Polycopié National des Enseignants de Cardiologie / 2002-2003
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ANGINE DE POITRINE
J Boschat, S Weber
L’angine de poitrine est par définition la douleur intermittente consécutive à l’apparition d’une
ischémie myocardique ; son étiologie très largement prédominante est la maladie coronaire
athéromateuse. La douleur d’angine de poitrine n’est cependant que la conséquence facultative de
l’ischémie myocardique, celle-ci peut être totalement indolore, la maladie coronaire débutant
cliniquement par un trouble du rythme, une insuffisance cardiaque voire une mort subite. De
surcroît, depuis environ une vingtaine d’années, les traitements préventifs de l’angine de poitrine
sont particulièrement efficaces ; de ce fait, la majorité des patients souffrant d’une insuffisance
coronaire chronique restent asymptomatiques, sans angor d’effort, entre deux accidents évolutifs
(infarctus myocardique, syndrome de menace…) malgré l’absence de symptômes, ils n’en justifient
pas moins d’une surveillance régulière clinique et paraclinique afin d’évaluer la progression de la
maladie coronaire et d’adapter en conséquence son traitement.
I - PHYSIOPATHOLOGIE
L’ischémie myocardique correspond à un déséquilibre entre les besoins en oxygène et en énergie du
myocarde et les apports assurés par la circulation coronaire. L’adéquation entre apport et besoin
doit être régulée instantanément, en temps réel, car contrairement au muscle strié squelettique le
myocarde ne dispose d’aucune forme de réserve énergétique (pas de glycogène).
A - Les besoins
La contraction cardiaque, l’interaction des fibres d’Actine et de myosine nécessite de fortes
quantités d’ATP que seul peut produire le métabolisme oxydatif mitochondrial à partir de glucose
mais également d’acide gras et de corps cétonique au prix d’une forte consommation en oxygène.
Les besoins en oxygène myocardique (MVO2) dépendent de trois paramètres majeurs :
La fréquence cardiaque
La contractilité (inotropisme)
La tension pariétale du ventricule gauche dépendant elle-même de la dimension du
ventricule gauche (diamètre de la cavité, épaisseur pariétale) de la précharge que l’on peut
assimiler à la pression télédiastolique du ventricule gauche (PTDVG) et de la post-charge
que l’on peut assimiler à la pression artérielle systolique.
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La cause la plus fréquente de l’apparition d’une ischémie intermittente est l’augmentation des
besoins en oxygène notamment lors de l’effort (augmentation simultanée de la fréquence de la
contractilité et de la pression artérielle systolique).
La réduction des besoins en oxygène est le mécanisme principal de l’action des anti-angineux.
B - Les apports sanguins sont assurés par la circulation coronaire ; il s’agit d’une circulation de
type « terminal » c’est-à-dire sans anastomose, à l’état physiologique, entre les divers territoires
vasculaires myocardiques. Du fait de l’écrasement systolique des artères intramyocardiques, la
perfusion coronaire se fait quasi exclusivement en diastole. De surcroît, le seul mécanisme
d’adaptation du débit coronaire à la variabilité des besoins en oxygène du myocarde est la
vasodilatation (l’extraction d’oxygène par le muscle cardiaque étant maximal dès le stade de repos).
Les contraintes imposées à la circulation coronaire sont donc énormes, probablement les plus «
rudes » de toutes les circulations locales. Elle doit réguler, uniquement par vasodilatation, un débit
coronaire susceptible d’être multiplié brutalement par cinq entre le repos et l’effort ; cette régulation
doit se faire systole par systole puisqu’il n’existe aucune réserve énergétique et enfin la perfusion
est intermittente, limitée à la seule diastole.
Malgré ces contraintes énormes, la circulation coronaire normale s’adapte parfaitement du fait de la
mise en oeuvre conjointe de plusieurs puissants systèmes vasodilatateurs : monoxyde d’azote NO
sécrété par les cellules endothéliales normales, vasodilatation bêta-2 adrénergique, prostaglandine
vasodilatatrice (prostacycline) et vasodilatation d’origine métabolique (adénosine).
C - Circulation coronaire athéromateuse
L’existence d’une maladie coronaire athéromateuse modifie profondément la physiologie de la
circulation coronaire :
Réduction globale des capacités vasodilatatrices essentiellement par altération des capacités
de synthèse par les cellules endothéliales des artères athéromateuses du monoxyde d’azote
(NO) vasodilatateur.
La ou les sténoses coronaires localisées, focales, amputent la réserve de dilatation coronaire à
partir de 50 à 70 % de réduction du diamètre luminal responsable d’une ischémie
intermittente généralement d’effort.
Au-delà de 90 % de réduction, le bit sanguin coronaire de repos peut être altéré,
responsable alors d’une ischémie permanente.
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Il existe schématiquement deux types de sténoses athéromateuses :
Les plaques stables, essentiellement fibro-musculaires dont la progression est globalement
lente et régulière. Dans la majorité des cas, la progression de ce type de lésion s’accompagne
du développement concomitant d’une circulation collatérale de suppléance ; il n’y a pas
d’ischémie myocardique, la progression de la maladie coronaire est silencieuse. Parfois
cependant, la circulation collatérale se développe moins vite que la progression de la sténose
athéromateuse ; la conséquence clinique en est alors un angor d’effort stable.
Les plaques instables sont de nature histologique hétérogène comportant généralement un
entre, un « coeur » lipidique mou surmonté d’une couche cellulo-conjonctive plus rigide
appelé chape fibreuse. A l’occasion d’un stress mécanique (vasoconstriction, élévation
tensionnelle) cette structure histologique instable peut se rompre, exposant le coeur lipidique,
extrêmement thrombogène, aux plaquettes sanguines circulantes. Il en sulte la constitution
d’une thrombose au contact de la plaque rompue. Celle-ci peut être limitée sans grande
conséquence clinique ou au contraire rapidement progressive vers la sténose critique ou
l’occlusion totale. La thrombose se développe très rapidement, en quelques minutes, ne
laissant pas à la circulation collatérale de suppléance le temps de se développer. Les
conséquences cliniques en sont beaucoup plus sévères : angor d’effort de novo d’emblée
invalidant, angor de repos instable, infarctus myocardique voire mort subite.
D - Les conséquences de l’ischémie myocardique
Lorsque le déséquilibre apport/besoin entraîne une ischémie, c’est-à-dire l’abolition du métabolisme
aérobie et le passage en anaérobiose, les conséquences cellulaires sont par ordre chronologique :
Une altération de la contractilité, du segment myocardique concerné
Des modification de l’électrogénèse cellulaire responsable des signes électrocardiographiques
de l’ischémie (permettant donc le diagnostic) mais pouvant également se manifester par des
troubles du rythme graves (extrasystoles ventriculaires, tachycardie ventriculaire) voire
gravissime (fibrillation ventriculaire).
La douleur angineuse ne survient que quelques dizaines de secondes à quelques minutes après
le début de l’ischémie ; elle peut être totalement absente ; l’ischémie est indolore chez environ
20 % des coronariens ; jusqu’à 40 % chez les coronariens diabétiques.
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Lorsque il existe de façon permanente une réduction extrêmement importante du débit de perfusion
myocardique dans un territoire myocardique donné, celui-ci peut se mettre en hibernation. Le débit
coronaire résiduel (de l’ordre de quelques pour cent du débit normal) suffit à assurer le métabolisme
de base de la cellule, à maintenir son intégrité. Par contre toute activité contractile et électrique est
abolie. Le territoire concerné est donc akinétique ; l’électrocardiogramme peut être celui d’une
séquelle d’infarctus (onde Q). Il est pourtant fondamental de pouvoir différencier un territoire
hibernant d’un territoire nécrosé, c’est-à-dire d’évaluer la viabilité myocardique. En effet un
territoire hibernant, contrairement à un territoire nécrosé, est susceptible de récupérer une activité
contractile après revascularisation.
E - Angor d’origine non athéromateuse
La maladie coronaire athéromateuse est l’étiologie de l’angine de poitrine dans plus de 95 % des
cas.
L’angor vasospastique pur représente la majorité des 5 % restant …(cf. paragraphe IV) ;le
spasme localisé survient sur une artère angiographiquement normale mais des études
echographiques et anatomiques ont revélés la présence quasi constante d’un athérome modé
.
Le syndrome x est en rapport avec une trouble « primitif » encore mal identifiée du
métabolisme myocardique. Il s’agit d’un authentique angor d’effort avec signes
électrocardiographiques et constatation objective d’une anaérobiose myocardique ; les
coronaires sont normales et il n’y a pas de spasme ; c‘est-à-dire que la cellule myocardique ne
parvient pas à utiliser correctement l’oxygène et les substrats énergétiques qui lui sont
pourtant fournis normalement. Les symptômes sont améliorables par les bêtabloquants et le
pronostic est bon.
La radiothérapie médiastinale, certaines anomalies congénitales des artères coronaires, la
syphilis, représentent des étiologies rares d’insuffisance coronaire.
Un anticancéreux, le 5 fluoro-uracil est responsable d’épisodes d’angine de poitrine,
généralement de repos ; le mécanisme de cet effet indésirable est encore mal connu.
Enfin certaines angines de poitrine sont liées non pas à une altération de la circulation
coronaire mais à une augmentation des besoins en oxygène du myocarde, du fait d’une
hypertrophie des parois du ventricule gauche. Il s’agit du rétrécissement valvulaire aortique
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serré, plus rarement des insuffisances aortiques volumineuses ou des cardiomyopathies
hypertrophiques.
F - Angor organo-fonctionnel
Dans certains cas, un facteur extérieur peut venir aggraver les conséquences d’une sténose
athéromateuse modérément serrée qui « spontanément » n’aurait pas été capable d’induire une
ischémie myocardique. Il peut s’agir d’une augmentation des besoins en oxygène du myocarde :
troubles du rythme avec tachycardie (notamment fibrillation auriculaire), fièvre, médicaments
tachycardisants ou inotropes positifs (par exemple bêta-2 mimétique utilisé chez l’asthmatique),
hyperthyroïdie.
Parfois il s’agit d’une diminution des apports en oxygène liée à une anémie importante
(circonstance fréquente de découverte de la maladie coronaire chez le sujet âgé) à une
hypoxémie, à une chute tensionnelle (état de choc). Ces facteurs « extérieurs » ne sont pas
susceptibles de déclencher une ischémie myocardique sur un réseau coronaire rigoureusement sain
mais peuvent représenter un facteur clenchant d’un angor généralement instable chez les patients
porteurs d’un athérome coronaire antérieurement méconnu.
II - ANGOR D’EFFORT
A - La douleur d’angor d’effort est dans la grande majorité des cas caractéristique. On en
précisera :
- la fréquence
- le mode de déclenchement
- les éventuels signes associés (éructations...)
- l’ancienneté et le mode évolutif
- la gravité
Le lien à l’effort est évident ; certains efforts dont la marche sont, à dépense énergétique égale, plus
fréquemment déclencheurs d’angine de poitrine ; le temps froid, le vent contraire sont des facteurs
favorisants. La douleur monte rapidement en intensité ; elle est de siège médian, rétrosternale dans
approximativement 80 % des cas.
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