que reste-t-il de la chirurgie conservatrice de la hanche en 2004

Congrès
« Le médecin face aux indications chirurgicales et arthroscopiques au membre inférieur »
QUE RESTE-T-IL DE LA CHIRURGIE CONSERVATRICE DE LA
HANCHE EN 2004 ?
Professeur Jacques WITVOET
Il est très significatif que les organisateurs de cette journée aient demandé à un chirurgien
orthopédiste à la retraite de vous parler de la chirurgie conservatrice de l’arthrose de la
hanche, ce qui semble sous-entendre que les jeunes chirurgiens orthopédistes ne savent plus
ce qu’est la chirurgie conservatrice...
Je ne vous parlerais pas de la chirurgie du rhumatisme inflammatoire, ni de celle de la nécrose
de la tête fémorale car les indications sont différentes de celles de l’arthrose primitive ou
secondaire. Je ne vous parlerais donc pas des synovectomies ni des techniques de
décompression ou des greffons pédiculés dans les nécroses.
Je ne vous parlerais pas non plus des indications de l’arthroscopie de la hanche qui à mon avis
a peu d’indications dans le traitement de l’arthrose.
En un mot y a-t-il encore des indications des butées, des ostéotomies du bassin ou de
l’extrémité supérieure du fémur en 2004 alors que chacun connaît les excellents résultats des
prothèses totales de hanche (PTH). Aux Etats-Unis je crois que très peu de chirurgiens
pratiquent encore ces types d’interventions. Qu’en est-il en Europe et en particulier en
France ? Personnellement je pense qu’il y a encore des indications de la chirurgie
conservatrice de la hanche.
LES INDICATIONS DE LA CHIRURGIE CONSERVATRICE.
Que l’arthrose soit primitive ou secondaire il faut rappeler qu’il n’y a aucune indication
chirurgicale tant que le patient ne souffre pas même s’il existe une anomalie cotyloïdienne ou
fémorale, à moins que celle-ci soit majeure. Chacun d’entre nous a vu des patients présentant
une coxa valga ou une insuffisance cotyloïdienne ne pas développer d’arthrose même à un age
avancé.
Bien évidemment avant d’envisager une intervention chirurgicale faut-il s’assurer que la
douleur provient bien de la hanche. Les arguments pour permettre de l’affirmer sont assez
connus de tous et je n’en parlerais pas.
Une fois affirmer la provenance de la douleur c’est l’imagerie médicale qui va
permettre de poser les indications chirurgicales. On va se trouver dans deux cas bien précis
qui ont été décrits il y a bien longtemps par S. de SEZE et par M. LEQUESNE :
a- il n’a aucune anomalie morphologique: les angles de couverture antérieure et
externe du cotyle sont normaux, il n’y a ni coxa ou vara ni hyper antéversion ou
rétroversion.
b- Il existe une anomalie qu’il faudra analyser le mieux possible. Dans la plupart des
cas des radiographies standard sont suffisantes : face en rotation indifférente et
faux profil de Lequesne. Le scanner peut être intéressant pour mesure l’antéversion
ou la rétroversion du col fémoral. L’IRM ne me paraît pas utile
Les Indications de la chirurgie conservatrice devant une arthrose de la
hanche sans anomalie morphologique
Pour rester schématique, je pense qu’il n’y a actuellement plus aucune place pour la
chirurgie conservatrice et ceci quel que soit le pincement articulaire. Le traitement médical
13 Mars 2004
Faculté Xavier Bichat - Paris
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associé ou non à la physiothérapie, aux cures thermales ou autres doit être mis en œuvre.
Lorsque la gêne devient pénible une prothèse totale s’impose d’autant que ces patients ont
souvent dépassé la soixantaine.
Certains dont R. GANTZ, chez des sujets relativement jeunes, insiste sur l’existence de
lésions du bourrelet cotyloïdien dans la genèse de l’arthrose qui paraît primitive. C’est dans
ces cas qu’un arthroscanner ou une arthro IRM peut avoir un intérêt pour rechercher une
anomalie du bourrelet qui pourrait alors justifier une arthroscopie.
Les indications de la chirurgie conservatrice devant une arthrose associée à
une anomalie morphologique de la hanche.
A- Devant une insuffisance cotyloïdienne isolée que peut-on faire ?
Comme l’avait déjà dit M. Lequesne la chirurgie conservatrice ne peut être
envisagée que si le pincement articulaire est inférieur à 50% et j’ajouterais que
ce pincement soit régulier
L’indication respective des deux possibilités chirurgicales, la butée ou les
ostéotomies du bassin dépendent à mon avis de l’obliquité du toit du cotyle et
du centrage de la tête fémorale.
1- Si la pente cotyloïdienne est inférieure à 10-15° et si la tête est centrée
une butée est parfaitement faisable (fig.1). Elle sera en effet bien appuyée
sur la tête fémorale par l’intermédiaire de la capsule articulaire. Sans entrer
dans les détails techniques cette butée doit couvrir la tête fémorale en avant
et en dehors. Elle ne doit pas être trop volumineuse pour ne pas limiter les
mouvements de la hanche, elle ne doit pas être poser trop contre la tête
fémorale au risque d’aggraver l’arthrose. C’est une intervention simple,
encore faut-il en connaître la technique.
PH. CHIRON a décrit récemment une technique que l’on pourrait appeler
« mini invasive ». Elle consiste à enfiler, sur une broche positionnée sous
amplificateur de brillance juste au-dessus du sourcil cotyloïdien, un greffon
osseux par une toute petite incision cutanée. Ce greffon sera fixé par une
ou deux vis perforées. Ces vis sont placées par l’intermédiaire de la broche
guide. D’après l’auteur, les risques de malposition ou de pseudarthrose ne
sont pas plus importants que par la technique » à ciel ouvert ».
L’indication d’une butée isolée est la suivante ; une hanche douloureuse
de type mécanique avec un pincement lent et régulier de l’interligne < à
50% présentant une insuffisance cotyloïdienne isolée avec une pente du
cotyle < à 10-15° chez un patient de moins de 40 ans sans surcharge
pondérale majeure
Les résultats d’une butée correctement indiquée et correctement réalisée
sont satisfaisants dans plus de 80% des cas, permettant de reculer la mise
en place d’une PTH pendant une quinzaine d’année voire plus.(fig. 2)
2- Si la pente cotyloïdienne est supérieure à 10-15° et ou si la tête est
excentrée, la réalisation d’une butée est plus difficile. La butée ne
s’appuiera pas bien sur la tête fémorale (fig 3). Dans ces cas, une
ostéotomie du bassin paraît plus indiquée
Il existe plusieurs techniques d’ostéotomie du bassin.
13 Mars 2004
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a- L’ostéotomie de Chiarri est la plus simple et la plus souvent
pratiquée chez l’adulte. Elle consiste, je le rappelle à translater en dedans le
cotyle par une ostéotomie unique sus-cotyloïdienne oblique en haut et en
dedans (fig4 ). Cette ostéotomie se fait sous amplificateur de brillance en
restant toujours au contact de l’os pour ne pas léser le nerf sciatique ou les
vaisseaux qui courent à la face interne de l’aile iliaque. Les lésions de ces
éléments constituent en effet les principales complications de cette
technique.
Elle a un double avantage : augmenter la couverture antérieure de la tête et
améliorer la balance de Pauwels du fait de la translation interne du cotyle.
L’indication d’une ostéotomie de Chiarri est une hanche douloureuse de
type mécanique avec un pincement régulier de l’interligne < à 50%
présentant une insuffisance cotyloïdienne isolée avec une pente > à 10-15°
chez un patient de moins de 40 ans sans surcharge pondérale majeure. Les
résultats du Chiarri sont bons dans 75 à80% des cas si l’indication et la
réalisation technique sont correctes (fig.5)
b- Il existe d’autres types d’ostéotomie du bassin : les ostéotomies
périacétabulaires de Pemberton ou de Wagner (fig.6), les triples
ostéotomies de Carlioz ou de Tönnis (fig 7) qui sectionnent l’aile iliaque,
le pubis et l’ischion et l’ostéotomie de Gantz (fig 8) qui conserve en
continuité le mur postérieur du cotyle .Ces ostéotomies ont l’avantage par
rapport à celle de Chiarri de mieux réorienter le cotyle et surtout de laisser
la tête fémorale, aussi bien dans le plan frontal que dans le plan sagittal,
toujours appuyée sur le cartilage cotyloïdien.
Ces ostéotomies sont plus difficiles à réaliser en particulier celle de
Gantz. L’utilisation de la navigation assistée par ordinateur devrait en
faciliter l’exécution. Les résultats publiés chez l’adulte sont rares, mais,
pour leurs auteurs, elles donnent de très bons résultats, autour de 85% dans
la mesure où le pincement de l’interligne est là aussi inférieur à 50%.
c- Il faut souligner que ces interventions, qu’il s’agisse de butée ou
d’ostéotomie ne compromettent pas la mise en place d’un cotyle
prothétique. Dans certains au contraire ,en augmentant la surface d’appui
du cotyle, elles permettraient un meilleur ancrage de la pièce cotyloïdienne.
B- Devant une anomalie de l’extrémité supérieure du fémur que peux-t-on faire ?
1- S’il existe une coxa valga > à 135-140°, que l’interligne ait une épaisseur
suffisante (50%) qu’il s’améliore ou reste congruent lors de l’épreuve de
recentrage aussi bien de face que de profil (fig9) l’ostéotomie de varisation
décrite par Pauwels, associée ou non à une dérotation, est à mon avis
toujours indiquée . Faut-il comme certains l’ont proposé, faire une
arthrographie associée à cette épreuve de recentrage pour s’assurer de la
qualité de l’interligne ? Je n’en suis pas persuadé et il n’y a pas eu d’étude
randomisée réalisée pour en vérifier les avantages. L’age limite tourne
autour de 40 ans et le patient doit être suffisamment tonique et courageux
pour accepter la longueur des suites opératoires
13 Mars 2004
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Correctement réalisé le raccourcissement ne dépasse pas 1 ou 1,5
centimètre, la consolidation est acquise en 3 mois en moyenne. Par contre
une boiterie peut persister pendant 6 mois. Il faut donc prévenir le patient
de ces inconvénients. Si l’indication et la réalisation sont correctes, on peut
espérer environ 80 à 85% de bons résultats, reculant souvent de plus de
10-15 ans la PTH (fig10)
Pour ne pas compliquer la mise en place de la tige fémorale de la PTH il ne
faut pas que la varisation dépasse 110° et la translation 1 centimètre.
Différentes études n’ont pas montré des résultats inférieurs à celui d’une
PTH de première intention en dehors de quelques problèmes techniques.
2- L’existence d’une coxa vara, secondaire par exemple à une épiphysiolyse
peut justifier une ostéotomie de valgisation, souvent associée à une
dérotation (rétroversion fréquemment associée ) dans la mesure , là aussi,
où l’interligne est encore satisfaisant, s’améliore lors de l’épreuve de
recentrage et que la valgisation ne découvre pas trop la tête fémorale. Dans
ces cas, une butée peut être associé. Comme pour l’ostéotomie de
varisation l’age ne doit pas dépasser 40 ans. Par contre, il est rare de voir
une boiterie prolongée car l’intervention améliore le bras de levier des
fessiers.
Bien que les indications soient plus rares que celles des varisation,
l’ostéotomie de valgisationj donne les mêmes résultats satisfaisants (fig11)
C- L’association d’une insuffisance cotyloïdienne et d’une anomalie de
l’extrémité supérieure du fémur justifie-t-elle encore de nos jours de faire une
butée ou une ostéotomie cotyloïdienne et une ostéotomie fémorale ?
À mon avis oui, mais les indications doivent être très restrictives car les
suites opératoires sont beaucoup plus longues et plus pénibles que celles d’une
intervention isolée. En dehors des conditions locales, il faut que le patient soit
très motivé, accepte une longue rééducation, ne présente pas de surcharge
pondérale.Au-delà de 35-40 ans, les indications doivent être proposées avec
beaucoup de circonspection. Je me demande s’il y a encore un chirurgien qui
oserait proposer cette double intervention.!! (fig12)
D- Que reste-t-il des indications d’ostéotomie du bassin ou d’ostéotomie du
fémur quand le pincement de l’interligne dépasse 50% ou plus ou encore
quand le patient a dépassé 45-50 ans ?
Certes chaque chirurgien (du moins ceux d’un certain age) connaît quelques
résultats spectaculaires aussi bien cliniques que radiologiques d’un Chiarri ou
d’une varisation, d’un Mac Murray. Cependant le pourcentage de bons résultats
se maintenant dans le temps est faible (< à 50%).Comme les PTH ont fait
beaucoup de progrès, qu’il existe actuellement des matériaux qui s’usent
beaucoup moins que le « polyéthylène classique » (polyéthylène réticulé,
couple alumine-alumine ou métal-métal) il paraît beaucoup plus logique de
13 Mars 2004
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« Le médecin face aux indications chirurgicales et arthroscopiques au membre inférieur »
proposer d’emblée une PTH qu’une intervention conservatrice dont la
longévité est très aléatoire.
Conclusion.
La chirurgie conservatrice de l’arthrose de la hanche chez l’adulte conserve en
2004 quelques indications. Celle-ci ne doit être proposée que s’il existe une
anomalie morphologique de la hanche , que si les lésions du cartilage
articulaire ne sont pas trop importante s(stade 1 ou2), que le patient n’a pas
dépassé 40-50 ans et que le chirurgien le prévienne de la longueur des suites
opératoires en particulier en ce qui concernent les ostéotomies fémorales. Si,
comme c’est souvent le cas, le patient est en activité, il doit pouvoir se faire
opérer sans risquer de perdre son travail. Toutes ces conditions, auxquelles
s’ajoutent la rapidité et la qualité des résultats des PTH en 2004, font que les
indications de la chirurgie conservatrice dans l’arthrose de la hanche
deviennent de plus en plus rares (probablement moins de 10% des indications
chirurgicales) malgré les bons résultats de cette chirurgie conservatrice.
Aucune PTH n’est aussi bonne qu’une articulation de la hanche à laquelle on a
redonné une morphologie normale
13 Mars 2004
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