Le programme « patients-enseignants » dans les universités d’Ile de France : les principes du programme Depuis une quinzaine d’années, des initiatives individuelles ont abouti à ce que des patients interviennent régulièrement comme enseignants dans les formations initiales des professionnels de santé (en médecine, en dentaire et dans les IFSI). On constate une tendance à pérenniser ces initiatives, à en susciter de nouvelles et cet état de fait conduit à penser que cette pratique d’enseignement est en voie d’institutionnalisation. Ainsi, ne serait-ce qu’en Ile de France, quatre universités distinctes font appel à des patientsenseignants ou envisagent de le faire dans un futur très proche (Paris 5, Paris 6, Paris 7, Paris 13). Ce faisant, elles s’inscrivent dans un processus initié il y a une dizaine d’années dans les pays anglo-saxons, processus qui trouve sa justification dans deux logiques convergentes : celle d’une part de chercher à améliorer le système de santé et celle d’encourager la participation des patients à tous les niveaux du système de soins. Les patients qui s’engagent dans l’enseignement des soignants commuent l’expérience négative de la maladie en une participation à un projet sociétal qu’ils estiment porteur de sens car ils participent à transmettre la perspective des patients aux futurs soignants à un moment de leur vie où il est raisonnable de penser que cela aura un certain impact. Si les modalités selon lesquelles s’organisent les cours sont variables, puisqu’actuellement cela se décide au cas par cas, en fonction des choix des responsables des universités concernées, les objectifs pédagogiques poursuivis sont clairs. Il s’agit de participer à améliorer les compétences relationnelles des futurs professionnels de santé et à les amener à percevoir que les patients-enseignants - et par extension tous les patients – sont des producteurs de savoirs situés, c’est à dire de savoirs construits à partir de leur perspective. Ces savoirs sont enrichissants pour la pratique des professionnels puisqu’ils complètent leur propre perspective. A cet effet, les patients-enseignants développent une parole réflexive qui dépasse et englobe leur propre situation. Transmettre la perspective des patients atteints d’une maladie chronique consiste à décrire les savoirs des malades et à faire comprendre leur vécu, avec ce qu’il comporte comme évènements traumatisants, y compris quand ceux-ci sont générés par la relation de soins. Cela nécessite de commenter les processus d’appropriation des patients en expliquant notamment que la plupart du temps les patients concernés par des maladies chroniques aspirent à restaurer un équilibre psychologique dans un déséquilibre biologique, processus que P. Barrier (2010) qualifie d’autonormativité. Les moyens d’accéder à cet équilibre sont multiples et changeants aussi les patients-enseignants, en décrivant ce processus d’appropriation personnelle préparent les professionnels à comprendre les attentes et les besoins de leurs futurs patients. Les principes de la participation des patients à l’enseignement des études médicales et soignantes se comprennent à l’aune de la valeur de l’expérience vécue et des savoirs acquis et construits. De plus, en inversant symboliquement les rôles traditionnels, s’imposent l’idée que le patient peut être actif et celle que, sous condition d’être écouté et entendu, il est une source précieuse d’apprentissages pour les soignants. Certes, les soignants ont toujours été à l’écoute des patients, mais habituellement ils n’apprennent que de leur symptomatologie. Or les patientsenseignants ne sont que rarement amenés à convoquer celle-ci dans leur activité d’enseignement : bien plus souvent leur contribution n’aborde leur maladie que si cela est nécessaire du point de vue pédagogique. Du côté des étudiants, le fait de faire une place à la parole aux besoins et aux savoirs des patients dans le cadre de la formation initiale leur permet d’apprendre à les écouter, d’apprendre à les convoquer, à les questionner, et à les respecter. Ce faisant, il est raisonnable de penser qu’ils apprennent à intégrer, voire à rechercher systématiquement, la perspective des patients. Ainsi, les futurs praticiens, sensibilisés au vécu des malades chroniques, auront-ils davantage de facilité pour accompagner les malades de manière personnalisée, ce qui correspond à la fois au projet actuel de la médecine et aux attentes des malades et de leurs proches. Olivia Gross Laboratoire Educations et Pratiques de Santé, EA3412, Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité Thomas Sannié Association Française des Hémophiles Pôle de ressources ETP Ile de France