Arthroplastie totale de hanche sur angulation fémorale proximale majeure. L’expérience de l’Hotel Dieu dans ce domaine concerne les ostéotomies sous trochantériennes de type Milch ou Shanz réalisées sur séquelles de luxation congénitale de hanche.Avant 1975,et la diffusion des prothèses totales de hanche, ces adultes douloureux raides et instables etaient traités par divers procédés palliatifs et en fonction du type de luxation, de son caractère uni ou bilatéral, et de l’age l’arthrose secondaire évoluée faisait discuter soit une résection tête et col ,une ostéotomie sous trochantérienne ou plus rarement une arthrodèse. Diverses ostéotomies fémorales ont été décrites .En 1955 Henri Milch a proposé une ostéotomie sous trochantérienne d’appui pré cotyloïdien associée à une résection tête et col. Cette dernière a été rapidement adoptée à Pont l’Abbé au cœur du pays Bigouden ou la maladie luxante est très fréquente. La technique a été partiellement modifiée en 1965 après une étude des 430 premiers cas rapportés à la SOFCOT .L’ostéotomie est plus basse, pré ischiatique, ce qui permettait une synthèse plus solide par plaque coudée vissée ,en y associant une transposition antérieure du petit trochanter pour le rendre fléchisseur et rotateur interne de hanche et diminuer les tendinites du psoas fréquentes après Milch classique. Les indications initiales étaient les subluxations arthrosiques puis devant les bons résultas cliniques sur la douleur et la mobilité ,elles ont été étendues aux dysplasies sévères non justiciables d’une ostéotomie de recentrage classique, puis à certaines coxarthroses secondaires ou même primitives très invalidantes. L’ostéotomie de Shanz réalise une ostéotomie fémorale basse diaphysaire pour permettre un appui du fragment supérieur pré ischiatique sans résection de la tête et du col ,réservée aux luxations postérieures hautes et douloureuses, finalement assez rares. 980 Milch et 50 Shanz, ont été réalisés jusque dans les années 1975 ,puis très épisodiquement, le dernier Milch remonte à 1980,tous ces cas étant alors traités par PTH. En parallèle il y eu aussi un gros travail de prévention pour améliorer le dépistage de la luxation de hanche grâce à l’examen clinique de tous les nouveaux nés et surtout l’apport de la radio systématique du bassin à 4 mois ,ce qui a permis de diminuer les découvertes tardives après la marche et donc les traitements lourds en particulier les réductions sanglantes. Le Milch reste longtemps satisfaisant pour ces patients déjà boiteux avant l’intervention mais la dégradation fonctionnelle tardive associe fréquemment des douleurs de hanche par néoarthrose entre l’appui supérieur et le bassin et les séquelles de la déformation induite qui s’autonomisent : -Lombarthrose par déséquilibre pelvien frontal si l’atteinte est uni latérale et dans les cas bilatéraux bascule antérieure du bassin et hyperlordose compensatrice. -Gonarthrose externe sous jacente du fait d’un genu valgum d’adaptation au fémur adductus induit par l’angulation. A ce stade seule la Prothèse totale de hanche peut permettre d’améliorer la fonction à condition de recréer la hanche en situation anatomique avec abaissement et reconstruction cotyloïdienne, et déostéotomie fémorale avec réaxation complète pour mettre en place un implant ayant un centre de rotation correct et des bras de levier musculaires normaux. Il s’agit d’une intervention lourde réservée aux patients encore physiologiquement jeunes. Nous proposons une technique par abord transfémoral dans l’angulation sous trochantérienne, mise au point au début des années 90 et présentée pour la première fois au congrès de l’EFFORT à Munich en 1995. La description est faite sur une hanche gauche. Le patient est installé en décubitus latéral sur table ordinaire. La voie reprend l’abord postéro externe du Milch . On aborde en premier le fémur avec un relèvement partiel du vaste externe ce qui permet l’ablation du matériel souvent encore en place .Ce temps peut être long et délicat surtout si la plaque est enfouie et que les vis cassent. Puis on réalise une décortication aux ciseaux frappés de la ligne âpre de part et d’autre de l’angulation fémorale dont les axes de déformation sont au mieux repérés dans les 2 plans par broches perpendiculaires à chaque fragment. Puis l’ostéotomie est faite à la scie oscillante par 2 traits parallèles aux broches ce qui en pratique aboutit à réaliser 2 tranches de sections strictement orthogonales à chaque fragment en enlevant un coin à base antérieure et interne de hauteur variable en fonction de l’abaissement à réaliser et qui sera conservé comme greffon autologue. Le relèvement progressif sur davier du fragment proximal permet l’arthrolyse par excision complète de la capsule et de la fibrose résiduelle aux interventions antérieures. Ce fragment reste pédiculé sur l’auvent fessier et le plus souvent le pyramidal peut être conservé . L’exposition cotyloïdienne est excellente, un écarteur éloigne le fragment proximal, le paléocotyle est retrouvé à l’aplomb du trou obturateur qui reste un repère constant quelque soient les interventions précédentes. Nous conseillons un creusement prudent d’abord aux ciseaux à cotyle puis aux fraises , la taille de la cupule est déterminée par le diamêtre antéro postérieur maximum du cotyle .Un défect osseux du toit ou d’une paroi est reconstruit par autogreffe classique vissée. Le cotyle est pratiquement toujours scellé car la qualité osseuse est souvent médiocre. La préparation fémorale nécessite la reperméation des canaux médullaires de chaque fragment. Sur la métaphyse proximale on taille à la scie oscillante une fenêtre osseuse au niveau de l’ancien moignon cervical en os très scléreux. Puis on prépare le canal à la curette puis aux râpes droites en augmentant prudemment les tailles jusqu’à frottement dur sans casser le pont osseux sous la fenêtre. Avec l’expérience nous essayons de conserver un pont osseux métaphysaire interne le plus long possible d’au mois 3 à 4 centimètres . Pour le fragment diaphysaire distal ,la râpe effondre les ostéocondensations au niveau des anciens orifices des vis. Les alésoirs souples sont parfois nécessaires. Il faut pouvoir assurer une tenue prothètique distale d’au moins 5 cm en aval du trait d’ostéotomie. La prothèse d’essai dysplasique droite la plus remplissante est alors introduite dans les 2 fragments et la hanche réduite sur une tête modulaire .Les réglages peuvent être effectués : Si la tension est trop forte nous préférons pratiquer une détente par recoupe d’une collerette fémorale sur le fragment distal, en tolérant un flessum résiduel de 15 à 20 degrés maximum sans chercher à égaliser à tout prix la longueur des membres inférieurs. Le réglage en rotation est alors possible: Le fragment proximal est positionné de telle façon à latéraliser les insertions trochantériennes du moyen fessier, la pièce fémorale devant avoir 10à15 degrés d’antévertion par rapport à cette position. Le fémur distal est alors aligné en se basant sur la continuité de la line âpre. L’ostéotomie est alors fixée par une ou plus rarement deux plaques postérieure et /ou externe avec vis monocorticales pièces en place. La tenue est suffisante pour effectuer toutes les manœuvres jusque à la mise en place de la prothèse définitive :luxation postérieure, ablation de la prothèse d’essai, lavage , bouchon distal et ciment haute viscosité en éliminant les fuites par les orifices des vis et la déostéotomie. Après réduction la plaque est le plus souvent laissée en place . La greffe du site d’ostéotomie nos paraît indispensable, en utilisant une autogreffe spongieuse et corticospongieuse à partir les différents fragments de résection osseuse. Elle est fixée par cerclages en réamarant au passage la décortication de la ligne âpre ce qui améliore l’apport vasculaire local. Les suites opératoires comportent un décubitus strict avec une détente de la hanche par simple coussin sous le genou sans traction. La verticalisation est autorisée quand l’extension active du genou est complète dans le plan du lit soit une semaine environ. La mise en décharge doit être totale pour 45 jours . La mobilisation de la hanche est possible mais doit rester particulièrement prudente dans les rotations au début. La récupération définitive est longue ,12 à 18 mois c’est pourquoi nous limitons les indications aux patients actifs ,motivés et bien informés des suites. Nous rapportons une série prospective et continue de 60 hanches opérées par cette technique de mars 1991 à décembre 2003 pour avoir 1 an de recul minimum, tous les patients ont été revus pour ce travail. Elle correspond à 47 patients avec une prédominance féminine habituelle dans la maladie luxante dont 13 cas bilatéraux. L’age moyen est de 65 ans avec un ancienneté du Milch assez remarquable de 28 ans. Les étiologies sont assez univoques ,toutes les nuances de bleu représentant différents stades de la maladie luxante ou l’on retrouve les indications classiques du Milch , le groupe le plus important étant les subluxations résiduelles à un traitement orthopédique par plâtres après l’age de la marche. De manière anecdotique un cas de séquelle de coxalgie bilatérale avec 2 Milch réalisés pour soulager une ankylose vicieuse. Sur l’état clinique préopératoire on note un score de Postel Merle d’Aubigné à 9,8, un peu plus de 50 % de hanches controlatérales invalidantes et un niveau d’activité avec une majorité de travailleurs sédentaires ou de retraité actifs. L’intervention est longue,3h30 en moyenne. Au niveau fémoral la grande majorité des implants sont cimentés ,de série dysplasique droite. Au niveau du cotyle , nous avons utilisé une majorité d’implants en polyéthylène cimentés de taille moyenne 48 avec une reconstruction par greffe dans 40% des cas. Le couple de frottement utilisé est dans ¾ des cas un métal polyéthylène en diamêtre 22.2 . Dans les suites cliniques le lever est bien en moyenne à j+8, L’appui moyen finalement un peu plus précoce que celui annoncé en l’absence complète de douleur. Le lâcher d’une canne autorisé à 3 mois après vérification de la consolidation osseuse, les progrès cliniques se faisant jusqu’à 18 mois postopératoire. Les complications locales initiales sont peu nombreuses : -1 luxation antérieure précoce qui a nécessité une reprise après démontage de la désostéotomie lors de la tentative de réduction orthopédique. -1 hématome repris non septique avec des suites simples -1 phlébite isolée sans séquelles -aucune complication neurologique sur le sciatique malgré un abaissement moyen de 4 cm. Sur le plan général : -1patient jeune DCD à j+3 d’une embolie pulmonaire graisseuse massive lors du 2ième coté -2 patients ayant fait une complication cardiaque et une neurologique centrale sans conséquence sur les suites orthopédiques à long terme. Les résultats sont évalués sur 54 hanches vivantes ,en effet 3 patients sont décédés pendant la période d’évaluation ce qui correspond avec le décès précoce à 6 hanches. Avec un recul moyen de 8 ans ,77% des patients ont un bon résultat persistant au dernier recul, c’est à dire qu’ils sont satisfaits et que la radio ne présente aucune anomalie. Le score de Postel Merle d’Aubigné semble un mauvais critère d’appréciation vu la sévérité du handicap initial, en particulier sur la mobilité et la boiterie. 12 hanches ont un mauvais résultat clinique et radiologique ,toujours en rapport avec une anomalie fémorale :descellement, mobilisation de l’implant et/ou pseudarthrose de la désostéotomie. 10 ont été reprises chirurgicalement à un recul moyen de 4,9 ans et seront revues, 2 patients agés ont un descellement fémoral isolé et non évolutif sans pseudarthrose avec un état clinique acceptable sans douleur et sont simplement surveillés.Sur la série globale on note 1 descellement cotyloïdien à 11 ans sans usure anormale. Les 10 échecs associaient presque toujours une pseudarthrose de la désostéotomie et un déscellement avec mobilisation de la tige. Ils ont été repris le plus souvent par volet fémoral avec mise en place d’un implant non cimenté à tenue diaphysaire par verrouillage multiple selon Picault. 8 fois le site de pseudarthrose a été greffé avec autogreffe iliaque parfois mélangée avec une allogreffe irradiée. Il n’y a eu qu’1 changement cotyloïdien sur une reprise pour descellement bipolaire à 10 ans. -9 patients ont un bon résultat au dernier recul avec consolidation de la pseudarthrose et absence de descellement. 1 échec douloureux par persistance de la pseudarthrose et du descellement a été repris il y a 1 an par une tige de sauvetage à verrouillage multiple type Kent avec pour l’instant un bon résultat. Nous n’avons pas retrouvé de facteurs de risque d’échec lié au patient (age , sexe, indice de masse corporelle ,nombre d’interventions antérieures, ATCD septiques) ou liés à l’implant(type de prothèse, couple de frottement…)On constate qu’il y a plus d’échecs dans les premières années et qu’il y a toujours un défaut technique pour expliquer la pseudarthrose. -Avant cette série 12 patients ont bénéficié d’une prothèse totale de hanche sur Milch sans déostéotomie et n’ont pas eu de résultat satisfaisant. Cette solution n’est pas plus facile sur le plan technique et n’apporte pas les bénéfices fonctionnels escomptés en particulier sur les gonalgies et les lombalgies. Seule la restauration de l’anatomie par désostéotomie de l’angulation a permis d’apporter dans ¾ des cas les bénéfices espèrés de la chirurgie prothètique. -Pour nous la trochantérotomie n’apporte pas de plus dans ces cas car l’exposition cotyloïdienne est parfaite, et la retente anatomique des fessiers obtenue par l’abaissement et le réglage en rotation du fragment proximal. Cela évite un risque supplémentaire de pseudarthrose trochantérienne sur ces hanches multiopérées. -La prothèse non cimentée d’emblée pourrait être proposée mais elle doit pouvoir obtenir une stabilité primaire parfaite dans les deux fragments, ce qui paraît difficile avec les séries actuellement disponibles. -La prothèse sur mesure sur un fémur non réaxé n’est pas pour nous la bonne solution ,mais avec notre technique elle peut rendre service dans certains cas par exemple sur des fémurs très étroits ou sur un Shanz par prothèse rallongée. -La genèse de nos échecs est d’abord due à la pseudarthrose du foyer d’ostéotomie angulaire. Leur fréquence moindre actuelle a été possible par l’amélioration de la technique d’ostéotomie, de l’ostéosynthèse et de la greffe...Elle pourrait aussi être améliorée avec un implant non cimenté de tenue primaire irréprochable. Exemple 1 : PTH bilatérale en un temps opératoire sur une ostéotomie de Shanz Droite et de Milch Gauche à 9 ans de recul avec un très bon résultat. Exemple 2 : PTH en 2 temps Milch gauche , et la même technique sur la luxation intermèdiaire droite en faisant l’abord dans l’ostéotomie d’accourcissement fémorale. Très bon résultat à 9 et 10ans de recul. CONCLUSION : La prothèse totale sur angulation fémorale proximale majeure est possible au prix d’une reconstruction complète et anatomique de la hanche. Cela reste une chirurgie lourde, longue et exigeante sur le plan technique .Nous sommes bien conscient de n’être qu’à une étape sur le long chemin du traitement de la maladie luxante ou chaque époque a apporté sa contribution à l’amélioration fonctionnelle de nos patients. Des progrès sont encore possibles dans ce domaine. Merci de votre attention.