Publié le 24/06/2015 Tiers payant pour les titulaires de l’aide à la complémentaire santé : l’usine à gaz se confirme Paris, le mercredi 24 juin 2015 Depuis des mois, le gouvernement ne cesse de vouloir rassurer les praticiens en leur affirmant que la mise en place de la généralisation du tiers payant n’entraînera pas de surcharge administrative pour eux, ni retard de paiement. Pourtant, la marche à suivre pour appliquer à partir du 1er juillet le tiers payant aux personnes titulaires de l’Aide à la complémentaire santé (ACS) ne semble en rien inspiré du grand choc de simplification. Réactualisées le 23 juin, les explications présentes sur le site de l’Assurance maladie distinguent deux cas de figure, d’une part les patients disposant de l’ACS ayant « souscrit un contrat complémentaire sélectionné par le ministère de la Santé » et d’autre part ceux ayant souscrit un contrat différent. Premier écueil : comment faire la différence. « Cette information figure dans la carte Vitale du patient » avance l’Assurance maladie. Encore faudra-t-il que celle-ci soit parfaitement à jour et que le patient ne l’ait pas oublié (ou n’attende pas sa réception). Autre moyen de connaître la situation du patient : ceux ayant souscrit un contrat sélectionné par le ministre « disposent d’une attestation de tiers payant intégral TPI », tandis que ceux n’ayant pas choisi une complémentaire désignée par l’administration n’ont qu’une attestation « de tiers payant sur la part assurance maladie obligatoire (hors part complémentaire) », appelé auparavant « tiers payant social ». Outre la distinction entre ces deux cas de figure, le médecin aura également la possibilité, grâce à un « logiciel de facturation à jour » de sélectionner différentes modalités de paiement, soit un « paiement coordonné par l’Assurance maladie » soit en « relation directe avec l’organisme complémentaire ». N’hésitez pas à faire payer vos patients en ALD ! Si on le voit, en dépit des efforts de l’Assurance maladie pour affirmer la simplicité du dispositif, le système est prometteur de quelques complications, les bénéfices réels pour les patients apparaissent à nuancer. Comment en effet comprendre qu’une mesure présentée comme une avancée sociale majeure propose de distinguer chez les patients les plus précaires entre ceux qui ont souscrit certains types de mutuelle et ceux qui en ont préféré d’autres ? A cet égard, on retiendra la petite remarque de l’Assurance maladie qui en « nota bene » rappelle aux médecins : « Il n'existe aucune disposition conventionnelle qui prévoit le tiers payant pour des consultations dispensées aux patients en affection de longue durée (ALD) et pris en charge à 100 %. Vous pouvez facturer et percevoir vos honoraires auprès de vos patients en ALD s'ils ne sont pas, par ailleurs, dans une situation ouvrant droit au tiers payant (ex. : CMU complémentaire) ». Avec cette observation, l’Assurance maladie se positionne bien moins dans une politique de soutien aux malades que dans une logique administrative (absurde ?). Position délicate Nous l’avions déjà remarqué, face à l’application du tiers payant aux bénéficiaires de l’ACS, la position des syndicats est délicate. Ils ne peuvent prendre le risque de s’opposer frontalement à une mesure devant bénéficier aux patients les plus désargentés, mais cette première étape représente également l’occasion de marquer l’ampleur de leur désapprobation. Par ailleurs, si la force de leur blocage représentera sans doute un signal fort pour le gouvernement, en « jouant le jeu » et en appliquant la mesure, les praticiens pourront également apporter les preuves des difficultés du système. Dans cette perspective, les spécificités du tiers payant pour les bénéficiaires de l’ACS offrent aux médecins, avant même l’application du dispositif, l’opportunité de s’ériger contre un système complexe. Ainsi, MG France et la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) ont-ils vivement critiqué l’organisation prévue. Cependant, si la CSMF a appelé au boycott du tiers payant intégral pour les titulaires de l’ACS, MG France n’a pas pris de pareilles positions. Changement de contrat « Le dispositif du tiers payant généralisé pour les patients bénéficiant d'une aide complémentaire santé (ACS) au 1er juillet 2015, est, en l’état actuel, inapplicable. Ce système s’annonce extrêmement complexe à mettre en place et difficile à gérer pour les médecins qui devront vérifier les droits des patients, et leur mise à jour, vis-à-vis de l’assurance obligatoire, mais aussi de l’assurance complémentaire. Ils devront également s’assurer que l’assurance complémentaire fait partie des complémentaires agréées pour l’ACS. (…) La CSMF refuse cette dérive bureaucratique du métier de médecin qui se fait toujours au détriment du temps consacré aux soins et à l’écoute du patient. La CSMF est totalement opposée à l’instauration dès le 1er juillet du tiers payant généralisé pour l’ACS, et demande aux médecins d’appliquer le tiers payant seulement sur la part obligatoire et uniquement quand il est justifié socialement », peut-on lire dans un communiqué de la CSMF. Le président de l’organisation ajoute que le changement de complémentaire sera forcément long pour les patients, d’autant plus qu’ignorant la loi de nombreuses mutuelles continuent à affirmer qu’une résiliation du contrat n’est pas permise avant la fin de l’année. Aurélie Haroche Copyright © http://www.jim.fr