I. Pourquoi étudier Le Jeu de l`amour et du hasard au lycée ?

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■ Classes de Seconde : genres et
formes de l’argumentation – XVIIeXVIIIe siècle.
■ Classes de Première : texte et
représentation, du XVIIe siècle à nos
jours ; la question de l’homme dans
les genres de l’argumentation, du
XVIe siècle à nos jours.
■ Lecture de l’image : au sein de l’édition, un cahier photos couleurs.
MARIVAUX
Le Jeu de l’amour et du hasard
ISBN : 9782081249721
2,70 € – 160 p.
I. Pourquoi étudier Le Jeu de l’amour
et du hasard au lycée ?
■ Une œuvre qui s’inscrit bien dans les programmes
de Seconde et de Première
Le Jeu de l’amour et du hasard est l’une des pièces les plus
jouées de Marivaux. La récente mise en scène de Galin Stoev à
la Comédie-Française (2011) montre le succès qu’elle rencontre
encore aujourd’hui. La faire lire aux élèves permet donc de leur
proposer une œuvre parfaitement représentative du « marivaudage » et essentielle dans l’histoire de la littérature.
En Seconde
Le Jeu de l’amour et du hasard est l’occasion de réfléchir à
l’objet d’étude « genres et formes de l’argumentation : XVIIeXVIIIe siècle ». Le théâtre constitue un mode d’argumentation
indirecte, qui invite à s’interroger sur la question des rapports
Le Jeu de l’amour et du hasard
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entre maîtres et valets, ainsi que sur l’importance des barrières
sociales dans les sentiments amoureux. On pourra se demander
dans quelle mesure cette pièce du XVIIIe siècle est révélatrice de
la pensée des Lumières, et étudier le rôle du dialogue, qui
permet la confrontation des points de vue, dans l’argumentation.
En Première
En Première, le travail sera en partie orienté par l’objet
d’étude : « La question de l’homme dans les genres de
l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours. » Marivaux,
dans la pièce, fait œuvre de moraliste. Il suggère, entre autres,
une réflexion sur la sincérité et ses obstacles, sur les conditions
du bonheur dans le mariage. Plus généralement, Le Jeu de
l’amour et du hasard met en question les capacités de transparence de l’individu dans ses relations à autrui et à lui-même. Le
masque peut-il être considéré comme un moyen d’accéder à la
vérité ? Parvient-on toujours à se connaître soi-même ? Il s’agit
de questions essentielles, qui peuvent donner lieu à de nombreuses ouvertures et mises en perspective avec d’autres textes
littéraires et/ou philosophiques.
Les instructions officielles invitent par ailleurs les élèves de
Première à s’intéresser à la dimension spécifiquement théâtrale
de l’œuvre, et en particulier à la question de la représentation. La pièce engage une réflexion sur le théâtre lui-même, sur
le jeu des acteurs et le pouvoir du dialogue. Elle permet aussi de
percevoir l’évolution du genre de la comédie, entre le XVIIe et le
XVIIIe siècle. Elle hérite de la tradition classique, mais est surtout
caractéristique de l’écriture de Marivaux et révélatrice des problématiques propres au siècle des Lumières. La relative diversité
des registres rapproche la pièce de l’esthétique du drame, que
Diderot a théorisée. Notre séquence s’articulera autour de ces
deux objets d’étude de la classe de Première.
■ Lire Le Jeu de l’amour et du hasard aujourd’hui
Amour et inégalités sociales
La pièce parle d’amour et d’enjeux auxquels les lycéens
peuvent être sensibles. Elle invite à s’interroger sur les rapports
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Étonnants Classiques
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entre la condition sociale et les sentiments amoureux. L’ordre
social est-il conforme à celui des cœurs ? Pour les personnages,
le travestissement est une stratégie destinée à éprouver la sincérité de l’autre. Il peut faire croire à l’éventualité d’une mésalliance, le mérite prenant alors le pas sur la naissance. Ce risque
est toutefois soigneusement évité. C’est finalement l’ordre social
qui triomphe, car il coïncide heureusement avec les sentiments.
Mais, au moins pour un temps, la pièce laisse la possibilité de
croire que l’amour et l’aspiration au bonheur peuvent être plus
puissants que les préjugés sociaux.
Théâtralité et jeux de langage
Le Jeu de l’amour et du hasard est une pièce rythmée et plaisante, qui inspire le rire et l’émotion. Elle repose sur la vivacité
du dialogue et du jeu, auxquels les comédiens-italiens prêtent
leur dynamisme. Les répliques s’enchaînent avec subtilité et rapidité. Le jeu d’Arlequin, en particulier, fondé sur le mouvement,
renforce la dimension comique de l’œuvre. Dans son film
L’Esquive (2004, disponible en DVD), Abdellatif Kechiche a mis
en perspective cette vivacité du langage de Marivaux avec celle
du langage de jeunes gens de banlieue, eux aussi confrontés aux
déterminismes sociaux et à la difficulté à communiquer
– preuve, s’il en est besoin, que l’œuvre est toujours signifiante
aujourd’hui. Le travestissement est également à l’origine du procédé du « théâtre dans le théâtre ». Dans la pièce, seul Oronte
maîtrise les ressorts de la mise en scène. Les acteurs, au
contraire, ont l’illusion de dominer le jeu. Ils ne savent pas que
leur partenaire joue aussi un rôle. Le jeu conduit les maîtres à
prendre le masque des valets, et inversement. Les uns et les
autres parodient le langage de la classe sociale dont ils ont pris
l’apparence, ce qui donne lieu à de nombreux quiproquos. Dans
les dialogues, le comique repose en partie sur la double énonciation : les personnages font des allusions à leur véritable condition, que leur interlocuteur ne peut pas comprendre, à la
différence du spectateur. La pièce nous invite donc à réfléchir au
théâtre lui-même, qui serait le mode de communication essentiel
entre individus dans une société dominée par la force du
paraître.
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II. Tableau synoptique de la séquence
Séances
Objectifs
Activités
– Intégralité de
l’œuvre
– Dossier, « La
question du
bonheur, au cœur
de la pensée des
Lumières »
– Resituer l’œuvre
de Marivaux dans
le contexte des
Lumières
– Comprendre la
place de la pièce
dans l’ensemble de
l’œuvre
Exposé sur
Marivaux
(recherche
documentaire et
présentation orale)
2
Le théâtre au siècle
des Lumières
– Intégralité de
l’œuvre
– Cahier photos
– Dossier, « Avezvous bien lu ? »
– Comprendre les
conditions de la
représentation
théâtrale au
XVIIIe siècle (acteurs
de la ComédieFrançaise,
comédiens-italiens)
– Rappeler les
évolutions de la
dramaturgie au
XVIIIe siècle
– Lecture de
l’image
– Questionnaire de
lecture
– Acte I, scène 1
( jusqu’à « ce
superflu-là sera
mon nécessaire »)
– Dossier,
microlecture no 1
– Paratexte de
l’œuvre : titre, page
de présentation des
personnages
– Extrait de
l’adaptation de la
pièce par Marcel
Bluwal (1967)
– Acte II, scène 11
(de « eh bien,
Silvia » à « j’avoue
que je me suis
fâchée par un esprit
de justice pour ce
garçon »).
– Dossier,
microlecture no 4
– Comprendre dans
quelle mesure la
pièce hérite des
exigences de la
dramaturgie
classique
– Analyser la scène
d’exposition
– Étudier la notion
de « marivaudage »
– Lecture
analytique
– Visionnage d’une
séquence
d’adaptation
télévisuelle
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Une comédie
classique ?
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Supports
1
Marivaux, repères
culturels et
biographiques
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Séances
Supports
Objectifs
Activités
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Le comique
du travestissement,
jeux de masques
et « théâtre
dans le théâtre »
– Acte I, scène 7
(de « ils se donnent
la comédie » à
« Mais en vérité,
voilà un garçon qui
me surprend
malgré que j’en
aie »)
– Dossier,
microlecture no 2
– Dossier, « Théâtre
et travestissements »
– Extrait de la mise
en scène de JeanPaul Roussillon
(ComédieFrançaise, 1976)
– Analyser la scène
de première
rencontre entre
Silvia et Dorante
– Mettre en
évidence la parodie
du langage des
valets
– Analyser le
procédé du
« théâtre dans le
théâtre »
– Lecture
analytique
– Lecture comparée
– Visionnage d’un
extrait de
représentation
théâtrale
5
Un personnage de
la comédie
italienne, Arlequin
– Présentation,
« Maîtres et valets :
la question
sociale »
– Acte II, scène 3
(de « Madame, il dit
que je ne
m’impatiente pas »
à « c’est votre
valet »)
– Marivaux, L’Île des
esclaves, acte I,
scène 1
– Dossier,
microlecture no 3
– Cahier photos,
« Arlequin, un
personnage de la
commedia
dell’arte »
– Étudier le
personnage
d’Arlequin dans la
pièce
– Comprendre
l’importance et les
évolutions du
personnage
d’Arlequin dans
l’œuvre de
Marivaux
– Lecture
analytique
– Lecture comparée
– Recherche
iconographique
– Travail d’écriture
6
La question sociale,
maîtres et valets
– Acte III, scène 1
– Présentation,
« Maîtres et valets :
la question
sociale »
– Beaumarchais, Le
Mariage de Figaro,
acte V, scène 3
– Montrer
l’importance de la
question sociale
dans l’œuvre
– Mettre en
évidence le lien
entre la pièce et la
pensée des
Lumières
– Analyser
l’évolution du
personnage du
valet du XVIIe au
XVIIIe siècle
– Lectures cursives
– Travail de
recherche (les valets
de comédie)
Le Jeu de l’amour et du hasard
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Séances
Supports
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La leçon morale de
l’œuvre, mensonges
et sincérité
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Évaluation finale
Objectifs
Activités
– Acte III scène
dernière (de « Ah,
mon père » à
« allons, saute,
marquis ! »)
– Dossier,
microlecture no 6
– Film de Marcel
Bluwal et mise en
scène de Jean
Liermier (théâtre
Gérard-Philipe,
2009)
– Comprendre le
dénouement et la
leçon morale de
l’œuvre
– Analyser le(s)
registre(s) du
dénouement
– Comparer deux
adaptations de la
pièce en montrant
qu’elles constituent
des interprétations
différentes de ce
dénouement
– Lecture
analytique
– Visionnage de
l’acte III dans
l’adaptation de
Marcel Bluwal et
comparaison avec le
même extrait dans
la mise en scène de
Jean Liermier
(théâtre GérardPhilipe, 2009)
– Acte III, scène
dernière
– Sujet de
dissertation
Évaluer les acquis
de la séquence
Commentaire de
texte ou
dissertation
III. Déroulement de la séquence
Séance no 1 : Marivaux,
repères culturels et biographiques
Objectifs
Supports
→ Resituer l’œuvre de Marivaux dans le contexte des
Lumières.
→ Comprendre la place de la pièce dans l’ensemble
de l’œuvre.
→ Intégralité de l’œuvre.
→ Dossier, « La question du bonheur, au cœur de la
pensée des Lumières ».
On pourra s’appuyer sur des exposés réalisés par les élèves
pour évoquer brièvement la carrière de Marivaux. Il existe, sur
cet auteur, beaucoup d’incertitudes biographiques. On précisera
qu’il est venu progressivement à l’écriture et on insistera surtout
sur sa prise de position en faveur des Modernes, en rappelant
les enjeux essentiels de cette célèbre querelle. Les Anciens (Boileau, La Fontaine…) défendent l’imitation des grands auteurs de
l’Antiquité. Ils ne croient pas au progrès possible en art. Les
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Modernes, tels que Perrault ou Marivaux, considèrent que l’originalité est essentielle, et l’imitation un asservissement. Ils
veulent promouvoir des idées et des formes artistiques nouvelles, qu’ils considèrent comme plus adaptées à l’époque
contemporaine. En s’appuyant sur la présentation de l’édition,
on montrera que Le Jeu de l’amour et du hasard s’inscrit dans
une longue suite de comédies, dont certaines ont connu un
grand succès, en particulier celles destinées aux comédiensitaliens.
Marivaux écrit à une époque généralement mal connue des
élèves : le règne de Louis XV. Entre 1715 et 1723, Philippe
d’Orléans a permis de tourner la page des dernières années
sombres du règne de Louis XIV. La vie à la cour et à Paris est
marquée par davantage de légèreté. En 1716, les comédiensitaliens, qui avaient été chassés par Louis XIV, sont rappelés par
le régent. Ils contribuent à donner un souffle nouveau à la création théâtrale. Dans les salons, la bonne société goûte aux plaisirs de la conversation et débat, entre autres, de questions
amoureuses, de science et de philosophie. Dans toute l’Europe
se diffusent les idées des Lumières, penseurs qui luttent contre
les injustices, croient au progrès, défendent la liberté et l’aspiration au bonheur.
Séance no 2 : le théâtre au siècle
des Lumières
Objectifs
Supports
→ Comprendre les conditions de la représentation
théâtrale (acteurs de la Comédie-Française,
comédiens-italiens).
→ Rappeler les évolutions de la dramaturgie au
XVIIIe siècle.
→ Intégralité de l’œuvre.
→ Cahier photos.
→ Dossier, « Avez-vous bien lu ? ».
Marivaux a écrit à la fois pour les comédiens-italiens et pour les
acteurs de la Comédie-Française. À Paris, en 1730, la ComédieFrançaise, l’Opéra, qui représente des spectacles accompagnés
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de musique et de danse, et le Théâtre-Italien sont les trois salles
officielles. Les premières troupes italiennes se sont installées en
France au XVIe siècle. La commedia dell’arte n’est donc pas
inconnue des Français. Les acteurs incarnent des types, plus que
de véritables personnages dotés d’une psychologie. L’intrigue se
développe autour d’un canevas comique, en laissant une large
place à l’improvisation. En 1716, Luigi Riccoboni (1676-1753)
est chargé de recréer le Théâtre-Italien à Paris. En 1718, les
comédiens-italiens jouent leur première pièce en français, tout
en conservant un accent étranger prononcé, qui séduit le public
et qui l’invite à se concentrer sur le jeu, au moins autant que sur
le texte. Marivaux leur confie en 1720, pour la première fois,
l’une de ses pièces : L’Amour et la Vérité.
On pourra présenter aux élèves le tableau de Watteau, Comédiens français (entre 1718 et 1721), pour leur donner une
image de la vie théâtrale de l’époque. Le jeu des comédiensitaliens est alors réputé pour être plus vivant, plus moderne et
moins emphatique que celui des acteurs de la Comédie-Française,
qui interprètent un grand nombre de tragédies ou de « grandes
comédies » fidèles à la dramaturgie classique. Il est caractérisé par
le mouvement, alors que, à la Comédie-Française, les acteurs
restent immobiles face au public, pour mieux faire entendre le
texte. Les comédiens-italiens mettent en valeur le corps et ses
différents modes d’expression, y compris à travers des acrobaties. L’écriture de Marivaux témoigne de cette influence. Le dialogue progresse avec vivacité, et les répliques s’enchaînent
parfois par reprise de certains mots-clés. Dans la pièce, Arlequin
et Silvia, en particulier, sont des personnages de la comédieitalienne.
Pour vérifier la lecture de l’œuvre, on proposera aux élèves
de répondre au questionnaire de lecture présent dans le dossier
(« Avez-vous bien lu ? »).
Séance no 3 : une comédie classique ?
Objectifs
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→ Comprendre dans quelle mesure la pièce hérite des
exigences de la dramaturgie classique.
→ Analyser la scène d’exposition.
→ Étudier la notion de « marivaudage ».
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Supports
→ Acte I, scène 1 ( jusqu’à « ce superflu-là sera mon
nécessaire »).
→ Dossier, microlecture no 1.
→ Paratexte de l’œuvre : titre, page de présentation
des personnages.
→ Extrait de l’adaptation de la pièce par Marcel
Bluwal (1967).
→ Acte II, scène 11 (de « eh bien, Silvia » à « j’avoue
que je me suis fâchée par un esprit de justice pour
ce garçon »).
→ Dossier, microlecture no 4.
■ L’héritage classique
Pour proposer un premier regard sur l’œuvre et commencer à
définir les caractéristiques essentielles de la comédie, on invitera
les élèves à observer le paratexte.
Le titre
On analysera la place du « jeu » dans la pièce et les différents
sens du terme (dimension ludique, légèreté, représentation…),
ainsi que l’importance du « hasard » (voir par exemple Silvia, à
l’acte III, scène 4 : « c’est un mariage unique ; c’est une aventure
dont le seul récit est attendrissant ; c’est le coup de hasard le
plus singulier, le plus heureux, le plus… »). Le titre annonce le
registre comique de la pièce et une réflexion morale.
La page de présentation des personnages
Cette page présente les maîtres amoureux (Silvia et Dorante),
les valets (Lisette et Arlequin), le père et le frère, qui maîtrisent
le jeu scénique (Orgon et Mario). Elle annonce d’emblée une
comédie dans laquelle les relations entre les personnages sont
régies par la hiérarchie entre maîtres et valets, ainsi que par les
sentiments amoureux. M. Orgon est le premier de la liste : c’est
aussi le seul qui maîtrise véritablement le jeu. Par ailleurs, nous
apprenons que « la scène est à Paris ».
La dramaturgie classique
On s’attachera ensuite à rappeler les règles essentielles de la
dramaturgie classique. En s’appuyant sur la présentation de
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l’œuvre, on pourra montrer que, bien qu’il écrive de manière
profondément originale, Marivaux s’astreint à respecter les nombreuses exigences du classicisme. C’est le cas pour la fameuse
règle des trois unités. Ainsi, l’intrigue se déroule essentiellement
dans la maison d’Orgon : l’unité de lieu est respectée. Pour
Marivaux comme autrefois pour Molière, la comédie a également vocation à nous faire réfléchir sur notre humanité tout en
nous divertissant.
■ Une scène d’exposition
Pour poursuivre l’étude des caractéristiques essentielles de la
comédie, on proposera la lecture analytique de la scène d’exposition à l’aide de la microlecture no 1 (dossier). On rappellera
les exigences essentielles de ce type de scène : donner au spectateur les informations essentielles à la compréhension de l’intrigue, le divertir et le séduire d’emblée. Quelle est l’originalité de
cette scène d’exposition ?
La dimension informative de l’exposition
1. L’enjeu de la pièce : le mariage
La scène présente l’enjeu principal de l’intrigue : le mariage de
Silvia, une jeune femme de bonne famille, avec Dorante. Silvia
dialogue avec Lisette, sa femme de chambre, et semble s’inquiéter de ce mariage arrangé par son père. Elle n’est pas amoureuse
d’un autre mais n’est simplement pas certaine de la sincérité de
son futur époux.
2. La présentation des personnages
La scène nous fait découvrir les deux femmes de la pièce :
Silvia et Lisette. Le langage de l’une et de l’autre révèle leur
appartenance sociale : il est populaire et spontané pour Lisette
(la servante), et plus noble pour Silvia. Les deux jeunes femmes
parlent des hommes. Contrairement à Lisette, Silvia est
méfiante : elle ne veut pas être la dupe d’un mari hypocrite.
Une scène d’exposition de comédie
1. La vivacité du dialogue
Le spectateur entre in medias res dans le dialogue entre Lisette
et Silvia : leur conversation a déjà commencé, ce qui contribue
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au dynamisme de l’exposition. De plus, l’une et l’autre confrontent des thèses différentes. Leurs désaccords donnent du rythme
au dialogue. Dans les premières répliques, l’enchaînement se
fait par reprise de « non » et de « oui ». Lisette témoigne ainsi de
son esprit et de son à-propos.
2. L’impertinence de Lisette
Lisette ne cesse de contredire sa maîtresse. Elle n’hésite pas à
se moquer de Silvia, dont elle ne saisit guère les réticences. Au
moment où Silvia se livre à ses portraits critiques, elle semble
mieux la comprendre. Mais elle retrouve son entrain au seul mot
de « mari ».
La vérité et les masques sociaux
1. Des apparences trompeuses
Silvia se méfie des apparences, des on-dit, de la beauté de
Dorante. Elle voudrait pouvoir connaître l’être intime des
hommes. La critique des masques sociaux se fait surtout par
l’intermédiaire des portraits d’Ergaste, de Léandre et de Tersandre. Silvia en fait de véritables « caractères », à l’image de
La Bruyère ou de Célimène dans Le Misanthrope (acte II,
scène 4).
2. L’aspiration à la sincérité
Silvia voudrait un homme qui ait « bon caractère ». Dans la
scène, elle exprime non pas son refus du mariage mais son
inquiétude à l’égard des hommes. Elle voudrait rester une
femme libre, et ne pas être soumise à un mari tyrannique.
En conclusion de la séance, on visionnera avec les élèves la
mise en scène de cette scène d’esprit par Marcel Bluwal (1967) 1.
■ Une esthétique originale
La comédie n’est pas conforme à l’exigence classique d’unité
de ton. On s’appuiera sur les impressions de lecture des élèves
pour montrer que la comédie ne fait pas toujours rire. Elle laisse
place à divers registres, y compris le pathétique. On pourra se
livrer à un relevé des moments où le comique s’efface devant
1. Le DVD de l’adaptation est disponible à la vente (Ina, « Les grandes fictions
de la télévision », 2010).
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une certaine tension dramatique. À la scène 11 de l’acte II, par
exemple, le jeu d’Orgon et de Mario se révèle cruel pour Silvia,
dont on perçoit la souffrance. Le spectateur peut avoir pitié de
la jeune femme, qui craint la mésalliance tout en aspirant sincèrement à un mariage d’amour. On montrera que ce mélange des
tons est recherché par Diderot et Beaumarchais dans le drame
bourgeois (ou genre dramatique sérieux).
Marivaux est toutefois caractérisé par un style original, appelé
« marivaudage » (y compris par les contemporains du dramaturge). Diderot, par exemple, en parle dans l’une de ses lettres
à Sophie Volland en 1760. En s’appuyant sur quelques références à l’œuvre, on s’efforcera de définir ce terme, qui désigne
à la fois une réflexion subtile et raffinée sur des questions
morales et un style. Jean-François de La Harpe (1739-1803)
pointe les contradictions et la complexité de cette écriture :
« Marivaux se fit un style si particulier qu’il a eu l’honneur de
lui donner son nom ; on l’appela “marivaudage” : c’est le
mélange le plus bizarre de métaphysique subtile et de locutions
triviales, de sentiments alambiqués et de dictions populaires. »
Séance no 4 : le comique du travestissement,
jeux de masques et « théâtre dans le théâtre »
Objectifs
Supports
→ Analyser la scène de première rencontre entre
Silvia et Dorante.
→ Mettre en évidence la parodie du langage des
valets.
→ Analyser le procédé du « théâtre dans le théâtre ».
→ Acte I, scène 7 (de « ils se donnent la comédie » à
« Mais en vérité, voilà un garçon qui me surprend
malgré que j’en aie »).
→ Dossier, microlecture no 2.
→ Dossier, « Théâtre et travestissements ».
→ Extrait de la mise en scène de Jean-Paul Roussillon
(Comédie-Française, 1976).
En s’appuyant sur le dossier consacré à cette thématique, on
pourra souligner l’importance du travestissement, qui conduit
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les personnages à se mettre en scène comme acteurs. Le travestissement est à l’origine du « théâtre dans le théâtre ».
■ Le travestissement
On proposera la lecture analytique de la scène 7 de l’acte I,
qui est celle de la première rencontre entre Silvia et Dorante
déguisés. Les personnages mentent sur leur véritable identité,
mais sont sincères dans l’expression de leurs sentiments.
Le jeu de masques
1. Le masque des valets
Dorante et Silvia se tutoient. Silvia appelle Dorante « Bourguignon » (on appelait les valets du nom de leur province d’origine). Leur jeu repose sur le langage, mais aussi sur l’habit.
Silvia fait allusion à la « garde-robe » de Dorante.
2. Un masque imparfait ?
Les personnages ne cessent de trahir leur milieu d’origine, en
faisant preuve d’un esprit peu vraisemblable pour des valets.
Chacun est d’ailleurs étonné par la virtuosité de son interlocuteur, sans jamais toutefois avoir de véritables doutes sur l’identité de ce dernier. Seul le spectateur est au courant de la vérité.
3. Le comique de la double énonciation
Le spectateur sait que les personnages sont trompés par les
apparences. La double énonciation fait naître le comique.
Une scène de première rencontre
1. La « surprise de l’amour »
Les deux personnages sont surpris : l’émotion que Dorante
ressent, par exemple, n’est pas conforme aux préjugés sociaux
qu’il avait. Dans les apartés, Silvia témoigne également de sa
surprise.
2. Une scène galante
Les deux personnages échangent très rapidement des propos
galants. Mais Silvia exprime aussi sa réticence, fondée sur une
crainte de la mésalliance, et tente de faire revenir la conversation
sur le sujet du maître de Bourguignon.
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3. Un amour impossible ?
Les personnages, et en particulier Silvia, voudraient mettre
fin à une relation qu’ils croient impossible. Silvia dit à Dorante
« adieu ». Néanmoins, elle ne cesse de montrer que ses sentiments sont plus puissants que sa raison, qui lui imposerait de
s’éloigner de Dorante.
En conclusion de la lecture analytique, on pourra présenter
aux élèves l’interprétation de cette scène par Jean-Paul Roussillon, dans sa mise en scène de la pièce en 1976 à la ComédieFrançaise 1 (ce qui sera l’occasion d’une comparaison avec
l’adaptation de Marcel Bluwal).
■ Lectures complémentaires
Pour approfondir la question du « théâtre dans le théâtre », on
pourra proposer aux élèves la lecture cursive des textes présents
dans la partie du dossier intitulée « Théâtre et travestissement » :
le prologue d’Amphitryon, de Plaute, un extrait du Malade imaginaire (III, 10), de Molière, du Prince travesti (I, 4 et 5), de
Marivaux, et des Bonnes, de Genet. On s’intéressera aux différentes fonctions du travestissement, pour montrer que, pour les
personnages, il est le plus souvent un moyen indirect d’accéder
à la vérité ou de transgresser des normes liées à son identité
d’origine. On analysera en particulier le texte de Molière, Le
Malade imaginaire. Les élèves pourront répondre aux questions
posées à la suite de l’extrait. Dans la scène, Toinette, déguisée
en médecin, tente de détourner Argan de son obsession de la
médecine. Elle incarne un médecin charlatan, qui caricature les
vices de M. Purgon. Argan n’est pas au courant du rôle qu’elle
joue. Il est la dupe, dont tout le monde rit, de la scène de
« théâtre dans le théâtre ». Prisonnier de son obsession, Argan
ne semble même pas percevoir l’absurdité des raisonnements
du faux médecin : ce dernier voudrait mutiler son malade, sous
prétexte de le soigner. Molière démontre ainsi l’immoralité des
médecins et leur incompétence : ils ne songent qu’à asseoir leur
1. Le DVD de la représentation est disponible à la vente (éditions Montparnasse, 2009).
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pouvoir et à gagner de l’argent, au mépris absolu de la vie et du
bien-être de leurs patients. Dans cet extrait, le « théâtre dans
le théâtre » ne permet donc pas à Argan de comprendre son
extravagance, mais le spectateur peut la mettre à distance et en
rire.
Séance no 5 : un personnage
de la comédie-italienne, Arlequin
Objectifs
Supports
→ Analyse du personnage d’Arlequin dans la pièce.
→ Comprendre l’importance et les évolutions du
personnage d’Arlequin dans l’œuvre de Marivaux.
→ Présentation, « Maîtres et valets : la question
sociale ».
→ Acte II, scène 3 : de « Madame, il dit que je ne
m’impatiente pas » à « c’est votre valet ».
→ Marivaux, L’Île des esclaves, acte I, scène 1.
→ Dossier, microlecture no 3.
→ Cahier photos, « Arlequin, un personnage de la
commedia dell’arte ».
■ Arlequin
Le personnage d’Arlequin, ou Arlecchino, est essentiel dans
la comédie-italienne. L’étymologie du nom de ce personnage est
incertaine. Elle est souvent rapprochée d’un terme qui, au
Moyen Âge, désignait le diable : Hellequin. Arlequin est très
populaire. Il doit sa renommée à son caractère enjoué et à son
costume haut en couleur. Son habit, fait de différentes pièces de
tissu, est joyeusement bariolé, et suggère peut-être la pauvreté du
personnage. On retrouve ce dernier dans l’œuvre du dramaturge
italien Goldoni (1707-1793) : on peut citer l’exemple d’Arlequin serviteur de deux maîtres (1753, dans cette pièce, Arlequin
joue sous le nom de Truffaldin). Il a également une importance
particulière dans l’œuvre de Marivaux. On le trouve, outre dans
Le Jeu de l’amour et du hasard (1730), dans Arlequin poli par
l’amour (1720), La Surprise de l’amour (1722), La Double
Inconstance (1723), Le Prince travesti (1724), L’Île des esclaves
(1725) et dans Les Fausses Confidences (1737), entre autres.
Le Jeu de l’amour et du hasard
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■ L’évolution du personnage
Au fil de ses apparitions, Arlequin évolue. Il gagne en profondeur psychologique. Il s’éloigne du type de la commedia
dell’arte, qui fait de lui un rustre, pour accéder à un statut de
personnage plus complexe. Il se révèle peu scrupuleux, mais vif
et intelligent. À la scène 1 de l’acte III, le spectateur comprend
par exemple qu’il résiste aux demandes de Dorante, qui voudrait l’obliger à révéler sa véritable identité. Son maître note
d’ailleurs son impertinence : « Ce coquin ! quelle imagination il
lui prend ! » Ambitieux et bon vivant, Arlequin rêve de prendre
la place de son maître.
■ Arlequin dans Le Jeu de l’amour et du hasard
et dans L’Île des esclaves
Le Jeu de l’amour et du hasard, acte II, scène 3
Pour dresser le portrait d’Arlequin, on pourra s’appuyer sur
une recherche de documents iconographiques, effectuée par les
élèves (par exemple : Arlequin vu par Maurice Sand en 1671),
sur la microlecture no 3 (dossier), consacrée à la scène 3 de
l’acte II, ainsi que sur l’étude d’un texte complémentaire : L’Île
des esclaves (voir présentation de l’édition et infra).
Dans la scène 3 de l’acte II, le personnage d’Arlequin est plein
d’esprit. Il tente habilement de séduire Lisette. En usurpant
l’identité de son maître, il s’empare également de son langage.
La scène constitue une parodie du langage galant ou précieux :
Arlequin développe ses métaphores avec trop de lourdeur et
d’insistance, certains termes populaires lui échappent et trahissent son origine populaire. Le duo amoureux qu’il forme avec
Lisette fait plaisamment écho, sur un mode comique, à celui
constitué par Silvia et Dorante. Il révèle la force burlesque du
personnage.
L’Île des esclaves
Dans L’Île des esclaves (1725), Arlequin joue un rôle
très important. Il prend la place de son maître. Il se soustrait
entièrement à son autorité. Il sait utiliser habilement l’ironie et
prendre le pouvoir sur Iphicrate, apeuré. Dans la scène 1 de
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l’acte I, la revendication sociale que porte le personnage est très
nette (voir l’édition Flammarion, coll. « Étonnants Classiques »,
2012, p. 41-45).
■ Exercice d’écriture
Pour conclure le travail sur le personnage d’Arlequin, et pour
faire la transition avec une séance consacrée aux rapports
maîtres/valets, on peut proposer aux élèves une écriture d’invention (dossier).
Sujet : Arlequin, qui a pris le rôle de Dorante, tient à son
maître un discours contestataire ; il ne supporte plus sa condition
de valet et voudrait être libre. Vous écrirez le dialogue entre Arlequin et Dorante. Vous pourrez vous appuyer sur votre lecture de
la pièce et sur la scène d’exposition de L’Île des esclaves.
Séance no 6 : la question sociale,
maîtres et valets
Objectifs
Supports
→ Montrer l’importance de la question sociale dans
l’œuvre.
→ Mettre en évidence le lien entre la pièce et la
pensée des Lumières.
→ Analyser l’évolution du personnage du valet du
XVIIe au XVIIIe siècle.
→ Acte III, scène 1.
→ Présentation, « Maîtres et valets : la question
sociale ».
→ Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, acte V,
scène 3.
Pour approfondir la question sociale, soulevée par le travestissement de Dorante et d’Arlequin, on pourra étudier la scène 1
de l’acte III. Dans cette scène, Dorante tente de ramener Arlequin à la raison et de lui faire comprendre qu’il doit révéler son
identité à Lisette. Arlequin a bien sûr des réticences, mais il finit
par accepter. Il exprime sa crainte que cette révélation lui fasse
perdre l’estime de Lisette. Cette scène illustre le conflit entre le
maître et le valet.
Le Jeu de l’amour et du hasard
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■ Textes complémentaires
Personnage traditionnel de la comédie, le valet a subi
d’importantes évolutions entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Dans
les pièces de Molière, il sert à accentuer les effets de comique
(ou à introduire un registre farcesque, dans le cas des « grandes
comédies ») plus qu’à faire progresser l’intrigue. Même lorsqu’il
est subtil et bavard, comme c’est le cas de Dorine dans Le Tartuffe (1669), par exemple, il n’a pas vraiment d’influence sur
l’histoire. Au XVIIIe siècle, le valet acquiert en revanche un rôle
capital. Dans Le Mariage de Figaro (1778 pour la date d’écriture, 1784 pour la première représentation), Figaro est un valet
subtil, doté d’une véritable psychologie, qui témoigne de l’affirmation progressive du personnage dans les comédies. Afin
d’illustrer cette évolution, on pourra faire lire aux élèves le
monologue célèbre que le personnage tient dans la scène 3 de
l’acte V (voir l’édition Flammarion, coll. « Étonnants Classiques », 2010, p. 216-220).
■ Travail de recherche : les valets de comédie
On pourra proposer aux élèves quelques recherches sur
d’autres célèbres valets de comédie, qui pourront donner lieu à
une rapide présentation orale (portrait du personnage, citations
de ses répliques). Ils se référeront à la liste suivante (non
exhaustive) :
– Sganarelle, dans Dom Juan (1665) de Molière ;
– Dorine, dans Le Tartuffe (1669) de Molière ;
– Scapin, dans Les Fourberies de Scapin (1671) de Molière ;
– Figaro, dans Le Barbier de Séville (1775) et Le Mariage de
Figaro (1778) de Beaumarchais ;
– Ruy Blas, dans Ruy Blas (1838) de Hugo ;
– Claire et Solange, dans Les Bonnes (1947) de Genet.
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Séance no 7 : la leçon morale de l’œuvre,
mensonges et sincérité
Objectifs
Supports
→ Comprendre le dénouement et la leçon morale de
l’œuvre.
→ Analyser le(s) registre(s) du dénouement.
→ Comparer deux adaptations de la pièce en
montrant qu’elles constituent des interprétations
différentes de ce dénouement.
→ Acte III, scène dernière (de « Ah, mon père » à
« allons, saute, marquis ! »).
→ Dossier, microlecture no 6.
→ Film de Marcel Bluwal et mise en scène de Jean
Liermier (théâtre Gérard-Philipe, 2009).
■ Le dénouement de l’œuvre
Pour conclure l’étude, on pourra proposer la lecture analytique du dénouement de la pièce, en s’appuyant sur la microlecture no 6 du dossier de l’édition. La scène 8 de l’acte III est
certainement plus importante que la dernière scène, qui
consacre simplement le succès des couples. On montrera
comment la tension dramatique est dépassée pour conduire à la
résolution de l’intrigue.
La tension dramatique
1. Le risque d’échec de la relation amoureuse
Silvia prend le risque de faire fuir Dorante, qui va jusqu’à lui
dire « adieu ». Lorsqu’il revient, elle feint de partir. Elle veut le
pousser à avouer son amour et aller jusqu’au bout de la mise
à l’épreuve.
2. Dorante : le combat entre l’amour et la raison
Pour Dorante, aimer Silvia, qu’il croit être Lisette, suppose
d’accepter une mésalliance. Dorante est le dernier à connaître
les règles du jeu. Silvia se montre relativement cruelle avec lui,
en le laissant dans l’ignorance jusqu’au bout.
L’aveu amoureux
1. Silvia : l’aveu malgré elle
Silvia veut rester maîtresse du jeu. Elle ne déclare pas explicitement son amour à Dorante. Mais elle ne cesse de lui faire
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comprendre qu’elle lui est attachée. À Dorante, par exemple,
qui lui demande si elle l’aime, elle fait cette réponse : « Non,
non ; mais si vous me le demandez encore, tant pis pour vous. »
Elle avoue donc qu’elle ne pourra pas continuer longtemps à
nier son amour pour lui, même si elle est inquiète, comme le
montre sa longue tirade.
2. Dorante : la victoire des sentiments
Dorante avoue plus directement son amour pour Silvia. Il
témoigne d’une certaine grandeur d’âme. Il affirme : « Il n’est ni
rang, ni naissance, ni fortune qui ne disparaisse devant une âme
comme la tienne. » Entre la naissance et le mérite, il choisit le
mérite.
La résolution des conflits
1. Vers la vérité
Les personnages ont eu un entretien qui a mis en évidence
leur amour. Dorante a réussi l’épreuve que Silvia lui a imposée.
Il ne reste qu’un seul point en suspens : comment va-t-il réagir
lorsque Silvia va lui révéler sa véritable identité et lui expliquer
qu’il était le seul à ne pas connaître la vérité ? La double énonciation théâtrale fait que le spectateur comprend les paroles à
double sens de Silvia, qu’il est complice du jeu dont Dorante
est encore la dupe.
2. Un mariage annoncé
Dorante a clos toute forme de débat en annonçant : « […] ne
disputons point, car je ne changerai jamais ». Silvia conclut
donc : « Enfin, j’en suis venue à bout. » Elle considère qu’elle a
obtenu ce qu’elle voulait. Le spectateur comprend que rien ne
peut désormais faire obstacle au mariage.
■ Comparer deux adapatations
En conclusion, on visionnera au moins deux mises en scène
de l’acte III, pour les analyser et pour en étudier le registre
dominant, en particulier lors du dénouement. Celui-ci est-il toujours comique ? On pourra par exemple comparer l’adaptation
de Marcel Bluwal à la mise en scène de Jean Liermier. Chez
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ce dernier, la parfaite conformité du dénouement aux exigences
sociales est à l’origine d’un comique en demi-teinte, légèrement voilé.
On invitera également les élèves à réfléchir à la leçon de
l’œuvre. Marivaux semble dénoncer les mensonges qui président
à l’existence sociale de chacun. Mais pour mettre en évidence
l’hypocrisie, c’est un mensonge que les personnages choisissent : ils dissimulent leur véritable identité. Si l’on veut faire
triompher la sincérité, le mensonge peut paradoxalement être
un moyen justifiable. En se faisant acteurs, Silvia et Dorante
parviennent à la certitude que leurs sentiments sont vrais. Marivaux fait ainsi l’éloge du théâtre et de son pouvoir de dévoilement de la vérité.
Séance no 8 : évaluation finale
Objectif
Supports
→ évaluer les acquis de la séquence.
→ Acte III, scène dernière.
→ Sujet de dissertation (voir infra).
On proposera aux élèves un sujet d’évaluation à faire à la
maison. Ils auront le choix entre un commentaire de texte et
une dissertation.
■ Commentaire : acte III, scène dernière
Cette courte scène permet aux élèves de faire le bilan de
l’étude. Il s’agit du moment crucial du dénouement, car Silvia
avoue enfin à Dorante sa véritable identité. La résolution des
questions soulevées par l’intrigue est complète. La dernière
scène est également très courte, ce qui contraste avec la longueur
de la scène précédente. Tout est désormais réglé. On pouvait
craindre que Dorante ne réagisse mal à l’aveu de Silvia. Il prend
conscience qu’il a aussi été la dupe de Mario. Il est à nouveau
caractérisé par sa grandeur d’âme. Le dénouement est donc
festif : la pièce s’achève par des mariages. Marivaux laisse le
dernier mot aux valets, personnages à l’origine du comique de
Le Jeu de l’amour et du hasard
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la pièce. Arlequin conclut la scène par une dernière pirouette :
« Allons, saute, marquis ! »
Dissertation
Dans son célèbre monologue, le personnage de Figaro a cette
audacieuse remarque, relative à la noblesse : « Qu’avez-vous fait
pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et
rien de plus. » Vous vous demanderez dans quelle mesure les
valets de comédie mettent en cause les privilèges du maître, au
profit d’une reconnaissance du mérite. Vous proposerez une
réponse argumentée et organisée à cette question, en vous
appuyant sur votre lecture du Jeu de l’amour et du hasard, sur
votre cours et sur votre connaissance d’autres pièces comiques.
Le sujet invite à considérer le pouvoir de contestation du valet,
ainsi que les éventuels renversements auxquels les rapports
maître-valet donnent lieu. Il est certain que les valets s’opposent
souvent à l’autorité de leurs maîtres, mais les comédies nous
montrent-elles vraiment la reconnaissance du mérite ? La plupart du temps, le dénouement consacre en fait surtout le retour
à l’ordre, comme c’est le cas en conclusion du Jeu de l’amour et
du hasard. Arlequin n’est absolument pas un valet révolutionnaire. Figaro lui-même ne menace jamais vraiment les privilèges
les plus significatifs du comte Almaviva. Comme tous les valets,
au moins à l’âge classique (XVIIe-XVIIIe siècle), il semble avoir
avant tout pour fonction de faire rire et d’insuffler du dynamisme à la comédie. Le pouvoir que les valets s’arrogent est
simplement, le temps de la comédie, celui de la parole et du jeu.
Laurence RAULINE,
professeur de français au lycée Pierre Larousse, à Toucy (Yonne).
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