des paysans. Leur terrain de production, la parcelle, ne permet, dans la culture, aucune division du travail, aucune utilisation des
méthodes scientifiques, par conséquent, aucune diversité du développement, aucune diversité de talents, aucune richesse de rapports
sociaux. Chacune des familles paysannes se suffit presque complètement à elle- même, produit directement elle-même la plus grande
partie de ce qu'elle consomme et se procure ainsi ses moyens de subsistance bien plus par un échange avec la nature que par un
commerce avec la société. La parcelle, le paysan et sa famille ; à côté, une autre parcelle, un autre paysan et une autre famille.
Quelques dizaines de ces familles forment un village et quelques dizaines de villages un département. Ainsi, la grande masse de la
nation française est constituée par une simple addition de grandeurs de même nom, à peu près de la même façon qu'un sac rempli de
pommes de terre forme un sac de pommes de terre. Dans la mesure où des millions de familles paysannes vivent dans des conditions
économiques d'existence qui séparent leur mode de vie, leurs intérêts et leur formation de celles des autres classes et les font se
confronter à ces dernières en ennemies, elles constituent une classe. Mais elles ne constituent pas une classe dans la mesure où il
n'existe entre les paysans parcellaires qu’un lien local et où la similitude de leurs intérêts ne crée entre eux aucune communauté,
aucune liaison nationale ni aucune organisation politique. C’est pourquoi ils sont incapables de défendre leurs intérêts de classe en
leur propre nom, soit par l'intermédiaire d'un Parlement soit par l'intermédiaire d'une Convention. Ils ne peuvent se représenter eux-
mêmes, ils doivent se faire représenter. KARL MARX, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte ( 1852),
Q1. Les paysans forment-ils une classe sociale au sens de Marx ?
Document 9
C'est sous la forme des coalitions qu’ont toujours lieu les premiers essais des travailleurs pour s'associer entre eux. La grande
industrie agglomère dans un seul endroit une foule de gens inconnus les uns aux autres.
La concurrence les divise d'intérêts. Mais le maintien du salaire, cet intérêt commun qu'ils ont contre leur maître, les réunit
dans une même pensée de résistance -coalition. Ainsi la coalition a toujours un double but, celui de faire cesser entre eux la
concurrence, pour pouvoir faire une concurrence générale au capitaliste.
Si le premier but de résistance n'a été que le maintien des salaires, à mesure que les capitalistes à leur tour se réunissent dans
une pensée de répression, les coalitions, d’abord isolées, se forment en groupes, et, en face du capital toujours réuni, le maintien de
l’association devient plus nécessaire pour eux que celui du salaire.
Cela est tellement vrai, que les économistes anglais sont tout étonnés de voir les ouvriers sacrifier une bonne partie du salaire
en faveur des associations qui, aux yeux de ces économistes, ne sont établis qu'en faveur du salaire. Dans cette lutte - véritable guerre
civile - se réunissent et se développent tous les éléments nécessaires à une bataille à venir. Une fois arrivés à ce point-là, l'association
prend un caractère politique. Les conditions économiques avaient d'abord transformé la masse du pays en travailleurs. La domination
du capital a créé à cette masse une situation commune, des intérêts communs. Ainsi cette masse est déjà une classe vis-à-vis du
capital, mais pas encore pour elle-même. Dans la lutte dont nous n'avons signalé que quelques phrases, cette masse se réunit, elle se
constitue en classe pour elle-même. Les intérêts qu'elle défend deviennent des intérêts de classe.
KARL MARX, Misère de la philosophie (1847).
Q1. Expliquez la phrase soulignée
b) L’approche de Georg SIMMEL
Document 10
Il arrive souvent que certains groupes perdent leur unité, parce qu’ils n’ont plus d’adversaires. L’existence de l’hérésie et de
la guerre menée contre elle a incontestablement renforcé le sentiment d’unité de l’Église catholique. Les divers éléments de l’Église
ont toujours pu voir dans l’intransigeance de son opposition à l’hérésie une sorte de repère qui, malgré bien des divergences d’intérêts,
leur rappelle son unité. C’est pourquoi la victoire totale d’un groupe sur ses ennemis n’est pas toujours heureuse au sens sociologique
du terme ; car cela diminue son énergie, qui garantit sa cohésion, et les forces de dissolution, toujours à l’œuvre, gagnent du terrain. Il
peut même être politiquement habile de veiller à ce que l’on ait des ennemis, afin que les éléments du groupe gardent leur unité
consciente et active, parce que c’est leur intérêt vital. Ce dernier exemple nous conduit à cette intensification de la fonction de
rassemblement du conflit : grâce à lui, non seulement une unité existante se concentre plus énergiquement sur elle-même, éliminant
tous les éléments qui pourraient brouiller la netteté de ses contours face à l’ennemi - mais encore, des personnes et des groupes qui
sans cela n’auraient rien à faire ensemble sont amenés à se rassembler. Georg Simmel, Le conflit (1908), Circé, 1992.
Q1. Selon G. SIMMEL le conflit est-il intégrateur ?
2) Au final le conflit social peut contribuer à l’intégration de chacun des groupes en conflits et ce pour
plusieurs raisons
Document 11
D'abord, une "explosion sociale" d'une ampleur inédite. Le point d'orgue est évidemment le mouvement de grèves de 1936 :
12 000 entreprises touchées de mai à juillet, dont 9 000 occupées par leurs employés. S'il rappelle que les grévistes "ne se placent pas
dans une perspective révolutionnaire où leur pouvoir remplacerait celui des patrons", l'historien refuse de dépolitiser l'événement pour
n'y voir qu'une explosion de joie. La grève peut être une liesse, mais elle reste avant tout une lutte. "Ce qui est en jeu, dans les