Classe de seconde : le théâtre, genre et registre : Le Jeu de l'Amour et du Hasard, de MARIVAUX Plan du document Vision générale de la séquence Le corpus Description générale de la séquence (sous forme de tableau) -Planning de la séquence- (Les parties grisées proposent un questionnement didactique à mettre en oeuvre auprès des élèves) Vision générale de la séquence : A- Une "leçon" sociale ambiguë: A1 - Le travestissement entre maîtres et valets répond à la volonté de faire coïncider l'identité sociale et ce que dicte l'union des cœurs1 , c'est-à-dire de soumettre l'exigence sociale à l'épreuve de la "nature", sans laquelle rien n'est vrai, ni solide : c'est ici la démarche d'Orgon, véritable ordonnateur de la comédie. Le texte se fonde sur des valeurs qui seront reprises au cours du siècle (cf Diderot, Rousseau, en particulier). Tout se terminera finalement pour le mieux : les personnages se reconnaîtront selon leur rang. L'ordre social est "reconnu" par les cœurs, mais, au cours de la pièce se posent le problème de la mésalliance, et celui du mérite face la naissance (III 8). La pièce propose une réflexion de fond qui animera toute la société du XVIII° siècle. Par conséquent, même si l'ordre social se trouve confirmé à la fin de la pièce, les préjugés de caste sont cependant dénoncés, le temps du spectacle, parce qu'ils s'opposent au monde des sentiments et à l'exigence de bonheur... sentiments qui priment l'exigence sociale. A2- Dorante et Silvia appartiennent à l'aristocratie, mais leur exigence de transparence et de fidélité est en opposition avec le libertinage de leur milieu (cf Dom Juan, plus tard, Les Liaisons dangereuses). Il s'agit d'une vision bourgeoise idéale du mariage, qu'il faut replacer dans l'émergence de la personne individuelle au XVIII°siècle : Monsieur Orgon n'a rien d'un père de Molière, par exemple. A3- Par conséquent, le discours amoureux reprend et parodie en même temps le code de l'Amour courtois, ainsi que le langage de la préciosité. Cette filiation et cette distance s'expriment dans deux domaines : le discours des maîtres, qui trahit immédiatement leur appartenance sociale, et celui des valets, qui l'imite avec le même insuccès. Dans les deux cas, la condition sociale transparaît à travers le langage. Quels sont les aspects de la pièce qui vont rendre compte de cette "leçon" sociale ambiguë ? Quelles sont les situations où ...le conflit entre le code social et la parole du cœur ...l'exigence d'absolue sincérité, ...enfin, la relation paradoxale au code du langage amoureux ... seront les mieux représentés ? A quelles occasions la relation maître /valet sert-elle cette problématique sociale ? = de maître à maître, en écho aux valets... = de valet à valet, en écho aux maîtres... = entre maître(s) et valet(s) B-Les procédés du comique B1- La veine farcesque et populaire, représentée par Lisette et Arlequin La pièce a de fortes attaches avec le Théâtre italien, fondé sur le dynamisme du jeu scénique, la licence, la parodie et la satire. Marques textuelles dans le nom des personnages, confondus avec les "acteurs", et dans le jeu des domestiques. A la fois tradition moliéresque (la servante), mais présence, également, de lazzi, dans le jeu d'Arlequin : parodie du langage des maîtres, de leurs attitudes (pratiquer le baisemain, se mettre à genoux, etc.). Le jeu d'Arlequin n'est pas marqué par les grossièretés, comme d'autres comédies de Marivaux, mais par des balourdises, et le sens de la parodie. B2 - Le comique de mots et de situation "La pièce est finie quand les deux paliers se confondent, c'est-à-dire quand le groupe des héros regardés se voient comme se voyaient les personnages spectateurs. Le dénouement réel, c'est la rencontre du cœur et du regard." (Jean ROUSSET, Marivaux ou la structure du double registre, in Forme et signification.) 1 Marivaux : le jeux de l’amour et du hasard : Alain BOSDECHER 1 Le trait d'esprit est une caractéristique du théâtre de Marivaux. Le plaisir du spectateur tient en partie à la vivacité des dialogues où brillent les marques spirituelles : art du rebondissement de réplique à réplique, jeu à double entente du langage, échos et symétries, etc. Théâtre d'une grande subtilité, qui suppose la double énonciation: le comique ne prend sa véritable dimension que relié à la dimension théâtrale du dialogue. Quelles sont les différentes formes de comique ? En quoi sont-elles dépendantes de la relation de maître à valet, et des différentes situations sociales ? Dans quelle mesure le comique est-il lié au spectacle ? Quel plaisir nous délivre le langage ? C- Une exceptionnelle théâtralité. Le thème du masque est au cœur de la pièce : dès la première scène, on oppose vérité et mensonge social : le déguisement est donc, paradoxalement, un moyen de percer les êtres... Mais il est également l'occasion de se piéger soi-même. Le plaisir du spectacle tient avant tout à la situation d'observation privilégiée des différentes situations. Nous en savons toujours plus que les deux couples. Le spectateur doit constamment tirer parti de la double énonciation C1- L'importance du masque : L'importance des paroles à double entente établit une hiérarchie entre les personnages avertis, maîtres du jeu2 , et ceux qui, croyant observer une situation, sont l'objet du regard d'autrui. Il peut s'agir d'un jeu de dupes (cf Lisette, III 6) mais aussi d'une part de soi-même qui n'échappe pas à l'analyse des autres... C'est le cas, notamment, de Sylvia, qui, à l'Acte II, ne "s'appartient plus" ; ses sentiments sont mis au jour par Orgon et Mario. De même, l'ultime déclaration de Silvia doit la force de sa révélation au déguisement qu'elle emprunte dans son discours même. Le plaisir du spectateur consiste à mesurer, dans les dialogues, les différentes incidences des situations, et leur rapport à la parole. C2 - Le langage est théâtralisé par le procédé du théâtre dans le théâtre. La seule acceptation du travestissement amène les personnages à se prêter aux conventions d'un langage qui n'est pas celui de leur condition. L'artifice du langage est donc mis en scène et fait partie du "jeu". C3- La dynamique de la pièce : L'enchaînement des scènes, l'art des transitions, permet un dosage subtil des tonalités et des relations maîtres /valets. Binarité de la pièce : système d'échos, de reprises, de duos d'amour. Les deux niveaux de l'intrigue (maîtres, valets) sont imbriqués étroitement jusqu'à la fin de la pièce. En quoi réside le plaisir du spectateur ? En quoi est-il dépendant de la relation entre maîtres et valets ? Quels sont les procédés du spectacle ? En quoi le théâtre peut-il voiler et indiquer en même temps ? Le corpus 1- L'entrée dans la pièce Acte I, scène 1 (en entier) : Silvia, Lisette. 2- La rencontre des maîtres : Acte I, scène 7 , Silvia, Dorante depuis le début jusqu'à "Silvia, à part : Il le mériterait." 3- La rencontre des domestiques : Acte II, scène 3 : Lisette, Arlequin (en entier). 4-Les gêneurs Lecture synthétique de deux passages : Acte II, scène 4 : Dorante, Arlequin, Lisette. (en entier) Acte II, scène 6 : Lisette, Arlequin, Silvia. (en entier) 5- Le trouble de Silvia Lecture comparée de deux passages : Acte II, scènes 7 et 8 : Silvia, Lisette, puis Silvia. depuis "Lisette : Son valet, qui fait l'important, ne vous aurait-il point gâté l'esprit sur son compte ?" jusqu'à la fin de la scène 8 Acte II, scènes 11 et 12, Silvia, Mario, Monsieur Orgon, puis Silvia seule. depuis "Silvia : Non Monsieur, il n'y a point de douceur qui tienne [...]"jusqu'à "[...]je ne le suis pas de moi- même." 6- Un aveu pour le spectateur : Acte II, scène 9, Dorante, Silvia depuis "Silvia : Adieu, tu prends le bon parti [...]" jusqu'à la fin de la scène. 7- La double reconnaissance des deux domestiques : 2 La position d' Orgon, selon Jean Rousset, est une "duplication de la conscience spectatrice." Marivaux : le jeux de l’amour et du hasard : Alain BOSDECHER 2 Acte III, scène 6 : Lisette, Arlequin, depuis "Lisette : Ah ! tirez-moi d'inquiétude. En un mot, qui êtes-vous ? [...]" jusqu'à la fin de la scène. 8- L'aveu de Silvia : Acte III, scène 8 : Dorante, Silvia, depuis "Silvia : Que vous importent mes sentiments ? [...]" jusqu'à "Dorante :[...] Mon cœur et ma main t'appartiennent." Description générale de la séquence : Place dans l'année : En milieu d'année. Un groupement de textes consacré aux philosophes du XVIII°siècle peut permettre d'aborder l’œuvre, en apportant un éclairage social et politique ; on peut également accompagner l’œuvre intégrale par l'étude d'un groupement de textes complémentaires, "Maîtres et valets dans la comédie, du XVII° au XVIII° siècle ", ensemble de textes permettant de définir l'évolution du personnage du valet, de Molière à Beaumarchais. Enfin, on peut aborder l’œuvre de manière très fructueuse, en amenant les élèves la voir au théâtre... avant même qu'ils n'en commencent la lecture. Préparation : Avant la première séance, les élèves ont effectué une première lecture de l’œuvre. Tableau de présence des personnages, à compléter en appui de la lecture. dominante 1 Entrée dans (2h) l’œuvre Support utilisé Contenus, objectifs Une première lecture de l’œuvre : Lecture tabulaire de l’œuvre (tableau de présence des personnages) 2 Lecture (1h) méthodique Etude du texte 1 Acte I, scène 1 Premières impressions de lecture des élèves. On replace ensemble la pièce dans son contexte, à partir du (des) groupement(s) de textes précédents. Essai de définition : les enjeux sociaux, l'intérêt théâtral, les rebondissements. Les personnages rencontrés. Obéissent-ils à un type ? lequel ? références possibles à Molière ; ressemblances et différences. Eléments biographiques sur Marivaux (situation dans le siècle) et documentaires (le théâtre italien). -Quelques éléments sur la structure de la pièce, et la progression théâtrale : l'importance des personnages, leur ordre d'apparition dans la pièce, la présence des trois couples (maîtres, valets, maîtres du jeu scénique). Centres d'intérêt : -Une entrée in medias res. Une exposition qui tire parti de la vivacité théâtrale. - La "nature" sert de fondement à l'argumentation : elle justifie le mariage, (Lisette), et elle est synonyme de vérité, en-deçà du masque social (Sylvia). : "Les hommes ne se Travail donné Bilan de lecture tabulaire Questions de préparation : Acte I scène 1 (l'originalité de cette exposition par rapport à d'autres pièces que vous connaissez / la relation entre Silvia et sa suivante) Lancement d'exposés : les personnages de la Commedia dell'arte ; une autre pièce (Marivaux ou Beaumarchais). contrefont-ils pas, surtout quand ils ont de l'esprit ?" Un paradoxe : pour percer l'hypocrisie, 3 Lecture (1h) méthodique Texte 2 : Acte I, scène 7 (Dorante, Sylvia) Silvia devra elle-même se masquer... -Trois portraits dans le style de La Bruyère (Ergaste, Léandre, Tersandre). -Cette scène définit, enfin, les relations entre la maîtresse et sa suivante : le poids des convenances, la recherche de la vérité, l'impertinence et la pertinence... - Scène à la fois galante, précieuse, et comique, du fait de la situation de DoranteBourguignon, et de la virtuosité des répliques qui trahissent la véritable identité des deux personnages. -Place privilégiée du spectateur qui domine ce jeu de masques. -Théâtre dans le théâtre : "les jeunes gens parlent surtout du fait qu'ils sont en train de se parler" (Françoise Rubellin). Marivaux : le jeux de l’amour et du hasard : Alain BOSDECHER Bilan de lecture de la scène 1 de l'ACTE I : les techniques de l'exposition, le thème moral, la relation de maîtresse à servante Relecture de l'Acte I : bilan de lecture : le thème moral et social (de la peur du mariage à celle de la mésalliance) et les formes de théâtralité 3 dominante Support utilisé Acte I, scène 1 Contenus, objectifs Travail donné 4 Préparation (1h) d'un devoir de type I depuis :"Lisette : (cours, module) -Liaison entre théâtralité et argumentation. A rendre en fin de séquence -Un thème central de la pièce : celui des apparences et de la vérité, de l'hypocrisie et de ou Quoi ! Vous la sincérité, de la nature et du social. n'épouserez -L'exemple de type argumentatif (le portrait pas[...] jusqu'à d'Ergaste) ; le récit de visée argumentative. Silvia : "Qu'il -Travail d'écriture d'un texte argumentatif prend au sortir de de genre théâtral : "Après son mariage avec 5 Lecture (2h) synthétique chez lui." Dorante, Sylvia revient sur ses propos du début de la pièce. Tout en tenant compte du contexte, des personnages, et des exigences de l'écriture théâtrale, imaginez le discours qu'elle tiendrait, sur ce même thème, face à Lisette." Ensemble de l'Acte I -Bilan de l'étude de l'Acte I : le thème social et moral / l'importance de la théâtralité. 6 Lecture (1h) méthodique Texte 3 : 7 Lecture (1h) synthétique Texte 4 : 8 Lecture (1h) méthodique Texte 6 : Acte, scène 9 9 Exposés des (2h) élèves Acte II, scène 3 : Lisette, Arlequin (en entier). Deux passages : Acte II, scène 4 Acte II, scène 6 (Dorante, Silvia) Documents complémentaires et lectures personnelles -Comparaison de deux versions (vidéo) de la scène 7 de l'Acte I ; étude du choix de mise en scène et d'interprétation. - Traitement du comique : cette scène est une version parodique et farcesque de la scène de rencontre entre Sylvia et Dorante. (registre bas, métaphores -trop longuement filées, contraste entre le personnage de la comédie italienne et le langage précieux. Traitement du comique et du jeu de scène : ces deux passages posent la problématique du rapport entre les maîtres et leurs valets : réalité et apparence, comportement social, jeu de masques en liaison avec la théâtralité. -Dorante est mû à la fois par l'amour sincère qu'il voue à Lisette-Sylvia, et par l'interdiction qu'il s'est infligée vis à vies de sa condition : il lui est donc impossible d'attendre une quelconque réciprocité de Silvia-Lisette, et Marivaux renouvelle ainsi, à sa manière, le thème de l'Amour courtois en introduisant l'interdit social. De son côté Lisette souffre, elle aussi, de ne pouvoir donner libre cours à ses sentiments. Quant au spectateur, il perçoit clairement que chacun des deux jeunes gens a pris conscience du sentiment qu'il éprouve. -Les personnages de la Commedia dell Arte -Lectures "croisées" : une autre pièce de Marivaux, ou de Beaumarchais. Texte complémentaire à étudier : le début du Roman comique, de Scarron Questions de bilan de lecture, à partir de cette scène Bilan de lecture questions de préparation sur les thèmes qui orienteront la fin de l'étude : - Les formes de comique dans pièce - Les procédés dramatiques -le thème moral et social (de peur du mariage à celle de mésalliance, reconnaissance de noblesse de cœur) la la la la - L'autre est à la fois un confident et un 10 Lecture Texte 5 : (1h) comparée de - Acte II, scènes révélateur de soi : Lisette, puis les meneurs de jeu (Orgon, Mario) amènent Silvia à la l'évidence de deux 7 et 8 passages (Silvia, Lisette, l'amour qu'elle éprouve pour Bourguignon. Objet de souffrance ("J'étouffe !"), cette révélation est capitale puis Sylvia seule) pour Silvia, qui se voit déchirée entre le sentiment - Acte II, scènes d'appartenance à sa condition, et l'évidence de 11 et 12 l'inclination pour celui qu'elle croit encore un valet. (Silvia, Mario, Monsieur Orgon, puis Silvia seule) - Entre les deux passages, Silvia s'est ressaisie ; elle est désormais maîtresse d'elle-même et peut recevoir l'aveu de Dorante. - Le jeu de l'apparence et de la vérité : le langage à double entente, la parole qui dépasse le locuteur, l'inconscient et théâtralité, l'ambiguïté de la "comédie" et du déguisement. Marivaux : le jeux de l’amour et du hasard : Alain BOSDECHER 4 dominante 11 Bilan de (1h) lecture 12 Lecture (1h) méthodique 13 Lecture (1h) méthodique d'un texte court Support utilisé Contenus, objectifs Travaux de groupes, à partir d'un questionnaire individuel ; recherche / rapport des groupes / bilan Texte 7 : Travail donné - Les formes de comique dans la pièce - Les procédés de la théâtralité -le thème moral et social (de la peur du mariage à celle de la mésalliance, reconnaissance de la noblesse de cœur) Traitement du comique et du jeu de scène : Questions de bilan de lecture, La double symétrie des répliques et des situations, l'art du àpartir de cette scène : reconnaissance des discours allusif, le jeu amoureux dans son -de la scène I.3 à la scène III.6 deux domestiques exutoire comique. (les valets) Acte III, scène 6 - scène qui offre un complément à l'étude de la (Arlequin, Lisette) scène 3 de l'Acte I, et qui prépare la dernière scène entre les maîtres à a fin de la pièce. Texte 8 : - La tirade de Silvia est une déclaration L 'aveu de Silvia d'amour déguisée . Elle ouvre son cœur à Dorante dans une forme de dénégation qui est Acte III, scène 9 un franc aveu. Le texte, dans son expression (Dorante, Silvia) théâtrale, poétise le désir. - de la scène III.6 à la scène III.8 (des valets aux maîtres) Ouverture possible amoureux au théâtre : l'aveu groupement de textes Phèdre Le Malade imaginaire Les Caprices de Mariane (scène ultime) Cyrano ultime) de Bergerac (scène La répétition ou l'amour puni (Anouilh), etc. 14 Corrigé du (1h) devoir de type I / Lancement d'un devoir de type III Devoirs des élèves (Acte I scène 1) + oeuvre tout entière - Sujet de type III : Partagez-vous ce point de vue d'Albert Thibaudet, qui s'exprime dans le Dossier du Jeu de L'Amour et du Hasard de la ComédieFrançaise : "Le comique du Jeu n'est pas dans les caractères. Il est très peu dans les situations. Il est beaucoup dans les mots." Marivaux : le jeux de l’amour et du hasard : Alain BOSDECHER 5