Marivaux : le jeux de l’amour et du hasard : Alain BOSDECHER
Le trait d'esprit est une caractéristique du théâtre de Marivaux. Le plaisir du spectateur tient en partie à la
vivacité des dialogues où brillent les marques spirituelles : art du rebondissement de réplique à réplique, jeu à
double entente du langage, échos et symétries, etc. Théâtre d'une grande subtilité, qui suppose la double énonciation:
le comique ne prend sa véritable dimension que relié à la dimension théâtrale du dialogue.
Quelles sont les différentes formes de comique ? En quoi sont-elles dépendantes de la relation de maître à valet, et des
différentes situations sociales ? Dans quelle mesure le comique est-il lié au spectacle ? Quel plaisir nous délivre le langage ?
C- Une exceptionnelle théâtralité.
Le thème du masque est au cœur de la pièce : dès la première scène, on oppose vérité et mensonge social : le
déguisement est donc, paradoxalement, un moyen de percer les êtres... Mais il est également l'occasion de se piéger
soi-même.
Le plaisir du spectacle tient avant tout à la situation d'observation privilégiée des différentes situations. Nous en
savons toujours plus que les deux couples. Le spectateur doit constamment tirer parti de la double
énonciation
C1- L'importance du masque :
L'importance des paroles à double entente établit une hiérarchie entre les personnages avertis, maîtres du
jeu
, et ceux qui, croyant observer une situation, sont l'objet du regard d'autrui. Il peut s'agir d'un jeu de dupes (cf
Lisette, III 6) mais aussi d'une part de soi-même qui n'échappe pas à l'analyse des autres... C'est le cas, notamment,
de Sylvia, qui, à l'Acte II, ne "s'appartient plus" ; ses sentiments sont mis au jour par Orgon et Mario. De même,
l'ultime déclaration de Silvia doit la force de sa révélation au déguisement qu'elle emprunte dans son discours même.
Le plaisir du spectateur consiste à mesurer, dans les dialogues, les différentes incidences des situations, et leur
rapport à la parole.
C2 - Le langage est théâtralisé par le procédé du théâtre dans le théâtre.
La seule acceptation du travestissement amène les personnages à se prêter aux conventions d'un langage qui n'est
pas celui de leur condition. L'artifice du langage est donc mis en scène et fait partie du "jeu".
C3- La dynamique de la pièce :
L'enchaînement des scènes, l'art des transitions, permet un dosage subtil des tonalités et des relations maîtres /valets.
Binarité de la pièce : système d'échos, de reprises, de duos d'amour. Les deux niveaux de l'intrigue (maîtres, valets)
sont imbriqués étroitement jusqu'à la fin de la pièce.
En quoi réside le plaisir du spectateur ? En quoi est-il dépendant de la relation entre maîtres et valets ? Quels sont les
procédés du spectacle ? En quoi le théâtre peut-il voiler et indiquer en même temps ?
Le corpus
1- L'entrée dans la pièce
Acte I, scène 1 (en entier) : Silvia, Lisette.
2- La rencontre des maîtres :
Acte I, scène 7 , Silvia, Dorante
depuis le début jusqu'à
"Silvia, à part : Il le mériterait."
3- La rencontre des domestiques :
Acte II, scène 3 : Lisette, Arlequin (en entier).
4-Les gêneurs
Lecture synthétique de deux passages :
Acte II, scène 4 : Dorante, Arlequin, Lisette. (en entier)
Acte II, scène 6 : Lisette, Arlequin, Silvia. (en entier)
5- Le trouble de Silvia
Lecture comparée de deux passages :
Acte II, scènes 7 et 8 : Silvia, Lisette, puis Silvia.
depuis
"Lisette : Son valet, qui fait l'important, ne vous aurait-il point gâté l'esprit sur son compte ?"
jusqu'à la
fin de la scène 8
Acte II, scènes 11 et 12, Silvia, Mario, Monsieur Orgon, puis Silvia seule.
depuis
"Silvia : Non Monsieur, il n'y a point de douceur qui tienne [...]"
jusqu'à
"[...]je ne le suis pas de moi-
même."
6- Un aveu pour le spectateur :
Acte II, scène 9, Dorante, Silvia
depuis
"Silvia : Adieu, tu prends le bon parti [...]"
jusqu'à la fin de la scène.
7- La double reconnaissance des deux domestiques :
La position d' Orgon, selon Jean Rousset, est une "
duplication de la conscience spectatrice."