LA RESPONSABILITE DES LABORATOIRES DANALYSE MEDICALE

publicité
LA RESPONSABILITE DES LABORATOIRES DANALYSE MEDICALE
L'activité des laboratoires d'analyses de biologie médicale est réglementée par les articles L.753 et suivants du Code de la
Santé Publique. Les laboratoires dans lesquels sont effectuées des analyses de biologie médicale doivent répondre aux
conditions fixées par ces textes.
Les analyses de biologie médicale sont définies comme les examens biologiques qui concourent au diagnostic, au traitement
ou à la prévention des maladies humaines ou qui font apparaître toute autre modification de l'état physiologique, à
l'exclusion des actes d'anatomie et de cytologie pathologiques exécutés par les médecins spécialistes de cette discipline. Les
analyses ne peuvent être effectuées que dans les laboratoires mentionnés à l'article L 753 du Code de la Santé Publique, sous
la responsabilité des directeurs et des directeurs adjoints.
La responsabilité des médecins et des établissements de soins a connu récemment de grands bouleversements qu'il s'agisse de
la charge de la preuve de l'obligation d'informer ou de l'obligation de sécurité de résultat en matière d'infection nosocomiale.
Ces évolutions ont été spectaculaires dans la mesure où, de tout temps les médecins, et dans une moindre mesure les
établissements de soins, n'étaient tenus que de l'obligation de moyen à l'égard du patient. La responsabilité d'un laboratoire
d'analyse de biologie médicale comporte plusieurs dimensions qu'il convient de mesurer tour à tour.
Sur la responsabilité civile :
Un laboratoire d'analyse médicale est lié au patient par un contrat, ce qui implique a priori une responsabilité contractuelle
en cas d'inexécution des obligations mises à la charge du laboratoire. Un laboratoire d'analyses médicales est tenu à la fois
d'une obligation de résultat et d'une obligation de moyen à l'égard du patient. A la différence d'un acte médical proprement
dit, l'activité d'analyse médicale comporte peu d'aléa car l'exécution des analyses se fonde sur des techniques scientifiques.
Le biologiste a l'obligation de fournir un résultat d'analyse exact " directement utilisable et considéré comme une certitude
dans les limites de précision habituelle des méthodes utilisées ". Cette appréciation est ancienne et régulièrement reprise
par les juridictions :
" Attendu que toutes les fois que l'activité professionnelle du médecin se cantonne à des travaux de laboratoire, ne
comportant en l'état des données acquises de la Science, aucun aléa, c'est contrairement à l'opinion des premiers Juges, par
son résultat qu'elle se définit et qu'il y a lieu de l'apprécier, qu'il en va ainsi pour l'analyse sanguine, de la détermination du
groupe et du facteur rhésus s'effectue à coup sûr quand il est correctement procédé, que l'acte médical se réduit alors à une
recherche d'ordre technique obéissant à des règles stricts et invariables qui doivent nécessairement aboutir à une exacte
solution " Cour d'Appel de Toulouse, 14 Décembre 1959
C'est donc l'incapacité à fournir un résultat exact qui constitue l'inexécution contractuelle pour le laboratoire d'analyses
médicales. Il n'est nul besoin de rechercher l'existence d'une faute pour retenir la responsabilité de l'établissement. Ce
principe de responsabilité est constamment réaffirmé par les juridictions :
" Le contrat entre le laboratoire et son patient comporte une obligation de résultat dans la mesure où l'acte médical en la
matière serait dû à une recherche d'ordre technique obéissant à des règles strictes qui doivent nécessairement aboutir à une
solution exacte ". TGI de Valence, 8 Décembre 1992
" Par suite d'une erreur le résultat du test a été donné à tort comme étant positif avec un taux de 1/160 ce qui faisait
conclure que la maman contre la rubéole, qu'elle a donné naissance à un garçon qui a développé un an après des troubles
neurologiques et de graves séquelles causées par la rubéole congénitale contractée pendant la vie intra-utérine, que le
laboratoire qui n'a pas contesté l'erreur commise et le praticien contre lequel ont été retenus un défaut de soins attentifs
et diligents et un manquement au devoir d'information et de conseils ont été déclarés responsables et tenus de réparer les
conséquences dommageables ". Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, 26 Mars 1996
Une des caractéristiques de la responsabilité contractuelle est que c'est le laboratoire qui a effectué le prélèvement qui est
responsable vis à vis du patient quand bien même il a transmis le prélèvement à un autre laboratoire pour analyse : le lien
contractuel n'unit que le patient et ce premier laboratoire. Celui-ci dispose évidemment d'une action récursoire contre le
laboratoire qui aurait manqué à ses obligations pour le cas où une procédure en responsabilité serait engagée. Il a été
indiqué que ce qui justifie l'obligation de résultat qui est mise à la charge du laboratoire d'analyses médicales est l'absence
d'aléa et l'absence de difficulté technique dans la détermination des paramètres biologiques d'un prélèvement. Par contre,
lorsqu'il est avéré qu'un examen ou qu'une analyse est difficile à effectuer de sorte que son résultat présente un caractère
aléatoire, le laboratoire n'est plus tenu d'une obligation de résultat mais d'une obligation de moyen. Cette transition implique
que la responsabilité du laboratoire ne peut être engagée que sur faute prouvée et non sur la simple constatation d'une
inexécution contractuelle.
" Il est certain que le CTS ne pouvait être tenu à délivrer un résultat de caryotype conforme à la réalité observée sur
l'enfant arrivé à terme et né puisqu'aussi bien il existe une probabilité d'erreur fut-elle infime lorsque, s'agissant d'un
enfant de sexe féminin, les cellules sont d'origine maternelle et non fœtale … Le caractère incontestablement erroné en
l'espèce du résultat du caryotype ne peut donc pas en soi être constitutif d'une faute sauf à exiger du CTS une obligation de
résultat … L'examen attentif des termes précis de l'expertise ainsi que notamment les courriers des Dr. D. permet en
l'espèce d'affirmer qu'une mauvaise évaluation du degré de confiance a participé de l'erreur litigieuse qui n'avait donc pas le
caractère quasiment inévitable que semble lui conférer le rapport d'expertise ". TGI de Montpellier, 15 Décembre 1989
Dans le jugement précité le Tribunal analyse bien l'obligation du laboratoire comme étant une obligation de moyen. Comme
il constate au surplus l'existence d'une faute, il engage valablement la responsabilité du laboratoire. L'évolution actuelle des
régimes de responsabilité médicale et l'évolution des techniques médicales elles-mêmes fait de plus en plus souvent prévaloir
l'obligation de résultat sur l'obligation de moyen. Cette évolution est sensible dans la jurisprudence administrative puisque le
Conseil d'Etat a condamné un CHRU à indemniser les parents d'un enfant trisomique alors pourtant que l'amniocentèse n'avait
révélé aucune anomalie chromosomique. Au delà de l'obligation de mettre tout en œuvre pour fournir un résultat exact, il a
été jugé que le laboratoire d'analyses médicales doit correctement informer le patient qui prend contact avec lui sur la
prédictibilité ou le degré de fiabilité de l'analyse demandée :
" Toute personne s'adressant à un laboratoire d'analyses médicales est en droit d'attendre des résultats fiables à moins que
le médecin n'ait attiré l'attention de l'intéressé sur le caractère incertain ou aléatoire du résultat de l'analyse demandée ".
TGI de Perpignan, 12 Mars 1990
La jurisprudence en matière d'information du patient a connu des développements récents très spectaculaires en ce qui
concerne l'acte de soin lui-même. Le biologiste doit avoir connaissance de cette jurisprudence qui, dans certains cas, peut
régenter ses propres pratiques. Il faut d'abord relever qu'à l'instar du médecin, le biologiste doit apporter la preuve de ce
qu'il a informé le patient des risques éventuellement présentés par l'examen ou le prélèvement qu'il va effectuer :
Celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de
l'exécution de cette obligation. Un patient ayant subi une perforation intestinale à l'occasion d'une coloscopie avec ablation
d'un polype, a violé l'article 1315 du Code Civil, la Cour d'Appel qui l'a débouté de son action en responsabilité contre le
médecin au motif qu'il lui appartenait de rapporter la preuve de ce que le praticien ne l'avait pas averti du risque de
perforation au cours d'une telle intervention, ce qu'il ne faisait pas, alors que le médecin est tenu d'une obligation
particulière d'information vis à vis de son patient et qu'il lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette obligation. Cassation
Civile 1ère Chambre 25 Février 1997
Par ailleurs l'obligation d'information s'est considérablement élargie puisque le médecin, et le biologiste, doit attirer
l'attention du patient sur tous les risques encourus, y compris ceux qui ne surviennent qu'exceptionnellement.
Une patiente perd définitivement l'usage d'un œil suite à une greffe vertébrale, ce qui est une conséquence très rare de ce
type d'intervention … Hormis les cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, un médecin est tenu de
lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés
et il n'est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu'exceptionnellement … Cassation
Civile 1ère Chambre 7 Octobre 1998
Il faut donc réfléchir aux moyens de preuve que le biologiste doit pouvoir se constituer pour établir qu'il a bien informé
(cette preuve est libre), étant entendu que l'information elle-même doit être entendue très largement. Enfin la
jurisprudence récente élaborée par les arrêts du 29 juin 1999 en matière d'infection nosocomiale s'applique à n'en pas douter
au laboratoire d'analyses médicales. Dans 3 arrêts récents, la Cour de Cassation a notablement aggravé la responsabilité des
établissements de soin et a bouleversé celle des médecins en matière d'infection nosocomiale. Désormais, les uns et les
autres sont débiteurs d'une obligation de résultat au profit du patient. La clinique comme le médecin ne peuvent échapper à
leur responsabilité qu'en établissant que l'infection trouve son origine dans une cause étrangère aux soins dispensés.
Le contrat d'hospitalisation et de soins conclu entre un patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier,
en matière d'infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la
cause étrangère… Viole l'article 1147 la Cour d'Appel qui, pour rejeter le recours du patient,…énonce qu'aucune négligence
ou défaillance fautive ne pouvait être reprochée audit établissement dans la phase pré et post opératoire … Cassation, 1ère
Chambre 29 Juin 1999
Un médecin est tenu, vis à vis de son patient, en matière d'infection nosocomiale, d'une obligation de sécurité de résultat
dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère… Cassation, 1ère Chambre 29 Juin 1999
Un médecin est tenu, vis à vis de son patient, en matière d'infection nosocomiale, d'une obligation de sécurité de résultat
dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère…Viole l'article 1147 du Code Civil la Cour d'Appel
qui, pour rejeter une action en réparation contre un radiologiste … retient que le médecin est tenu d'une obligation de
moyen et non pas de résultat, que sa faute ne peut se déduire de la seule apparition du préjudice, fut-il en relation de
causalité avec l'acte médical pratiqué … Cassation, 1ère Chambre 29 Juin 1999
Sur ce point encore, le biologiste doit être particulièrement vigilant. Les dossiers de responsabilité impliquant des
laboratoires d'analyses médicales sont le plus souvent assez complexes dans la mesure où le laboratoire n'est pas le seul
intervenant dans la chaîne des soins d'une part, dans la mesure d'autre part où il est difficile d'établir le caractère fallacieux
d'un résultat ou, en cas d'obligation de moyen le manquement fautif dudit laboratoire. Le plus souvent c'est dans le cadre
d'une expertise judiciaire qu'un éventuel comportement fautif est caractérisé : qu'il s'agisse de raisonner par analogie et de
tirer de l'ensemble des paramètres chimiques et physiologiques des éléments de comparaison utile, l'expert a toute
possibilité d'investigation pour caractériser la faute ou la responsabilité d'un laboratoire. Il est fréquent qu'un partage de
responsabilité intervienne entre les divers intervenants à l'acte de soin, y compris le laboratoire d'analyses médicales. C'est
le cas lorsque divers praticiens concourent à la prise en charge d'un patient : dans ce cas il existe autant de contrat de soins
que de médecins concernés et les responsabilités des uns et des autres peuvent se cumuler.
La Cour de Cassation confirme un arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 27/11/85 dans l'espèce suivante : le Dr.
FERRAN a administré à Monsieur INOCENTI pendant 5 semaines des doses croissantes de lithium sans avoir commis de faute
dans l'établissement du diagnostic de l'infection dont il souffrait ni dans le choix de la thérapeutique ainsi instituée pour
soigner cette infection. En revanche le traitement ayant gravement intoxiqué le malade, la Cour d'appel a estimé que le
préjudice subi par celui-ci était dû à la fois à une erreur du laboratoire chargé par le Dr. FERRAN de procéder à la mesure
hebdomadaire du taux de lithiémie et à l'imprudence du médecin qui a continué à augmenter les doses se fiant au résultat
erroné de ces mesures malgré l'apparition de signes cliniques d'intoxication dés la 3ème semaine. La Cour a donc déclaré le
laboratoire, son assureur et le Dr. FERRAN solidairement responsables . Cassation 1ère Chambre Civile, 8 Décembre 1987
A supposer qu'un laboratoire d'analyses médicales ait engagé sa responsabilité soit qu'il ait manqué à l'obligation de résultat
soit qu'il ait commis une faute, éventuellement établie dans le cadre de l'expertise judiciaire, il reste encore à déterminer
quel type de préjudice peut être mis en rapport avec cette faute. L'analyse défectueuse va en effet parfois polluer le
diagnostic médical ou même directement contribuer à la dégradation de l'état du patient s'il s'agit, comme dans l'espèce
précitée, d'un dosage défectueux et insuffisamment contrôlé. Lorsqu'une erreur dans l'exécution d'une analyse peut avoir des
conséquences directes sur la santé du patient, un lien de causalité peut être établi entre la faute ou l'inexécution
contractuelle et le décès. Le laboratoire d'analyses médicales et sa compagnie d'assurance sont alors condamnés à
indemniser la totalité du préjudice subi. Le droit français connaît en effet le principe de réparation intégrale du préjudice
subi ce qui comporte les postes de préjudice dits " soumis à recours " (frais médicaux, incapacité temporaire totale et
incapacité permanente partielle) ainsi que les postes de préjudice dits " personnels " (préjudice esthétique, pretium doloris,
préjudice d'agrément, sexuel, etc. …). Il existe des postes de préjudice plus spécifiques comme le préjudice moral ou le
préjudice psychologique lorsqu'une analyse défectueuse a plongé un patient dans une situation personnelle difficile : ainsi le
fait d'annoncer à un patient un résultat erroné de positivité au virus HIV entraîne pour ce dernier un préjudice psychologique
qui est indemnisable. Le lien de causalité entre le manquement du laboratoire et le préjudice subi par le patient est parfois
plus difficile à établir : on évoque alors la notion de perte de chance. Un résultat inexact a pu conforter un médecin dans
l'efficacité du traitement qu'il avait engagé alors que ce traitement n'était pas efficace ou a pu masquer des symptômes qui,
dés leur révélation auraient justifié l'engagement d'un traitement. Dans un cas comme dans l'autre un retard au traitement
ou un mauvais choix de traitement va compromettre les chances de guérison du patient. L'affection étant néanmoins dotée
d'une vitalité propre qui n'est qu'imparfaitement contrôlée par les traitements médicaux, il est impossible de dire si le retard
au traitement ou la substitution de traitement est seule à l'origine de la dégradation éventuelle de l'état du patient ou même
de son décès. Il est certain que la faute y a concouru de sorte que le patient a perdu une chance d'être mieux soigné. La
jurisprudence a fluctué sur la façon selon laquelle il convenait d'indemniser la perte de chance subie par un patient. Dans la
jurisprudence la plus récente de la Cour de Cassation, la perte de chance est considérée comme un mode d'appréciation et
d'évaluation du préjudice. La Cour de Cassation estime ainsi qu'avant de calculer le préjudice résultant de la perte de
chance, les premiers Juges doivent évaluer la totalité du préjudice subi par le patient et indemniser une fraction de son
préjudice plus ou moins importante en fonction de l'importance de la perte de chance. Ce mode de calcul est empirique et
ne permet pas une grande prévisibilité de condamnation. Une jurisprudence récente de la Cour de Cassation estime même
que la naissance d'un enfant atteint d'une infection qui n'avait pas été décelée intra-utéro constitue pour l'enfant lui-même
comme pour ses parents un poste de préjudice qui doit être indemnisé.
"Le fait pour un enfant de voir supporter les conséquences de la rubéole faute pour sa mère d'avoir décidé une interruption
de grossesse ne peut, à lui seul, constituer pour l'enfant un préjudice réparable … en revanche la perte de chance de naître
normal doit être réparée si elle est en relation directe avec la faute commise … spécialement les très graves séquelles dont
est atteint l'enfant n'ont pas pour cause l'erreur commise par le laboratoire ni même le manquement du médecin de famille
à ses obligations contractuelles, mais seulement la rubéole que lui a transmise in utero sa mère .. cette infection au
caractère irréversible est inhérente à la personne de l'enfant et ne résulte pas des fautes commises par les médecins … à
défaut de lien de causalité établi, il convient de réformer le jugement en ce qu'il a déclaré le médecin de famille et le
laboratoire responsables in solidum du préjudice causé à l'enfant et lui a accordé une indemnité provisionnelle Cour d'Appel
de Paris, 17 Décembre 1993
Qu'en se déterminant ainsi qu'il était constaté que les parents avaient marqué leur volonté, en cas de rubéole, de provoquer
une interruption de grossesse et que les fautes commises les avaient faussement induits dans la croyance que la mère était
immunisée, encore en sorte que ces fautes étaient génératrices du dommage subi par l'enfant du fait de la rubéole de la
mère, la Cour d'Appel qui a jugé que la naissance en elle-même ne constituait pas un événement dommageable et même qui
n'était pas établi que l'avortement était encore possible à l'époque de la consultation médicale ni que cette possibilité
aurait été utilisée par l'intéressée, a violé les textes susvisés ". Cassation Civile 1ère Chambre, 26 Mars 1996
Dans cette espèce le handicap dont souffrait l'enfant ne résultait pas directement des fautes commises par le laboratoire et
d'ailleurs par le médecin mais il était établi que la décision de la mère de poursuivre sa grossesse était liée au diagnostic du
médecin et donc au résultat de l'analyse. Sans les fautes commises par le laboratoire, la naissance et donc un enfant atteint
de séquelles de rubéole auraient pu être évités. En définitive la responsabilité des laboratoires d'analyses médicales est
caractérisée par l'existence d'une obligation de fournir des résultats exacts qui de résultat, l'exigence d'une preuve du
laboratoire ne pouvant être exigée que pour les examens les plus difficiles et donc l'interprétation et la mise à exécution est
aléatoire. Comme cela a déjà été indiqué le champ de cet aléa se rétréci d'arrêt en arrêt.
Sur la responsabilité pénale
L'activité du laboratoire d'analyses médicales a suscité la définition de diverses infractions pénales décrites aux articles L
761-16 à L 761-23 du Code de la Santé Publique. Cette législation vise essentiellement les conditions dans lesquelles l'activité
du laboratoire d'analyses médicales est exercée (emploi illicite de l'appellation du laboratoire ; ouverture d'un laboratoire
sans autorisation ; ristourne illégale et versement à un tiers d'une quote part des revenus du laboratoire ; exercice sans
diplôme requis ; exercice illégal dans plusieurs laboratoires ; omission de se mettre au contrôle de qualité ; défaut d'exercice
personnel et effectif ; publicité illégale …). Mais il est bien certain que les praticiens de la biologie sont soumis à l'ensemble
des dispositions du droit commun et notamment aux dispositions du Code Pénal. De façon assez classique, à l'instar des
médecins et des établissements de soins, les infractions susceptibles d'être reprochées au biologiste sont l'homicide
involontaire (art. 221-6 du Code Pénal), l'infraction de blessures, coups ou maladie involontaires (art. 222-19 du Code Pénal)
et la mise en danger de la vie d'autrui (art. 223-1 du Code Pénal). Il existe également des infractions particulières à la
recherche en matière biomédicale. Le fait de pratiquer ou de faire pratiquer sur une personne une recherche biomédicale
sans avoir recueilli son consentement libre, éclairé et expresse du patient est punissable de peine d'emprisonnement et
d'amende (art. 223-8 du Code Pénal). Avant d'analyser les situations dans lesquelles la responsabilité pénale d'un laboratoire
peut être engagée et d'identifier les personnes physiques et morales susceptibles d'être poursuivies, il faut attirer l'attention
sur le fait que de plus en plus le Juge pénal est considéré comme un régulateur social. Les médecins et les établissements de
soins ont pendant très longtemps été à l'abri des procédures pénales car, dans l'imaginaire collectif, la sanction pénale
intervient pour réprimer un comportement antisocial caractérisé et généralement volontaire. Les infractions involontaires
connaissent un regain d'intérêt évident et dans l'esprit du consommateur comme du Juge la sanction pénale est autant
destinée à frapper un professionnel fautif qu'à attirer l'attention de tous les professionnels sur l'existence d'une sanction
pénale pour tout comportement anormal. L'idée serait qu'il est difficile de contrôler l'activité de tous les intervenants
économiques et de tous les médecins ou établissements de soins et que l'exemplarité voir le caractère spectaculaire des
sanctions pénales amènerait chacun d'entre eux à revoir sa pratique, la menace de sanction remplaçant le contrôle effectif.
Il est d'ailleurs tout à fait incontestable que le nombre de plaintes pénales dirigées contre des médecins ou des
établissements de soins a considérablement augmenté ces dernières années. Cela a été indiqué, il n'existe pas de texte
spécifique réprimant les fautes des laboratoires d'analyses médicales ou de leur personnel. Les qualifications habituellement
retenues sont des catégories générales qui répriment tous les comportements involontaires, professionnels ou non. Les deux
qualifications les plus fréquemment évoquées sont les coups et blessures involontaires et l'homicide involontaire : ces deux
infractions ne se distinguent que par leurs conséquences. Un même geste fautif peut être qualifié d'homicide ou de coups et
blessures selon que le patient décède ou subit une incapacité totale de travail supérieure ou égale à 90 jours. Lorsque cette
incapacité est inférieure à 90 jours, le médecin ou le biologiste n'est passible que d'une contravention. Il convient de décrire
rapidement les différentes infractions susceptibles d'être évoquées.
Homicide involontaire : le nouveau Code Pénal a conservé la définition de l'infraction d'homicide involontaire, en aggravant
les peines lorsque le manquement de la personne poursuivie est délibéré.
Art. 221-6 Le fait de causer, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de
trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende. En cas de manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de
prudence imposée par la loi ou les règlements, les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 F
d'amende.
Coups et blessures involontaires :
les peines prévues pour ces infractions sont distinctes selon que la victime subit une incapacité totale de travail inférieure ou
supérieure à trois mois. Elles sont évidemment plus graves dans le second cas. Les infractions de coups et blessures
involontaires sont celles qui sont le plus souvent poursuivies en matière de responsabilité médicale. Sur le plan technique, il
faut relever que le texte mesure la gravité de l'infraction à celle de l'ITT et non de l'IPP. C'est donc la date de consolidation
de la victime qui permet de retenir l'infraction de l'article 222-19 plutôt que celle de l'article 222-20, ou vice-versa.
Art. 222-19 Le fait de causer à autrui, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation
de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois
est puni de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 F d'amende. En cas de manquement délibéré à une obligation de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, les peines encourues sont portées à trois ans d'emprisonnement
et à 300 000 F d'amende.
Art. 222-20 Le fait de causer à autrui, par un manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par
la loi ou les règlements, une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois, est puni d'un an
d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende.
Prise de risque :
le Nouveau Code Pénal introduit cette notion de risque pris délibérément et qui est sanctionné pénalement même lorsqu'il
n'y a pas de victime. On peut penser qu'un biologiste pourrait être ainsi poursuivi s'il adoptait une conduite ou des pratiques
considérées comme spécialement dangereuses au sein de son laboratoire quand bien même aucun patient ne subirait de
préjudice.. Il faut toutefois relever le caractère exigeant du texte pénal.
Art. 223-1 Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une
mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou
de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende.
Le Tribunal Correctionnel n'est plus réservé aux seules personnes physiques. Le nouveau Code Pénal prévoit que les
personnes morales, et donc les centres hospitaliers ou les établissements privés, ou les laboratoires, peuvent avoir à
répondre, dans certaines conditions, des infractions de coups et blessures et d'homicide involontaire à côté ou à la place du
médecin ou du biologiste. Il s'agira d'une responsabilité pénale autonome: une organisation défaillante du service, le souseffectif endémique d'une salle ou d'un département pourraient, en cas d'accident, justifier la condamnation pénale d'une
personne morale. Chacune des infractions précédemment décrites (article 221 à 223 du Code Pénal précités) pourra être
reprochée non seulement au médecin mais encore au centre de soins . Lorsque la loi le prévoit à l'encontre d'une personne
morale , un crime ou un délit peut être sanctionné d'une ou de plusieurs des peines suivantes :
L'amende, étant entendu que le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui
prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction.
L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou
plusieurs activités professionnelles ou sociales, à l'occasion desquelles l'infraction a été commise.
La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;
L'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de
communication audiovisuelle.
La jurisprudence en matière pénale est rare, au moins en ce qui concerne les laboratoires d'analyses médicales. Une affaire célèbre - mérite au moins d'être évoquée.
Deux biologistes associés, l'un médecin, l'autre pharmacien ont ainsi été condamnés, avec une technicienne de laboratoire
dans les circonstances de fait suivantes : la technicienne de laboratoire s'était trompée en préparant une solution en vue
d'une épreuve d'hyperglycémie provoquée et avait utilisé 50 g de Fluorure de sodium au lieu de Glucose ce qui provoqua le
décès de la patiente. La technicienne était donc directement la cause de l'homicide par son inattention. Elle avait par
ailleurs tenté de dissimuler son erreur alors que l'agonie de la patiente a duré prés de deux heures dans le laboratoire luimême. Le pharmacien biologiste avait lui été condamné parce qu'il avait pris la responsabilité de faire préparer au
laboratoire une solution de Glucose ce qui lui est interdit puisqu'il s'agit d'un médicament dont la préparation est réservée
aux établissements pharmaceutiques. Le médecin biologiste qui n'avait pas pris part aux actes des deux autres prévenus a été
poursuivi pour omission de porter secours à personne en péril. En effet, présent dans le laboratoire et averti de l'état
préoccupant de la patiente, il s'était abstenu d'aller la voir.La laborantine a été condamnée à deux ans d'emprisonnement
dont 16 mois avec sursis, le pharmacien biologiste a été condamné à 13 mois d'emprisonnement avec sursis et F 20.000
d'amende et le médecin biologiste a été condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et F 20.000 d'amende.
Il ne faut pas ignorer enfin l'événement dans la presse nous rebat les oreilles depuis de nombreux mois : le passage de l'an
2000. Les laboratoires d'analyses médicales sont largement tributaires de matériels informatiques ou électroniques qui gèrent
ou ne gèrent pas le passage de l'an 2000. Les résultats qui seront faussés, indisponibles ou mal adressés par suite d'un
dysfonctionnement lié au passage de l'an 2000 sont susceptibles d'entraîner une situation de crise. Il est bien certain que les
laboratoires d'analyses médicales et leur directeur seront responsables civilement et surtout pénalement des conséquences
de ces omissions.
Téléchargement