Meta-systems - 16-05-12 10:53:30 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 1 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × ■ Classes de Seconde : genres et formes de l’argumentation – XVIIeXVIIIe siècle. ■ Classes de Première : texte et représentation, du XVIIe siècle à nos jours ; la question de l’homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours. ■ Lecture de l’image : au sein de l’édition, un cahier photos couleurs. MARIVAUX Le Jeu de l’amour et du hasard ISBN : 9782081249721 2,70 € – 160 p. I. Pourquoi étudier Le Jeu de l’amour et du hasard au lycée ? ■ Une œuvre qui s’inscrit bien dans les programmes de Seconde et de Première Le Jeu de l’amour et du hasard est l’une des pièces les plus jouées de Marivaux. La récente mise en scène de Galin Stoev à la Comédie-Française (2011) montre le succès qu’elle rencontre encore aujourd’hui. La faire lire aux élèves permet donc de leur proposer une œuvre parfaitement représentative du « marivaudage » et essentielle dans l’histoire de la littérature. En Seconde Le Jeu de l’amour et du hasard est l’occasion de réfléchir à l’objet d’étude « genres et formes de l’argumentation : XVIIeXVIIIe siècle ». Le théâtre constitue un mode d’argumentation indirecte, qui invite à s’interroger sur la question des rapports Le Jeu de l’amour et du hasard | 1 Meta-systems - 16-05-12 10:53:31 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 2 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × entre maîtres et valets, ainsi que sur l’importance des barrières sociales dans les sentiments amoureux. On pourra se demander dans quelle mesure cette pièce du XVIIIe siècle est révélatrice de la pensée des Lumières, et étudier le rôle du dialogue, qui permet la confrontation des points de vue, dans l’argumentation. En Première En Première, le travail sera en partie orienté par l’objet d’étude : « La question de l’homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours. » Marivaux, dans la pièce, fait œuvre de moraliste. Il suggère, entre autres, une réflexion sur la sincérité et ses obstacles, sur les conditions du bonheur dans le mariage. Plus généralement, Le Jeu de l’amour et du hasard met en question les capacités de transparence de l’individu dans ses relations à autrui et à lui-même. Le masque peut-il être considéré comme un moyen d’accéder à la vérité ? Parvient-on toujours à se connaître soi-même ? Il s’agit de questions essentielles, qui peuvent donner lieu à de nombreuses ouvertures et mises en perspective avec d’autres textes littéraires et/ou philosophiques. Les instructions officielles invitent par ailleurs les élèves de Première à s’intéresser à la dimension spécifiquement théâtrale de l’œuvre, et en particulier à la question de la représentation. La pièce engage une réflexion sur le théâtre lui-même, sur le jeu des acteurs et le pouvoir du dialogue. Elle permet aussi de percevoir l’évolution du genre de la comédie, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Elle hérite de la tradition classique, mais est surtout caractéristique de l’écriture de Marivaux et révélatrice des problématiques propres au siècle des Lumières. La relative diversité des registres rapproche la pièce de l’esthétique du drame, que Diderot a théorisée. Notre séquence s’articulera autour de ces deux objets d’étude de la classe de Première. ■ Lire Le Jeu de l’amour et du hasard aujourd’hui Amour et inégalités sociales La pièce parle d’amour et d’enjeux auxquels les lycéens peuvent être sensibles. Elle invite à s’interroger sur les rapports 2 | Étonnants Classiques Meta-systems - 16-05-12 10:53:31 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 3 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × entre la condition sociale et les sentiments amoureux. L’ordre social est-il conforme à celui des cœurs ? Pour les personnages, le travestissement est une stratégie destinée à éprouver la sincérité de l’autre. Il peut faire croire à l’éventualité d’une mésalliance, le mérite prenant alors le pas sur la naissance. Ce risque est toutefois soigneusement évité. C’est finalement l’ordre social qui triomphe, car il coïncide heureusement avec les sentiments. Mais, au moins pour un temps, la pièce laisse la possibilité de croire que l’amour et l’aspiration au bonheur peuvent être plus puissants que les préjugés sociaux. Théâtralité et jeux de langage Le Jeu de l’amour et du hasard est une pièce rythmée et plaisante, qui inspire le rire et l’émotion. Elle repose sur la vivacité du dialogue et du jeu, auxquels les comédiens-italiens prêtent leur dynamisme. Les répliques s’enchaînent avec subtilité et rapidité. Le jeu d’Arlequin, en particulier, fondé sur le mouvement, renforce la dimension comique de l’œuvre. Dans son film L’Esquive (2004, disponible en DVD), Abdellatif Kechiche a mis en perspective cette vivacité du langage de Marivaux avec celle du langage de jeunes gens de banlieue, eux aussi confrontés aux déterminismes sociaux et à la difficulté à communiquer – preuve, s’il en est besoin, que l’œuvre est toujours signifiante aujourd’hui. Le travestissement est également à l’origine du procédé du « théâtre dans le théâtre ». Dans la pièce, seul Oronte maîtrise les ressorts de la mise en scène. Les acteurs, au contraire, ont l’illusion de dominer le jeu. Ils ne savent pas que leur partenaire joue aussi un rôle. Le jeu conduit les maîtres à prendre le masque des valets, et inversement. Les uns et les autres parodient le langage de la classe sociale dont ils ont pris l’apparence, ce qui donne lieu à de nombreux quiproquos. Dans les dialogues, le comique repose en partie sur la double énonciation : les personnages font des allusions à leur véritable condition, que leur interlocuteur ne peut pas comprendre, à la différence du spectateur. La pièce nous invite donc à réfléchir au théâtre lui-même, qui serait le mode de communication essentiel entre individus dans une société dominée par la force du paraître. Le Jeu de l’amour et du hasard | 3 Meta-systems - 16-05-12 10:53:31 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 4 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × II. Tableau synoptique de la séquence Séances Objectifs Activités – Intégralité de l’œuvre – Dossier, « La question du bonheur, au cœur de la pensée des Lumières » – Resituer l’œuvre de Marivaux dans le contexte des Lumières – Comprendre la place de la pièce dans l’ensemble de l’œuvre Exposé sur Marivaux (recherche documentaire et présentation orale) 2 Le théâtre au siècle des Lumières – Intégralité de l’œuvre – Cahier photos – Dossier, « Avezvous bien lu ? » – Comprendre les conditions de la représentation théâtrale au XVIIIe siècle (acteurs de la ComédieFrançaise, comédiens-italiens) – Rappeler les évolutions de la dramaturgie au XVIIIe siècle – Lecture de l’image – Questionnaire de lecture – Acte I, scène 1 ( jusqu’à « ce superflu-là sera mon nécessaire ») – Dossier, microlecture no 1 – Paratexte de l’œuvre : titre, page de présentation des personnages – Extrait de l’adaptation de la pièce par Marcel Bluwal (1967) – Acte II, scène 11 (de « eh bien, Silvia » à « j’avoue que je me suis fâchée par un esprit de justice pour ce garçon »). – Dossier, microlecture no 4 – Comprendre dans quelle mesure la pièce hérite des exigences de la dramaturgie classique – Analyser la scène d’exposition – Étudier la notion de « marivaudage » – Lecture analytique – Visionnage d’une séquence d’adaptation télévisuelle 3 Une comédie classique ? 4 Supports 1 Marivaux, repères culturels et biographiques | Étonnants Classiques Meta-systems - 16-05-12 10:53:32 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 5 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × Séances Supports Objectifs Activités 4 Le comique du travestissement, jeux de masques et « théâtre dans le théâtre » – Acte I, scène 7 (de « ils se donnent la comédie » à « Mais en vérité, voilà un garçon qui me surprend malgré que j’en aie ») – Dossier, microlecture no 2 – Dossier, « Théâtre et travestissements » – Extrait de la mise en scène de JeanPaul Roussillon (ComédieFrançaise, 1976) – Analyser la scène de première rencontre entre Silvia et Dorante – Mettre en évidence la parodie du langage des valets – Analyser le procédé du « théâtre dans le théâtre » – Lecture analytique – Lecture comparée – Visionnage d’un extrait de représentation théâtrale 5 Un personnage de la comédie italienne, Arlequin – Présentation, « Maîtres et valets : la question sociale » – Acte II, scène 3 (de « Madame, il dit que je ne m’impatiente pas » à « c’est votre valet ») – Marivaux, L’Île des esclaves, acte I, scène 1 – Dossier, microlecture no 3 – Cahier photos, « Arlequin, un personnage de la commedia dell’arte » – Étudier le personnage d’Arlequin dans la pièce – Comprendre l’importance et les évolutions du personnage d’Arlequin dans l’œuvre de Marivaux – Lecture analytique – Lecture comparée – Recherche iconographique – Travail d’écriture 6 La question sociale, maîtres et valets – Acte III, scène 1 – Présentation, « Maîtres et valets : la question sociale » – Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, acte V, scène 3 – Montrer l’importance de la question sociale dans l’œuvre – Mettre en évidence le lien entre la pièce et la pensée des Lumières – Analyser l’évolution du personnage du valet du XVIIe au XVIIIe siècle – Lectures cursives – Travail de recherche (les valets de comédie) Le Jeu de l’amour et du hasard | 5 Meta-systems - 16-05-12 10:53:32 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 6 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × Séances Supports 7 La leçon morale de l’œuvre, mensonges et sincérité 8 Évaluation finale Objectifs Activités – Acte III scène dernière (de « Ah, mon père » à « allons, saute, marquis ! ») – Dossier, microlecture no 6 – Film de Marcel Bluwal et mise en scène de Jean Liermier (théâtre Gérard-Philipe, 2009) – Comprendre le dénouement et la leçon morale de l’œuvre – Analyser le(s) registre(s) du dénouement – Comparer deux adaptations de la pièce en montrant qu’elles constituent des interprétations différentes de ce dénouement – Lecture analytique – Visionnage de l’acte III dans l’adaptation de Marcel Bluwal et comparaison avec le même extrait dans la mise en scène de Jean Liermier (théâtre GérardPhilipe, 2009) – Acte III, scène dernière – Sujet de dissertation Évaluer les acquis de la séquence Commentaire de texte ou dissertation III. Déroulement de la séquence Séance no 1 : Marivaux, repères culturels et biographiques Objectifs Supports → Resituer l’œuvre de Marivaux dans le contexte des Lumières. → Comprendre la place de la pièce dans l’ensemble de l’œuvre. → Intégralité de l’œuvre. → Dossier, « La question du bonheur, au cœur de la pensée des Lumières ». On pourra s’appuyer sur des exposés réalisés par les élèves pour évoquer brièvement la carrière de Marivaux. Il existe, sur cet auteur, beaucoup d’incertitudes biographiques. On précisera qu’il est venu progressivement à l’écriture et on insistera surtout sur sa prise de position en faveur des Modernes, en rappelant les enjeux essentiels de cette célèbre querelle. Les Anciens (Boileau, La Fontaine…) défendent l’imitation des grands auteurs de l’Antiquité. Ils ne croient pas au progrès possible en art. Les 6 | Étonnants Classiques Meta-systems - 16-05-12 10:53:32 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 7 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × Modernes, tels que Perrault ou Marivaux, considèrent que l’originalité est essentielle, et l’imitation un asservissement. Ils veulent promouvoir des idées et des formes artistiques nouvelles, qu’ils considèrent comme plus adaptées à l’époque contemporaine. En s’appuyant sur la présentation de l’édition, on montrera que Le Jeu de l’amour et du hasard s’inscrit dans une longue suite de comédies, dont certaines ont connu un grand succès, en particulier celles destinées aux comédiensitaliens. Marivaux écrit à une époque généralement mal connue des élèves : le règne de Louis XV. Entre 1715 et 1723, Philippe d’Orléans a permis de tourner la page des dernières années sombres du règne de Louis XIV. La vie à la cour et à Paris est marquée par davantage de légèreté. En 1716, les comédiensitaliens, qui avaient été chassés par Louis XIV, sont rappelés par le régent. Ils contribuent à donner un souffle nouveau à la création théâtrale. Dans les salons, la bonne société goûte aux plaisirs de la conversation et débat, entre autres, de questions amoureuses, de science et de philosophie. Dans toute l’Europe se diffusent les idées des Lumières, penseurs qui luttent contre les injustices, croient au progrès, défendent la liberté et l’aspiration au bonheur. Séance no 2 : le théâtre au siècle des Lumières Objectifs Supports → Comprendre les conditions de la représentation théâtrale (acteurs de la Comédie-Française, comédiens-italiens). → Rappeler les évolutions de la dramaturgie au XVIIIe siècle. → Intégralité de l’œuvre. → Cahier photos. → Dossier, « Avez-vous bien lu ? ». Marivaux a écrit à la fois pour les comédiens-italiens et pour les acteurs de la Comédie-Française. À Paris, en 1730, la ComédieFrançaise, l’Opéra, qui représente des spectacles accompagnés Le Jeu de l’amour et du hasard | 7 Meta-systems - 16-05-12 10:53:32 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 8 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × de musique et de danse, et le Théâtre-Italien sont les trois salles officielles. Les premières troupes italiennes se sont installées en France au XVIe siècle. La commedia dell’arte n’est donc pas inconnue des Français. Les acteurs incarnent des types, plus que de véritables personnages dotés d’une psychologie. L’intrigue se développe autour d’un canevas comique, en laissant une large place à l’improvisation. En 1716, Luigi Riccoboni (1676-1753) est chargé de recréer le Théâtre-Italien à Paris. En 1718, les comédiens-italiens jouent leur première pièce en français, tout en conservant un accent étranger prononcé, qui séduit le public et qui l’invite à se concentrer sur le jeu, au moins autant que sur le texte. Marivaux leur confie en 1720, pour la première fois, l’une de ses pièces : L’Amour et la Vérité. On pourra présenter aux élèves le tableau de Watteau, Comédiens français (entre 1718 et 1721), pour leur donner une image de la vie théâtrale de l’époque. Le jeu des comédiensitaliens est alors réputé pour être plus vivant, plus moderne et moins emphatique que celui des acteurs de la Comédie-Française, qui interprètent un grand nombre de tragédies ou de « grandes comédies » fidèles à la dramaturgie classique. Il est caractérisé par le mouvement, alors que, à la Comédie-Française, les acteurs restent immobiles face au public, pour mieux faire entendre le texte. Les comédiens-italiens mettent en valeur le corps et ses différents modes d’expression, y compris à travers des acrobaties. L’écriture de Marivaux témoigne de cette influence. Le dialogue progresse avec vivacité, et les répliques s’enchaînent parfois par reprise de certains mots-clés. Dans la pièce, Arlequin et Silvia, en particulier, sont des personnages de la comédieitalienne. Pour vérifier la lecture de l’œuvre, on proposera aux élèves de répondre au questionnaire de lecture présent dans le dossier (« Avez-vous bien lu ? »). Séance no 3 : une comédie classique ? Objectifs 8 | → Comprendre dans quelle mesure la pièce hérite des exigences de la dramaturgie classique. → Analyser la scène d’exposition. → Étudier la notion de « marivaudage ». Étonnants Classiques Meta-systems - 16-05-12 10:53:32 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 9 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × Supports → Acte I, scène 1 ( jusqu’à « ce superflu-là sera mon nécessaire »). → Dossier, microlecture no 1. → Paratexte de l’œuvre : titre, page de présentation des personnages. → Extrait de l’adaptation de la pièce par Marcel Bluwal (1967). → Acte II, scène 11 (de « eh bien, Silvia » à « j’avoue que je me suis fâchée par un esprit de justice pour ce garçon »). → Dossier, microlecture no 4. ■ L’héritage classique Pour proposer un premier regard sur l’œuvre et commencer à définir les caractéristiques essentielles de la comédie, on invitera les élèves à observer le paratexte. Le titre On analysera la place du « jeu » dans la pièce et les différents sens du terme (dimension ludique, légèreté, représentation…), ainsi que l’importance du « hasard » (voir par exemple Silvia, à l’acte III, scène 4 : « c’est un mariage unique ; c’est une aventure dont le seul récit est attendrissant ; c’est le coup de hasard le plus singulier, le plus heureux, le plus… »). Le titre annonce le registre comique de la pièce et une réflexion morale. La page de présentation des personnages Cette page présente les maîtres amoureux (Silvia et Dorante), les valets (Lisette et Arlequin), le père et le frère, qui maîtrisent le jeu scénique (Orgon et Mario). Elle annonce d’emblée une comédie dans laquelle les relations entre les personnages sont régies par la hiérarchie entre maîtres et valets, ainsi que par les sentiments amoureux. M. Orgon est le premier de la liste : c’est aussi le seul qui maîtrise véritablement le jeu. Par ailleurs, nous apprenons que « la scène est à Paris ». La dramaturgie classique On s’attachera ensuite à rappeler les règles essentielles de la dramaturgie classique. En s’appuyant sur la présentation de Le Jeu de l’amour et du hasard | 9 Meta-systems - 16-05-12 10:53:32 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 10 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × l’œuvre, on pourra montrer que, bien qu’il écrive de manière profondément originale, Marivaux s’astreint à respecter les nombreuses exigences du classicisme. C’est le cas pour la fameuse règle des trois unités. Ainsi, l’intrigue se déroule essentiellement dans la maison d’Orgon : l’unité de lieu est respectée. Pour Marivaux comme autrefois pour Molière, la comédie a également vocation à nous faire réfléchir sur notre humanité tout en nous divertissant. ■ Une scène d’exposition Pour poursuivre l’étude des caractéristiques essentielles de la comédie, on proposera la lecture analytique de la scène d’exposition à l’aide de la microlecture no 1 (dossier). On rappellera les exigences essentielles de ce type de scène : donner au spectateur les informations essentielles à la compréhension de l’intrigue, le divertir et le séduire d’emblée. Quelle est l’originalité de cette scène d’exposition ? La dimension informative de l’exposition 1. L’enjeu de la pièce : le mariage La scène présente l’enjeu principal de l’intrigue : le mariage de Silvia, une jeune femme de bonne famille, avec Dorante. Silvia dialogue avec Lisette, sa femme de chambre, et semble s’inquiéter de ce mariage arrangé par son père. Elle n’est pas amoureuse d’un autre mais n’est simplement pas certaine de la sincérité de son futur époux. 2. La présentation des personnages La scène nous fait découvrir les deux femmes de la pièce : Silvia et Lisette. Le langage de l’une et de l’autre révèle leur appartenance sociale : il est populaire et spontané pour Lisette (la servante), et plus noble pour Silvia. Les deux jeunes femmes parlent des hommes. Contrairement à Lisette, Silvia est méfiante : elle ne veut pas être la dupe d’un mari hypocrite. Une scène d’exposition de comédie 1. La vivacité du dialogue Le spectateur entre in medias res dans le dialogue entre Lisette et Silvia : leur conversation a déjà commencé, ce qui contribue 10 | Étonnants Classiques Meta-systems - 16-05-12 10:53:33 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 11 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × au dynamisme de l’exposition. De plus, l’une et l’autre confrontent des thèses différentes. Leurs désaccords donnent du rythme au dialogue. Dans les premières répliques, l’enchaînement se fait par reprise de « non » et de « oui ». Lisette témoigne ainsi de son esprit et de son à-propos. 2. L’impertinence de Lisette Lisette ne cesse de contredire sa maîtresse. Elle n’hésite pas à se moquer de Silvia, dont elle ne saisit guère les réticences. Au moment où Silvia se livre à ses portraits critiques, elle semble mieux la comprendre. Mais elle retrouve son entrain au seul mot de « mari ». La vérité et les masques sociaux 1. Des apparences trompeuses Silvia se méfie des apparences, des on-dit, de la beauté de Dorante. Elle voudrait pouvoir connaître l’être intime des hommes. La critique des masques sociaux se fait surtout par l’intermédiaire des portraits d’Ergaste, de Léandre et de Tersandre. Silvia en fait de véritables « caractères », à l’image de La Bruyère ou de Célimène dans Le Misanthrope (acte II, scène 4). 2. L’aspiration à la sincérité Silvia voudrait un homme qui ait « bon caractère ». Dans la scène, elle exprime non pas son refus du mariage mais son inquiétude à l’égard des hommes. Elle voudrait rester une femme libre, et ne pas être soumise à un mari tyrannique. En conclusion de la séance, on visionnera avec les élèves la mise en scène de cette scène d’esprit par Marcel Bluwal (1967) 1. ■ Une esthétique originale La comédie n’est pas conforme à l’exigence classique d’unité de ton. On s’appuiera sur les impressions de lecture des élèves pour montrer que la comédie ne fait pas toujours rire. Elle laisse place à divers registres, y compris le pathétique. On pourra se livrer à un relevé des moments où le comique s’efface devant 1. Le DVD de l’adaptation est disponible à la vente (Ina, « Les grandes fictions de la télévision », 2010). Le Jeu de l’amour et du hasard | 11 Meta-systems - 16-05-12 10:53:33 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 12 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × une certaine tension dramatique. À la scène 11 de l’acte II, par exemple, le jeu d’Orgon et de Mario se révèle cruel pour Silvia, dont on perçoit la souffrance. Le spectateur peut avoir pitié de la jeune femme, qui craint la mésalliance tout en aspirant sincèrement à un mariage d’amour. On montrera que ce mélange des tons est recherché par Diderot et Beaumarchais dans le drame bourgeois (ou genre dramatique sérieux). Marivaux est toutefois caractérisé par un style original, appelé « marivaudage » (y compris par les contemporains du dramaturge). Diderot, par exemple, en parle dans l’une de ses lettres à Sophie Volland en 1760. En s’appuyant sur quelques références à l’œuvre, on s’efforcera de définir ce terme, qui désigne à la fois une réflexion subtile et raffinée sur des questions morales et un style. Jean-François de La Harpe (1739-1803) pointe les contradictions et la complexité de cette écriture : « Marivaux se fit un style si particulier qu’il a eu l’honneur de lui donner son nom ; on l’appela “marivaudage” : c’est le mélange le plus bizarre de métaphysique subtile et de locutions triviales, de sentiments alambiqués et de dictions populaires. » Séance no 4 : le comique du travestissement, jeux de masques et « théâtre dans le théâtre » Objectifs Supports → Analyser la scène de première rencontre entre Silvia et Dorante. → Mettre en évidence la parodie du langage des valets. → Analyser le procédé du « théâtre dans le théâtre ». → Acte I, scène 7 (de « ils se donnent la comédie » à « Mais en vérité, voilà un garçon qui me surprend malgré que j’en aie »). → Dossier, microlecture no 2. → Dossier, « Théâtre et travestissements ». → Extrait de la mise en scène de Jean-Paul Roussillon (Comédie-Française, 1976). En s’appuyant sur le dossier consacré à cette thématique, on pourra souligner l’importance du travestissement, qui conduit 12 | Étonnants Classiques Meta-systems - 16-05-12 10:53:33 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 13 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × les personnages à se mettre en scène comme acteurs. Le travestissement est à l’origine du « théâtre dans le théâtre ». ■ Le travestissement On proposera la lecture analytique de la scène 7 de l’acte I, qui est celle de la première rencontre entre Silvia et Dorante déguisés. Les personnages mentent sur leur véritable identité, mais sont sincères dans l’expression de leurs sentiments. Le jeu de masques 1. Le masque des valets Dorante et Silvia se tutoient. Silvia appelle Dorante « Bourguignon » (on appelait les valets du nom de leur province d’origine). Leur jeu repose sur le langage, mais aussi sur l’habit. Silvia fait allusion à la « garde-robe » de Dorante. 2. Un masque imparfait ? Les personnages ne cessent de trahir leur milieu d’origine, en faisant preuve d’un esprit peu vraisemblable pour des valets. Chacun est d’ailleurs étonné par la virtuosité de son interlocuteur, sans jamais toutefois avoir de véritables doutes sur l’identité de ce dernier. Seul le spectateur est au courant de la vérité. 3. Le comique de la double énonciation Le spectateur sait que les personnages sont trompés par les apparences. La double énonciation fait naître le comique. Une scène de première rencontre 1. La « surprise de l’amour » Les deux personnages sont surpris : l’émotion que Dorante ressent, par exemple, n’est pas conforme aux préjugés sociaux qu’il avait. Dans les apartés, Silvia témoigne également de sa surprise. 2. Une scène galante Les deux personnages échangent très rapidement des propos galants. Mais Silvia exprime aussi sa réticence, fondée sur une crainte de la mésalliance, et tente de faire revenir la conversation sur le sujet du maître de Bourguignon. Le Jeu de l’amour et du hasard | 13 Meta-systems - 16-05-12 10:53:33 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 14 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × 3. Un amour impossible ? Les personnages, et en particulier Silvia, voudraient mettre fin à une relation qu’ils croient impossible. Silvia dit à Dorante « adieu ». Néanmoins, elle ne cesse de montrer que ses sentiments sont plus puissants que sa raison, qui lui imposerait de s’éloigner de Dorante. En conclusion de la lecture analytique, on pourra présenter aux élèves l’interprétation de cette scène par Jean-Paul Roussillon, dans sa mise en scène de la pièce en 1976 à la ComédieFrançaise 1 (ce qui sera l’occasion d’une comparaison avec l’adaptation de Marcel Bluwal). ■ Lectures complémentaires Pour approfondir la question du « théâtre dans le théâtre », on pourra proposer aux élèves la lecture cursive des textes présents dans la partie du dossier intitulée « Théâtre et travestissement » : le prologue d’Amphitryon, de Plaute, un extrait du Malade imaginaire (III, 10), de Molière, du Prince travesti (I, 4 et 5), de Marivaux, et des Bonnes, de Genet. On s’intéressera aux différentes fonctions du travestissement, pour montrer que, pour les personnages, il est le plus souvent un moyen indirect d’accéder à la vérité ou de transgresser des normes liées à son identité d’origine. On analysera en particulier le texte de Molière, Le Malade imaginaire. Les élèves pourront répondre aux questions posées à la suite de l’extrait. Dans la scène, Toinette, déguisée en médecin, tente de détourner Argan de son obsession de la médecine. Elle incarne un médecin charlatan, qui caricature les vices de M. Purgon. Argan n’est pas au courant du rôle qu’elle joue. Il est la dupe, dont tout le monde rit, de la scène de « théâtre dans le théâtre ». Prisonnier de son obsession, Argan ne semble même pas percevoir l’absurdité des raisonnements du faux médecin : ce dernier voudrait mutiler son malade, sous prétexte de le soigner. Molière démontre ainsi l’immoralité des médecins et leur incompétence : ils ne songent qu’à asseoir leur 1. Le DVD de la représentation est disponible à la vente (éditions Montparnasse, 2009). 14 | Étonnants Classiques Meta-systems - 16-05-12 10:53:34 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 15 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × pouvoir et à gagner de l’argent, au mépris absolu de la vie et du bien-être de leurs patients. Dans cet extrait, le « théâtre dans le théâtre » ne permet donc pas à Argan de comprendre son extravagance, mais le spectateur peut la mettre à distance et en rire. Séance no 5 : un personnage de la comédie-italienne, Arlequin Objectifs Supports → Analyse du personnage d’Arlequin dans la pièce. → Comprendre l’importance et les évolutions du personnage d’Arlequin dans l’œuvre de Marivaux. → Présentation, « Maîtres et valets : la question sociale ». → Acte II, scène 3 : de « Madame, il dit que je ne m’impatiente pas » à « c’est votre valet ». → Marivaux, L’Île des esclaves, acte I, scène 1. → Dossier, microlecture no 3. → Cahier photos, « Arlequin, un personnage de la commedia dell’arte ». ■ Arlequin Le personnage d’Arlequin, ou Arlecchino, est essentiel dans la comédie-italienne. L’étymologie du nom de ce personnage est incertaine. Elle est souvent rapprochée d’un terme qui, au Moyen Âge, désignait le diable : Hellequin. Arlequin est très populaire. Il doit sa renommée à son caractère enjoué et à son costume haut en couleur. Son habit, fait de différentes pièces de tissu, est joyeusement bariolé, et suggère peut-être la pauvreté du personnage. On retrouve ce dernier dans l’œuvre du dramaturge italien Goldoni (1707-1793) : on peut citer l’exemple d’Arlequin serviteur de deux maîtres (1753, dans cette pièce, Arlequin joue sous le nom de Truffaldin). Il a également une importance particulière dans l’œuvre de Marivaux. On le trouve, outre dans Le Jeu de l’amour et du hasard (1730), dans Arlequin poli par l’amour (1720), La Surprise de l’amour (1722), La Double Inconstance (1723), Le Prince travesti (1724), L’Île des esclaves (1725) et dans Les Fausses Confidences (1737), entre autres. Le Jeu de l’amour et du hasard | 15 Meta-systems - 16-05-12 10:53:34 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 16 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × ■ L’évolution du personnage Au fil de ses apparitions, Arlequin évolue. Il gagne en profondeur psychologique. Il s’éloigne du type de la commedia dell’arte, qui fait de lui un rustre, pour accéder à un statut de personnage plus complexe. Il se révèle peu scrupuleux, mais vif et intelligent. À la scène 1 de l’acte III, le spectateur comprend par exemple qu’il résiste aux demandes de Dorante, qui voudrait l’obliger à révéler sa véritable identité. Son maître note d’ailleurs son impertinence : « Ce coquin ! quelle imagination il lui prend ! » Ambitieux et bon vivant, Arlequin rêve de prendre la place de son maître. ■ Arlequin dans Le Jeu de l’amour et du hasard et dans L’Île des esclaves Le Jeu de l’amour et du hasard, acte II, scène 3 Pour dresser le portrait d’Arlequin, on pourra s’appuyer sur une recherche de documents iconographiques, effectuée par les élèves (par exemple : Arlequin vu par Maurice Sand en 1671), sur la microlecture no 3 (dossier), consacrée à la scène 3 de l’acte II, ainsi que sur l’étude d’un texte complémentaire : L’Île des esclaves (voir présentation de l’édition et infra). Dans la scène 3 de l’acte II, le personnage d’Arlequin est plein d’esprit. Il tente habilement de séduire Lisette. En usurpant l’identité de son maître, il s’empare également de son langage. La scène constitue une parodie du langage galant ou précieux : Arlequin développe ses métaphores avec trop de lourdeur et d’insistance, certains termes populaires lui échappent et trahissent son origine populaire. Le duo amoureux qu’il forme avec Lisette fait plaisamment écho, sur un mode comique, à celui constitué par Silvia et Dorante. Il révèle la force burlesque du personnage. L’Île des esclaves Dans L’Île des esclaves (1725), Arlequin joue un rôle très important. Il prend la place de son maître. Il se soustrait entièrement à son autorité. Il sait utiliser habilement l’ironie et prendre le pouvoir sur Iphicrate, apeuré. Dans la scène 1 de 16 | Étonnants Classiques Meta-systems - 16-05-12 10:53:34 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 17 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × l’acte I, la revendication sociale que porte le personnage est très nette (voir l’édition Flammarion, coll. « Étonnants Classiques », 2012, p. 41-45). ■ Exercice d’écriture Pour conclure le travail sur le personnage d’Arlequin, et pour faire la transition avec une séance consacrée aux rapports maîtres/valets, on peut proposer aux élèves une écriture d’invention (dossier). Sujet : Arlequin, qui a pris le rôle de Dorante, tient à son maître un discours contestataire ; il ne supporte plus sa condition de valet et voudrait être libre. Vous écrirez le dialogue entre Arlequin et Dorante. Vous pourrez vous appuyer sur votre lecture de la pièce et sur la scène d’exposition de L’Île des esclaves. Séance no 6 : la question sociale, maîtres et valets Objectifs Supports → Montrer l’importance de la question sociale dans l’œuvre. → Mettre en évidence le lien entre la pièce et la pensée des Lumières. → Analyser l’évolution du personnage du valet du XVIIe au XVIIIe siècle. → Acte III, scène 1. → Présentation, « Maîtres et valets : la question sociale ». → Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, acte V, scène 3. Pour approfondir la question sociale, soulevée par le travestissement de Dorante et d’Arlequin, on pourra étudier la scène 1 de l’acte III. Dans cette scène, Dorante tente de ramener Arlequin à la raison et de lui faire comprendre qu’il doit révéler son identité à Lisette. Arlequin a bien sûr des réticences, mais il finit par accepter. Il exprime sa crainte que cette révélation lui fasse perdre l’estime de Lisette. Cette scène illustre le conflit entre le maître et le valet. Le Jeu de l’amour et du hasard | 17 Meta-systems - 16-05-12 10:53:34 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 18 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × ■ Textes complémentaires Personnage traditionnel de la comédie, le valet a subi d’importantes évolutions entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Dans les pièces de Molière, il sert à accentuer les effets de comique (ou à introduire un registre farcesque, dans le cas des « grandes comédies ») plus qu’à faire progresser l’intrigue. Même lorsqu’il est subtil et bavard, comme c’est le cas de Dorine dans Le Tartuffe (1669), par exemple, il n’a pas vraiment d’influence sur l’histoire. Au XVIIIe siècle, le valet acquiert en revanche un rôle capital. Dans Le Mariage de Figaro (1778 pour la date d’écriture, 1784 pour la première représentation), Figaro est un valet subtil, doté d’une véritable psychologie, qui témoigne de l’affirmation progressive du personnage dans les comédies. Afin d’illustrer cette évolution, on pourra faire lire aux élèves le monologue célèbre que le personnage tient dans la scène 3 de l’acte V (voir l’édition Flammarion, coll. « Étonnants Classiques », 2010, p. 216-220). ■ Travail de recherche : les valets de comédie On pourra proposer aux élèves quelques recherches sur d’autres célèbres valets de comédie, qui pourront donner lieu à une rapide présentation orale (portrait du personnage, citations de ses répliques). Ils se référeront à la liste suivante (non exhaustive) : – Sganarelle, dans Dom Juan (1665) de Molière ; – Dorine, dans Le Tartuffe (1669) de Molière ; – Scapin, dans Les Fourberies de Scapin (1671) de Molière ; – Figaro, dans Le Barbier de Séville (1775) et Le Mariage de Figaro (1778) de Beaumarchais ; – Ruy Blas, dans Ruy Blas (1838) de Hugo ; – Claire et Solange, dans Les Bonnes (1947) de Genet. 18 | Étonnants Classiques Meta-systems - 16-05-12 10:53:35 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 19 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × Séance no 7 : la leçon morale de l’œuvre, mensonges et sincérité Objectifs Supports → Comprendre le dénouement et la leçon morale de l’œuvre. → Analyser le(s) registre(s) du dénouement. → Comparer deux adaptations de la pièce en montrant qu’elles constituent des interprétations différentes de ce dénouement. → Acte III, scène dernière (de « Ah, mon père » à « allons, saute, marquis ! »). → Dossier, microlecture no 6. → Film de Marcel Bluwal et mise en scène de Jean Liermier (théâtre Gérard-Philipe, 2009). ■ Le dénouement de l’œuvre Pour conclure l’étude, on pourra proposer la lecture analytique du dénouement de la pièce, en s’appuyant sur la microlecture no 6 du dossier de l’édition. La scène 8 de l’acte III est certainement plus importante que la dernière scène, qui consacre simplement le succès des couples. On montrera comment la tension dramatique est dépassée pour conduire à la résolution de l’intrigue. La tension dramatique 1. Le risque d’échec de la relation amoureuse Silvia prend le risque de faire fuir Dorante, qui va jusqu’à lui dire « adieu ». Lorsqu’il revient, elle feint de partir. Elle veut le pousser à avouer son amour et aller jusqu’au bout de la mise à l’épreuve. 2. Dorante : le combat entre l’amour et la raison Pour Dorante, aimer Silvia, qu’il croit être Lisette, suppose d’accepter une mésalliance. Dorante est le dernier à connaître les règles du jeu. Silvia se montre relativement cruelle avec lui, en le laissant dans l’ignorance jusqu’au bout. L’aveu amoureux 1. Silvia : l’aveu malgré elle Silvia veut rester maîtresse du jeu. Elle ne déclare pas explicitement son amour à Dorante. Mais elle ne cesse de lui faire Le Jeu de l’amour et du hasard | 19 Meta-systems - 16-05-12 10:53:35 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 20 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × comprendre qu’elle lui est attachée. À Dorante, par exemple, qui lui demande si elle l’aime, elle fait cette réponse : « Non, non ; mais si vous me le demandez encore, tant pis pour vous. » Elle avoue donc qu’elle ne pourra pas continuer longtemps à nier son amour pour lui, même si elle est inquiète, comme le montre sa longue tirade. 2. Dorante : la victoire des sentiments Dorante avoue plus directement son amour pour Silvia. Il témoigne d’une certaine grandeur d’âme. Il affirme : « Il n’est ni rang, ni naissance, ni fortune qui ne disparaisse devant une âme comme la tienne. » Entre la naissance et le mérite, il choisit le mérite. La résolution des conflits 1. Vers la vérité Les personnages ont eu un entretien qui a mis en évidence leur amour. Dorante a réussi l’épreuve que Silvia lui a imposée. Il ne reste qu’un seul point en suspens : comment va-t-il réagir lorsque Silvia va lui révéler sa véritable identité et lui expliquer qu’il était le seul à ne pas connaître la vérité ? La double énonciation théâtrale fait que le spectateur comprend les paroles à double sens de Silvia, qu’il est complice du jeu dont Dorante est encore la dupe. 2. Un mariage annoncé Dorante a clos toute forme de débat en annonçant : « […] ne disputons point, car je ne changerai jamais ». Silvia conclut donc : « Enfin, j’en suis venue à bout. » Elle considère qu’elle a obtenu ce qu’elle voulait. Le spectateur comprend que rien ne peut désormais faire obstacle au mariage. ■ Comparer deux adapatations En conclusion, on visionnera au moins deux mises en scène de l’acte III, pour les analyser et pour en étudier le registre dominant, en particulier lors du dénouement. Celui-ci est-il toujours comique ? On pourra par exemple comparer l’adaptation de Marcel Bluwal à la mise en scène de Jean Liermier. Chez 20 | Étonnants Classiques Meta-systems - 16-05-12 10:53:35 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 21 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × ce dernier, la parfaite conformité du dénouement aux exigences sociales est à l’origine d’un comique en demi-teinte, légèrement voilé. On invitera également les élèves à réfléchir à la leçon de l’œuvre. Marivaux semble dénoncer les mensonges qui président à l’existence sociale de chacun. Mais pour mettre en évidence l’hypocrisie, c’est un mensonge que les personnages choisissent : ils dissimulent leur véritable identité. Si l’on veut faire triompher la sincérité, le mensonge peut paradoxalement être un moyen justifiable. En se faisant acteurs, Silvia et Dorante parviennent à la certitude que leurs sentiments sont vrais. Marivaux fait ainsi l’éloge du théâtre et de son pouvoir de dévoilement de la vérité. Séance no 8 : évaluation finale Objectif Supports → évaluer les acquis de la séquence. → Acte III, scène dernière. → Sujet de dissertation (voir infra). On proposera aux élèves un sujet d’évaluation à faire à la maison. Ils auront le choix entre un commentaire de texte et une dissertation. ■ Commentaire : acte III, scène dernière Cette courte scène permet aux élèves de faire le bilan de l’étude. Il s’agit du moment crucial du dénouement, car Silvia avoue enfin à Dorante sa véritable identité. La résolution des questions soulevées par l’intrigue est complète. La dernière scène est également très courte, ce qui contraste avec la longueur de la scène précédente. Tout est désormais réglé. On pouvait craindre que Dorante ne réagisse mal à l’aveu de Silvia. Il prend conscience qu’il a aussi été la dupe de Mario. Il est à nouveau caractérisé par sa grandeur d’âme. Le dénouement est donc festif : la pièce s’achève par des mariages. Marivaux laisse le dernier mot aux valets, personnages à l’origine du comique de Le Jeu de l’amour et du hasard | 21 Meta-systems - 16-05-12 10:53:35 FL1451 U102 - Oasys 19.00x - Page 22 - BAT Guide Lycée - Etonnants - Dynamic layout × la pièce. Arlequin conclut la scène par une dernière pirouette : « Allons, saute, marquis ! » Dissertation Dans son célèbre monologue, le personnage de Figaro a cette audacieuse remarque, relative à la noblesse : « Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. » Vous vous demanderez dans quelle mesure les valets de comédie mettent en cause les privilèges du maître, au profit d’une reconnaissance du mérite. Vous proposerez une réponse argumentée et organisée à cette question, en vous appuyant sur votre lecture du Jeu de l’amour et du hasard, sur votre cours et sur votre connaissance d’autres pièces comiques. Le sujet invite à considérer le pouvoir de contestation du valet, ainsi que les éventuels renversements auxquels les rapports maître-valet donnent lieu. Il est certain que les valets s’opposent souvent à l’autorité de leurs maîtres, mais les comédies nous montrent-elles vraiment la reconnaissance du mérite ? La plupart du temps, le dénouement consacre en fait surtout le retour à l’ordre, comme c’est le cas en conclusion du Jeu de l’amour et du hasard. Arlequin n’est absolument pas un valet révolutionnaire. Figaro lui-même ne menace jamais vraiment les privilèges les plus significatifs du comte Almaviva. Comme tous les valets, au moins à l’âge classique (XVIIe-XVIIIe siècle), il semble avoir avant tout pour fonction de faire rire et d’insuffler du dynamisme à la comédie. Le pouvoir que les valets s’arrogent est simplement, le temps de la comédie, celui de la parole et du jeu. Laurence RAULINE, professeur de français au lycée Pierre Larousse, à Toucy (Yonne).