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DEUXIÈME PARTIE. SOCIOLOGIE
THÈME n° 4. INTÉGRATION, CONFLIT, CHANGEMENT SOCIAL
CHAPITRE 9. LA CONFLICTUALITÉ SOCIALE : PATHOLOGIE, FACTEUR DE COHÉSION
OU MOTEUR DU CHANGEMENT SOCIAL ?
NOTIONS ESSENTIELLES : Conflits sociaux, mouvements sociaux, régulation des conflits, syndicat
ACQUIS DE PREMIÈRE : Conflit.
VOCABULAIRE
127. Conflits sociaux : Discordes, luttes, affrontements ouverts et explicites ou bien latents entre groupes sociaux opposés par leurs
intérêts matériels ou symboliques (leurs idées) et qui veulent modifier le rapport de force en leur faveur.
Parmi les conflits sociaux, on distingue : Les conflits du travail qui ont pour objet la défense des droits des travailleurs. Ils sont
généralement menés par des groupes sociaux de nature professionnelle : mouvements ouvriers, mouvements paysans etc.
Les conflits sociétaux qui ont pour objet la défense de valeurs, les institutions, l’organisation de la société dans son ensemble
128. Mouvement social : Ensemble d'actions, de conduites et d'orientations collectives mettant partiellement ou totalement en cause
l'ordre social et cherchant à le transformer. Ces mouvements sont dits sociaux car ils mobilisent des groupes sociaux : classes et
fractions de classe le plus souvent (mouvement ouvrier, mouvement paysan) mais aussi des groupes d'âge à statut particulier
(mouvement étudiant, lycéen), des minorités raciales ou ethniques (Noirs aux USA, Kabyles en Algérie). Ces groupes contestent
l'organisation sociale et culturelle au-delà du champ strictement politique. En règle générale, ils se manifestent dans et par le conflit,
ils rendent visibles les rapports sociaux de domination et les antagonismes sociaux tout en les contestant activement.
129. Régulation des conflits : c’est la mise en place de règles plus ou moins explicites et acceptées par l’ensemble des acteurs ayant
pour objectif d’encadrer et de réguler les conflits et leur déroulement. Pour qu’un conflit ne débouche pas sur l’émeute, il a besoin
d’être régulé.
130. Syndicats : Associations assurant la représentation et la défense des intérêts matériels et moraux d’une même profession. Les
syndicats sont des groupes sociaux intermédiaires dans la mesure où ils regroupent des individus qui forment une unité sociale
durable, caractérisée par des liens internes directs ou indirects et/ou des activités communes, une conscience collective (sentiment
d'appartenance) et cette unité est reconnue par les autres. Ce sont également des acteurs collectifs dont la fonction essentielle est la
médiation entre salariés et employeurs. Ainsi, ce sont des instances de régulation des conflits, des institutions qui en recherchant
l'intérêt commun des salariés constituent des médiateurs indispensables à la gestion des conflits.
INTRODUCTION : QUESTION DE VOCABULAIRE
1) A la découverte des conflits sociaux
a) Qu’est-ce qu’un conflit social ?
Document 1
Combats, jeux ou débats : quelles que soient les figures, des rapports d'interdépendance enserrent les conduites des
acteurs sociaux. Les conflits naissent de la dépendance réciproque des individus ou des groupes. L'agent autonome –Robinson
sur son île avant la rencontre avec Vendredi – n'envisage pas de conflit avec l'autre ; il ne joue, ni de débat, sauf dans son
imaginaire.
Outre la dépendance réciproque (interdépendance), les traits essentiels du conflit sont également l'antagonisme variable
des buts et la lutte pour l'acquisition et l'usage des ressources relativement rares. Mais il serait erroné de croire que ces deux
derniers traits puissent s'assimiler à des phénomènes de concurrence. En effet, le conflit se distingue de la concurrence. Lors
d'un conflit, un individu, un groupe va déployer volontairement des activités de blocages afin de gêner les activités d'autrui
alors que dans les situations de concurrence les protagonistes ne se font pas obstacle.
Q1. Énumérez les différentes situations de conflits que vous connaissez.
Q2. Selon l'auteur, de quoi naissent les conflits ? Quels sont les deux traits essentiels des conflits ?
1
Q3. À l'aide de la question 2, expliquez pourquoi selon l'auteur les situations conflictuelles doivent être distinguées des
situations de concurrence.
b) Conflits du ………….. ou conflits ……………. ?
c) Les conflits sociaux des formes et des modalités d’action diversifiées
d) Lesquels peuvent être latents ou ouverts
Document 2
Notre premier problème est de préciser quelle est la relation sociale qui, par sa pratique, produit des individus
socialement opprimés, rejetés, stigmatisés parce qu'ils sont homosexuels. L'un détient une norme sociale, qu'il considère
comme légitime et qu'il respecte : l'hétérosexuel qu'est le père, la mère, l'éducateur, l'employeur, le policier, le juge ou le
voisin de l'homosexuel détient une norme, à ses yeux légitime; au nom de l'autorité que lui confère cette légitimité, il
entend faire respecter cette norme par l'autre, qui, s'il s'y refuse, subit des sanctions qui l'oppriment.
Entre l'hétérosexuel et l'homosexuel, il y a bien une relation de coopération involontaire, visant une fin :
l'existence d'une norme, que l'un affirme et que l'autre nie. Dans cette relation, l'homosexuel est opprimé : il subit des
sanctions qui, selon les sociétés et les époques, peuvent aller du simple quolibet à l'emprisonnement ou même à la mort.
Et cette oppression débouche sur de multiples conflits individuels avec les détenteurs de la norme. Parfois— et c'est ce
qui nous intéresse ici — la protestation se répand parmi les opprimés, qui la considèrent comme la réaction la plus
profitable.
Comme tout individu mécontent, l'homosexuel peut réagir selon le modèle proposé par Albert O. Hirschman dans
« Exit, Voice and Loyalty » (1970).
La loyauté consiste, dans ce cas, à reconnaître la légitimité de la norme hétérosexuelle et, dès lors, à vivre
l'homosexualité comme une déviance, une perversion, un péché, une maladie que l'on soigne ou que l'on s'efforce de
refouler. Dans son effort conformiste, l'homosexuel assume l'image de lui-même que l'hétérosexuel lui renvoie et, surtout,
il se soumet aux soins qu'il (le psychiatre, le médecin, le prêtre) lui destine. Le Rapport Kinsey nous révèle que, si 50 %
des hommes américains ne sont pas exclusivement hétérosexuels, seulement 4 % d'entre eux sont exclusivement
homosexuels. Combien, parmi les 46 % restants, ont renoncé partiellement ou totalement à l'homosexualité à cause de la
pression sociale ?
La conduite inverse, la défection, consiste à fuir la relation avec les hétérosexuels et à pratiquer l'homosexualité
dans la clandestinité du ghetto. L'homosexuel mène une double vie, faite de faux-semblants, en s'efforçant d'échapper au
contrôle social.
La protestation est, bien entendu, une transgression ouverte de la norme : l'homosexuel affirme son droit à la
différence et dès lors assume les nombreux conflits avec les hétérosexuels. Des degrés de protestation doivent être
distingués : du simple « provocateur » individuel, qui ne se cache pas mais ne cherche pas non plus à faire reconnaître la
légitimité de sa pratique, jusqu'à l'homosexuel militant d'un mouvement d'action collective.
Guy Bajoit, « Exit, voice, loyalty... and apathy. Les réactions individuelles au mécontentement », RFS 1988
Q1. Montrez qu’il existe des conflits latents et des conflits cachés.
2) Ne pas confondre les conflits sociaux
a) … avec les mouvements sociaux
b) ni avec l’action collective
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SECTION 1. QUELS LIENS ENTRE CONFLIT SOCIAL,
INTÉGRATION ET CHANGEMENT SOCIAL ?
I. LE CONFLIT SOCIAL RÉSULTE-T-IL D’UN DÉFAUT D’INTÉGRATION OU
EST-IL FACTEUR DE COHÉSION SOCIALE ?
A. Le conflit social : élément central du changement social chez Marx
1) L’analyse d’Émile DURKHEIM
a) Quand la division du travail devient anomique
Document 3
Si, normalement, la division du travail produit la solidarité sociale, il arrive cependant qu’elle a des résultats tout différents
ou même opposés. Un premier cas de ce genre nous est fourni par les crises industrielles ou commerciales, par les faillites qui sont
autant de ruptures partielles de la solidarité organique. L’antagonisme du travail et du capital est un autre exemple, plus frappant, du
même phénomène, à mesure que les fonctions industrielles se spécialisent davantage, la lutte devient plus vive, bien loin que la
solidarité augmente. Au Moyen-Âge, l’ouvrier vit partout à côté de son maître, partageant ses travaux « dans la même boutique, sur le
même établi ». Tous deux faisaient partie de la même corporation et menaient la même existence. L’un et l’autre étaient presque
égaux. Aussi les conflits étaient-ils tout à fait exceptionnels. Au XVIIe siècle commence l’avènement de la grande industrie. L’ouvrier
se sépare plus complètement du patron. Depuis, la guerre est toujours devenue plus violente. Or, la petite industrie, où le travail est
moins divisé, donne le spectacle d’une harmonie relative entre le patron et l’ouvrier, c’est seulement dans la grande industrie que ces
déchirements sont à l’état aigu. Ce qui fait la gravité de ces faits, c’est qu’on y a vu quelquefois un effet nécessaire de la division du
travail, dès qu’elle a dépassé un certain degré de développement. Dans ce cas, dit-on, l’individu, courbé sur sa tâche, s’isole dans son
activité spéciale ; il ne sent plus les collaborateurs qui travaillent à côté de lui à la même œuvre que lui, il n’a même plus du tout
l’idée de cette œuvre commune. La division du travail ne saurait donc être poussée trop loin sans devenir une source de
désintégration.
D’après É. Durkheim (1893), De la division du travail social, PUF, 1991.
Q1. Expliquez la phrase soulignée dans le texte
b) Quand la division du travail devient contrainte
Document 4
L'institution des classes ou des castes constitue l'organisation de la division du travail, et c'est une organisation étroitement
réglementée ; cependant elle est souvent une source de dissensions. Les classes inférieures n'étant pas ou n'étant plus satisfaites du
rôle qui leur est dévolu par la coutume ou par la loi aspirent aux fonctions qui leurs sont interdites et cherchent à en déposséder ceux
qui les exercent. Cet espace, ouvert au tâtonnement et à la délibération peut créer un état pathologique. Sans doute, nous ne sommes
pas, dès notre naissance, prédestinés à tel emploi spécial ; nous avons cependant des goûts et des aptitudes qui limitent notre choix.
S’il n'en est pas tenu compte, nous souffrons et nous cherchons un moyen de mettre un terme à nos souffrances. Pour que la division
du travail produise la solidarité, il ne suffit donc pas que chacun ait sa tâche, il faut encore que cette tâche lui convienne. Si
l'institution des classes ou des castes donne parfois naissance à des tiraillements douloureux au lieu de produire la solidarité, c'est que
la distribution des fonctions sociales sur laquelle elle repose ne répond pas ou plutôt ne répond plus à la distribution des talents
naturels. Pour que des besoins se répandent d'une classe dans une autre, il faut que les différences qui primitivement séparaient ces
classes aient disparu ou diminué. Il faut que, par un effet des changements qui se sont produits dans la société, les uns soient devenus
aptes à des fonctions qui les dépassaient au premier abord tandis que les autres perdaient de leur supériorité originelle. Par suite de ces
transformations, l'accord se trouve rompu dans toute une région de la société entre les aptitudes des individus et le genre d'activité qui
leur est assignée ; la contrainte seule plus ou moins violente, et plus ou moins directe les lie à leur fonction; par conséquent, il n'y a de
possible qu'une solidarité imparfaite et troublée.
D’après É. Durkheim (1893), De la division du travail social, PUF, 1991.
Q1. Expliquez la phrase soulignée dans le texte
c) Quand la socialisation devient défaillante
Document 5
Les premiers théoriciens, en accord avec ce qu'il est convenu d'appeler la théorie de la société de masse, ont soutenu l'idée que les
conflits sociaux, surtout dans leurs formes les plus intenses, ont tendance à apparaître quand les formations sociales traditionnelles et
les solidarités communautaires font défaut. La désorganisation sociale, affirment-ils, provoque d'énormes tensions, frustrations et
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insécurité parce que les gens sont privés de leurs attaches traditionnelles. Les plus frustrés, c'est du moins ce qu'ils disent, en accord
avec la célèbre hypothèse de la frustration-agression, seront sans doute les plus enclins à participer à un comportement déviant et à
être recrutés dans des mouvements sociaux. Là où l'anomie est forte, dans des centres industriels en développement ou dans des
communautés rurales en déclin et en voie de désorganisation, on peut constater un taux de criminalité et de maladies mentales élevé,
mais aussi des formes d'action politique et sociale absolument irrationnelles. On peut dire ici que les mouvements sociaux
particulièrement violents résultent du brusque relâchement de tensions principalement irrationnelles et ne sont pas le fait d'une action
rationnelle.
Lewis A. Coser, les fonctions du conflit social(1956), PUF, 1982
Q1. Quelles sont les causes possibles des conflits sociaux ?
2) L’analyse de R. K. MERTON
3) Exemples contemporains
a) La crise des banlieues en octobre 2005
Document 6
Au-delà de l’aspect accidentel, on repère une structure qui a favorisé l’apparition des émeutes. Les villes les plus touchées
par les émeutes étaient les plus pauvres, et la part des jeunes au chômage avoisine les 30% à 40% en moyenne pour les jeunes, et si on
prend les non-diplômés, on dépasse 50% chez les moins de 30 ans ! (…)
La question de la ségrégation est centrale […]. Les émeutes de novembre eurent lieu dans les ZUS (Zones Urbaines Sensibles), où la
part des populations issues de l’immigration est plus importante […]. Le sentiment de ségrégation se fonde sur un fait réel, la
concentration dans certaines zones de population d’origine immigrée. Un tel sentiment se traduit chez les jeunes par l’impression
d’être des citoyens de seconde classe, d’être méprisés.
Hugues Lagrange, Marco Oberti, « Les raisons des émeutes », les Grands Dossiers des Sciences Humaines N°4, 2006
Q1. Pourquoi peut-on dire que la crise des banlieues de 2005 révèle un défaut d’intégration ?
b) Le conflit social en Guadeloupe en 2009
Document 7
À l’exception des partis de gouvernement de droite et de gauche, LKP rassemble dans un seul collectif les représentants
désignés de 48 organisations regroupées sur une plate-forme commune comprenant 146 revendications, notamment contre la vie chère
(…) et la dénonciation de la surexploitation dont les grands groupes de distribution et d’importation sont les bénéficiaires exclusifs.
Ce sont ces mêmes groupes qui dirigent le commerce, la distribution, l’importation automobile (Hayot et Despointes Lauret, Blandin),
l’hôtellerie (Vion) ; la presse quotidienne (Hersant). Ces groupes ont jusqu’à présent bénéficié du turbulent silence d’une
administration complaisante. Ils sont dirigés par une toute petite caste, d’origine béké. Ils ont retissé un pacte colonial implicite qui
leur permet de bénéficier de marges bénéficiaires spéculatives et d’avantages fiscaux et sociaux exorbitants. Depuis la mobilisation,
tout le monde reconnaît les abus sur les prix et sur les surprofits qu’ils génèrent, y compris les plus hautes autorités de l’Etat (…).
Cette large mobilisation culturelle, sociale et identitaire fait que le patronat et ses organisations, ainsi que les autorités territoriales et
l’Etat, ne se retrouvent pas dans un face-à-face avec une seule organisation syndicale mais avec tout un peuple qui affirme sa dignité.
Cette unité populaire s’adosse à la lutte contre la vie chère, pour la baisse du prix du carburant, pour l’augmentation immédiate de 200
euros pour les bas salaires ; mais elle va bien au-delà. Il serait grand temps que les décideurs économiques et les représentants des
autorités politiques nationales, régionales et municipales le comprennent.
Tiennot Grumbach et Savine Bernard « Guadeloupe : c’est tout un peuple qui affirme sa dignité » Le Monde, 12 février 2009
Q1. Pourquoi peut-on dire que le conflit social en Guadeloupe en 2009 révèle d’un défaut d’intégration ?
B. Le conflit social comme facteur de cohésion sociale
1) Les analyses théoriques
a) L’approche de Karl MARX
Document 8
Les paysans parcellaires constituent une masse énorme dont les membres vivent tous dans la même situation, mais sans être
unis les uns aux autres par des rapports variés. Leur mode de production les isole les uns des autres, au lieu de les amener à des
relations réciproques. Cet isolement est encore aggravé par le mauvais état des moyens de communication en France et par la pauvreté
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des paysans. Leur terrain de production, la parcelle, ne permet, dans la culture, aucune division du travail, aucune utilisation des
méthodes scientifiques, par conséquent, aucune diversité du développement, aucune diversité de talents, aucune richesse de rapports
sociaux. Chacune des familles paysannes se suffit presque complètement à elle- même, produit directement elle-même la plus grande
partie de ce qu'elle consomme et se procure ainsi ses moyens de subsistance bien plus par un échange avec la nature que par un
commerce avec la société. La parcelle, le paysan et sa famille ; à côté, une autre parcelle, un autre paysan et une autre famille.
Quelques dizaines de ces familles forment un village et quelques dizaines de villages un département. Ainsi, la grande masse de la
nation française est constituée par une simple addition de grandeurs de même nom, à peu près de la même façon qu'un sac rempli de
pommes de terre forme un sac de pommes de terre. Dans la mesure où des millions de familles paysannes vivent dans des conditions
économiques d'existence qui séparent leur mode de vie, leurs intérêts et leur formation de celles des autres classes et les font se
confronter à ces dernières en ennemies, elles constituent une classe. Mais elles ne constituent pas une classe dans la mesure où il
n'existe entre les paysans parcellaires qu’un lien local et où la similitude de leurs intérêts ne crée entre eux aucune communauté,
aucune liaison nationale ni aucune organisation politique. C’est pourquoi ils sont incapables de défendre leurs intérêts de classe en
leur propre nom, soit par l'intermédiaire d'un Parlement soit par l'intermédiaire d'une Convention. Ils ne peuvent se représenter euxmêmes, ils doivent se faire représenter.
KARL MARX, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte ( 1852),
Q1. Les paysans forment-ils une classe sociale au sens de Marx ?
Document 9
C'est sous la forme des coalitions qu’ont toujours lieu les premiers essais des travailleurs pour s'associer entre eux. La grande
industrie agglomère dans un seul endroit une foule de gens inconnus les uns aux autres.
La concurrence les divise d'intérêts. Mais le maintien du salaire, cet intérêt commun qu'ils ont contre leur maître, les réunit
dans une même pensée de résistance -coalition. Ainsi la coalition a toujours un double but, celui de faire cesser entre eux la
concurrence, pour pouvoir faire une concurrence générale au capitaliste.
Si le premier but de résistance n'a été que le maintien des salaires, à mesure que les capitalistes à leur tour se réunissent dans
une pensée de répression, les coalitions, d’abord isolées, se forment en groupes, et, en face du capital toujours réuni, le maintien de
l’association devient plus nécessaire pour eux que celui du salaire.
Cela est tellement vrai, que les économistes anglais sont tout étonnés de voir les ouvriers sacrifier une bonne partie du salaire
en faveur des associations qui, aux yeux de ces économistes, ne sont établis qu'en faveur du salaire. Dans cette lutte - véritable guerre
civile - se réunissent et se développent tous les éléments nécessaires à une bataille à venir. Une fois arrivés à ce point-là, l'association
prend un caractère politique. Les conditions économiques avaient d'abord transformé la masse du pays en travailleurs. La domination
du capital a créé à cette masse une situation commune, des intérêts communs. Ainsi cette masse est déjà une classe vis-à-vis du
capital, mais pas encore pour elle-même. Dans la lutte dont nous n'avons signalé que quelques phrases, cette masse se réunit, elle se
constitue en classe pour elle-même. Les intérêts qu'elle défend deviennent des intérêts de classe.
KARL MARX, Misère de la philosophie (1847).
Q1. Expliquez la phrase soulignée
b) L’approche de Georg SIMMEL
Document 10
Il arrive souvent que certains groupes perdent leur unité, parce qu’ils n’ont plus d’adversaires. L’existence de l’hérésie et de
la guerre menée contre elle a incontestablement renforcé le sentiment d’unité de l’Église catholique. Les divers éléments de l’Église
ont toujours pu voir dans l’intransigeance de son opposition à l’hérésie une sorte de repère qui, malgré bien des divergences d’intérêts,
leur rappelle son unité. C’est pourquoi la victoire totale d’un groupe sur ses ennemis n’est pas toujours heureuse au sens sociologique
du terme ; car cela diminue son énergie, qui garantit sa cohésion, et les forces de dissolution, toujours à l’œuvre, gagnent du terrain. Il
peut même être politiquement habile de veiller à ce que l’on ait des ennemis, afin que les éléments du groupe gardent leur unité
consciente et active, parce que c’est leur intérêt vital. Ce dernier exemple nous conduit à cette intensification de la fonction de
rassemblement du conflit : grâce à lui, non seulement une unité existante se concentre plus énergiquement sur elle-même, éliminant
tous les éléments qui pourraient brouiller la netteté de ses contours face à l’ennemi - mais encore, des personnes et des groupes qui
sans cela n’auraient rien à faire ensemble sont amenés à se rassembler.
Georg Simmel, Le conflit (1908), Circé, 1992.
Q1. Selon G. SIMMEL le conflit est-il intégrateur ?
2) Au final le conflit social peut contribuer à l’intégration de chacun des groupes en conflits et ce pour
plusieurs raisons
Document 11
D'abord, une "explosion sociale" d'une ampleur inédite. Le point d'orgue est évidemment le mouvement de grèves de 1936 :
12 000 entreprises touchées de mai à juillet, dont 9 000 occupées par leurs employés. S'il rappelle que les grévistes "ne se placent pas
dans une perspective révolutionnaire où leur pouvoir remplacerait celui des patrons", l'historien refuse de dépolitiser l'événement pour
n'y voir qu'une explosion de joie. La grève peut être une liesse, mais elle reste avant tout une lutte. "Ce qui est en jeu, dans les
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occupations d'usines, c'est la nature même du lien entre patrons et ouvriers, celle du contrat de travail. Que l'usine soit ou non la
propriété du patron importe peu ici ; ce qui compte, c'est que le patron n'y soit pas chez lui au même sens où il est chez lui dans sa
maison, avec sa famille." En somme, en introduisant, "dans l'univers du travail, une modernité décisive, où les salariés conquièrent
leur dignité d'hommes libres", 1936 acterait la "délégitimation du paternalisme".
Prolongée après 1936 par une "guérilla sociale" souvent négligée par les historiens, cette "explosion sociale" s'accompagne
d'une "ruée syndicale" sans précédent. En quelques mois, la CGT quintuple ses effectifs pour atteindre quatre millions de membres.
Une ère nouvelle s'ouvre : celle d'un "syndicalisme de masse", où les gros bataillons sont formés de travailleurs masculins des grandes
usines. Le visage du syndicalisme s'en trouve changé. "C'est à cette époque que le Parti communiste assied son emprise sur la classe
ouvrière", note Antoine Prost. Une emprise durable, que confirme la place centrale de la CGT dans la négociation des accords de
Grenelle en mai 1968.
"Explosion sociale", "ruée syndicale"... Tout cela ne doit pas masquer l'essentiel. Ce que conquiert le mouvement ouvrier
pendant le Front populaire, n'est-ce pas simplement sa "dignité" et sa "légitimité" ? Symptomatique est, à cet égard, l'évolution du 1er
mai, qui devient en 1936 la "Fête du travail". A partir de cette date, chômer n'est plus passible de licenciement. De journée d'action
syndicale, le 1er mai se mue en "quasi-fête nationale", ponctuée de retraites aux flambeaux, de banquets, de cérémonies au monument
aux morts et de bals. "Les travailleurs constituent désormais un groupe légitime, pleinement reconnu - comme en témoigne la
présence d'élus locaux aux manifestations -, et ils affirment cette neuve légitimité en reprenant les gestes festifs de la collectivité tout
entière. Ils ne sont plus au ban de la nation, obligés de se battre pour se faire reconnaître : ils existent, ils sont admis, reconnus, et leur
fête peut devenir celle de toute la population."
Thomas Wieder, Autour du Front populaire d'Antoine Prost, Le Monde du 25 mai 2006
3) Mais le conflit social contribue également à créer davantage d’intégration sociale entre les groupes en
conflits et ce pour plusieurs raisons
II. LE CONFLIT SOCIAL : MOTEUR OU FREIN AU CHANGEMENT SOCIAL ?
A. Les conflits sociaux comme moteur du changement social
1) L’analyse de Karl Marx
Document 12
L’histoire de toute société n’a été que l’histoire de la lutte des classes. Hommes libres et esclaves, praticiens et
plébéiens, barons et serfs, maîtres de jurandes et compagnons, en un mot, oppresseurs et opprimés, en opposition
constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée ; une guerre qui finissait toujours ou par
une transformation révolutionnaire de la société toute entière, ou par la destruction des deux classes en lutte. Dans les
premières époques historiques, nous constatons presque partout une division hiérarchique de la société, (…) La société
bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n’a pas aboli les antagonismes de classes. Elle n’a fait que
substituer aux anciennes de nouvelles classes, de nouvelles conditions d’oppression, de nouvelles formes de lutte.
Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l’ère de la bourgeoisie est d’avoir simplifié les antagonismes de
classes. La société se divise de plus en plus en deux vastes camps opposés, en deux classes ennemies : la bourgeoisie et le
prolétariat. »
K. MARX et F. ENGELS, Manifeste du Parti Communiste, 1848
2) L’analyse des faits : les conflits du travail, au cœur du changement social
3) L’analyse des faits : les conflits sociétaux, au cœur du changement social
B. Les conflits sociaux comme frein au changement social
1) Des conflits dans la sphère du travail
2) Mais également des conflits sociétaux
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SECTION 2. COMMENT ONT ÉVOLUÉ LES CONFLITS
SOCIAUX ?
I. COMMENT ONT ÉVOLUÉ LES CONFLITS DU TRAVAIL ?
A. Les syndicats et l’institutionnalisation des conflits : l’enjeu de la régulation
sociale
1) Tout au long du 19ème siècle, les conflits sociaux ne sont pas institutionnalisés
2) A la fin du 19ème siècle un acteur apparaît et ce de manière, notamment, à permettre une canalisation
des conflits
a) Une brève histoire du syndicalisme
b) Les deux conceptions du syndicalisme
c) Le rôle des syndicats
Document 13
Les syndicats représentent la principale institution du monde du travail des sociétés capitalistes modernes. Les
économistes, les chercheurs en sciences sociales, les syndicalistes et les chefs d'entreprise débattent des effets sociaux du
syndicalisme depuis plus de deux cents ans, depuis l'époque d'Adam Smith. Ce long débat n'a cependant pas permis d'apporter
une réponse commune à la question : à quoi servent les syndicats ?
D'un côté, les économistes sont nombreux à considérer les syndicats comme étant, sur le marché du travail, des
monopoles dont le principal impact économique consiste à augmenter les salaires de leurs membres aux dépens des effectifs
non syndiqués et d'un fonctionnement efficace de l'économie. Les tenants de cette thèse soulignent les effets adverses des
conventions syndicales sur la productivité, les pertes d'emploi liées aux conséquences de l'action des syndicats en matière
salariale et, par contrecoup, le reflux des travailleurs licenciés vers le secteur non syndiqué.
On trouve, de l'autre côté, un certain nombre d'observateurs pour qui les syndicats ont une influence bénéfique sur le
plan politique et économique. Les experts en relations sociales ont longuement décrit les effets positifs que les négociations
collectives peuvent avoir sur la gestion et la productivité de l'entreprise. Ces spécialistes soulignent comment les syndicats
contribuent à l'accroissement des qualifications et au maintien de la main-d'œuvre qualifiée dans l'entreprise, comment ils
apportent des informations sur ce qui se passe au niveau de l'atelier, comment ils améliorent le moral des troupes et poussent la
direction à faire preuve d'une plus grande efficacité. Les syndicalistes font observer qu'au-delà des augmentations de salaires,
les syndicats protègent les travailleurs contre les décisions arbitraires de la direction et leur donnent les moyens de se faire
entendre sur leur lieu de travail comme .sur la scène politique. Il est même des dirigeants de sociétés pour mettre en avant les
effets positifs des syndicats dans leur entreprise. [...]
R. FREEMAN, B. MADOFF, Pourquoi les syndicats ?, Economica 1987
Q1. À l’aide des mots-clés suivants, complétez le texte du cours : patronat ; salariés ; vertical ascendant ; lien social vertical
descendant c’est-à-dire du sommet à la base ; la base vers le sommet ; lien social horizontal ; changement social ; socialisation :
conscience de classe ; l'intégration des salariés ; canalisation des conflits sociaux ; en limitant les comportements anomiques ;
3) Syndicat et institutionnalisation des conflits
Document 14
Du XIXème siècle aux années 1970, les conflits sociaux s'inscrivent dans la dynamique du développement capitaliste
industriel. L'essor, puis l'institutionnalisation, du syndicalisme leur donnera une autre dimension. Divisé, donc faible au début de la
IIIe République si on le compare au syndicalisme allemand ou britannique, le syndicalisme français parvient en 1902 à fédérer les
bourses du travail et la CGT, elle-même née en 1895. Le syndicalisme d'action directe, incarné par Fernand Peloutier, échoue à
entraîner les forces du travail dans la grève générale révolutionnaire.
La grève devient la forme principale du conflit social. En 1947, l'arme politique de la "grève insurrectionnelle" attisée par les
difficultés économiques et l'éviction des ministres communistes du gouvernement, est utilisée par le PCF et la CGT. Mais la situation
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internationale s'apaisant relativement en ce début de la guerre froide, les violences s'éteignent courant 1948, non sans avoir provoqué
au passage une recomposition des organisations syndicales.
L'action collective prend des formes nationales spécifiques. En Allemagne, les luttes sociales sur les salaires et le temps de
travail restent fortes, malgré le chômage et l'exercice du pouvoir par l'alliance parti social-démocrate-verts. Aux États-Unis, les
secteurs où la combativité ouvrière est la plus forte sont les plus anciens et les plus compétitifs, ceux aussi où les conditions salariales
au sens large sont les plus favorables. Mais les nouvelles conditions de la concurrence internationale changent la donne. Enfin, la lutte
de classes au sein du capitalisme ne doit pas masquer l'existence de conflits sociaux dans les démocraties populaires ; ils sont motivés
par l'opposition à la dictature de fait du parti unique, par la collectivisation forcée, les pénuries persistantes longtemps après la fin de
la 2e guerre mondiale… Les répressions terribles, telle celle de 1953 en RDA, ont freiné le développement de ces luttes.
« Les mouvements sociaux de la révolution industrielle à la mondialisation : parcours guidé »
http//www.alternatives-economiques.fr/2011
B. Mutation de la conflictualité et crise du syndicalisme en France, analyse
des faits et raisons
1) On constate en France une mutation de la conflictualité
a) On observe un déclin numérique des conflits du travail
b) … lesquels change de nature
Document 15
Une caractéristique commune semble réunir [les mouvements sociaux contemporains] : dans leur écrasante majorité, ils
expriment à un titre ou à un autre une volonté de résistance à la dégradation de la situation économique et à la remise en cause d’un
modèle de société dont les services publics et la protection sociale constituent, depuis la Libération, les principales instances
d’intégration. Le constat s’impose d’emblée s’agissant des innombrables mobilisations des salariés contre la fermeture de leur
entreprise, les protestations contre la fragilisation des services publics (hôpitaux, enseignement, recherche, transports en commun,
services postaux) ou les résistances à la restriction de la protection sociale. Il apparaît également pertinent s’agissant, par exemple, des
féministes quand elles protestent contre la fermeture des centres IVG pour des raisons budgétaires. L’esprit offensif hérité de mai
1968 s’est dissipé, laissant la place à une posture défensive : davantage que la revendication de nouveaux droits ou avantages, c’est
leur préservation devant ce qui les menace qui tend à prévaloir.
L. Mathieu, La démocratie protestataire, 2011
2) On constate également en parallèle une crise du syndicalisme
3) Les facteurs explicatifs de la crise du syndicalisme
a) Les causes internes aux syndicats
b) Les causes externes aux syndicats
4) Les facteurs explicatifs de la baisse de la conflictualité
C. Toutefois, les conflits du travail demeurent en France aujourd’hui
1)
Un regain de la conflictualité à partir de la fin des années 90
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Plus encore, selon J.‑M. Denis, l’un des auteurs de La lutte continue ?, « plutôt qu’une substitution des mobilisations
collectives par des formes de contestation individuelle, on observe plutôt des formes de conflit hybrides. Cela peut être le cas dans les
secteurs où les traditions de lutte sont faibles, comme le commerce et la construction par exemple. Dans ces secteurs, il y a peu de
grèves au sens classique du terme mais un panachage d’actions individuelles et collectives (débrayages, pétitions mais aussi refus
d’heures supplémentaires, prud’hommes, etc.). Ainsi, un phénomène d’absentéisme chronique, révélateur d’un climat de tensions et
de relations sociales dégradées, peut à tout moment se transformer en conflit collectif et prendre la forme d’une grève ou d’un
débrayage. Dans ce cas précis, l’absentéisme et le conflit collectif ne constituent pas des phénomènes séparés mais forment une
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dynamique. Il importe de ne pas saisir ces différentes manifestations conflictuelles de façon isolée mais de penser leur articulation. »
En définitive, la conflictualité au travail est loin d’avoir disparu des entreprises. Faut-il pour autant en déduire que les capacités de
mobilisation et de résistance des salariés sont restées indemnes, après trois décennies de réorganisations gestionnaires et de chômage
de masse ? Ce serait une conclusion bien imprudente. De fait, il est probable que l’élargissement du répertoire d’action des salariés
aille de pair avec une moindre efficacité des luttes. Qui dit en effet qu’une pétition ou une manifestation permet d’obtenir autant de
résultats qu’une grève prolongée (entretien ci-dessous) ? Cela suggérerait que la grève demeure la forme « reine » du conflit collectif.
X. de la Vega Travail, salaires, retraites : la lutte continue– Sciences Humaines – juin 2011
2) Des syndicats qui restent incontournables
II. LES MOUVEMENTS ET CONFLITS SOCIAUX SE SONT DIVERSIFIES
A. L’émergence de nouveaux mouvements sociaux
B. Qui ont des caractéristiques communes
1) La tentative d’affirmation d’identités ou de valeurs spécifiques et finalement celle de proposer un
projet social alternatif
2) De nouveaux acteurs
3) De nouvelles formes de mobilisations
4) Les NMS participent au changement social
C. Les explications théoriques de l’émergence des NMS
1)
Changements structurels et valeurs post-matérialistes , l’approche de R. INGELHART
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L’émergence des nouveaux mouvements sociaux doit beaucoup à l’élévation graduelle du niveau des aptitudes politiques des
masses, au fur et à mesure que l’éducation et l’information politiques devenaient plus répandues. Mais l’émergence de nouvelles
priorités dans les valeurs a aussi été un facteur important. […]
Les valeurs post matérialistes sont à la base des nombreux mouvements sociaux nouveaux. Car les post matérialistes mettent
l’accent sur une hiérarchie des valeurs fondamentalement différente de celle qui a prévalu dans la société industrielle. […] Ils
accordent moins d’importance à la croissance économique et plus d’importance à la qualité non économique de la vie. Ils recherchent
des relations entre les gens qui soient moins hiérarchiques, plus informelles. Ce n’est pas que les post matérialistes rejettent les fruits
de la prospérité - mais simplement que leur hiérarchie des valeurs est moins fortement dominée par les impératifs qui étaient centraux
dans la société industrielle naissante.
Ronald Inglehart, La transition culturelle dans les sociétés industrielles avancées, 1993
2) De la propriété à l’autorité, l’analyse de R. G. DAHRENDORF
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Dès ses premiers travaux sur le fonctionnement de la société industrielle, Ralf Dahrendorf défend la thèse selon laquelle
toutes les sociétés complexes comportent nécessairement et en permanence une multiplicité de conflits d'intérêts, dissociés les uns des
autres mais tous également soumis à diverses formes de régulation. Ces conflits d'intérêts qui divisent la société ne sont pas tous des
conflits de classes portés par des luttes de classes et aboutissant fatalement à la révolution. La lutte des classes n'est qu'un conflit
d'intérêts parmi d'autres, une forme spécifique caractérisée par des circonstances et des situations particulières.
Après avoir réfuté la doctrine marxiste soutenant que les classes sociales et les conflits de classes dérivent principalement de
l'inégale distribution de la propriété des moyens de production, l'auteur de Classes et conflits de classes dans la société
industrielle distingue le pouvoir (relation sociale) de l'autorité (liée aux statuts et aux rôles sociaux), puis affirme qu'à l'origine de tous
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les conflits il y a une inégale répartition de l'autorité parmi les groupes sociaux et les personnes. Dans la répartition des richesses, la
dissymétrie est plus ou moins relative, tandis que dans celle de l'autorité l'asymétrie reste toujours absolue. D'un côté, il y a ceux qui
détiennent l'autorité et, de l'autre, ceux qui obéissent, d'où des intérêts antagonistes opposant les détenteurs de l'autorité attachés au
maintien du statu quo à ceux qui en sont dépourvus et de ce fait favorables au changement. Cependant, pour que cet antagonisme se
transforme en conflit, il faut que ceux qui partagent des intérêts liés à leur situation commune constituent explicitement un groupe
d'intérêts, c'est-à-dire une organisation dotée d'un programme et de buts.
Texte sur R. G. DAHRENDORF, une sociologie de la société industrielle, Encyclopedia Universalis
3) La maîtrise de l’historicité, l’approche d’A. TOURAINE
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D’où vient le changement ? Après avoir souligné la centralité des mouvements sociaux dans la dynamique des sociétés
modernes, Alain Touraine s’est penché sur la construction du « sujet personnel ».
La pensée d’Alain Touraine se déploie sur une soixantaine d’années, et ne saurait se réduire ni à ses premiers travaux ni aux
définitions des concepts auxquels son nom est associé. Pensée complexe, elle tient sa cohérence du fil conducteur qui la guide en
permanence : le sujet comme porteur de l’action sociale, définie comme capacité de transformation du social.
Nos sociétés ont en effet la particularité de se produire elles-mêmes. En réalité, la notion même de société apparaît à partir du moment
où elle n’est plus le fruit d’un ordre extrasocial mais devient son propre fondement. Touraine appelle « historicité » cette capacité des
sociétés à se produire elles-mêmes. Dans les sociétés sans historicité, qui se reproduisent plus qu’elles se produisent, l’ordre social
repose sur ce que Touraine appelle les garants métasociaux : la religion tout d’abord, mais aussi la monarchie, puis plus tard la raison,
le progrès… Les sociétés industrielles, au contraire, sont le produit de leur propre action.
L’actionnalisme de Touraine est donc d’abord une sociologie du travail, entendu non pas au sens courant d’activité
professionnelle, mais au sens d’activité humaine créatrice de changement et également comme principe d’orientation des conduites
humaines. Si Touraine a principalement (du moins dans ses premiers travaux) construit ses recherches sur le travail ouvrier, c’est
parce que ce dernier est la forme la plus immédiatement perceptible de l’action sociale, et non parce que la classe ouvrière serait le
principal ou l’unique moteur de l’histoire (…)
Pour Touraine, le sujet de l’action ne peut être ni la société (ce qui aboutirait à donner à la société une personnalité), ni
l’individu (ce qui ruinerait toute tentative d’analyse sociologique), ni un acteur collectif concret, comme un parti politique ou un
syndicat (ce qui conduirait à nier la liberté et l’autonomie des individus). De fait, les acteurs principaux de l’action sociale ne peuvent
être que les mouvements sociaux, à ne pas confondre avec le sens usuel du terme qui appelle « mouvement social » toute forme de
contestation : grève, manifestation, etc. Le mouvement social est ici défini comme le conflit autour du contrôle de l’historicité. Par
exemple, le mouvement social caractéristique de la société industrielle est le mouvement ouvrier. C’est lui qui porte en effet la
capacité de transformation sociale. Plus récemment, Touraine considère que le mouvement social caractéristique du XXIe siècle sera
le mouvement des femmes (…)
Durant toutes ces années, et malgré les évolutions, Touraine aura finalement centré sa réflexion sur une question centrale :
comment l’être humain peut-il se saisir de lui-même et se construire à la fois comme individu singulier et comme acteur social.
J. P. LEBEL, Alain Touraine - Des mouvements sociaux à l'acteur, Sciences Humaines, février 2013
Q1. A l’aide des mots clés suivant complétez le texte du cours :
Technocratie / maitrisent l’information, le savoir, les connaissances / valeurs : la recherche de la croissance économique et la hausse
des niveaux de vie /passage à une société post-industrielle / il s’agit pour les acteurs sociaux de conquérir la maîtrise de leur vie
quotidienne en défendant certaines valeurs : la nature, la démocratie, l’éducation, la santé, la paix etc. / système de domination pour
permettre aux individus de reprendre la maitrise de leur vie et ainsi définir la direction que ces derniers veulent faire prendre à la
société / un conflit central et par une multiplicité de conflits qui opposent les acteurs selon des intérêts divergents.
Q2. A l’aide des mots clés suivants complétez le tableau
L’ordre : est / n’est plus
Le combat : ouvrier / ouvrier
Les conflits : la société / l’entreprise
Opposition : travail-Capital / décideurs et usagers
Forme : nouvelles / classique
Acteurs : femmes, minorités, jeunes etc. / salariés, employeurs, sndicats
Champ : le travail / valeurs, ville, cuture.
4) La montée de l’individualisme, l’approche de Ph. FREMEAUX
D. Certains mouvements sociaux s’institutionnalisent, l’exemple du mouvement
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féministe
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