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RETARD DE CROISSANCE STATURAL
Orientation diagnostique
Dr Odile RICHARD
Service de Pédiatrie - CHU de Saint-Etienne
I. Paramètres de développement staturopondéral
II. Comment mener l'enquête devant un retard de croissance ?
III. Les grandes étiologies
IV. Eléments d'orientation vers une consultation et un traitement
spécialisés
Objectifs
Analyser les paramètres de développement staturo-pondéral
Eléments du diagnostic d'un retard statural
Etiologies des retards de croissance
Eléments d'orientation vers une consultation et un traitement spécialisés.
INTRODUCTION
Par définition, on parle de retard statural lorsque la taille est inférieure à moins 2 écarts-types par
rapport à la moyenne en référence aux courbes de Sempé et Pédron pour la population française. Une autre
définition peut être donnée en fonction d’autres courbes exprimées en percentile dans les nouveaux carnets de
santé.On parle alors de retard staturo pondéral si la taille ou le poids sont inferieurs au 3°percentile . Les valeurs
normales étant comprises entre +/-2DS ou entre le 3° et le 97° percentile
Une cassure de la courbe de taille est aussi pathologique même si la croissance reste sur un canal
supérieure aux moins 2 écarts-types. Ou au 3° percentile
Il suffit donc de disposer de mesures précises et répétées dans le temps de la taille et de courbes de
croissance pour reconnaître un retard de croissance ; d'où l'intérêt de mesurer régulièrement les enfants car la
croissance est un phénomène dynamique et de noter chaque mesure sur le carnet de santé.
I. LES PARAMETRES DE DEVELOPPEMENT STATURO-PONDERAL
La croissance est le processus permettant à l'enfant d'obtenir une taille adulte normale
- pour l'homme : 175 cm (163 à 187 cm)
- pour la femme : 164 cm (153 à 175 cm)
On note une avance séculaire de la taille de + 0,5 DS + 3 cm
Différents facteurs de croissance interviennent de façon intriquée :
1/ génétique
notion de taille cible, elle ne donne qu'un ordre de grandeur de la taille finale pour laquelle l'enfant est
génétiquement programmé . Elle n'est pas valable si la taille des parents est très différente.
Taille père + taille mère cm
2
+ 6,5 cm chez le garçon
- 6,5 cm chez la fille
2/ le poids et la taille de naissance
comparés aux courbes de référence (Usher et Mac Lean) de la croissance fœtale permettent de
rechercher un retard de croissance intra-utérin (poids et/ou taille < - 2 DS pour l'âge gestationnel). Toute
situation pathologique maternelle (maladie chronique, tabagisme, toxicomanie, état circulatoire et nutritionnel)
intervient sur la perfusion et le développement placentaire qui joue un rôle important dans la croissance fœtale.
3/ les facteurs nutritionnels
La sous nutrition ou la dénutrition sont rares dans notre pays. Par contre des maladies digestives
peuvent entraîner une malabsorption intestinale responsable d'une dénutrition retentissant sur la croissance.
4/ Les facteurs endocriniens
l'hormone de croissance (GH) : elle joue un rôle fondamental dans la croissance postnatale. Elle est
sécrétée par l'antéhypophyse de façon pulsatile avec des pics nocturnes.
Sa libération dans la circulation dépend de nombreux facteurs faisant intervenir deux neuropeptides la
GHRH (growth hormone releasing hormone) qui stimule la synthèse et la sécrétion de GH et la
somatostatine (SRIF : somatotropin releasing inhibiting factor) qui inhibe la libération de GH sans affecter
sa synthèse. La GH n'agit pas directement sur les cartilages de croissance mais elle va se fixer sur un
récepteur membranaire essentiellement au niveau du foie. Ceci va entraîner une transduction du signal et la
synthèse de peptides appelés somatomédines ou IGF (insulin like growth factor) qui vont elles mêmes agir
sur les cartilages de croissance. Ce sont surtout IGF1 et IGFBP3 qui jouent un rôle fondamental dans la
stimulation des cartilages de croissance.
Les hormones thyroïdiennes : la maturation du squelette est directement sous le contrôle des hormones
thyroïdiennes qui stimulent l'apparition des points d'ossification, activent l'ossification sous périostée, la
croissance en largeur et en longueur, la soudure des cartilages de conjugaison.
Les hormones sexuelles : rôle essentiel dans la croissance pubertaire en synergie d'action avec la GH. A
faibles "doses", les oestrogènes chez la fille, la testostérone et les androgènes chez le garçon stimulent la
croissance, à forte "doses" à la fin de la puberté, ils inhibent la croissance accélérant la maturation osseuse.
Taille cible =
Les glucocorticoïdes : ont globalement un rôle freinateur sur la croissance.
L'environnement psychique : l'effet inhibiteur sur la croissance d'une carence affective est connu en
pathologie. On parle de nanisme psychoaffectif. Cette carence engendre des signaux biologiques inhibiteurs
sur la sécrétion de GH.
CF annexe sur les étapes de la croissance
II. COMMENT MENER L'ENQUETE DEVANT UN RETARD DE CROISSANCE ?
Il faut rester très clinique et méthodique
Interrogatoire
Taille familiale
Poids et taille de naissance
Pathologie chronique
Enquête
auxologique
Courbe de croissance
Age osseux
Signes dysmorphiques
Stade pubertaire
Signes de maladie chronique
Développement psychomoteur
Examen clinique
1/ L'interrogatoire recherchera
La taille des parents : afin d'apprécier la part des facteurs génétiques dans le retard de croissance, on se
renseignera aussi sur l'âge pubertaire;
Les circonstances néonatales : poids et taille de naissance, souffrance néonatale, présentation de l'enfant à
la naissance, hypoglycémie néonatale
Un grand nombre de maladies chroniques peut retentir sur la croissance : il est donc important de
rechercher en particulier des antécédents ou des symptômes évocateurs de maladies chroniques rénales,
digestives, cardiaques, respiratoires ou métaboliques.
2/ L'enquête auxologique
Notion de taille cible : une taille discordante avec une taille cible incite à faire des examens
complémentaires
Après avoir mesuré l'enfant correctement : couché jusqu'à 2-3 ans, puis debout, 3 mesures successives
talons joints, genoux tendus, abdomen rentré et tête droite, après l'avoir pesé, il faut construire à l'aide du
carnet de santé la courbe staturo-pondérale. Elle permet d'estimer le début du retard de croissance et de
calculer la vitesse de croissanceexprimée en cm/an, que l'on pourra comparer à des courbes de référence.
Ceci nécessite deux mensurations précises de la taille espacées d'au moins 6 mois.
Vitesses de croissance normales
1ère année : 25 cm/an
2e année : 12 cm/an
ensuite : 5 à 6 cm/ an
à la puberté : 25 à 27cm chez le garçon
20 à 25 cm chez la fille
Attention à une vitesse de croissance < 4 cm par an en dehors de la phase de fin de croissance.
La courbe de poids doit être étudiée parallèlement à la courbe de croissance car certaines causes de
retard de croissance entraînent une stagnation pondérale précoce (causes digestives par exemple), d'autres au
contraire s'accompagnent d'une prise de poids normale voire excessive (hypothyroïdie, hypercorticisme,
syndrome de Willi Prader).
Etude de l'âge osseux : elle est évaluée par une radiographie du poignet et de la main gauche de face. La
comparaison de cette radiographie à un atlas de référence (Greulich et Pyle ou Sempé) donne une valeur
approximative de cet âge osseux. Ceci renseigne sur la maturation de l'organisme et le capital de croissance.
Après l’âge de 14 ans, on apprécie cette maturation sur le niveau d’ossification de l’os iliaque (indice de
Risser).Une différence de +/- 2 ans entre l’âge osseux et chronologique impose une enquête étiologique.
3/ L'examen clinique
s'attachera à déceler des indices orientant vers l'une des nombreuses étiologies possibles.
La recherche de signes dysmorphiques : des anomalies de la ligne médiane (fente palatine, palais ogival,
colobome irien ou palpébral, anomalie du nombre, de l'implantation ou de l'émail dentaire, micropénis)
peuvent orienter vers un déficit en hormone de croissance. Chez la fille on recherchera des signes évocateurs
d'un TURNER.
Le stade pubertaire sera apprécié par le volume testiculaire chez le garçon et le développement mammaire
chez la fille ainsi que la pilosité pubienne et axillaire. Ceci est indispensable pour interpréter un retard de
croissance chez un pré ou un adolescent.
L'examen recherche des signes en faveur d'une pathologique chronique rénale (polyurie, polydypsie)
digestive (diarrhée chronique), cardiaque (souffle), respiratoire (bronchites à répétition), nutritionnelle
(enquête alimentaire) ou neurologique (céphalée, étude du champ visuel). Il faudra aussi apprécier le
développement psychomoteur, intellectuel de l'enfant et le contexte familial dans lequel il vit.
La recherche d'anomalies squelettiques : en recherchant des déformations osseuses ou un retard de taille
non harmonieux (en comparant la taille et l'envergure sensiblement égales chez l'enfant normal).
A l'issue de cette enquête rigoureuse, on pourra
confirmer ou non qu'il y a bien un retard statural
et avoir une éventuelle orientation étiologique
II. LES GRANDES ETIOLOGIES
Retard de croissance constitutionnels
Aberrations chromosomiques (trisomie 21, Turner)
Chondrodysplasies
Retard de croissance intra utérin
Petite taille essentielle
Retards de croissance secondaires à une maladie
chronique
Cardiaque ou pulmonaire
Rénale (insuffisance rénale, tubulopathie)
Digestive (intolérance au gluten)
Métabolique
Pathologies endocriniennes
Insuffisance en hormone de croissance
Hypothyroïdie
Hypercorticisme
Autres causes
Croissance et puberté différée
Nanisme psychosocial
1/ Retards de croissance constitutionnels
Ils dépendent essentiellement de facteurs génétiques ou sont secondaires à une affection anténatale. Ils
ont en commun une courbe de croissance habituellement assez régulière évoluant en dessous de la courbe - 2 DS
et une maturation osseuse normale ou peu retardée (âge osseux et âge chronologique sensiblement égaux).
La plupart des maladies chromosomiques peuvent comporter un retard statural associé à un ensemble
malformatif conduisant au caryotype (exemple trisomie 21). Chez la fille, le syndrome de Turner doit être
rigoureusement cherché car non rare (1 fille sur 2500) et pouvant s'accompagner de dysmorphies discrètes
(cou un peu court, cubitus valgus, ongles en tuiles romaines, thorax en bouclier, écartement
mammelonnaire). Le retard de taille dans le Turner s'aggrave avec le temps et le retard pubertaire n'est pas
constant. Au moindre doute, il ne faut pas hésiter à demander un caryotype d'autant que ce diagnostic a une
incidence thérapeutique. Cf fiche détaillée sur le TURNER
Les chondrodysplasies regroupent un ensemble de maladies osseuses constitutionnelles parfois héréditaires
liées à des troubles du développement des os longs ou des vertèbres. Ce diagnostic peut être suspecté devant
un nanisme dysharmonieux associé à des déformations osseuses variables à inventorier par des
radiographies du squelette. Certaines chondrodysplasies se reconnaissent facilement comme les
achondroplasies ou les muccopolysaccharidoses, d'autres sont plus difficiles à identifier, un bilan
radiologique des parents est parfois nécessaire.
Le retard de croissance intra-utérin sera facilement reconnu sur le terme, le poids et la taille de naissance.
Un rattrapage statural post natal avant 2 ans est fréquemment observé mais dans 10% des cas, il ne se fait
pas et les enfants gardent à 4 ans une taille < - 2 DS avec une taille finale inférieure de 10 cm à la taille cible
chez le garçon et 8 cm chez la fille. De plus ces enfants ont un risque de puberté un peu avancée. Il faut
donc surveiller ces enfants, ce d'autant qu'en l'absence de rattrapage à 4 ans, on peut leur proposer un
traitement par hormone de croissance. Ce retard de croissance peut être isolé ou entrer dans un cadre
syndromique avec des dysmorphies et un retard mental.
Les petites tailles essentielles ou constitutionnelles représentent la cause la plus fréquente des retards de
croissance constitutionnelle. Le retard de croissance est harmonieux, les parents sont de petite taille en
général, la vitesse de croissance est diminuée mais reste supérieure à 4 cm/an et l'enquête étiologique est
négative par ailleurs. La petite taille s’est constituée progressivement dès la petite enfance ( entre la
naissance et l’âge de 3-4 ans) puis la vitesse de croissance s’est stabilisée sur un couloir de croissance sans
autre inflexion. L’âge osseux est conforme à l’âge chronologique et le pronostic statural est mauvais . Il n’ y
pas de traitement retenu pour l’instant dans ce cas là.
2/ Retards de croissance secondaires à une pathologie chronique
La courbe de croissance peut objectiver une cassure correspondant au début de la maladie chronique. La
maturation osseuse est retardée, l'âge osseux est inférieur à l'âge chronologique.
Toutes les causes d'hypoxie chronique peuvent retentir sur la croissance, qu'elle soit liée à une pathologie
respiratoire, cardiaque, une anémie chronique. Ces maladies sont déjà connues et il est facile de rattacher le
retard statural à cette cause.
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