son ensemble. Sensibilité naturaliste plus que rationalité abstraite. Codification du devoir d’empathie dans le law in et le law about : Difficile de formaliser la défense des intérêts de ceux qui ne peuvent se défendre, il faut une certaine négociation fictive. Pour certains (ex. Christopher Stone), il faut donner une personnalité juridique aux arbres, animaux (...) qui deviendraient des sujets de droit ne pouvant pas être traités comme des choses. Évolution possible : propriété collective ou vision fiduciaire et non absolutiste de la propriété. En droit des K, correspond à une clause implicite de préservation dans le transfert de ressources (existe déjà pour les terres agricoles). 1) Conception libérale et analyse micro-économique du droit des Ks Le contrat est une liberté économique individuelle, notamment d’échange de ressources. Le law about a un rôle de gendarme et d’arbitre, pose les règles du jeu. L’État-gendarme se manifeste par des sanctions en matière de bris de contrat. Ceci permet l’économie de fonctionner correctement: échange légaux plutôt que vol. Le droit doit favoriser la croissance économique, plutôt que la justice. C’est aussi le droit de propriété, qui permet les échanges, le vol, le K. 25 Texte de Trebilcock, « Law and Economics » p.81 Apporte la caution de l’économie néo-classique, qui recherche l’efficience, à cette vision du droit des Ks. Un bon droit des Ks rempli 4 fonctions (p. 82): a) Décourager l’opportunisme : la liberté contractuelle n’est pas une licence pour faire des promesses stratégiques sans intention de les respecter. La liberté inclut celle de se limiter dans l’avenir. 19 octobre b) Fournir des règles supplétives : permet d’abaisser les coûts de transaction / négociation, ce droit sera créé dans l’optique de contractants rationnels. Les K peuvent modifier ces règles. Tout accord dérogatoire est présumé rationnel (§40, p. 122, SRB). c) Sanctionner l’irresponsabilité contractuelle : la mauvaise foi, la fausse représentation, ne pas lire le K sont des comportements qui nuisent à l’efficience et sont donc sanctionnés. d) Encourager les Ks efficients : plus d’excuses pour le non-respect d’un K inefficient que d’un K efficient. Le K n’est pas une fin en soi, c’est un instrument. Idée d’« efficient breach » d’un K, qui peut aller très loin si on tient compte des externalités. Confiance des libéraux dans : - Vertus de l’échange volontaire de ressources comme meilleur instrument d’efficience (allocative) économique. L’augmentation de l’efficience au sens de Pareto est bonne pour l’économie dans son ensemble. - Ordre spontané du marché. Les propriétaires de ressources vont spontanément choisir des contrats efficients. Les acteurs sont mieux placés que le pouvoir étatique pour connaître les Ks efficients. Si un marché est déséquilibré, la correction s’effectuera par elle-même. Méfiance des libéraux dans le droit des Ks imposé par l’État : - Technique, l’État est moins bien informé. - Politique, lois pour favoriser certains groupes, rationnelles politiquement mais non économiquement. 1750-1850 : Le libéralisme s’impose, notamment dans le law about. 1875-1930 : Des critiques, notamment marxistes, apparaissent. Mauvaise distribution des richesses, baisse du taux de profit, absence d’auto-régulation des marchés (Grande dépression). L’idéologie libérale finit par être remise en cause par les critiques syndicales et la « menace » communiste. 2) Conception critique et analyse sociopolitique du droit des Ks Critique de Seidman « K law, the free market and state intervention » p.83 Deux critiques principales : 1. Le droit facilitateur du laisser-faire est en soi un choix politique. Intervenir sans ne rien faire = accepter la régulation privée. L’État sait quels sont les puissants qui seront 26 favorisés. Dans la réalité, chaque acteur n’a pas le même montant d’argent au début de la partie de Monopoly. 2. L’approche formelle d’égalité juridique et de liberté contractuelle ne tient pas compte de l’inégalité économique et sociale qui existe dans les faits. Liberté de contracter n’est pas la même pour tous. Les puissants pourront imposer leur « législation privée » (ex. employeurs) à des acteurs plus faibles (ex. employés sans alternative). Ex. du Kenya (noirs obligés de travailler pour les blancs) et du Ghana (+ libéral, les noirs peuvent travailler où ils veulent mais tous les employeurs sont blancs) : le résultat est le même. L’égalité juridique seule ne donne presque rien. Droit souhaitable selon l’interventionnisme Tire sa caution de l’économie keynésienne : l’État est régulateur plutôt qu’arbitre. Règles : 1) Protéger le contractant le plus faible (ex : protection du consommateur, lois minimales du travail), argument moral. 2) Corriger les lacunes du marché (mauvaise utilisation de certaines ressources, ex. travail des enfants), argument économique. 3) Union du politique et de l’économique (contre la division des libéraux). Nouvelle vision du K : plutôt que s’intéresser un contrat efficient ou non, on va considérer un agrégat efficient ou non (facilité par l’apparition de la comptabilité nationale). 21 octobre Régulation souple, régulation dure Voir aussi le tableau p. suivante. Trois types de règles dans la régulation dure : 1. Règles substantives, le régulateur décide du résultat d’un K (ex. salaire minimum, taux d’intérêt maximal). 2. Règles procédurales, qui ne fixent pas le résultat mais la procédure (ex. Code du travail: dès qu’un syndicat est formé, l’employeur doit négocier de bonne foi). 3. Règles réflexives (voir tableau de Teubner), une variante récente des règles procédurales, qui sont ni souples, ni dures, qui forcent les acteurs à réfléchir. Sorte de compromis entre régulateurs et néo-libéraux, joue sur l’information des parties (ex. obudsman, vérificateurs internes dans les entreprises). 27 Régulation Douce / Souple Dure Philosophie d’utilisation du droit commun des Ks qui laisse la liberté contractuelle aux acteurs mais essaie de l’influencer par des (dés)incitatifs. Philosophie d’utilisation du droit commun des Ks qui NE laisse PAS la liberté contractuelle aux acteurs, avec des règles prescriptives ou prohibitives. Exemples venant du CcQ: - 1435. (1) La clause externe à laquelle renvoie le contrat lie les parties. (2) Toutefois, dans un contrat de consommation ou d'adhésion, cette clause est nulle si, au moment de la formation du contrat, elle n'a pas été expressément portée la connaissance du consommateur ou de la partie qui y adhère, moins que l'autre partie ne prouve que le consommateur ou l'adhérent en avait par ailleurs connaissance. Le choix d’informer le consommateur existe toujours, mais il a des conséquences. Clause incitative. - 541. Toute convention par laquelle une femme s'engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d'autrui est nulle de nullité absolue. Clause désincitative, les tribunaux ne feront pas respecter un tel contrat (serait ‘dur’ s’il y avait une sanction). Exemples: Loi sur la protection du consommateur. - Art. 15. Certaines mentions sont obligatoires dans un contrat de prêt d’argent: taux d’intérêt, montant des paiements, total des intérêts payés. Un contrat sans ces mentions est nul et il peut y avoir des pénalités criminelles en plus. Ceci se justifie sur le plan de la justice morale mais aussi sur le plan de l’efficience (meilleure information du consommateur). Règle prescriptive (faire). - Art. 246. On ne peut pas annoncer un taux d’intérêt non calculé suivant une méthode prévue dans la loi. Logique de justice (contre la tromperie) et d’efficience (concurrence équitable, force la bonne foi). Règle prohibitive (ne PAS faire). Libéralisme et interventionnisme : ennemis ou alliés? Le droit de régulation évolue en parallèle avec la concentration de l’économie: de plus en plus de régulation, de moins en moins de concurrence. Il y a deux grands acteurs: État et grandes organisations. Scott Bowman, Law, Power and Ideology : 1. Les ÉU sont à la fin du 20e s. dans un régime de libéralisme corporatif, les grandes organisations peuvent éliminer la concurrence peut si le résultat est efficient. Économie d’organisations plutôt que de marché. 2. L’État peut imposer légitimement des conditions aux organisations s’il se conforme à l’idéal de société que les organisations pourront souvent invoquer. 28 3) Critiques néo-libérale, alter-mondialiste, écologiste, transformiste Critique néo-libérale : Émerge dans les années 1980. L’interventionnisme crée autant de problmes qu’il en rgle. Disfonctions de l’interventionnisme: stagflation, bureaucratie, déresponsabilisation des individus, surendettement... Solution: déréglementation, privatisation, libéralisation, harmonisation des droits au niveau mondial. Critique alter-mondialiste (Petrella) : Réaction au néo-libéralisme. Deux critiques principales : 1. Dépossession de l’État, même par les travaillistes de Tony Blair. 2. Marchandisation de la société par des organisations cartelisées. Solution : Repolitiser l’économie, à l’échelle mondiale et locale. Retour historique au niveau local, ex. Charte européenne des droits de la ville. 26 octobre Critique écologiste : On peut contracter avec la nature, en lui reconnaissant des droits, ce qui limite les nôtres. Voir Michel Serres, Le contrat naturel. Il n’y a pas encore de théorie élaborée du droit des Ks dans cette optique. Selon Phillip Blumberg, The Multinational Challenge to Corporation Law : pour contrôler juridiquement les entreprises multinationales, il faut se défaire de l’humanisme et de la personnalité juridique et plutôt la définir comme « legal unit » (« location of rights and responsibilities to forests, oceans, persons... ») ayant des droits et responsabilités. Critique transformiste : Idéologie récente : il faut transformer les humains pour qu’ils se conforment mieux aux exigences des machines (cyborgs). Existe déjà en droit des K : l’agent est un pourvoyeur d’information d’un système de traitement (ex. assurances, services financiers). La pratique contractuelle a été informatisée et se réduit des interactions entre des fournisseurs d’interaction. Le K n’est plus moral, il est technique, un support qui permet la production et le traitement d’information. 29 COURS 9 : LES MORALES ANTINOMIQUES DU DROIT DES K 1) Syndromes moraux du commerce et de la politique Jacobs, p.93 Si contradiction, c’est parce que les parties agissent en mélangeant deux moralités. On ne réussit jamais à se débarrasser d’une des deux. Syndrome A : commerce Moralité du mouvement, de l’échange avec les autres, ne pas s’occuper des frontières. Emplois : personnes en affaire, vendeurs. MAIS quand Loto-Qc est géré par commerçant, il ne change pas son syndrome. Fonctionnaire qui en mène large avec les politiques publiques. Syndrome B : politique (« guardian ») Les institutions politiques. Emplois : policiers, militaires, juges, aristocrates. MAIS policiers de type A dans sa manière de traiter le crime organisé avec délateur, agit en « give and take ». Respect de la hiérarchie, de la loyauté, pas limité à l’État mais aussi en entreprise privée, fonctionnement politique, dans l’exercice du pouvoir (travail, partenaire). Avocats : jouent sur les deux syndromes. SA : Dans K commercial, d’échange : être honnête, réciprocité. SB : Dans K de travail : surtout si représente l’employeur, exclusivité, clause de respect des règlements, loyauté vis-à-vis l’entreprise (semblable pour une alliance stratégique : loyauté). Leçons : 1) Tout le politique n’est pas dans le publique. Homme qui donne sa vie à son entreprise est fonctionnaire, loyal à son entreprise SB. 2) Tout le commerce n’est pas dans le secteur privé. Fonctionnaire de Loto-Québec. Dans le Law in : on peut observer les deux moralités, selon quel K on doit préparer (K travail : politique ; K vente : commerce) Dans le Law about : moralité dominante est politique, droit régulateur, législateur impose une réglementation (idéologie interventionniste). Mais les obligations supplétives peuvent être écartées, donc moralité du commerce, maximisation du marché par-delà les frontières, contestation des politiques protectionnistes (idéologie libérale). 2) Morales de l’obligation et de l’aspiration Texte de Belley, p.113 A) Racines historiques Le droit classique des Ks (19e s.) a récupéré la morale du devoir qui vient du droit romain. Alors que la morale de l’aspiration vient de l’Antiquité grecque. Fait ce choix pour 2 raisons: 1. Être un bon romain = être un bon citoyen qui se plie aux lois de la Cité, être de devoir. La collectivité domine. 30 2. La culture grecque était très forte en morale, très faible en droit, on se voit comme philosophe ou artiste, par définition marginal, qui mobilise des ressources au service d’une passion. L’individu domine. B) Source de la moralité officielle du devoir Le christianisme explique le choix presque spontané du droit romain. Un bon croyant obéit aux règles de l’Église et de l’État. Le pouvoir change mais la philosophie reste la même. Fin 19e s., Nietzsche (dans une moindre mesure, Marx) oppose la philosophie du bon citoyen celle du héro, du chef, de l’artiste, qui dépasse le bien et le mal et écoute ses instincts vitaux. Voir Nietzsche, Par del le bien et le mal (1887), qui inclut notamment une apologie de Napoléon (¶199). Pour la majorité : morale du devoir. Pour une petite élite : morale de l’aspiration. Morale de l’aspiration Morale du devoir Dépassement Obéissance Artiste Bon citoyen 28 octobre C) Morale de la modernité Fuller : - Sociétés traditionnelles : + de devoirs, moins d’aspirations. - Sociétés modernes : moins de devoirs, + d’aspirations. - Sociétés post-modernes : encore moins de devoirs, encore + d’aspirations. Chaque époque a son « pointer », division entre les deux morales, à un niveau différent. Le droit est une discipline qui tient au « pointer ». Les entreprises dominantes ont un comportement qui correspond plus à une morale de l’aspiration: désir de devenir le leader (ex. Alcan). Elles choisissent leurs propres contraintes et obligations, sur mesure. Quand les obligations sont trop contraignantes, les entreprises changent de régime juridique ou demandent un changement des règles. Ex., Alcan a eu plus de 350 personnalités juridiques dans son histoire. Pour les entreprises dominantes, la force n’est pas dans l’État, elle est en elles-mêmes : - Peuvent faire respecter des Ks sans recours à l’État. - Capacité de choisir ses contraintes. - Capacité de ne pas contracter. Ulrich Beck, Pouvoir et contre-pouvoir à l’ère de la mondialisation : la menace n’est pas celle d’une invasion, mais d’une non-entrée ou d’une sortie. “Il y a juste une chose pire qu’être envahi par les multinationales, ne pas être envahi.” Mais le chantage ne peut s’exercer à l’échelle mondiale, ce qui explique l’entreprise idéologique en réduisant la nécessité, pour que les sociétés se dotent de caractéristiques libérales (ex. « Consensus de Washington »). D) Sur quel tableau doit jouer le conseiller juridique ? 31 Il faut pouvoir se référer aux deux morales, suivant les circonstances : 1. Le client a une liberté stratégique (aspiration, ex. franchiseur multinational qui choisit les règles) ou tactique (devoir, ex. franchisé PME qui joue à l’intérieur des règles); 2. L’intervention professionnelle se passe au moment de concevoir le contrat (aspiration) ou au moment de l’exécuter (devoir). 3. La personne laquelle on s’adresse: si c’est un juge (devoir: contrat, source d’obligation) ou si c’est un cas de médiation (aspiration: ex. suggérer de modifier le contrat). 4. Le ‘degré’ de la vie du contrat. Il y en a trois: 1er: Law about, devoir, ex. ordre public, il faut dire quelles règles sont impératives, si elles existent. 2e: Liberté contractuelle (law in), notamment de définir le contenu du contrat, le travail d’aspiration commence (« architecte »). Cinq ingrédients de la recette des contrats: - Créances (qu’on se fait donner par un contrat, « rights »); - Facultés (« options » à utiliser au-cas-où, ex. art. 1396 CCQ possibilité d’acheter si on le décide, sans obligation); - Pouvoirs (« powers » contractuels, de droit privé, ex. Provigo s’est fait donner un pouvoir de taxer ses franchisés pour payer les coûts de publicité); - Privilèges (« privileges », par rapport aux autres, ex. créancier privilégié arts. 2773 CcQ et seq., licence commerciale exclusive); - Immunités (« contracting out », renonciation par l’autre partie à certains droits, notamment de poursuite, art. 1474 CcQ, bien qu’il y ait des limites) 3e: Éthique de la liberté contractuelle (« ethics »), considération dont on doit tenir compte dans l’usage d’un contrat. Limitation dans l’exercice de la liberté contractuelle. Ceci doit exister pour deux raisons: - Le tragique de l’aspiration (Fuller) qui devient destructrice d’autrui ou de soi-même (ex. l’artiste qui tue son mari la recherche de l’émotion sublime, plus le héro, mais le paria méprisé qui va au-delà de la morale, ex. Enron). - Limites du droit (réflexe de juriste: « le droit est tout-puissant ») qui a des faiblesses et ne peut pas faire certaines choses. Voir Christopher Stone, Where the law ends, qui a tenté de trouver des moyens juridiques et non-juridiques de protection des abus de la liberté contractuelle. Quand le droit ne peut plus rien faire, il faut utiliser l’éthique. Le droit doit travailler sur la responsabilité traditionnelle (suivre le law about imposé) mais aussi sur la réflexivité (forcer les acteurs dominants à agir en tenant compte des conséquences globales). Comment vendre une limitation dans les pouvoirs à un PDG, au nom de l’éthique? 1. Gestionnaire du capital d’autrui, ex. art. 1309 CcQ, il faut donc agir avec diligence, prudence loyauté. Réponse du PDG: les actionnaires font confiance mon flair. 32 2. Dirigeant d’une personne morale qui est un gros acteur socio-économique, ceci engage une certaine responsabilité sociale corporative envers divers intérêts. Ne pas en tenir compte va affecter l’image de l’entreprise et manquer à une obligation légale (arts. 322, 329 CcQ). Réponse: ma première responsabilité est de faire des profits pour les actionnaires. 3. Détenteur d’un poste d’autorité incluant des privilèges, il faut dégager une image respectable (être chevaleresque). Réponses: les honneurs ne m’intéressent pas OU après 60 ans quand je fonderai une charité, d’ici là je fais ce que dois. 4. Éthique de chef (se rapproche de Nietzsche), celui qui fait gagner avec bravoure dans le combat, non en utilisant avec toutes les armes contractuelles. La clairvoyance, la ruse et l’étapisme sont des qualités alternatives pour mener le combat, avec de plus faibles risques de riposte. Réponse: je veux gagner. 5. Éthique de l’artiste (surtout quand une seule personne décide, style Jean Coutu), qui va faire gagner en beauté, avec efficience, en acceptant la concurrence « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. » (Smith, Ford) Il y a un intérêt personnel et éthique agir de la sorte. Le système ne peut pas fonctionner sans un minimum d’éthique. Comme on crée les armes, on est bien placé pour appuyer sur l’éthique: « mature responsibility approach » de Stone. Pour passer au 3e degré, il faut avoir gagné la confiance des dirigeants au 2e. Il faut parler le langage de l’aspiration aux entreprises. Aussi l’argument de l’épée de Damoclès de l’État, (ex. Enron, Conrad Black) où on perd beaucoup de pouvoirs. 2 novembre Quoi faire lorsqu’un patron prend une decision non-éthique? Hirschman, Exit, Voice and Loyalty: - Loyauté: face au client, mais aussi obligation d’agir dans son intérêt (arts. 2100, 2138, 2088 CcQ). - « Voice », dilemme: la loyauté doit-elle aller jusqu’à la complicité? Aussi en question en matière d’information secrète ou privilégiée (art. 1472 CcQ: on peut la révéler si cela sert l’intérêt général (« whistleblowing »), mais difficile économiquement dans le privé). - « Exit »: remettre sa démission ou arrêter de faire affaire avec un client. Moins dur économiquement (peut même être bon à long terme). 3) Règle de droit comme mesure d’autorité ou de discrétion ? Bishin et Stone p.120 Choix entre deux attitudes morales : attitude d’obéissance à la lettre (hétéronomie) ou attitude de liberté vis-à-vis la lettre (autonomie). Les deux attitudes sont acceptables, mais pas en même temps. 33 Origines de la force (symbolique) du langage du droit et du réflexe d’obéissance : - Langage solennel qui donne des pouvoirs de contrainte à l’État. - Plus de confiance en l’écrit qu’en l’oral, car semble plus réfléchi. - Langage tourné vers l’avenir : semblant de désordre lorsque la planification légale n’est pas respectée. - Les lois et Ks sont performatifs, le langage inclut une norme, il ne fait pas qu’exprimer le moment présent. - Une règle semble avoir plus d’autorité. L’attitude de défiance envers le langage juridique est donc vue comme une défiance à l’officiel, au réfléchi, au planifié, à la norme, à la généralité. La force du langage juridique est donc lié à toutes sortes de valeurs sociales et individuelles: sécurité, rationalité, démocratie, systématicité, conformité... ordre plutôt que chaos. Il y a de bonnes raisons axiologiques pour l’attitude d’hétéronomie. Il faut faire attention à la « caution » des faits : idée que nous sommes dans une société de primauté du droit, donc les agents appliquent la règle en général. Ceci vient de la croyance dans une société démocratique et une économie organisée. Prophétie auto-réalisatrice. En droit, faut-il obéir ou user de discrétion? Règles de droit ambivalentes. Règles de discrétion : - Art. 6 CcQ, l’évaluation de la bonne foi demande de la discrétion. - Art. 1425 CcQ dit qu’il faut chercher la commune intention des parties dans l’interprétation des Ks. Mais la jurisprudence a interpréter cet article comme voulant dire que c’est uniquement nécessaire lorsque les mots ne sont pas clair (« règle d’or »: pas interprétation si pas d’ambiguïté). - Art. 1426 CcQ dit qu’il faut tenir compte du contexte. Règles d’obéissance : - « Peril evidentiary rule », un contrat n’a comme effet que ce qu’il dit. - Stare decisis, mais il y a le « distinguishing ». Ex. de combinaison : Loi sur la régie du logement (arts. 28-30, 33-5). Aucun des deux réflexes moraux n’a le contrôle absolu du droit. 34 COURS 10 : SCIENCE DU DROIT ET TRADITIONS JURIDIQUES : LES APPROCHES DU DROIT DES K A) Contrat définit comme un fait institutionnel MacCormick, p.125 Pour l’existence d’un « fait institutionnel » : 1. Un fait, venant du comportement des acteurs; 2. Des règles, un décor, venant du système juridique. Sans système juridique, il faut au minimum qu’il y ait un concept de K. Il faut que cette « institution » juridique existe. Exemple d’une personne montant dans un autobus (fait, avec un K pour décor) : - Psychologue va regarder les relations et émotions. - Économiste regarde si autobus est plein ou vide pour voir l’efficience. - Assureur voit en terme de risque. - Juriste voit autant de K qu’il y a de personnes. Pour qu’un K existe, il doit être entériné par un tiers. Le contrat n’est pas une donnée naturelle, il relève d’une certaine culture juridique qui permet de faire le lien entre le fait et le concept du système juridique. Donc ce n’est pas un fait brut, juste un fait institutionnel. 4 novembre 3 types de règles relatives aux K selon MacCormick : 1) Institutive, règles d’existence, de création. 2) Consequential, conséquences juridiques positives de l’existence d’un K (conferring powers, rights et possiblement privileges, immunities, faculties/options; liabilities and duties). 3) Terminative, fixe le moment où le droit considère qu’un K vient de disparaître (ex. prescription, entente hors-cour, autres règles juridiques, dont arts. 1671 et 1693 CcQ, avec des équivalents en CL). Il est plus facile pour les parties de modifier les règles conséquentielles et terminatives que pour les règles institutives. Faible marge de manœuvre en ce qui concerne la définition même du K. Pratique sociale du contrat vs. reconnaissance juridique Ce n’est pas parce que les juristes ont une vision très claire du contrat qu’elle est acceptée par tous. Souvent, on a une vision plutôt économique, morale ou psychologique. L’adéquation entre la vision des justiciers et justiciables varie. Il n’y a pas nécessairement adéquation entre utilité sociale d’un K et sa validité en droit (achat d’une barre de chocolat, enforceable vs. convention collective non considérée comme un K au RU, non-enforceable!). B) Inadéquation entre pratique sociale et institution juridique Exemples de K p.39 35 1. K de perte de poids : Pas un K au sens juridique parce que : a) Il y a une seule partie constitutive alors que pour qu’il y ait un K juridique il faut 2 personnes ou +. b) Pas de sanction judiciaire en cas de non-respect. Peut-on écarter complètement la possibilité que ce contrat ait un effet juridique? Non : a) S’il y avait une clause de perte de poids dans un autre K. b) Si la clinique veut établir sa réputation, elle peut se dégager de sa responsabilité lorsque le client est en « bris de contrat ». c) Le prix du service peut varier suivant le respect de cette obligation. L’effet principal d’un tel « K » est psychologique. 2. K de performance pour les universités et cégeps : Si une institution financière remplis ses engagements, elle a droit à plus d’argent. C’est probablement un K au sens juridique : si le gouvernement ne respectait pas son engagement, il pourrait y avoir une poursuite en bris de contrat. C’est une forme particulière de K : offre de récompense (« unilateral contract »), art. 1395 CcQ, dans un rapport d’autorité (reste une forme de contrôle administratif, au moins un K d’adhésion). Cette promesse peut être annulée tant que la condition n’est pas remplie, mais pas après car le contrat sera réputé formé (emprunt du DC à la CL). K de droit public : Le CCQ est insuffisant, il faudrait aussi regarder la Loi sur les universités, la Loi sur le ministère de l’éducation, etc. qui peut donner des droits l’État que d’autres n’ont pas. 3. Accord de paix entre les Hells et les Rock Machines : Deux gangs de motards discutent sans présence d’avocat, s’entendent : probablement pas un K au sens juridique. Raisons : - Problème d’ordre public : L’objet du K peut être illégal (répartir le territoire de la drogue, art. 466 du Code criminel : comploter pour commettre un acte criminel). - But de paix du K qui est un moyen à des fins illégales : arts. 1410 et 1411 CcQ, le but recherché n’est pas compatible avec l’ordre public. 4. K civique d’immigration : Projet jamais adopté, qui visait à transformer un engagement moral en engagement contractuel. Probablement pas un K au sens juridique. Raisons : - Liberticide et discriminatoire (arts. 7 et 15 de la Charte canadienne). - Caractère indéfini des obligations (art. 1373 CcQ). Presque impossible de déterminer quand il y a un bris de K. Pas de consensus ad idem puisque l’objet est indéfini. 36 Mais une telle pratique est-elle de la nature d’un K ou d’un acte exécutif du ministre? Même questions que pour le K de performance. 5. Consensus de Washington : Simple engagement moral ou instrument idéologique, pas un K au sens juridique. Pourtant, ce non-K a des effets très importants en pratique. En faveur de la libéralisation du commerce, contre réglementation nationale. Sanctions extra-contractuelles : FMI, OMC, Banque mondiale. 9 novembre C) Raisons de l’augmentation de l’utilisation de Ks 1. Efficacité. Un écrit signé a un effet psychologique. 2. Recherche de légitimité. L’autorité est souvent remise en question, un véhicule consensuel permet donc de se justifier. 3. Emprunts de cette « technique d’engagement officiel » au droit par d’autres disciplines. Il faut distinguer l’efficacité en droit (vente à tempéraments à une personne insolvable) de l’efficacité pratique (accord de paix entre les motards). L’importance pratique d’un contrat peut être hors de proportion avec sa validité juridique (ex. Consensus de Washington) à cause de l’intérêt des parties qui le garantit. D) K pluridimensionnel : la roue épistémologique du K 6 étapes : 1. Expérience du lien (on se rend compte que la coopération est utile à certaines fins). 2. Création du concept, de l’idée du lien. 3. Expression de l’idée du lien (par un symbole, ex. poignée de main, ou par le son, ex. mot « K ». Un artefact socio-culturel a été créé, ce qui rend l’expérience inutile (Foucault: autonomie entre mot et chose). 4. Récupération culturelle du mot et de l’idée de contrat par l’ordre culturel pré-existant, qui lui ajoute des significations. Ex.: religion (lien sacré garantit par Dieu), économie de marché (outil d’augmentation de la richesse, contrôlé par le marché), ordre civil ou politique (lien civique garantit par l’État, « enforceability »), droit (lien juridique créateur d’obligations et de droits). 5. Récupération à des fins de régulation. Impose une définition des concepts (liens religieux, économique, politique, valides ou non), ex. le prêt à intérêt (catholicisme), la collusion (économie), la conspiration séditieuse (politique), une entente contre l’ordre public (droit) n’est pas accepté comme K. 6. Théorisation de la réception du concept par les ordres culturels. Voisin de 1. Cette roue peut tourner dans les deux sens, une fois qu’elle existe. Ex.: l’idée de lien produit l’expérience du lien, une théorie peut donner naissance à une régulation nouvelle… Chaque acteur va tenter de faire arrêter la roue à un certain endroit, ex. : 37 - Environ 85% des affaires criminelles se règlent par des plaidoyers de culpabilité (après du « plea bargaining »). Les praticiens ont longtemps préféré tenir cette pratique semi-secrète. Mais les groupes représentants les victimes d’actes criminels se sont plaints et il y a maintenant une régulation. On est passé de l’expérience du lien à la régulation à la théorisation. - À sa création, le mariage est un K entre deux chefs de famille ou de tribu. Cette idée a été contestée et a fini par être récupérée par l’Église: le mariage est un sacrement, donc le consentement des personnes se mariant doit exister. Plus tard, l’État se différencie de l’Église et soustrait le mariage à l’idée de lien sacré, pour introduire un lien civil contractuel qu’il contrôle. Aujourd’hui, l’État perd le contrôle face aux acteurs sociaux (union de fait…). La récupération joue sur la définition du lien. - Les conventions collectives de travail ont été développée, pratiquées, en dehors du droit. Beaucoup de praticiens veulent avoir une grande autonomie, et n’apprécient pas la récupération politico-juridique. 38 COURS 12 : ÉVOLUTION GENERALE DU DROIT DES K 1) La doctrine classique Meyren, p. 128 4 évolutions du droit : 1. K susceptible d’application même si aucun geste n’a été posé. Il faut juste qu’une entente ait lieu sur une promesse. Alors que pour les romains, il n’y avait pas de contrat jusqu’à exécution partielle, la promesse pouvait être retirée. Tient au crédit et aux Ks à long terme. En CL, jusqu’au 16e s., on refusait l’idée d’un contrat fait de deux promesses (assumpsit), avant il n’y avait que a) Action for debt (livré, pas été payé). b) Action on covenant (échange de promesse accompagnée du sceau). On est passé du formalisme à l’informalisme (DC : consensualisme). 2. L’application est passée de l’exercice du milieu social à celui de l’État (« enforceability at law »). 3. L’État a prévu des standards de validité des Ks, notamment la justice minimale et l’utilité sociale (d’où la réticence de la CL à reconnaître une promesse de don comme un K). Standard de justice minimal : Un K déséquilibré pourra être considéré valide si l’injustice est due aux conditions antérieures au K, s’il est un miroir d’une condition existante. 4. Innovations récentes : - Développement de l’arbitrage, notamment en matière commerciale. - Effort de codification, même dans les pays de CL (ex. Uniform Commercial Code). - L’idée de K se détache des États (Unidroit). 2) Les transformations des pratiques, des règles et de la doctrine au 20e s. Farjat, p. 139 Théories libérale et interventionniste des Ks. Évolution d’une approche abstraite à une approche concrète (rapport vendeur-acheteur rapport entreprise-consommateur). Tallon, p. 133 Idées en progrès et en déclin (classiques, 19e s.) en droit des Ks. En déclin - K repose sur la volonté des parties. - K est l’acte juridique par excellence en droit privé. - Toute rupture de K est juridiquement répréhensible. - On ne tient compte que de la convention entre les parties dans l’interprétation. - La production des Ks est nationale. En progrès - La force obligatoire repose sur l’utilité et la justice. - D’autres institutions de droit privé (ex. enrichissement injustifié) sont importantes. - Contexte utilisé pour l’interprétation. - Dimension internationale. 39 11 novembre COURS 11 : DROIT DES K ET TRADITIONS JURIDIQUES D’OCCIDENT DC et CL : 2 traditions juridiques de l’économie-monde occidentale. Origines exogènes des différences DC / CL : 1. Phénomènes culturels non-reliés à la culture juridique (religion, ex. catholicisme, politique, ex. Révolution française, Bismarck). 2. Différences philosophiques entre la pensée anglo-saxonne et l’Europe continentale : - Empirisme en Angleterre (K = fait d’expérience). - Rationalisme en France et en Allemagne (K = idée juridique). Ces différences ne s’expliquent pas par des différences de mentalité juridique. Origines endogènes ou juridiques des différences DC / CL : 1. CL : le point de départ de la création du droit est l’activité des juges. Les common lawyers enregistrent les décisions au fur et mesure. 2. Europe continentale : le point de départ du droit des Ks est plus le fait d’universitaires qui systématisent des principes du droit romain, canon, et de l’Ancien régime, qui fournissent matière à la création d’un Code. Aubert (p. 152) et Manwaring (p. 148) A) Les idées communes aux deux traditions 1) 2) 3) 4) 5) 6) Liberté contractuelle, sans intervention étatique. Volontarisme, le K est un acte de volonté individuelle. Force obligatoire en droit de la volonté exprimée (« enforceability »). Volonté juridique, les Ks visent à produire des effets en droit. Effet relatif du K, qui ne lie pas les tiers (« privity »). Consentement libre de certains vices (erreur, dol, violence) pour que le K soit valide. B) Les traits différents des deux traditions Common law Approche pragmatique du droit des Ks (selon Meyren, influence des arrêts). K suppose une réciprocité marchande. Règles générales uniquement. Pas d’exercice de qualification. Loi pas nécessaire au fonctionnement des tribunaux (auto-suffisants). La jurisprudence suffit. Juges produisent le droit des Ks, doivent développer une philosophie : retenue judiciaire (s’en tenir aux précédents, RU) ou activisme judiciaire (faits différents, ÉU, Canada). Droit civil Approche formaliste, cohérente du droit des Ks (selon Meyren, influence des traités). K à titre gratuit (don) est envisageable. Règles spécifiques (Ks nommés) avec règles générales La décision judiciaire est nécessairement précédée d’une loi. Un contrat n’existe que par la loi. Aucun choix équivalent : la décision judiciaire ne vient que de l’application correcte, logique de la loi. C) Analyse de concepts particuliers différents 40 1) Concept de K L’expérience du contrat est l’expérience du lien de droit. Cette définition est commune mais on la voit différemment. Common law : perspective du créancier Droits : pocédural et droit d’action. Droit allemand : haftung = droit d’action du créancier. K : source de « remedy », référence directe au judiciaire. Droit civil : perspective du débiteur Obligations : substantif et moral. Droit allemand : schuld = devoir du débiteur. K : source d’obligation (art. 1378 CcQ), aucune référence au judiciaire. 2) Concept de force obligatoire (« enforceability ») L’accord de volonté est la 1ère source, commune à la CL et au DC. Décor juridique (2e source) différent : CL, caselaw ; DC, Code. Sources tertiaires différentes : - CL : Tradition (« customs »). S’il n’y en a pas, droit naturel, équité, justice. - DC : Pas la coutume (éteinte par le nouveau droit, sauf au Québec), mais la doctrine écrite par des autorités. Autorité (doctrinale) du DC ≠ Authorities en CL (arrêts formant un précédent). Sources éloignées : - CL : Politique publique. - DC : Jurisprudence. 3) Conception du droit privé Common law : source de remedies CL claims. Equitable claims. Statutory claims. Droit civil : source d’obligations Acte juridique bilatéral (K, art. 1377 CcQ) ou unilatéral (testament, art. 704 CcQ) qui procède d’une volonté juridique. Fait juridique qui procède d’une volonté matérielle (délit, art. 1457 CcQ). Le fait est le dommage ou le bénéfice (art. 1482 CcQ, gestion d’affaire, réception de l’indu [art. 1380 CcQ], enrichissement injustifié). Loi seule où l’action est contrainte sans fait ni contrat (ex. paiement de l’impôt). 41 16 novembre Claims de CL CL Claims: K: Anciens tribunaux royaux, revendications de droit strictes. Claim based on a breach of contract. On doit connaître le dommage subit (loss of profit dans beaucoup de cas), l’intérêt protégé (protection des expectation interests). La notion d’intérêt protégé en CL est aussi importante que la notion d’obligation en DC. Tort : Claim based on a tort. Il y a les nominate torts (battery, trespass, nuisance...) et le tort général de negligence (breach of duty of care envers un prochain). Intérêt protégé : proprietary interest; dommage : loss of property value. Dans les deux cas, ces claims donnent droit compensation en argent. La CL est plus réticente que le DC à forcer le respect de la promesse (« specific performance »), idée d’efficient breach. Equitable claims : Anciennes Equity Courts (du Chancelier) Réclamations au nom de la justice non reconnues par les tribunaux de CL. Promissory estoppel (réclamer sur la base d’une promesse de comportement noncontractuelle) et unilateral contract (réclamer sur la base d’une promesse de récompense pour une action). Il faut que le demandeur se soit appauvri en tenant compte de la promesse. Intérêt protégé : reliance interest; dommage : loss of investment. Unjust enrichment : comme enrichissement injustifié en DC. Obligation de remboursement de la perte subie pour procurer un enrichissement non dû (réclamer restitution de la valeur procurée ou au moins le coût encouru). Intérêt protégé: préservation du propriétaire de son patrimoine; dommage: loss of contribution. Constructive trust : Restitution de la chose obtenue grâce au travail de quelqu’un d’autre (ex. conjoint après séparation). En 1875, le système a été unifié par la fusion des tribunaux. Statutory claims : en général entendues par les cours de CL, parfois par les equity courts. Protection du legal interest ou legal entitlement. Rare, la loi est traditionnellement exceptionnelle en CL, presque pas nécessaire au système de droit privé, sauf pour briser un précédent (législation réparatrice, pas créatrice). 42 MODULE C : TRANSFORMATION DES K ET DU DROIT DES K Esser : le droit des Ks évolue en fonction de l’économie. Thibierge : la conception du K évolue en fonction de la conception du juste. 1) Esser, « Institutionalizing Industry : The Changing Form of Contract », p. 501 Tableau p. 503: Correspondance entre (1) la structure économique, (2) le type de contrats utilisé, (3) le droit correspondant à chaque mode de production. Période Mode de production Job-shop production (fabrication artisanale) Law in Pratique des Ks Échanges ponctuels. Discrete Ks, contenant uniquement des exchange terms, les Ks ne sécurisent qu’une transaction à la fois. 18901975 Mass production (fordisme, production manufacturièr e de masse) Planification à long terme. Open-term Ks, où des adjustment terms s’ajoutent aux exchange terms (ex. quantité totale incertaine, prix variable). 1975 Flexible production (producteur avant-gardiste offrant des produits légèrement différenciés) Relation long terme, transactions très fréquentes. Long term agreements or Ks, qui incluent en plus des constitutional terms (crée des instances et des procédures). 18xx1890 Law about Droit des Ks 1840-1905 : droit classique des Ks, qui s’est faite autour de l’image du de la traduction juridique du compromis entre les parties (« meeting of the minds »). Image formaliste: un K peut tenir sur un document ou la transcription d’échanges verbaux. K = sorte de bible. 1905-1975 : droit néoclassique des Ks (Uniform Commercial Code, 1952). Image du contrat est plus pratique, commerciale et réaliste. K de Karl Llewellyn : « business agreement in fact », pas nécessairement un document écrit ou verbal. Assouplissement des exigences de forme: les ententes tacites ne correspondent pas au modèle classique, mais quand même un accord pratique. 1975 : droit relationnel des Ks (influence de Macneil). Le K devient une relation économique continue, sans date précise de début ou de fin. Notion de relation entre les parties plus que de but ultime. Encore en émergence selon Esser. Les trois optiques co-existent aujourd’hui, équivalent juridique de la production flexible: différents outils de law in pour différents besoins. Les juges devraient pouvoir appliquer des droits différents, suivant le law in auquel ils sont confrontés. 43 Qualification des terms des Ks p. 627 et 629 P. 627 S. 2: exchange term, s. 5: adjustment term, s. 10: adjustment term (ex. d’option ou faculty), s. 11: adjustment term (privilège pour l’acheteur, exception au principe de l’effet relatif, car non partie au contrat ou soumis à ses obligations; augmente la protection économique de l’acheteur). P. 629 S. 3(e): constitutional term, s. 6: partie d’adjustment, partie constitutional (mécanismes de partage d’information et de négociation). Va beaucoup plus loin que le open-term contract: le client entre dans l’entreprise fournisseuse. Le contrat décrit un but de meilleure productivité plutôt qu’un standard défini. 18 novembre Fig. 3 - 5 caractéristiques du K classique dont l’importance a décru avec le K néoclassique et encore plus avec le K relationnel 1. Discreteness, une seule transaction. 2. Presentiation, tout ce qui va être produit est fixé tout de suite. 3. Impersonality, aucune importance dans un K de vente, beaucoup d’importance dans un K de collaboration (on passe de l’objet aux sujets). 4. Instrumental bargaining (K transactionnel: tout doit être négocié à l’avance, les intérêts particuliers sont protégés; K relationnel: on fixe un objectif, intérêt commun). 5. Explicit mutual consent (K transactionnel: tout doit être explicite et complet; open-term: on laisse de la place, car l’incomplétude est utile ou nécessaire; long-term: on ne s’entend pas sur des termes, mais sur des mécanismes). Évolution des règles de formation des Ks : - Règles classiques : Un juge du 19e s. déclarerait un K open term nul pour indefinitness. Quant le contrat est modifié en cours de route informellement, un juge du 19e s. chercherait une contrepartie pour une promesse supplémentaire: « no fresh consideration, no contract ». Le texte a un statut exclusif des autres arguments. C’est seulement lorsque le texte est silencieux que d’autres arguments sont acceptables (course of dealing, course of performance, usages of trade, good faith / fair dealing) de manière supplétive. - Règles néo-classiques (UCC, 1952) : Un K open term survivrait dans un tribunal. On fait prévaloir le fait de la modification à la forme du contrat. Les ententes doivent être interprétées de manière classique. Le texte a un statut prépondérant à d’autres arguments également plausibles, mais il n’est pas absolu. Il faut tenir compte du contexte, des pratiques réelles dans la lecture du texte. La notion de pertinence est plus large. - Règles relationnelles : Même plus un assouplissement, renversement de la logique de formation. On ne se demande pas quand le contrat a été signé, mais quand la relation économique a débuté. Le texte (éléments promissory) et les autres sont paritaires. Il n’y a pas de prépondérance automatique du texte. On peut plaider des usages (course of performance) contre des règles écrites avec succès (courant en droit du travail). 44 2) Thibierge, « Libres propos sur la transformation du droit des contrats », p. 514 Selon elle, la jurisprudence et les législateurs émettent des principes qui contredisent la théorie classique du 19e s. Ce constat est essentiellement juridique et porte sur le droit positif, pas empirique comme chez Esser. Pour Thibierge, il y a un problème de logique. Ex., on contredit constamment la force obligatoire du contrat après signature en adoptant toutes sortes d’exceptions. Modèle complexe des Ks combinant des principes classiques et nouveaux: - Égalité, au 19e s. voulait dire égalité juridique, abstraite; maintenant: veut dire égalité dans les faits, concrète (ex. les deux parties avaient-elles l’information nécessaire pour donner un consentement libre et éclairé ?). - Équilibre, pas de disproportion aberrante entre les droits et obligations des deux parties. - Fraternité, être capable de transcender les intérêts individuels pour définir des intérêts communs à long terme (ex. dommages-intérêts accordés lorsqu’un contrat est appliqué trop rigidement, style mettre un fournisseur en faillite pour une journée de retard dans une livraison : raisons morales (Macneil) et économiques (Collins), balance des inconvénients...); la vision du 19e s. était plus égoïste. Changement du paradigme du K : Aussi noté par Eisenberg en CL. - 19e s. : K comme bloc fermé et intangible, notarié dans un coffre fort. Repose sur la liberté contractuelle et sur la sécurité juridique du consentement mutuel. - 20e s. : K comme lien dynamique, automobile circulant sur un terrain économique et juridique variable. Peut se modifier avec le temps suivant la volonté des parties, tribunaux, législateurs. Les parties peuvent aussi changer (ex. convention collective). Ex. : le K de carte de crédit à très long terme est maintenant possible, avec des taux d’intérêt qui changent sans nouvelle signature. 23 novembre Modification de la théorie générale des Ks (p. 359) Approche typiquement civiliste, en 3 étapes : 1. Valeurs nouvelles, qui sont le fondement du droit. 2. Principes qu’en dégagent les juristes. 3. Règles particulières qui découlent des principes. Comment gérer le mélange de principes classiques et nouveaux dans la théorie générale des Ks ? 3 options : 1. Révision légère en faisant des principes nouveaux des exceptions aux principes anciens. Thibierge rejette cette option pratiquée par les néo-classiques d’Esser. Choque la volonté de généralité. Aussi crainte d’un droit commun dont les règles de base (19e s.) n’ont plus aucun rapport avec le droit positif. Ce serait la fin de la théorie générale. 45 2. Retenir que les principes nouveaux, abandonner les principes classiques. Non souhaitable pour Thibierge : abandon de principes qui sont encore importants (liberté et sécurité). 3. Dialectique dans la théorie générale des Ks, située entre 1 et 2. La synthèse ne doit pas faire disparaître la thèse et l’antithèse du système hégélien. Il est plutôt question d’un système de contrepoids où des principes opposés sont en tension. On ne cherche pas à dépasser les antinomies. Thibierge prend le parti de la complexité et des outils multiples, s’appliquant dans différentes situations. Comment pondérer les différents principes ? Thibierge ne dit rien à ce sujet. Il faut faire une analyse réaliste, près des faits. La prépondérance des inconvénients peut suggérer une hiérarchisation raisonnable eu égard la nature du K. Même idée que la pondération des 3 modèles d’Esser. On ne cherche pas la vraie solution ou le principe suprême, mais la solution la plus raisonnable (2nd best), vu notre « rationalité limitée ». « Croire en la pensée complexe est en soi un acte de foi. Si tous l’adoptent, elle fonctionne comme une prophétie auto-réalisatrice. Actuellement, la minorité avant-gardiste favorise l’approche complexe. C’est une construction de la réalité, comme toute théorie. » - Belley 46 MODULE B : LA CREATION POLYCENTRIQUE DU DROIT DES K Il y a maintenant plusieurs foyers créateurs de droit. Vision non plus moniste (droit créé centralement par l’État, d’une manière très formelle) mais pluraliste du droit. La création mono-centrique au niveau national (États) et mondial (ONU) domine moins. Qui crée le droit à l’échelle mondiale aujourd’hui ? - Les entreprises multinationales en créent par leurs Ks l’échelle mondiale (« private legislation ») et en se réunissant (ex. autour du Consensus de Washington). - Les institutions de l’économie mondiale (OMC, FMI, BIRD) créent du droit par leurs règlements et traités. - Firmes multinationales de la comptabilité et du droit ou ces firmes en réseau. - Fixation de normes techniques par des experts (ex. ISO). - Professeurs de droit qui suggèrent les principes d’Unidroit, que des parties peuvent choisir. Glenn : les principes d’Unidroit sont un progrès. Lebel : principes d’Unidroit sont une régression. 1) Glenn, « A Transnational Law of Contract », p. 483 Avantages juridiques des principes d’Unidroit - 3e droit qui échappe à l’unilatéralisme d’une ou l’autre partie. - Permet aux praticiens civilistes de ‘sauver les meubles’ alors que la CL est souvent en avance économiquement. - Élimine les nombreux litiges portant sur le droit pertinent (résolution du conflit de lois) quand le contrat n’est pas clair. - Uniformise les contrats des entreprises dans des pays différents. La qualité juridique des principes d’Unidroit est supérieure à celle des régimes de droit de la plupart des pays où le droit n’est pas fiable ou certain. 25 novembre Unidroit : progrès juridique, au sens technique et scientifique Régime plus clair et plus facile d’application que celui qui existait avant 1994 (1ère éd. d’Unidroit). Litige… …Avant 1994 : Le tribunal d’un des pays en cause devait utiliser les règles du droit international privé pour déterminer quel droit s’appliquait (compliqué quand 5 pays sont en cause). …Après 1994 : Tout K transnational ayant choisi Unidroit est uniquement régi par ses règles, appliquées par des arbitres privés. Double mouvement : 1. Contracting out, les parties sortent du droit étatique national. 2. Contracting in, adoption des principes d’Unidroit dans les Ks. Motifs non techniques de la supériorité d’Unidroit : 47 - Produit distillé du DC et de la CL, qui a repris les meilleurs aspects des 2 traditions (p. 170). - Plus réaliste, plus proche des besoins du commerce, « international best practices », règles construites en fonction des besoins de l’économie mondiale. - Valeur pivot des principes d’Unidroit : autonomie complète des parties dans le choix de leur forum et du droit qui y sera appliqué (ceci n’existe pas l’échelle nationale). Autonomie morale et normative, rappelle Kant: moralité qu’on se donne soi-même du moment que cette norme aurait une qualité universelle. - Les principes « are not affected by any domestic legislative considerations » - Glenn, on réinvente le droit naturel. Permet de mettre fin à la concurrence des droits étatiques. Gagnants et perdants sous un régime Unidroit GAGNANTS - Les parties sur trois plans: forum, droit, arbitre. - Les firmes transnationales d’avocats gagnent en marge de manoeuvre car libérées des droits étatiques. - Les arbitres internationaux car leur travail est simplifié. - Les grandes compagnies qui recherchent l’uniformité. - L’activité commerciale car elle sera facilitée (Trebilcock : des coûts de transaction). - Le DC et la CL face aux autres systèmes de droit. PERDANTS - Les systèmes juridiques étatiques qui perdent leur suprématie sur les contrats transnationaux. - Les juges par rapport aux arbitres. - Les systèmes juridiques corrompus et incompétents, qui pourront être ignorés. - Les juristes enfermés dans leur tradition nationale. - Les traditions juridiques non-occidentales. - Les législateurs, dans une certaine mesure : moins de pouvoir par leur law about dans les Ks transnationaux ou même domestiques (puisque le droit des Ks est surtout supplétif. Mais le droit impératif national reste quand même en vigueur, il ne pourra pas toujours y avoir de « contracting out » (voir art. 1.4 des principes d’Unidroit), donc les législateurs garderont un certain contrôle. 2) Lebel, « La mondialisation : une hypothèse économique galvaudée aux effets dramatiques », p. 489 Régression juridique : critique du « discours idéologique de la mondialisation » et de son nouvel ordre juridique, qui vise à délégitimer l’État et son droit, la politique face à l’économie, la démocratie face aux grands acteurs économiques. Unidroit est implicitement visé. À la fin du MÂ, les juristes se sont libérés de l’Église pour s’allier l’État. Aujourd’hui, ils se libèrent de l’État pour s’allier aux grands acteurs internationaux. 48 Trois critiques : - Il n’y aura jamais de droit mondial qui s’imposera aux acteurs transnationaux, car les règles actuelles sont asservies à l’économie et non l’inverse. (p. 20) - Ks d’adhésion sans office de protection du consommateur, tous ces artifices ne s’imposent pas impérativement (al. 2 du préambule d’Unidroit), mais seulement quand ils arrangent les multi-nationales, qui peuvent les écarter au besoin, contrairement au droit étatique. (p. 29) - Les créateurs (d’Unidroit) sont des « marchands de vertu » qui vendent de la légitimité qui aident la construction d’un nouvel ordre économique. (p. 32) Idées forces du texte de Lebel : - Économie échappe aux contraintes, à la réglementation étatique, le politique s’affaiblit. Les juristes changent d’allégeance. - Si on adhère l’idéologie de la mondialisation, elle va produire des effets: 1. Changement de la normativité, de la source de ce qui est obligatoire (avant: loi étatique dont on ne pouvait pas se libérer). Déclassement du juridique contraignant, qui devient secondaire. 2. Le rapport social devient submergé par le rapport économique. Les normes sociales qu’on aurait pu appliquer ont de moins en moins d’importance, seulement celles qui visent le développement économique sont importantes. Instrumentalisation des rapports sociaux. - L’arbitre ne se réfère plus à un intérêt supérieur (p. 30). Les principes d’Unidroit ne parlent aucunement de l’intérêt général, bien qu’ils parlent beaucoup de justice entre les parties. Les arbitres appliquent les lois du commerce entre les commerçants (seule transcendance : justice entre les parties, pas l’intérêt général). C’est comme s’il n’y avait pas de tiers. - L’idéologie de la mondialisation change la notion d’acteur: les multinationales et les ONG deviennent prépondérants en matière de légitimité. Alors que dans le système westphalien, les États étaient les seuls avoir voix au chapitre. 3) Synthèse : progression ou régression ? Pour discuter des principes d’Unidroit en sortant des a priori de Glenn et Lebel : Retour au (1) réalisme et à (2) l’empirique 1. On peut profiter de l’histoire pour ne pas refaire les mêmes erreurs. 2. Que se passe-t-il sur le terrain? Exemples : - Le Burkina Faso ne peut pas vraiment adopter une loi protégeant les poulets bicyclettes contre les importations d’Europe, à cause des pressions extérieures, style consensus de Washington. Les Ks transnationaux des importations sont essentiellement protégés du droit impératif. - Le 20e s. nous a appris que les règles impératives protègent les intérêts plus faibles (redistribution). Un régime purement consensuel et contractuel produit de fortes inégalités. Un peu comme si on prenait le CcQ en éliminant tout le reste du droit québécois. Très différent d’avoir un droit des contrats libéral avec et sans règles impératives: pas de contre-pouvoirs dans les principes d’Unidroit. 49 4) Les enjeux de la transnationalisation du droit des Ks La part des Ks transnationaux augmente continuellement. C’est une méthode de « contracting out ». Si l’expérience du 19e s. se répète, il devrait émerger un droit commun mondial. Cette possibilité ne s’est pas encore réalisée. Sans « contracting in », qu’est-ce qui représente le ‘in’, quelles normes vont s’appliquer à un tel K ? - Les promoteurs d’Unidroit comme Glenn croient que les opérateurs du commerce international choisiront cette normativité. - Les critiques d’Unidroit comme Lebel croient que les opérateurs du commerce international ne feront pas ce choix. L’ordre normatif privé transnational va prendre le dessus. Le law about sera : o Le law in sera exclusif, sans law about. o Les normes de l’OMC et le Consensus de Washington. o Les standards techniques internationaux. o Règles imposées par les acteurs économiques dominants (contrats types…), faute de régulation politique. Quatre GRANDS ENJEUX : 1. Diversité juridique, liée la diversité culturelle. Exactement pour les États ce qui s’est produit antérieurement pour les communautés locales : le droit s’autonomise de la culture (politique et autre), ce qui finit par l’affaiblir. 2. Développement de l’ordre public de protection. Les États ont adopté des règles de protection impératives en faveur des contractants plus faibles. Cet ordre public émane d’un État politique central. Ces catégories de contractants seront-elles protégées en l’absence d’État politique? 3. Ordre public de direction. Les États ont adopté beaucoup de lois d’intérêt public opposables certains contrats (ex. protection de l’environnement, redistribution des revenus, assurer la sécurité des produits). Cet ordre suppose une puissance forte. Risque: sa disparition à l’échelle mondiale, sans prise en compte de l’intérêt public global. 4. Idée d’un droit commun supplétif. Gain du 19e s. Il y aura-t-il un law about supplétif au niveau mondial? Le droit commun ne peut pas se développer si on peut choisir le droit applicable. Contrairement à un juge étatique (agent de l’État), un arbitre applique uniquement le droit que les parties ont voulu (arbitre choisi, contrairement au juge): pas les mêmes effets, à cause d’un ancrage institutionnel différent. Les puissants vont-ils adopter les principes d’Unidroit alors qu’ils peuvent adopter leurs propres règles ? Ces principes sont-ils un fantasme des juristes universitaires, une idéalisation faisant abstraction des rapports de force ? Pas clair actuellement, mais c’est un danger. Peut-on imaginer que les principes d’Unidroit auront cette force juridique sans avoir de force politique derrière eux ?