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Devoir de Philosophie 1ère
Introduction
L’objectif du travail qui vous est demandé est de découvrir certaines des principales critiques qui
ont été faites à la notion de sujet telle qu’elle avait développée, à partir de Descartes, dans la
philosophie moderne. On étudiera ici, plus particulièrement, les critiques qui ont faites à l’idée que
l’homme serait un être pleinement conscient et maître de lui-même.
1. Rappelez en quoi consiste le problème du sujet.
2. Rappelez la définition philosophique de la notion de sujet.
3. Rappelez également les enjeux d’un tel problème.
I. Critique du sujet conçu comme présomption (Überheblichkeit)
humaine.
Analyse d’un texte de Freud extrait des Vorlesungungen zur Einführung in der Psychoanalyse (1916).
Dans le cours des siècles, la science a infligé à l'égoïsme naïf de l'humanité deux graves démentis. La première fois, ce
fut lorsqu'elle a montré que la Terre, loin d'être le centre de l'univers, ne forme qu'une parcelle insignifiante du système
cosmique dont nous pouvons à peine nous représenter la grandeur. Cette première monstration se rattache pour nous au
nom de Copernic1, bien que la science alexandrine2 ait déjà annoncé quelque chose de semblable.
Le second démenti fut infligé à l'humanité par la recherche biologique, lorsqu'elle réduisit à rien les prétentions de
l'homme à une place privilégiée dans l'ordre de la création, en établissant sa dépendance du règne animal et en montrant
l'indestructibilité de sa nature animale. Cette dernière révolution s'est accomplie de nos jours, à la suite des travaux de Ch.
Darwin3, de Wallace4 et de leurs prédécesseurs, travaux qui ont provoqué la résistance la plus acharnée des contemporains.
Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose
de montrer au moi qu'il n'est seulement pas maître dans sa propre maison, qu'il en est réduit à se contenter de
renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique.
Les psychanalystes ne sont ni les premiers ni les seuls qui aient lancé cet appel à la modestie et au recueillement, mais
c'est à eux que semble échoir la mission d'étendre cette manière de voir avec le plus d'ardeur et de produire à son appui des
matériaux empruntés à l'expérience et accessibles à tous. D'où la levée de boucliers contre notre science, l'oubli de toutes
les règles de politesse académique, le déchaînement d'une opposition qui secoue toutes les entraves d'une logique
impartiale. Freud, Introduction à la psychanalyse (1916)
Zwei groe Kränkungen ihrer naiven Eigenliebe hat die Menschheit im Laufe der Zeiten von der Wissenschaft
erdulden müssen.
Die erste, als sie erfuhr, da unsere Erde nicht der Mittelpunkt des Weltalls ist, sondern ein winziges Teilchen
eines in seiner Gröe kaum vorstellbaren Weltsystems. Sie knüpft sich für uns an den Namen Kopernikus1, obwohl schon
die alexandrinische Wissenschaft2 ähnlich verkündet hatte.
Die zweite dann, als die biologische Forschung das angebliche Schöpfungsvorrecht des Menschen zunichte
machte, ihn auf die Abstammung aus dem Tierreich und die Unvertilgbarkeit seiner animalischen Natur verwies. Diese
Umwertung hat sich in unseren Tagen unter dem Einflu von Ch. Darwin3, Wallace4 und ihren Vorgängern nicht ohne das
heftigste Sträuben der Zeitgenossen vollzogen.
Die dritte und empfindlichste Kränkung aber soll die menschliche Gröen sucht durch die heutige psychologische
Forschung erfahren, welche dem Ich nachweisen will, dass es nicht einmal Herr ist im eigenen Hause, sondern auf
kärgliche Nachrichten angewiesen bleibt von dem, was unbewut in seinem Seelenleben vorgeht.
Auch diese Mahnung zur Einkehr haben wir Psychoanalytiker nicht zuerst und nicht als die einzigen vorgetragen,
aber es scheint uns beschieden, sie a eindringlichsten zu vertreten und durch Erfahrungsmaterial, das jedem einzelnen nahe
geht, zu erhärten. Daher die allgemeine Auflehnung gegen unsere Wissenschaft, die Versäumnis aller Rücksichten
akademischer Urbanität und die Entfesselung der Opposition von allen Zügeln unparteiischer Logik.
1. Copernic (1473-1543): astronome polonais qui opposa au géocentrisme des Grecs Aristote et Ptolémée une conception héliocentrique
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du mouvement des astres. Sa théorie fut à l'origine de la révolution scientifique du XVIIème siècle.
2. La science alexandrine: Alexandrie, en Egypte, fut pendant les trois derniers siècles avant notre ère, le foyer d'une brillante civilisation
intellectuelle et scientifique. Aristarque de Samos (220-143 av. J.-C.) énonça que la Terre tournait autour du Soleil.
3. Darwin (1809-1882): naturaliste anglais, auteur de De l'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle (1859). Il fut l'un des
principaux théoriciens de l'évolutionnisme, selon lequel les espèces dérivent les unes des autres par des transformations successives. Sa
théorie a achevé de ruiner le fixisme traditionnellement fendu par l'Eglise et, selon lequel toutes les espèces ont été créées séparément
et une fois pour toutes.
4. Wallace (1823-1913): voyageur et naturaliste anglais qui explora l'Australie et reconnut le rôle de la sélection naturelle dans l'évolution
des espèces. Il souligna l'influence du morcellement des terres émergées sur le développement des espèces.
1. Quelle est l’idée centrale du texte?
2. Quelles sont, selon Freud, les trois humiliations que la science a infligée la présomption
humaine ? Expliquez à chaque fois en quoi le présomption humaine est humiliée.
3. Que signifie que le Moi n’est pas « maître dans sa propre maison » ?
4. Pourquoi, selon Freud, la psychanalyse, comme les révolutions copernicienne et darwinienne,
a été mal acceptée ? Vous pouvez vous aidez ce qui a été dit dans le cours sur les causes de
l’erreur.
II. Critique de la primauté de la conscience
Introduction
1. Rappelez la critique de Spinoza du sujet.
A. L’homme, jouet du vouloir-vivre. L’illusion de l’amour selon
Schopenhauer
Analyse d’un extrait de Die Welt als Wille und Vorstellung, Kapitel 44, Metaphysik der
Geschlechtsliebe (1818)
Après ce qui vient d’être rappelé, on ne peut plus douter ni de la réalité, ni de l’importance de l’amour sexuel, et au lieu
de s’étonner qu’un philosophe fasse sien pour une fois ce thème constant de tous les poètes, on devrait s’étonner qu’une
chose qui joue toujours un rôle significatif dans la vie humaine n’ait pas jusqu’ici été digne d’être prise en considération par
les philosophes et reste devant eux comme un sujet encore inabordé. Celui qui s’en est le plus occupé est Platon dans le
Banquet et le Phèdre. Pourtant ce qu’il avance appartient au domaine du mythe, de la fable, du badinage, et de plus
concerne surtout la pédérastie grecque. Le peu que Rousseau dit sur notre thème dans Le Discours sur l’origine de
l’inégalité est faux ou insuffisant. [...] Du reste, ceux dont j’ai le moins à attendre l’approbation sont justement ceux-mêmes
qui sont dominés par cette passion, et qui donc tentent d’exprimer leur sentiment par les images les plus sublimes et les plus
éthérées; à ceux-là mes vues paraîtront trop physiques, trop matérielles, si métaphysiques et si transcendantes qu’elles
soient pourtant au fond. Qu’ils veuillent bien reconnaître d’abord que l’objet qui leur inspire aujourd’hui madrigaux et
sonnets, si elle était née dix-huit ans plus tôt, aurait mérité à peine un seul de leurs regards.
Car tout sentiment amoureux, quelles que soient les allures éthérées qu’il puisse se donner, a ses racines qu’un instinct
sexuel plus nettement déterminé, plus spécialisé, au sens strict du mot mieux individualisé. En ne perdant pas cela de vue,
considérons maintenant limportance du rôle que joue lamour sexuel avec tous ses degrés et ses nuances, non seulement
dans les spectacles et les romans, mais aussi dans le monde réel. Il s’y montre, avec l’amour de la vie, comme le plus fort,
le plus actif des ressorts, il accapare sans cesse la moitié des forces et des pensées de la partie la plus jeune de l’humanité, il
est le but dernier de presque toutes les aspirations humaines, il exerce une influence sensible sur les plus importantes
affaires, il interrompt à tout moment les occupations les plus sérieuses, met de la confusion au moins pour un temps dans
les têtes les plus éminentes, il ne craint pas avec son fatras de troubler les délibérations des ministres d’Etat ou les
recherches du savant, il s’entend même à glisser lettres d’amour ou mèches de cheveux dans les portefeuilles du ministre ou
dans les manuscrits du philosophe. Il ourdit non moins quotidiennement les querelles les plus sombres et les plus
détestables, interrompt les relations les plus précieuses, brise les liens les plus solides, prend à ses victimes tantôt la vie et la
santé, tantôt la richesse, le rang social, le bonheur ; il fait d’un homme autrefois honnête un homme sans foi, de celui qui
était loyal un traître ; en toutes choses, enfin, il s’introduit comme un mon hostile, achar à tout pervertir, à tout
embrouiller, à tout renverser. Alors on ne pourra s’empêcher de s’écrier : pourquoi ce tumulte, pourquoi cette agitation,
cette rage, cette angoisse, cette détresse ? Il s’agit simplement que chacun trouve sa chacune : pourquoi une pareille
bagatelle devrait-elle jouer un rôle aussi important et amener un trouble et une confusion irrépressible dans une vie
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humaine bien réglée? Mais l’esprit de vérité dévoile peu à peu la réponse à l’observateur attentif : ce n’est pas d’une
bagatelle qu’il s’agit ici ; bien plutôt l’importance de la chose est parfaitement proportionnée au sérieux et à l’ardeur de
l’aspiration. Le but final de toute intrigue amoureuse, qu’elle se joue en brodequins ou en cothurnes, est réellement plus
important que tout autre but dans une vie humaine, et mérite le profond sérieux avec lequel chacun le poursuit. En effet, ce
qui se décide avec elle nest rien moins que la composition de la prochaine génération.
L’ensemble des intrigues amoureuses de la génération présente, considérées comme un tout, est donc pour l’espèce
humaine une grave préméditation de la composition de la génération future dont dépendent à leur tour d’innombrables
générations. Il ne s’agit plus comme ailleurs du bien et du mal individuels, mais de l’existence et de la constitution
particulière de l’espèce humaine dans un temps à venir ; la volonté d’un individu unique, portée à une plus haute puissance,
se présente comme volonté de lespèce.
Ce qui se fait connaître dans une conscience individuelle comme instinct sexuel en général, sans être dirigé vers un
individu déterminé de l’autre sexe, est en soi-même, en dehors du phénomène, la volonté de vivre purement et simplement.
Mais ce qui apparaît à la conscience individuelle comme un instinct sexuel dirigé vers un individu déterminé est en soi-
même la volonté de vivre en tant qu’elle est celle d’un individu précisément déterminé. [...] La procréation d’un enfant
déterminé, tel est le vrai but, bien qu’ignoré des intéressés, de la totalité des romans d’amour ; la façon et les moyens de
l’atteindre est une affaire accessoire. Les âmes élevées et sensibles, surtout les âmes amoureuses, pourront bien jeter de
hauts cris devant le réalisme de mes vues; pourtant ce sont elles qui sont dans l’erreur.
1. Comment, selon Schopenhauer, les philosophes ont-ils jusqu’à lui considéré le thème de
l’amour ?
2. En réalité, quelle importance a l’amour dans la vie humaine ?
3. Quel est le but véritable de l’amour ?
4. Expliquez en quoi ce qui, dans l’amour, apparaît à notre conscience est illusoire.
B. La critique nietzschéenne de la primauté de la conscience
Quiconque s'est fait du corps une représentation tant soit peu exacte - des nombreux systèmes* qui y collaborent, de tout
ce qui s'y fait en solidarité ou en hostilité réciproque, de l'extrême subtilité des compromis qui s'y établissent, etc. - jugera
que toute espèce de conscience est pauvre en comparaison. [...] Ce dont nous avons conscience, que c'est peu de chose ! A
combien d'erreur et de confusion ce peu de conscient nous mène.
C'est que la conscience n'est qu'un instrument; et en égard à toutes les grandes choses qui s'opèrent dans l'inconscient,
elle n'est, parmi les instruments, ni le plus nécessaire ni le plus admirable, - au contraire, il n'y a peut-être pas d'organe aussi
mal développé, aucun qui travaille si mal de toutes les façons; c'est en effet le dernier venu parmi les organes, un organe
encore enfant - pardonnons-lui ses enfantillages.
(Parmi ceux-ci, à côté de beaucoup d'autres, la morale, qui est la somme des jugements de valeurs antérieurs, relatifs aux
actions et aux pensées humaines.)
Il nous faut donc renverser la hiérarchie: tout le "conscient" est d'importance secondaire; du fait qu'il nous est plus
proche, plus intime, ce n'est pas une raison, du moins pas une raison morale, pour l'estimer plus haut. Confondre la
proximité avec l'importance, c'est là justement notre vieux préjugé.
Nietzsche, La volonté de puissance
*Systèmes: un système est un ensemble structuré dont les éléments forment un tout organisé. Ici, chaque fonction du corps représente un
système.
1. Quelle place doit-on accorder à la conscience ?
2. D’où vient l’illusion que la conscience est première ?
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