Anne PARISOT IFCS St Anne Promotion 2010-2011 Fiche de lecture Une ethnologue à l’hôpital, l’ambiguïté du quotidien infirmier Auteure : Anne VEGA. Editions des archives contemporaines. Date de parution : 2000. Nombre de pages : 212. AUTRES OUVRAGES DE L’AUTEURE : Soignants/soignés. Pour une approche anthropologique des soins infirmiers, De Boeck Université, 2001 Dans les cuisines des ministères, hachette littérature, 2003 PRESENTATION DE L’AUTEURE : Anthropologue de la maladie, Anne Vega est l'auteure d'une thèse de doctorat sur le groupe des infirmières hospitalières à l'École des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Chargée de cours à l'Université Paris Nord, elle délivre des formations d'orientation anthropologique adaptées aux soins en enseignement initial et supérieur infirmier. L’OUVRAGE : Etude anthropologique, ce livre relate le quotidien d’un service hospitalier, à travers le regard d’une anthropologue se positionnant « en observation participante » au sein d’une équipe soignante et propose une analyse des relations entre soignants ainsi qu’entre soignants et soignés. L’étude est essentiellement centrée sur le monde infirmier. L’auteure y livre donc son observation et son analyse des « rapports sociaux dont sont acteurs les infirmières – groupe témoin des enjeux posés à l’ensemble des professionnels de la santé – et qui se développent à l’intérieur d’un service hospitalier » (p.14). L’ouvrage est construit comme un récit, les chapitres représentant le déroulement d’une semaine fictive au sein d’un service de neurologie d’un centre hospitalier parisien. Les propos des soignants sont retranscrits, faisant ainsi partie intégrante du récit. SOMMAIRE DE L’OUVRAGE : Avant-propos : confessions d’une fille d’infirmière Introduction : approche anthropologique de l’hôpital Les soignantes du service de neurologie Lundi : les désordres du jour Mardi : entre les « basses besognes » et le pouvoir médical Mercredi : la dernière roue du carrosse Jeudi-vendredi : les syndromes infirmiers Samedi : de la saleté ordinaire à la contagion Dimanche : à la vie et à la mort ! Conclusion : l’hôpital, tribunal de nos flagrants délits Notes p.7 p.13 p.32 p.35 p.61 p.97 p.121 p.149 p.167 p.193 p.203 RESUME DE L’OUVRAGE : Lundi Ce chapitre traite de l’organisation des soins infirmiers et des relations que les IDE entretiennent quotidiennement entre elles, avec les autres soignants et avec les malades. Page 1 sur 3 Il délivre les premières observations et impressions de l’auteure face à une organisation institutionnelle où le temps est rythmé par les activités de soins mais également par les différentes tâches aléatoires qui se rajoutent laissant peu de temps à la prise en compte du malade, et conditionnant l’humeur des soignants. L’auteure pointe les différences, voir les oppositions concernant les pratiques soignantes (en fonction de l’horaire de travail, en fonction des services, en fonction des personnes...) avec une certaine propension de la part des observés à critiquer négativement le travail de l’autre. Les activités de soins sont sectorisées, les patients pris en charge par un ensemble de personnes différentes, la transmission des informations est essentiellement orale et plutôt informelle. Tout ceci accroît les difficultés de communication et entraîne une certaine subjectivité des infirmières, source de préjugés et de pensées stéréotypées. L’infirmière doit constamment faire l’effort d’accommodation aux autres et aux patients mais aussi aux moyens qui lui sont alloués pour travailler ce qui accroit son sentiment de mauvaises conditions de travail. Ce premier jour donne l’impression d’une course contre le temps en dépit d’une organisation confuse et au détriment du temps à consacrer aux patients. Mardi Il est question ici d’identité professionnelle des infirmières, de leur positionnement, en interaction avec d’autres catégories professionnelles hiérarchisées. L’auteure décrit la suprématie du pouvoir médical et retranscrits les critiques des soignants à l’encontre des médecins, des cadres, et de l’institution elle-même, tous jugés comme étant loin des difficultés quotidiennes liées aux soins infirmiers. On retrouve tout au long de l’ouvrage ces discours leitmotive contre les cadres, les médecins, les aides soignantes et les malades. Les différentes activités de soins sont catégorisées et certaines sont connotées positivement (valorisation des actes techniques…) tandis que d’autres sont considérées comme des basses tâches et connotées négativement (nursing, paperasse…). De plus, le positionnement individuel des soignants ne s’établie pas uniquement en fonction de leur statut professionnel mais également selon d’autres critères (l’âge, l’ancienneté, l’éthique professionnelle les affinités ou inimités entre collègues…) L’infirmière semble tiraillée entre l’attitude relationnelle, dévalorisée, et l’acte technique lui, valorisé. L’auteure observe des discours et des attitudes contradictoires au sein des groupes infirmiers révélant une certaine ambiguïté du travail infirmier et expliquant peut-être les critiques et les conflits précédemment observés. « L’exercice infirmier consisterait soit à rester ambivalente par rapport à cette contradiction, soit à prendre partie pour un rôle relationnel ou technicien, ce qui reviendrait toujours à créer des dissensions avec celles de leurs collègues qui n’ont pas fait les mêmes choix » (p.95). Mercredi Ce chapitre aborde les divers « cancans » et « défouloirs langagiers » auxquels se livrent les soignants en leur attribuant une véritable fonction thérapeutique. Il est donc question des différents moments de discussions informelles (en salle de repos, au self…) ou formelles (lors des transmissions orales) entre professionnels, sujets à moqueries voire accusations diverses envers les autres professionnelles ou les patients, véritable défouloir contre la difficulté du travail quotidien et contre les souffrances vécues par le patient et renvoyées aux soignants. L’auteure voit dans ces propos et attitudes, un moyen pour l’infirmière de se protéger individuellement et d’affirmer son identité professionnelle au sein du groupe. L’auteure détaille également les rapports conflictuels que les infirmières entretiennent parfois avec le malade et apporte une description de cette catégorie de patients qualifiés de « mauvais malades ». Elle rapporte des propos de soignants montrant irrespect, humiliation, voire racisme envers les patients. Page 2 sur 3 Jeudi-Vendredi L’auteure continue dans ce chapitre à étayer les exemples des « mauvais malades » qualifiés de « psy » dès que leur comportement atteint les limites de compréhension des soignants. Ces critiques et cette hiérarchisation des patients (bon ou mauvais malade, « psy », « nympho », « parano »…) permettraient aux soignants, de façon inconsciente, de se protéger face aux angoisses procurées par la souffrance de l’autre et éviter de les exprimer. La notion d’incurabilité apparait comme principale cause de ces angoisses et engendre des comportements de fuite car elle met l’infirmière dans une position d’échec. L’auteur aborde la notion de l’image que renvoie le patient au soignant, pouvant agir comme un véritable miroir, engendrant la peur d’être malade à son tour, contaminé par les malades à force de les côtoyer. Samedi Il est question ici de l’investissement des infirmières pour les soins de nursing et plus particulièrement de l’évitement qu’elles leur accordent. L’auteur donne l’exemple de conduites d’évitement exacerbées face aux patients atteints de sida par peur de la contamination. Elle constate que la peur de contagion, qu’elle soit physique ou psychologique, bien que non rationnelle est pourtant réelle parmi les soignants. Grâce à ses observation des comportements infirmiers face aux soins de nursing et face à l’hygiène en général, l’auteure pointe une prise de distance face au corps et aux sécrétions corporelles du patient, mais également des actions illogiques, contraires aux bonnes pratiques d’hygiène, ceci étant engendré par la perception individuelle de ce qui est sale ou non L’auteure démontre que l’ensemble de ces comportements et paroles sont des moyens de protection pour les soignants. Le mauvais malade rentrant dans ce cadre de celui qu’il faut éviter car il véhicule un risque de contagion supposée et le « mettre dans une case » ou lui « poser un étiquette » apparait comme une stratégie de préservation. « Plus que jamais, il faut poser des limites hermétiques avec les malades, oublier de se rappeler les résonnances des corps qu’elles (les infirmières) soignent ou, pour « parler infirmière », « ne pas entrer dans leur jeu ». (p.163) Dimanche Ce dernier chapitre est consacré aux différents comportements infirmiers observés face aux patients en fin de vie et à la mort. L’auteure présente différentes positions adoptées par les soignants face à la mort. Les médecins sont accusés de ne plus s’occuper des patients lorsque les traitements ne sont plus curatifs. La notion de mauvais malade est reprise et amplifiée concernant ces patients mourants. Quelques soignants sont décrits comme plus attentifs à la souffrance et aux besoins des malades, mais ils sont présentés comme une minorité se retrouvant en opposition avec le comportement des autres soignants ce qui crée une sorte de stigmatisation voire d’exclusion et engendre incompréhensions et conflits au sein du groupe infirmier. AVIS SUR L’OUVRAGE : J’ai trouvé ce livre plutôt facile à lire de part sa forme de récit. Le fait que les propos des soignants soient retranscrits tout au long de l’ouvrage apporte une certaine « réalité » dans laquelle les soignants peuvent retrouver un vécu personnel et cela permet également de concrétiser les points de vue de l’auteure. Ce livre me parait être une aide pour mieux comprendre les situations de burn-out vécues par certains soignants ou celles de souffrance parfois ressentie par les professionnels dans leur pratique quotidienne des soins infirmiers. Page 3 sur 3