N° 121 - medecine.ups

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N° 121
Polyarthrite rhumatoïde.
- Diagnostiquer une polyarthrite rhumatoïde.
- Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
- Décrire les principes de la prise en charge au long cours d'un rhumatisme déformant et invalidant.
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires chroniques. Il
s’agit d’une maladie inflammatoire de l’ensemble du tissu conjonctif à prédominance synoviale
dont la pathogénie est mal élucidée. C'est un rhumatisme inflammatoire chronique, acromélique,
destructeur, déformant et invalidant. Son expression clinique est polymorphe, pouvant associer de
façon diverse des signes articulaires et des signes extra-articulaires (maladie systémique), à des
stades différents de la maladie. Elle concerne préférentiellement la femme jeune.
EPIDEMIOLOGIE
Décrite pour la première fois en 1800 par Landré-Beauvais, la PR semble être en Europe une
maladie récente. La PR pourrait être issue du continent américain où des restes osseux datant de
plus de 6 000 ans, retrouvés en plusieurs sites le long du Mississipi, porteraient les traces de la
maladie. Son arrivée en Europe serait consécutive aux grands voyages à travers l’Atlantique faisant
suite à la découverte du “ Nouveau Monde ”. Actuellement, la PR est diagnostiquée dans tous les
pays.
Sa prévalence en Europe est estimée entre 0,5 et 1 % de la population générale. Elle est 4 fois plus
fréquente chez la femme que chez l'homme. L'incidence de la maladie (taux de nouveau cas
survenant dans une population donnée sur une période de temps définie) est évaluée en France
autour de 0,01 %. Elle augmente avec l'âge jusqu'à 60 ans avec un pic de fréquence maximum entre
40 et 50 ans. Mais elle peut aussi débuter chez le sujet âgé ou chez l'enfant. Le risque de survenue
d'une PR est évalué 2 à 3 fois plus élevée dans la descendance d'un patient atteint de la maladie
mais la PR n'est pas une maladie génétiquement transmissible.
La PR pose un véritable problème de santé publique. Plus de la moitié des malades va être obligé
d’arrêter son activité professionnelle moins de 5 ans après le début de la maladie et dans 10 % des
cas, la PR engendre une invalidité grave en moins de 2 ans. La durée de vie des malades atteints est
en moyenne réduite de 5 ans.
MECANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES
Facteurs de risques
La PR est une maladie polyfactorielle associant un terrain génétique de susceptibilité et des
éléments extérieurs intervenant dans le déclenchement de la maladie.
Le terrain génétique est surtout connu au travers des antigènes d'histocompatibilité portés par les
patients. Prés de 90 % des patients atteints de PR sont porteurs des antigène HLA DR4 (60 %) ou
DR1 (30 %). Il s'agit d'antigènes HLA de classe II qui participent à la réaction immune en
possédant une fonction de présentation des antigènes aux lymphocytes T. D'autres éléments
génétiques de susceptibilité sont probables mais non identifiés.
Certaines conditions influencent la prédisposition et le déclenchement de la maladie :
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-
rôle des facteurs hormonaux : 4 femmes pour 1 homme.
rôle du système nerveux : il faut noter la fréquence du début de la PR après un choc psychoaffectif (accident, deuil,…), qui peut intervenir dans le déclenchement de poussées évolutives de
la maladie.
- rôle des infections, par stimulation du système immunitaire. De nombreuses infections ont été
évoquées comme pouvant être à l’origine de la PR : infection à EBV, mycoplasmes, tuberculose,
parvovirus, rétrovirus… A ce jour, aucun agent infectieux n’a formellement été identifié comme
pouvant être à l’origine de la maladie.
Mécanismes lésionnels
Ils sont très incomplètement connus. L'atteinte de la membrane synoviale, réalise une synovite.
Cette synovite va aboutir à des lésions du cartilage (et donc de la fonction articulaire) et des
tendons. Ces lésions sont irréversibles d'où l'importance d'agir tôt dans le cours de la maladie. La
synovite rhumatoïde et ses conséquences destructrices découlent de 4 types de mécanismes :
- mécanismes enzymatiques non spécifiques par production en large quantité d'enzymes
protéolytiques (métalloprotéases dont les collagénases) qui dégradent le cartilage.
- mécanismes immunologiques à médiation humorale avec la production de facteurs rhumatoïdes,
immunoglobulines anti-IgG.
- mécanismes immunologiques à médiation cellulaire avec une hyperactivité des lymphocytes TCD4+ (inducteurs) dans la membrane synoviale.
- mécanismes faisant intervenir diverses interleukines, en particulier IL1, TNF
actions sur l'inflammation, IL8 par son action sur les polynucléaires neutrophiles. Par ailleurs, la
Ces données physiopathologiques essayent d'expliquer les mécanismes de la maladie pour proposer
des approches thérapeutiques nouvelles mais ne sont pour l'instant utiles ni au diagnostic ni au suivi
de ces malades.
CLINIQUE
LES MANIFESTATIONS ARTICULAIRES
La PR est un rhumatisme inflammatoire de la femme jeune, réalisant une atteinte acromélique à
tendance symétrique, évoluant par poussées, permettant de décrire des formes de début, des formes
avérées et des formes anciennes et séquellaires.
La PR au début
Signes cliniques
Dans sa forme typique, c'est une polyarthrite acromélique touchant les mains et les pieds, mais
respectant les articulations inter-phalangiennes distales (IPD). Elle a une nette tendance à la
symétrie. Les douleurs siègent aux poignets, aux métacarpo-phalangiennes (MCP) et aux
interphalangiennes proximales (IPP) mais aussi aux avant-pieds où elles prédominent aux
métatarsophalangiennes (MTP). Ces douleurs ont un caractère inflammatoire, avec recrudescence
dans la deuxième moitié de la nuit. Elles s'accompagnent d'un enraidissement matinal plus ou
moins prolongé. L'arthrite des IPP cause un gonflement des doigts en fuseau. Aux mains, l'atteinte
prédomine souvent aux 2 e et 3e MCP, aux pieds aux 4 e et 5 e MTP. Aux arthrites, sont souvent
associées des ténosynovites des tendons extenseurs, du tendon du cubital postérieur ou des
fléchisseurs des doigts, des tendons des péroniers, du jambier antérieur ou postérieur. Ces
ténosynovites peuvent être inaugurales et responsables de syndromes canalaires : syndrome du
canal carpien ou du tunnel tarsien.
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Moins typiques sont les formes :
- polyarthralgiques pures, tenaces, acroméliques avec enraidissement matinal mais sans
gonflement articu-laire.
- les formes oligoarthritiques ou monoarthritiques, en particulier du genou.
- les formes à début rhizomélique, plus fréquentes chez le sujet agé, avec douleurs de type
inflam-matoires, prédominant aux épaules, posant le problème du diagnostic différentiel avec une
PPR (pseudo polyarthrite rhizomélique).
Signes radiologiques
MTP de la 5e MTP : érosion de la tête métatarsienne (signe de Braun)
Trois clichés radiographiques sont utiles à ce stade de début : les mains de face, les avant-pieds de
face et le bassin. Les radiographies à ce stade sont normales ou tout au plus montrent une
déminéralisation épiphysaire en bande. La radiographie des avant-pieds montre, parfois
précocement, une érosion de la tête du 5e métatarsien. La radiographie du bassin, par la normalité
des articulations sacro-iliaques, élimine le diagnostic de spondylarhrite ankylosante.
Signes biologiques
C’est à ce stade de début que le bilan biologique est le plus important. Il faut parfois savoir le
répéter. Son but est de :
- confirmer un diagnostic de PR, déjà évoqué sur les données de l’examen clinique.
- éliminer d’autres étiologies de rhumatisme inflammatoire.
- évaluer l’évolutivité et rechercher des éléments du pronostic.
Au début, il existe, dans 80 % des cas, un syndrome inflammatoire non spécifique. Les facteurs
rhumatoïdes peuvent être présents de façon précoce. Ces signes biologiques seront décrits au
chapitre suivant.
La PR à un stade avéré
C'est à ce stade que la synovite rhumatoïde est histologiquement caractéristique avec :
- une multiplication et une hypertrophie des villosités synoviales
- une multiplication des cellules bordantes (synoviocytes)
- des dépôts de fibrine en surface
- une nécrose fibrinoïde en profondeur
- des infiltrats lymphoplasmocytaires prenant une organisation nodulaire, à la manière d'un
organe lymphoïde.
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Le manque de spécificité de ces signes ne permet malheureusement pas de faire de l'examen
histologique un élément diagnostique certain.
Signes radiologiques
C'est à ce stade que les signes radiologiques sont les plus caractéristiques. Ils associent :
- une déminéralisation osseuse épiphysaire
- un pincement articulaire global (par atteinte globale du cartilage)
- des érosions osseuses et des géodes sous-chondrales (à la jonction de la membrane synoviale et
de l'os par action destructrice du pannus rhumatoïde)
- des déformations articulaires (subluxation et luxation) par atteinte ténosynoviale.
A un stade avancé de destruction, l'interligne articulaire disparait, l'évolution pouvant se faire vers
la synostose (carpite fusionnante, tarsite fusionnante).
Signes biologiques
C'est la période au cours de laquelle sont associés un syndrome inflammatoire et des signes du
syndrome dysimmunitaire, dominés par la présence de facteurs rhumatoïdes (+++).
Les différentes localisations articulaires de la PR
3A-1 - MAIN ET POIGNET RHUMATOIDES
- POIGNET
1°) Arthrite radio-carpienne et radio-cubitale inférieure avec déviation radiale de la main, ankylose
et surtout luxation ventrale du carpe, instable et douloureuse, source de rupture des tendons
extenseurs.
2°) Ténosynovite des fléchisseurs au canal carpien avec ou sans compression du nerf médian,
3°) Ténosynovite des extenseurs et surtout du cubital postérieur (signe de la chape et signe de la
touche de piano avec luxation dorsale de l'apophyse styloïde cubitale) cause de rupture des tendons
extenseurs, surtout du 5 et du 4.
Importance toute particulière de ce "SYNDROME DE LA TETE CUBITAL" pour le
pronostic fonctionnel de la main.
- MAIN
1°) Atrophie des muscles interosseux,
2°) Tuméfaction des articulations métacarpophalangiennes avec "coup de vent cubital" des doigts
et/ou subluxation ventrale des doigts.
3°) Déformations des IPP, "en boutonnière" (flexion irréductible et "en col de cygne"
(hyperextension de l'IPP avec flexion de l'IPO).
4°) Flexion de l'IPD ("doigt en maillet"), par rupture de l'insertion distale du tendon extenseur).
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5°) Déformations du pouce : pouce adductus, pouce en Z par atteinte trapézo-métacarpienne,
interphalangienne et ténosynovites locales.
6°) Ténosynovites des fléchisseurs digitaux : tuméfaction palmaire douloureuse, "pinch test" de
SAVILL, gêne douloureuse à la flexion extension des doigts, puis flexion irréductible des doigts.
SYNTHESE : Importance de la main rhumatoïde, localisation précoce et typique de la maladie,
siège de déformations assez caractéristiques dans la génèse desquelles on ne soulignera jamais
assez l'importance des téno-synovites du poignet (SYNDROME DE LA TETE CUBITALE) et des
doigts.
3A-2 - PIED ET CHEVILLE RHUMATOÏDES
- CHEVILLE ET REGION MEDIO-TARSIENNE
a) L'arthrite tibio-tarsienne,
b) Les arthrites péri-astragaliennes, plus fréquentes, conduisent au "pied plat inflammatoire" par
éversion de l'astragale, fonctionnellement très génante.
c) Les ténosynovites sous-malléolaires.
- TALON
Bursites pré et rétro-achilléennes avec, à la radiographie, une ulcération rétro-calcanéenne, sans
enthésiophytes. La talalgie n'a pas, au cours de la P.R., l'importance qu'elle possède dans la PSR.
- AVANT-PIED
Arthrites métatarsophalangiennes, avec déformations des orteils en "coup de vent" péronier et/ou en
griffe. Le G.O. n'est pas épargné, se déforme le plus souvent en hallux valgus, parfois en hallux
varus.
Constitution d'un avant-pied affaissé et de modifications des parties molles : atrophie du capiton
graisseux plantaire, hyperkératose plantaire et de la face dorsale des IPP (sur orteils en griffe)
hygroma métatarso-phalangien du G.O.
Toutes ces lésions des parties molles, créées par le conflit entre les déformations de l'avant-pied et
la chaussure sont sources d'impotence douloureuse, d'ulcérations cutanées et, par ce biais,
d'infections locales, qui peuvent se compliquer d'arthrites suppurées et de septicémie. On ne saurait
assez insister sur l'importance des soins de pédicurie, de la prophylaxie des infections et, très
souvent, la nécessité de recourir à la chirurgie correctrice.
3A-3 - AUTRES ARTHRITES RHUMATOïDES
- AU MEMBRE SUPERIEUR, l'atteinte de l'EPAULE est fréquente, souvent négligée et
aboutit à une perte de mobilité qui ne permet plus le déplacement de la main dans l'espace pour la
réalisation des gestes de la vie courante : se nourrir, se peigner, se torcher, etc… L'hydarthrose n'est
pas rare. Antérieure, elle se voit bien à jour frisant.
Radio :
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- au début, ulcération prétrochitérienne et pincement global de l'interligne,
- évolution vers la destruction de la tête humérale et de la glène.
L'atteinte du COUDE aboutit rapidement à la perte de l'extension et diminue ou annule la pronosupination. Le gonflement articulaire témoin d'une hydarthrose, doit être recherché dans la ''fenêtre"
articulaire située entre l'épicondvle, l'olécrâne et la tête radiale, Des déformations complexes sont
observées tardivement et peuvent être très invalidantes.
- AU MEMBRE INFERIEUR, l'atteinte du GENOU est précoce et quasi-constante. Les
hydarthroses doivent être ponctionnées, analysées et infiltré afin d'éviter la titularisation du flexum
antalgique. Les flexum irréductibles, même discrets, ont un retentissement fonctionnel très
défavorable et les flexum importants constituent la cause majeure du grabatarisme.
Radio :
- au début, pincement des 2 compartiments femoro-tibiaux,
- évolution vers la destruction des condyles fémoraux et des plateaux tibiaux,
La COXITE RHUMATOlDE est tardive, non constante. Elle évolue mal se fixe en flexum
des cuisses sur le bassin et déséquilibre bassin, genou et rachis car des attitudes vicieuses en
adduction ou en abduction. Elle constitue, elle aussi, une cause de grabatarisme.
Radio :
- au début, pincement global de l'interligne,
- puis évolution vers une coxite protrusive avec destruction du cotyle et luxation transacetabulaire
d'une tête femorale souvent réduite à l'état de moignon osseux.
3A-4 - LOCALISATIONS EN DEHORS DES MEMBRES
1 - La P.R. peut intéresser les articulations TEMPORO-MAXILLAIRES STERNOCLAVICULAIRESet CRICO-ARYTHENOIDIENNES
2 - Le rachis et les articulations sacro-iliaques sont épargnés avec la seule exception de la
COLONNE CERVICALE :
a) D'abord, la COLONNE CERVICALE HAUTE (C1-C2), ce qui s'explique par la richesse toute
particulière en synoviale de cette région.
1) Disjonction atlo-axoïdienne, d'abord minime, à rechercher par des radiographies de profil
dynamiques, puis évidente sans cet artifice, avec des diastasis, entre arc antérieur de l'atlas et
apophyse odontoïde, de plusieurs mm.
2) Arthrites occipito-atloïdiennes et atlo-axoïdiennes avec ascension ce l'apophyse
odontoide et de l'atlas vers le trou occipital (pseudo-invaginations).
3) Lyse et/ou désaxation de l'apophyse odontoïde.
Cliniquement :
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1) Cervicalgies tenaces, névralgies d'ARNOLD, gène ou disparition des mouvements de rotation de
la tête et du cou.
2) Risque neurologique et vasculaire : moëlle cervicale haute et partie basse du bulbe, artères
vertébrales, nécessitant des interventions chirurgicales de décompression et de stabilisation.
3) Apport de l'IRM dans l'exploration de cette localisation si particulière. Elle nous a appris
l'importance de l'extension du pannus dehors des limites osseuses, non analysable par les
radiographies simples, et permet d'éclairer les rapports avec la moelle et les espaces méninges.
b) Plus rarement et plus tardivement, atteinte de la COLONNE CERVICALE MOYENNE
ET BASSE (C3-C7) à partir d'arthrites rhumatoïdes inter apophysaires postérieures.
3 - Les P.R. très anciennes et sévères peuvent occasionnellement déborder sur des TERRITOIRES
INHABITUELS :
- IPD, sacro-iliaques, colonne dorsale et lombaire.
Très tardives, ces lésions ne remettent généralement pas en cause la diagnostic nosologique.
4 - Les ENTHESITES ne s'observent pas dans la P.R,
La PR à un stade séquellaire
C'est le devenir de la maladie après plusieurs années de poussées évolutives.
Les signes histologiques synoviaux perdent leurs caractéristiques : la synoviale devient fibreuse,
l'infiltrat lymphoplasmocytaire est minime ou absent. L'histologie n'est plus évocatrice de la
maladie rhumatoïde.
Les signes cliniques associent des douleurs inflammatoires et des douleurs mécaniques, secondaires
à la destruction articulaire. Les synovites sont plus rares.
Le syndrome biologique inflammatoire est souvent réduit voir absent. La PR est éteinte. Les
traitements de fond sont souvent inefficaces à ce stade.
LES MANIFESTATIONS EXTRA-ARTICULAIRES
Les signes généraux
Ils se voient surtout au début, lors de l'installation de la maladie sur un mode aigu. Ils peuvent
ensuite se répéter lors des poussées évolutives au cours desquelles l’asthénie est souvent marquée.
Une fébricule est plus rare.
Les nodules rhumatoïdes
Ils représentent la manifestation extra-articulaire la plus fréquente de la maladie (environ 20 % des
patients). Ce sont des tuméfactions sous-cutanées fermes, mobiles, arrondies et indolores siégeant
électivement à la face postérieure des avant-bras, à la région olécranienne, au dos de la main à
proximité des articulations touchées, plus rarement sur les genoux, les tendons d’Achille, le cuir
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chevelu… Ils peuvent régresser spontanément. Dans les zones exposées aux traumatismes
(région olécranienne), ils peuvent s'ulcérer et s'infecter.
Les signes histologiques sont caractéristiques :
- zone centrale de nécrose fibrinoïde
- entourée d'une bordure palissadique d'histiocytes
- et d'un tissu conjonctif infiltré de plasmocytes et de lymphocytes.
Les nodules rhumatoïdes sous-cutanés sont très caractéristiques de la PR mais non absolument
spécifiques. Ils peuvent se voir au cours d'autres connectivites et même de façon isolée, en
l'absence de tout autre maladie (nodulite rhumatoïde).
Nodule Rhumatoide en regard de la 4ème IPP
Les adénopathies et la splénomégalie
Les adénopathies sont présentes dans 30 % des cas. Elles sont surtout palpées aux aisselles, aux
gout-tières sus-épitrochléennes et aux aines. Histologiquement, elles correspondent à des
adénopathies dysimmunitaires sans aucun signe de malignité (respect des structures ganglionnaires
normales).
Une splénomégalie est exceptionnellement rencontrée au cours de la PR. Associée à une leucopénie
et à des ulcères de jambe, elle définit alors le syndrome de Felty (rare : moins de 1 % de l’ensemble
des PR).
Le syndrome sec
C'est l'association de la PR à un syndrome de Gougerot-Sjögren qui est dit alors secondaire. La
sécheresse oculaire (xérophtalmie) est évaluée par le test de Shirmer et l'examen au Rose Bengale.
La sécheresse buccale est appréciée par le test à la compresse. Le diagnostic de Gougerot-Sjögren
peut être confirmé par la biopsie des glandes salivaires accessoires.
Les manifestations pleuro-pulmonaires
La pleurésie exsudative (1 % des cas) est souvent unilatérale. L'épanchement est rarement très
abondant, se manifestant par une douleur thoracique latérale basse, une toux et une dyspnée.
L'épanchement est jaune clair, riche en facteurs rhumatoïdes, pauvre en glucose. La cellularité est
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variable, souvent entre 1 000 à 5 000 cellules par mm (polynucléaires et lymphocytes). Elle
guérit le plus souvent en moins de 3 mois, spontanément ou sous l'effet d'un traitement corticoïde.
La fibrose pulmonaire interstitielle diffuse représente la manifestation pulmonaire la plus fréquente
: 5 à 20 % des cas selon les auteurs. La radiographie montre des opacités réticulo-nodulaires. Les
épreuves fonc-tionnelles respiratoires permettent le suivi de cette fibrose. Elles témoignent d'un
syndrome restrictif avec diminution de la diffusion de l'oxyde de carbone. Le lavage bronchoalvéolaire montre une augmentation des cellules : polynucléaires et lymphocytes. La fibrose
pulmonaire complique surtout les PR masculines et son pronostic est souvent sévère.
Les nodules rhumatoïdes peuvent être découverts à la radio dans le parenchyme pulmonaire. Les
difficultés diagnostiques avec une pathologie tumorale ou tuberculeuse justifient parfois la
réalisation d’une biopsie. Ils sont plus fréquents au cours des PR masculines avec facteurs
rhumatoïdes positifs. Associés à une silicose, ils définissent le syndrome de Caplan-Colinet.
Les manifestations cardiaques
• la péricardite est habituellement asymptomatique.
• les troubles de la conduction et les lésions valvulaires sont exceptionnelles.
Les vascularites
Les manifestations cliniques de vascularite compliquent surtout les PR anciennes, nodulaires,
destructrices et masculines. Elles sont habituellement associées à la présence de facteurs
rhumatoïdes, à des anti-corps anti-nucléaire et à une baisse du complément sérique.
Les signes cliniques sont polymorphes
- signes cutanés, les plus fréquents : micro-infarctus digitaux, ulcères cutanés, purpura vasculaire,
gangrène des doigts et des orteils
- signes neurologiques: polynévrite, multinévrite sensitivo-motrice
- signes musculaires et digestifs
- signes généraux : fièvre, amaigrissement.
Autres manifestations extra-articulaires
- syndrome de Raynaud (5 à 10 % des cas)
- amylose secondaire : complication tardive des PR très inflammatoires.
- oculaires : sclérite et scléromalacie perforante (exceptionnelles).
BIOLOGIE
Le syndrome inflammatoire
- élévation de la vitesse de sédimentation (examen le moins cher)
- augmentation de la Protéine C-Réactive (examen le plus sensible)
-globulines
Les anomalies de la
numération-formule sanguine
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Les leucocytes. Ils sont habituellement normaux. Une hyperleucocytose est parfois notée, en
particulier lors des poussées évolutives. Une leuconeutropénie traduit soit la présence d’un
syndrome de Felty, soit la survenue d’une pathologie iatrogène.
les plaquettes sont souvent augmentées, en rapport avec le syndrome inflammatoire.
Les hématies. L’anémie inflammatoire est la manifestation hématologique la plus fréquente. Un fer
sérique bas, une augmentation de la ferritine, une diminution de la transferrine et de son coefficient
de fixation sont les aspects habituels de l’anémie inflammatoire de la PR. A l’inverse, une ferritine
basse et une augmentation de la transferrine signalent la présence d’une anémie ferriprive imposant
la recherche d’un saignement digestif, souvent en rapport avec les anti-inflammatoires non
stéroïdiens que reçoivent ces patients.
Le syndrome dysimmunitaire
Augmentation polyclonale
-globulines.
Présence de facteurs rhumatoïdes. Il s'agit d'auto-anticorps anti-IgG. Les facteurs rhumatoïdes de
classe IgM sont détectés par des réactions d'agglutination : réaction de Waaler-Rose (positive à
partir de 1/64). Le test au latex est moins utilisé du fait de sa faible spécificité. Les techniques
ELISA et la néphélémétrie ont permis d’accroître la sensibilité de la recherche des facteurs
rhumatoïdes et permettent de détecter d’autres isotypes : IgG anti-IgG, IgA anti-IgA. Les facteurs
rhumatoïdes sont présents dans 70 à 80 % des PR. Parfois trouvés dés le début de la maladie, ils
peuvent apparaître plus tardivement mais souvent au cours de la première année d’évolution. Ils
peuvent se négativer, spontanément ou sous l'effet des thérapeutiques. Ils ne sont pas
indispensables au diagnostic. Evocateurs de la maladie dans un contexte de polyarthrite clinique, ils
ne sont pas spécifiques de la PR. Ainsi, ils peuvent également être trouvés :
- chez des sujets normaux. La fréquence de la positivité du facteur rhumatoïde chez les sujets
sains augmente avec l’âge. Les parents de sujets atteints de PR ont plus souvent des facteurs
rhumatoïdes en l’absence de toute pathologie. La présence de facteur rhumatoïde n’est pas
synonyme de PR.
- au cours de nombreuses autres pathologies auto-immunes. Ainsi, la plupart des syndromes de
Gougerot-Sjögren (95 %) ont des réactions positives pour le facteur rhumatoïde. De même au
cours du lupus érythématheux disséminé, 20 à 30 % des patients environ ont des facteurs
rhumatoïdes.
- Certaines gammapathies monoclonales à IgM ont une activité facteur rhumatoïde.
- De nombreuses maladies infectieuses peuvent transitoirement s’accompagner de facteurs
rhuma-toïdes : maladie d’Osler, bronchites chroniques, tuberculose…
Les anticorps anti-stratum corneum d'œsophage de rat ou anticorps anti-kératines sont des autoanticorps de connaissance plus récente. Spécifiques de la PR (99 %), ils ne sont trouvés que dans
45 % des cas.
Les anticorps anti-nucléaires (ACAN) sont détectés dans 30 à 45 % des PR. Ils sont présents à des
titres bas à l'exception des PR avec Gougerot-Sjögren secondaire ou avec vascularite au cours
desquelles les titres sont plus élevés. Il n'y a pas d'anticorps anti-DNA bicaténaire (ou natif).
De nombreux autres autoanticorps ont été décrits au cours de la PR sans que leur intérêt réel ait été
montré à ce jour : anticorps anti-histones, anticorps anti-Sa, anticorps anti-RA33…
Le complément sérique et ses fractions (C3, C4 et Bf) sont normaux ou augmentés, en rapport avec
le syndrome inflammatoire. Un complément sérique diminué est un argument en faveur d'une
vascularite.
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Le terrain génétique
Le groupage HLA de classe I (antigènes A et B) et II (antigènes DR et DQ) est inutile pour le
diagnostic de PR. Par contre, le diagnostic de PR ayant déjà été porté, la recherche des allèles
HLA-DR4 et DR1 peut être utile pour essayer d’évaluer le pronostic. De nombreux travaux ont en
effet montré que les formes les plus sévères de la maladie sont associées à ces allèles.
L'analyse du liquide synovial
L'analyse du liquide articulaire apporte toujours des renseignements importants pour le diagnostic.
Le liquide articulaire est jaune clair, parfois discrètement trouble. Il est peu visqueux, coule goutte
à goutte. Il est de nature inflammatoire : plus de 2 000 cellules par mm3. Plus de 50 % des cellules
sont des polynucléaires neutrophiles bien qu'un liquide à prédominance lymphocytaire soit possible
au stade précoce de l'arthrite. Il est stérile. Il n’est pas trouvé de microcristaux, sauf en cas
d’association de chondrocalcinose et de PR. Il ne semble pas exister d’association goutte et PR.
EVOLUTION DE LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
La PR est une maladie hétérogène dont l’évolution et la gravité sont très variables d’un malade à
l’autre.
Différentes formes évolutives
Les formes bénignes représentent 20 à 30 % des cas. Elles ne retentissent pratiquement pas sur
l’activité quotidienne même au bout de plusieurs années. Elles peuvent s’éteindre spontanément.
C’est au cours de ces formes bénignes que les radiographies peuvent rester normales ou montrer
des érosions minimes même après plusieurs années d’évolution.
Les formes sévères (environ 20 %) entraînent rapidement (2 à 5 ans) des destructions articulaires
importantes responsables d’un handicap fonctionnel souvent majeur. C’est au cours de ces formes
sévères que se développent les manifestations extra-articulaires dont certaines, comme la
vascularite ou certaines localisations viscérales, peuvent mettre en jeu le pronostic vital.
Atteinte du carpe et de la 2ème MCP au cours d’une PR évoluée
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Aspect clinique d’une main au cours d’une PR évoluée
Les formes intermédiaires sont les plus fréquentes : 50 à 60 % des cas. L’évolution se fait de façon
progressive, par poussées évolutives inflammatoires entrecoupées de rémissions plus ou moins
complètes. Chaque poussée est à l’origine d’une recrudescence des douleurs articulaires mais aussi
des déformations avec installation lentement progressive d’un handicap fonctionnel plus ou moins
important.
La notion de rémission
Les rémissions sont possibles, soit durables, soit transitoires. Elles peuvent survenir sous l’action
des thérapeutiques ou de façon spontanée. Certains critères sont nécessaires pour pouvoir parler de
rémission :
- raideur matinale d’une durée inférieure à 15 minutes
- absence d’asthénie
- absence de douleur articulaire à l’interrogatoire
- absence de douleur articulaire lors des mouvements
- absence de gonflement articulaire ou de ténosynovite
- VS < 30 mm à la 1e heure chez la femme, à 20 mm chez l’homme.
Cinq de ces critères doivent être présents pendant au minimum 2 mois consécutifs.
Les éléments du pronostic
La grande hétérogénéité évolutive des PR rend difficile le choix des traitements, surtout au début de
l’affection. Il est donc important de pouvoir rapidement évaluer le risque que le patient a de
développer une forme sévère. Ceci a pour objectif d’adapter le traitement aussi précocement que
possible. A ce jour, certains éléments sont reconnus comme associés aux formes les plus sévères :
- début aigu, polyarticulaire de la maladie
- atteinte extra-articulaire
- précocité de l’apparition d’érosions osseuses sur les radiographies
- VS et CRP très élevées de façon prolongée
- précocité d’apparition du facteur rhumatoïde
- titre élevé du facteur rhumatoïde
- présence d’anticorps anti-kératine
- terrain génétique défini par la présence de HLA DR4
- mauvaise réponse aux traitement de fond
- statut socio-économique défavorisé.
Il est toujours important d’évaluer ces facteurs du pronostic dès le début de la maladie articulaire.
370
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
L’American College of Rheumatology (ACR) a proposé des critères (tableau I) qui
malheureusement ne peuvent pas être considérés comme des critères de diagnostic en raison
de leurs performances très moyennes (sensibilité : 91 %, spécificité : 89 %). Ces critères sont
essentiellement des critères de classification utiles en particulier pour constituer des séries
homogènes de patients dans le cadre d’études.
Le diagnostic différentiel est donc une étape importante et se pose surtout au début de la
maladie. Au stade avéré de l'affection, les signes radiologiques sont souvent évocateurs, en
particulier par la présence d'érosions articulaires et par la topographie de l'atteinte. Par
contre, aux stades de début, que les manifestations soient monoarticulaires ou
polyarticulaires, il est important (et parfois difficile) d'éliminer les autres rhumatismes
inflammatoires.
Les critères de classification de la PR (ACR, 1987)
1. Raideur matinale (articulaire ou périarticulaire) d’au moins une heure.
2. Arthrite d’au moins 3 articulations (atteinte simultanée constatée par un médecin et dû à
une hypertrophie des tissus mous ou à un épanchement articulaire. 14 articulations ou
groupes d’articulations sont pris en compte : IPP*, MCP**, poignets, coudes, genoux,
chevilles, MTP***).
3. Arthrite touchant la main (poignet, MCP, IPP).
4. Arthrite symétrique (atteinte simultanée et bilatérale des articulations ou groupes
d’articulations définis en 2. L’atteinte simultanée des IPP, MCP et MTP est acceptable
même en l’absence de symétrie parfaite).
5. Nodules rhumatoïdes (nodosités sous-cutanées constatées par un médecin sur des crêtes
osseuses ou des surfaces d’extension ou en situation périarticulaire).
6. Présence de FR.
7. Lésions radiologiques typiques sur les clichés des mains et des poignets
(déminéralisation en bande évidente ou érosions osseuses).
La présence d’au moins 4 critères sur les sept est indispensable pour définir la PR. Les 4
premiers items doivent avoir une durée d’au moins 6 semaines.
* IPP : Inter-phalangienne proximale. ** MCP : Métacarpo-phalangienne. *** MTP :
Métatarso-phalangienne.
Les collagènoses
La polyarthrite du Lupus Erythémateux Disséminé (LED). La topographie de l'atteinte articulaire
est superposable à celle de la PR au début. Mais c'est une polyarthrite non destructrice, associée à
des manifestations cutanées et rénales. Le bilan immunologique montre la présence d'ACAN,
d'anticorps anti-DNA natif et d'une baisse du complément sérique. Le Waaler-Rose peut être positif
au cours du LED.
Le syndrome de Gougerot-Sjögren primitif se manifeste souvent par des arthralgies, parfois par des
arthrites avec facteurs rhumatoïdes positifs mais ne possède pas le caractère destructeur de la PR.
Les associations sont fréquentes avec une PR ou autre connectivite. Le tableau clinique est dominé
par l'atteinte des glandes exocrines, marqué par l'association xérophtalmie-xérostomie.
371
Les autres connectivites sont plus rares : connectivite mixte (ou syndrome de Sharp),
sclérodermie, périartérite noueuse…
Les spondylarthropathies
On regroupe sous ce terme plusieurs maladies avec sérologie rhumatoïde négative et avec atteintes
rachidienne et sacro-iliaque fréquentes. Ces rhumatismes peuvent cependant se présenter avec des
manifestations acroméliques, souvent oligoarticulaires et asymétriques à différencier de la PR,
surtout au début.
Le rhumatisme psoriasique. L'atteinte articulaire peut être soit périphérique et distale, asymétrique,
touchant les interphalangiennes distales, soit rachidienne avec lésions des sacro-iliaques. A
l'atteinte articulaire est associée l'atteinte cutanée psoriasique. Le Waaler-Rose est négatif. Le
terrain génétique est marqué par la présence des antigènes HLA B27 ou B17 ou B16 (B38 et B39).
Les arthrites réactionnelles dont le diagnostic est facile lorsque le syndrome urétro-conjonctivosynovial est complet. Ce sont des arthrites survenant dans les suites d'une infection à point de
départ génital ou digestif mais sans que l'agent infectieux ne soit retrouvé dans l'articulation. Il
s'agit de mécanismes immunologiques arthritogènes propre à certains germes : chlamydia,
campylobacter jejuni, yersinia, shigella, salmonella. Le liquide articulaire est stérile. Ces arthrites
surviennent préférentiellement chez des sujets HLA B 27 (50 %).
La spondylarthrite ankylosante (SPA) débute rarement par une atteinte périphérique. Il s'agit le plus
souvent d'un homme jeune. L'atteinte des articulations périphériques est associée à des rachialgies
inflammatoires, à des talalgies et survient sur un terrain génétique HLA B27 (95 %). La sérologie
rhumatoïde est négative.
Les arthrites des entérocolopathies chroniques : maladie de Crohn, rectocolite hémorragique,
maladie de Whipple. L'atteinte est le plus souvent oligoarticulaire ou monoarticulaire. Elle peut être
inaugurale et faire découvrir la maladie digestive.
Les autres rhumatismes inflammatoires
Ils surviennent souvent chez des sujets plus âgés.
La chondrocalcinose articulaire peut prendre l'aspect d'une atteinte polyarticulaire et chronique. La
découverte de lisérés calciques sur les radiographies et de cristaux de pyrophosphate de calcium
dans le liquide synovial permet de faire le diagnostic.
La pseudopolyarthrite rhizomélique est souvent difficile à distinguer au début d'autant que l'on
connaît la fréquence des formes de début à expression rhizomélique de la PR chez les sujets âgés.
TRAITEMENT
Le traitement de la PR a 2 objectifs :
- calmer les douleurs : c'est le traitement symptomatique.
- bloquer l'évolution de la maladie auto-immune : c'est le traitement de fond. Celui-ci a d'autant
plus de chance d'être efficace qu'il est débuté tôt dans le cours de la maladie.
BASES DU TRAITEMENT
Traitements symptomatiques
372
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens
Ils sont indiqués comme traitement symptomatique des douleurs articulaires. Ils se montrent
efficaces en quelques jours. Ils ne doivent pas être associés entre eux. Compte tenu de la prise au
long cours, les patients sont exposés au risque de complications digestives.
Type d’AINS : le choix du meilleur AINS, alliant efficacité et bonne tolérance ne peut être
qu’empirique, en les essayant les uns les autres par petites cures successives. Il est prouvé que visà-vis d’une même molécule, certains patients seront « répondeurs » et d’autres « non-répondeurs ».
Il en est de même pour la tolérance. A noter la découverte depuis 1998 des coxibs (Célébrex,
Vioox), nouvelle classe d’AINS aux effets secondaires digestives atténués.
Contre-indications :
- grossesse et allaitement
- ulcère gastro-duodénal évolutif
- insuffisance rénale ou hépatique sévère
- allergie
- association aux anticoagulants ou au lithium.
Effets secondaires :
- gastriques (gastralgies, gastrites et ulcères, responsable parfois d’hémorragies). Le risque devient
plus important après 60 ans, surtout chez la femme. La prévention de ces complications peut se
faire chez les patients à risque par la prise conjointe de prostaglandines ou d’inhibiteur de la pompe
à protons.
- hépatiques : élévations des transaminases, hépatites.
- rénaux : élévation de la créatininémie surtout chez les sujets âgés ou déshydratés, et en
coprescription avec les diurétiques ou les inhibiteurs de l’enzyme de conversion.
- cutanés : éruptions, photosensibilisation, exceptionnellement syndrome de Lyell.
- neurosensoriels : céphalées, vertiges, accouphènes
- hématologiques : agranulocytoses, anémies, thrombopénies, essentiellement pour les pyrazolés.
Les AINS doivent donc être utilisés avec prudence chez les sujets âgés (surveillance stricte de la
fonction rénale et de la tolérance digestive) et chez les patients aux antécédents d’ulcère gastroduodénal.
Enfin rappelons que l’utilisation simultanée de 2 AINS augmente leur toxicité, sans augmenter leur
efficacité.
LES CORTICOÏDES
Ils sont indiqués lorsque les AINS sont insuffisants ou en cas de contre-indication digestive. Ils
peuvent être utilisés de différentes manières :
- à faible posologie (inférieure à 10 mg/jour) en traitement d'entretien au long cours. La dose
mini-male efficace est recherchée en adaptant la posologie au mg prés.
- en assaut cortisonique : 240 mg au total, délivrés en 6 jours à dose décroissante en perfusion,
utile lors de l'instauration d'un traitement de fond ou pour contrôler une poussée de la maladie
Les corticoïdes ne constituent pas un traitement de fond ; ils ne sont que suspensifs et doivent être
utilisés en ayant conscience des possibles effets secondaires. Néammoins, de nombreuses PR, d'une
manière ou d'une autre, à un moment donné de leur maladie, auront besoin de corticoïdes. Il
incombe aux médecins de savoir bien les utiliser.
373
Les agents biologiques antiConsidérés par certains comme un traitement de fond en raison de leur capacité à bloquer la
destruction articulaire, les agents biologiques antihabituelle de la maladie à l’arrêt du traitement) qui doit les faire classer dans les traitements
symptomatiques. Deux molécules sont actuellement disponibles :
• L’etanercept (Enbrel®) est une protéine recombinante reproduisant un dimère du récepteur p75
d’immunoglobuline. Il est utilisé par voie sous-cutanée, à raison
de 25 mg deux fois par semaine.
• L’infliximab (Rémicade®) est un anticorps monoclonal chimérique homme-souris de spécificité
antiassociée à celle d’un
immunosuppresseur pour limiter les risques de xéno-immunisation. Il est utilisé par voie
intraveineuse lente, à la posologie de 3 mg par kg de poids. Un traitement d’attaque comporte une
injection à J0, J15 et J45. Le relais est pris par un traitement d’entretien à raison d’une injection
tous les deux mois.
Les agents biologiques anti-TNF
résurgence de pathologies infectieuses. La contre-indication est formelle en cas de pathologie
infectieuse active ou chronique, relative en cas d’antécédents de tuberculose. Des antécédents de
néoplasie datant de moins de 5 ans doivent dans l’état des connaissances actuelles faire renoncer à
leur prescription.
Traitements de fond
Les traitements de fond cherchent à obtenir la rémission de la PR. Ils ne sont actifs qu'après plusieurs semaines ou mois de traitement et leur efficacité ne peut rarement être jugée avant 2 à 6 mois
d’un traitement bien conduit, à posologie correcte. Ils ont tous des effets secondaires, plus ou moins
sévères, qui nécessitent un suivi médical régulier. Tolérance et efficacité conditionnent la durée du
traitement de fond.
Les anti-paludéens de synthèse (APS)
Ils sont d'une efficacité inconstante et sont surtout prescrits dans des PR bénignes ou lorsqu'il existe
une hésitation diagnostique entre polyarthrite rhumatoïde ou polyarthrite lupique.
Le Plaquenil® (sulfate d'hydroxychloroquine) est utilisé à la posologie de 400 mg/j (2 comprimés).
La surveillance est essentiellement oculaire du fait du risque de rétinopathie. Celle-ci est réversible
à l'arrêt du traitement. La fréquence de la surveillance doit être biannuelle.
Les sels d'or
Leur efficacité est établie depuis prés de 50 ans.
Ce sont principalement les sels d'or sous forme injectable : Allochrysine® (aurothiopropanol). Ils
sont utilisés par cures et plusieurs schémas posologiques sont possibles. Le plus habituel débute par
des injections hebdomadaires, pendant 2 semaines à la dose de 25 mg, puis toutes les semaines à la
posologie de 50 ou 25mg. La dose cumulative totale est d'environ 1,3 g (le double en cg du poids
du corps en kg). Un traitement d'entretien est alors entrepris par injections toutes les 2 semaines
jusqu'à une dose totale de 2 g puis tous les mois sans limitation, maintenus tant qu'ils sont efficaces et bien tolérés. Les effets secondaires sont malheureusement fréquents, dominés par les manifestations allergiques cutanées et les risques de protéinurie.
Le Ridauran® (auranofin) est la forme orale des sels d'or. Mieux toléré (à l'exception de quelques
diarrhées), il semble cependant moins efficace.
374
Les dérivés thiols
Le Trolovol® (D-pénicillamine) possède une efficacité voisine de celle des sels d'or. La posologie
habituelle est de 600 à 900 mg/j (2 à 3 comprimés) atteinte très progressivement en 3 mois en
fonction de la tolérance. Les effets secondaires sont surtout cutanés et rénaux.
L'Acadione® (tiopronine) s'avère à peu prés aussi efficace que la D-pénicillamine avec une
tolérance qui serait meilleure. La posologie est de 750 à 1500 mg/j (3 à 6 comprimés).
La Salazopyrine® (sulfasalazine)
La posologie de 2 à 3 g/j (4 à 6 gélules par jour) est obtenue progressivement en 2 mois. Les effets
secondaires sont fréquents mais régressent à l'arrêt.
Le Novatrex®
Le méthotrexate (Novatrex®) est largement utilisé dans le traitement de fond de la PR à posologie
faible : 5 à 20 mg par voie orale, 1 fois par semaine. L'efficacité est souvent obtenue plus
rapidement qu'avec les traitements précédents : en 4 à 6 semaines. Les effets secondaires sont
également fréquents mais la plupart régressent à l'arrêt ou avec une réduction de la posologie
hebdomadaire. La fréquence et la sévérité de certains effets indésirables sont diminuées par la
prescription d’acide folique (Speciafoldine®) à une posologie équivalente à celle du méthotrexate.
L’acide folique est donné en une seule prise hebdomadaire, 48 h après celle du méthotrexate.
Le Méthotrexate nécessite une surveillance régulière de la NFS et du bilan hépatique. Prescrit chez
la femme jeune, il faut y associer une contraception efficace.
Le Léflunomide Arava*
L’Arava® est utilisé après une dose de charge de 100 mg par jour pendant 3 jours, à la posologie
dose de 20 mg par jour. Cette posologie quotidienne peut être diminuée à 10 mg en fonction de la
tolérance. Son efficacité est plus rapide que celle des autres traitements de fonds, dans un délai
moyen de 4 semaines. Ses principaux effets indésirables sont les diarrhées (25% des patients), la
cytolyse hépatique (10% des patients), l’hypertension artérielle (5 à 7% des patients). Le
Léflunomide est tératogène et impose une contraception efficace.
La surveillance du traitement doit être clinique et biologique. Sa fréquence doit être de une fois tous
les 15 jours au cours du premier mois puis une fois par mois. Le bilan biologique doit comporter un
hémogramme et un dosage des enzymes hépatiques.
Comme la sulfasalazine et le méthotrexate, le léflunomide a montré sa capacité à freiner l’évolution
destructrice de la PR.
Le Neoral® (ciclosporine)
Dernier en date des traitements de fond disponibles de la PR, le Neoral® trouve sa place dans la
prise en charge des PR sévères. Il est utilisé à posologie croissante, en débutant à 2,5 mg/kg/j et en
augmentant progressivement par paliers de 0,5 mg/kg/j toutes les 6 semaines en fonction de
l’efficacité et de la tolérance. La posologie n’excède jamais 5 mg/kg/j. La ciclosporine impose une
surveillance stricte de la tension artérielle et de la fonction rénale.
Les immunosuppresseurs
L'Endoxan® (cyclophosphamide) et l'Imurel® (azathioprine) sont utilisés surtout au cours des PR
sévères avec manifestations de vascularite. Les effets secondaires sont ceux des
375
immunosuppresseurs (hématologiques, infectieux, carcinogène) et le risque de cystite
hémorragique pour l'Endoxan®.
Traitements locaux
Ils constituent une part très importante du traitement de la PR. Ils peuvent toujours être mis en
œuvre.
Les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes (cf. chap. “ corticothérapie locale ”)
Toute articulation qui reste inflammatoire et active malgré le traitement de fond doit faire l'objet
d'un traitement local. L'infiltration de corticoïdes est réalisée en première intention. On utilise de
préférence des corticoïdes retards : Hexatrione® (héxacétonide de triamcinolone), en particulier
pour les grosses articulations, avec contrôle du caractère intra-articulaire de l’injection.
Les synoviorthèses
Elles réalisent une destruction de la membrane synoviale un procédé radioactif (Ytrium*, Erbium*,
Rhénium* selon la taille des articulations). Elles sont utiles lorsqu’une articulation reste
inflammatoire ou que l'inflammation récidive rapidement après infiltration corticoïde. L'utilisation
des produits isotopiques est contre-indiquées chez la femme jeune. Le nombre de synoviorthèses
isotopiques est limité pour un même patient en raison du risque néoplasique.
La physiothérapie sédative
Elle permet une diminution des phénomènes inflammatoires locaux par l'apport de chaleur humide
sous la forme d'application de paraffine sur les mains, de parafango sur les grosses articulations.
Les orthèses, l'économie articulaire
La réalisation d'attelles posturales vise à limiter les déformations, en particulier aux mains. Elles
sont à porter surtout la nuit. Sinon, le principe est celui de l'économie articulaire en s'équipant
d'aides techniques. Ce travail s'intègre habituellement dans le cadre d'un programme d'ergothérapie.
Il s'adresse à des poly-arthrites présentant déjà des lésions articulaires et des déformations. La
prescription ne peut être que personnalisée en fonction des habitudes de chaque patient.
La rééducation
Il s'agit surtout d'une kinésithérapie active assistée.
Traitements chirurgicaux
Ils tiennent une place importante dans le traitement des PR. Ils ont 2 objectifs :
A un stade précoce
C'est la protection de la destruction articulaire par l'ablation de la membrane synoviale
(synovectomie) réalisée soit sous arthroscopie soit par arthrotomie. Il s'agit aussi bien de
synovectomie articulaire que de ténosynovectomie.
A un stade tardif
376
C'est la chirurgie réparatrice qui utilise :
- les arthrodèses. L'arthrodèse supprime le phénomène douloureux. Elle supprime le mouvement
et ne s'adresse donc qu'à des articulations dont l'enraidissement aura un retentissement fonctionnel
modéré (inter-phalangienne du pouce, radiocarpienne, sous-astragalienne…)
- les prothèses articulaires. Elles permettent la conservation de la fonction articulaire. Elles sont
très utilisées à la hanche, au genou. Elles peuvent être proposées pour l'épaule et le coude.
Information du malade
Elle est un temps important du traitement. Il est montré que l’évolution est plus favorable chez les
patients informés tant des risques évolutifs de la maladie que des avantages et inconvénients des
différents traitements que les patients ignorants ou incapables de comprendre.
L’information technique doit donc porter sur les diverses possibilités thérapeutiques, les effets
secondaires éventuels et leur surveillance ; elle comporte des conseils permettant d’améliorer la
qualité de vie.
Une information bien conduite doit dédramatiser la PR, permettant au patient et à son entourage de
gérer de façon dynamique la situation. Une prise en charge médico-psychologique et des entretiens
avec un psychiatre peuvent permettre de mieux appréhender le vécu de la maladie.
PRINCIPES DU TRAITEMENT
Le traitement de la PR est complexe.
Le traitement de la PR doit être global, prenant en charge tous les aspects de la maladie. Il ne
peut se concevoir que par une action concertée entre le médecin traitant, le rhumatologue, le
chirurgien, le rééducateur, le kinésithérapeute ou l'ergothérapeute, l'assistante sociale… La prise en
charge psychologique, sociale et professionnelle de ces patients est un aspect également important
et nécessite une éducation du malade et de son entourage familial.
Le traitement symptomatique est toujours nécessaire, agissant sur la douleur et l’inflammation,
en sachant que les complications gastriques des AINS sont fréquentes et rendent alors difficile la
sédation de la douleur.
Le traitement doit être précoce. Les traitements de fond doivent être envisagés le plus tôt
possible. Le choix du médicament à introduire relève de différentes notions :
- c’est au cours des premières années d’évolution que les lésions érosives connaissent leur
rapidité maximale d’évolution (figure 1).
- les bénéfices à attendre d’un médicament doivent être comparés aux risques iatrogènes. Tous
les médicaments décrits dans le chap. “ Les traitements de fond des rhumatismes inflammatoires ”
se sont montrés plus efficaces que le placebo dans le contrôle des manifestations inflammatoires
cliniques de la PR. Seuls certains d’entre eux se sont par contre montrés efficaces pour ralentir
l’évolution des lésions osseuses évaluées sur les radiographies : Allochrysine®, Novatrex®,
Salazopyrine®, Neoral®.
- le taux de maintenance thérapeutique tient compte des effets secondaires et/ou de l'inefficacité
comme cause d'arrêt des traitements de fond (figure 2). Le traitement le plus efficace avec le
moins d'effets secondaires sera celui qui possédera la meilleure observance auprès des patients.
Ainsi peut-on noter un taux de maintenance de l’ordre de 50 % à 5 ans avec le méthotrexate,
contre seulement 20 à 25 % à ans pour les autres traitements.
- les risques iatrogènes doivent être adaptés au risque de sévérité de la maladie, sévérité évaluée
sur les critères précédemment décrits.
377
Ainsi peut-on, de façon schématique, envisager différents choix de traitement de fond de
première intention selon qu’on traite une PR potentiellement bénigne, sévère ou de sévérité
intermédiaire (figure 3). En fonction de la réponse thérapeutique et de la tolérance, le traitement de
fond sera poursuivi ou changé. Dans tous les cas, l'efficacité des traitements de fond ne pourra être
réellement évaluée qu'après 3 à 6 mois d’un traitement bien conduit, à posologie efficace. Les
immunosuppresseurs (Endoxan®) sont réservés aux PR sévères et en cas de vascularite.
Les infiltrations locales, les synoviorthèses et les synovectomies doivent être envisagées
précocement mais après mise en route d’un traitement de fond. Elles doivent avoir un but de
protection de l'articulation et, hormis leur action antalgique, ne se justifient pleinement que lorsque
l'interligne articulaire est encore respecté.
Les orthèses et l'économie articulaire sont des éléments du pronostic et ne doivent pas être
négligées. La chirurgie réparatrice n'intervient qu'à un stade tardif de l'affection et vise à restaurer
la fonction.
%
a
b
ES
20
14
12
10
10
8
érosions
pincement
6
4
2
0
0
1
2
3
Durée d'évolution en années
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
22
24
Durée d'évolution en années
ES= score d’érosions
Figure 1
Rapidité d’évolution des lésions articulaires radiologiques en fonction de l’ancienneté de la
maladie. Cette évolution apparaît plus rapide au cours des 3 premières années (a), et se poursuit
ensuite tout au long de la maladie (b).
378
%
10 0
MTX
se ls d 'or IM
Hydroxychl oroqu ine
Probabilité de rester
sous traitement de fond
80
D-pén ici llam ine
60
40
20
0
0
10
20
30
40
50
60
Temps (mois)
Figure 2
Taux de maintenance thérapeutique des traitements de fond de la polyarthrite rhumatoïde d’après
Sany J et coll.
379
Diagnos tic = PR
AINS
Traitements phys iqu es
EVALUATI ON DE LA SEVERITE
PR
potentiellement
s évère
PR de
pronos tic
ndéterminé
PR
potentiellement
bénigne
Méthotrexate
Sels d'or ou
Sulfas alazine ou
D-pénicillamine
ou Acadione
Hydroxychloroqu ine
3 à 4 mois
4 à 6 mois
4 à 6 mois
Evolution
défavorable :
ass ociation
avec corticoïdes
ou sulfas alazine
ou cyclospo rine
Evolution
défavorable :
augmentation ou
autre traitement
de fon d
Evolution
défavorable :
autre
traitement de fon d
Evolution
favorable :
maintien ou
diminution
Figure 3
Stratégie pour le choix d’un traitement de fond d’une polyarthrite rhumatoïde débutante.
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