La croissance Physiologie endocrinienne (2) Croissance staturo-pondérale croissance potentiel génétique état de santé de l’enfant conditions de vie Iris Schuster Antonia Pérez-Martin croissances staturale et pondérale sont imbriquées Département de Physiologie Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes Auxologie science métrique de la croissance Service d’Exploration et Médecine Vasculaire - Pr M. Dauzat CHU de Nîmes Université Montpellier I FACULTÉ M ÉDECINE mai 2011 de Montpellier - Nîmes Déterminants hormonaux Hormone de croissance (growth hormone – GH) Déterminants place centrale + + +: stimule croissance et développement post-natal Hormonaux Génétiques - - hérédité : taille cible - anomalies génétiques GH H thyroïdiennes H sexuelles glucocorticoïdes insuline Environnementaux - spécificité d’espèce et antigénicité sécrétée par cellules somatotropes de l’antéhypophyse dosage : radio-immunologique sujet normal, à jeun, repos: 1 à 5 ng/ml nutrition facteurs psychologiques pathologies associées RCIU Action sur tissus cibles : 1. Croissance osseuse SRIH ou SMS hormone polypeptidique de 191 aa, gène en 17q22-24 > 6 protéines porteuses connues IGFBP-3 agit comme un réservoir Cartilage de conjugaison: hyperplasie des chondroblastes vascularisation, activité ostéoblastes allongement os diaphysaire GH: stimule la maturation ±, stimule la prolifération +++ Périoste: croissance en épaisseur os longs - plats Interaction GH - IGF au niveau du cartilage de croissance GH favorise différenciation préchondrocytes, leur permettant d’exprimer R à l’IGF et de produire eux-mêmes de l’IGF (action paracrine) protéines de liaison - binding proteins Action via les somatomédines ou IGF: insuline-like-growth-factors IGF1 = médiateur essentiel de la GH sur la croissance peptide de 7 kD, analogue proinsuline, sécrétion stable, ½ vie longue, liaison protéine porteuse IGF-1 stimule croissance des cartilages de conjugaison en favorisant prolifération des chondrocytes 1 Mise en évidence expérimentale 2. Effets métaboliques Hypophysectomie totale Glucides: hyperglycémiant sujet jeune : « nanisme harmonieux » sujet âgé : troubles métaboliques effet rapide : hypoglycémiant = cataglykine effet prolongé : hyperglycémiant =somantine Protides: anabolisant: hypertrophie et hyperplasie de tous les organes sujet jeune : « gigantisme » sujet adulte : « acromégalie » troubles métaboliques (diabète sucré) Lipides: lipolytique effet rapide : lipogénique effet prolongé : lipolytique Modalités de la sécrétion de GH Contrôle de la sécrétion de GH Somatocrinine ou somatolibérine Somatostatine (somatotropin releasing inhibiting hormone [SRIH]) GH releasing hormone [GH-RH] Injections répétées de GH Sécrétion pulsatile 4/5 de la sécrétion nocturne (3 à 5 pics enfant, 1 à 2 adulte) Sécrétion maximale : - en période post-natale - et au cours de la puberté - puis diminue ensuite avec l’âge NGC : neurones adrénergiques, dopaminergiques et sérotoninergiques Déterminants hormonaux Facteurs favorisant sécrétion de GH Hormones thyroïdiennes indispensables pour la croissance - hypoglycémie - AGL - arginine maturation osseuse harmonieuse et parallèle à la croissance - catécholamines - cortisol - stress (anesthésie, fièvre, chirurgie) - sommeil profond - exercice physique 2 Déterminants hormonaux Hormones thyroïdiennes Déterminants hormonaux Hormones thyroïdiennes fœtus: différenciation et maturation masse osseuse, pas d’effet sur croissance période post-natale: indispensable à la croissance somatique Action en synergique avec la GH au niveau de l’os GH hypothyroïdie congénitale non traitée chez un garçon de 17 ans HT: notamment T3 chondrogénèse croissance cartilage Carence : nanisme dysharmonieux maturation cartilage ossification nanisme dysharmonieux et retard intellectuel sécrétion de GHRH et GH production hépatique et chondrocytaire d’IGF potentialise effet d’IGF stimule autres facteurs de croissance: - erythropoiétine -EGF (epidermal growth factor) - NGF (nerve growth factor) dépistage systématique depuis 1978 développement système nerveux (ramifications dentritiques et myélinisation) nanisme dysharmonieux nanisme dysharmonieux ne respecte pas les proportions des différents segments du corps ne respecte pas les proportions des différents segments du corps achondroplasie hypothyroïdie de l'enfant achondroplasie hypothyroïdie de l'enfant trisomie 21 syndrome de Turner mucopolysaccharidoses … trisomie 21 syndrome de Turner mucopolysaccharidoses … jumeaux jumeaux nanisme harmonieux insuffisance antéhypophysaire déficit en GH carence nutritionnelle RCIU non rattrapé petite taille constitutionnelle l’aînée est à gauche! Déterminants hormonaux Hormones sexuelles accélération - croissance - maturation osseuse + + stéroïdes stimulent sécrétion de GH + action directe sur le cartilage de croissance fin de puberté : soudure des cartilages de conjugaison retard pubertaire le plus souvent associé à un retard statural 3 Déterminants génétiques Hérédité, héritabilité influence + + + sur la croissance staturale amplitude des variations de la taille adulte entre – 2 et + 2 écarts-types ≈ 25 cm dans population standard ≈ 16 cm au sein des fratries ≈ 1,6 cm pour les jumeaux homozygotes naissance pré-pubaire père et mère contribuent de manière égale ossification complète Déterminants génétiques Déterminants génétiques Anomalies chromosomiques taille cible parentale et prédiction de taille finale Influence de certaines anomalies implique la présence de déterminants génétiques de la croissance taille cible (formule de Tanner) Gènes de la croissance staturale taille cible (garçon) = (taille de la mère + taille du père + 13)/2 taille cible (fille) = (taille de la mère + taille du père – 13)/2 Accroissement séculaire de la taille depuis quelques décennies accélération de la croissance précis à +/- 8 cm Déterminants nutritionnels actuellement enfants plus grands dans les deux sexes : allongement relatif des jambes) avec plus de masse grasse (la masse maigre a peu changé) essentiels malnutrition (carence d’apport ou d’une malabsorption) retard de croissance excès de poids accélération de la croissance avance globale de maturation part de la croissance dans la dépense calorique relativement faible et représente 12 % entre 6 et 12 ans 4 Pathologies aiguës et chroniques Retard de croissance intra-utérin (RCIU) croissance intra-utérine maladies aiguës ralentissent temporairement la croissance et sont ensuite habituellement suivies facteurs génétiques et placentaires + + + d’une phase de croissance rapide de rattrapage facteurs environnementaux (nutrition maternelle, alcoolisme, etc) maladies chroniques entraînent souvent un retard statural. Certaines (maladie coeliaque, mucoviscidose, maladies inflammatoires, etc.) peuvent même être révélées par un retard staturo-pondéral RCIU influence la croissance postnatale 10 à 20 % des enfants nés avec un RCIU gardent un retard statural notable à l’âge adulte Facteurs psychologiques et socio-économiques Environnement naturel taille en haute altitude significativement plus petite qu’en bord de la mer mais niveau socio-économique plus faible et alimentation généralement plus pauvre Environnement affectif + + + nanisme psychosocial taux d’IGF-1 effondré, alors que la sécrétion de GH est normale saisons rythment la croissance un peu plus rapide au printemps et en été qu’en automne et en hiver Niveau socio-économique défavorisé à âge chronologique égal, enfants plus petits et une puberté plus tardive Évaluation de la croissance staturale position debout > 2 ans position allongée < 2 ans 5 Évaluation de la croissance staturale croissance normale si les paramètres auxologiques évoluent de manière parallèle aux courbes de références dans un même couloir - entre le 3° et le 97 ° percentile - entre + 2 et – 2 déviations standard courbes de croissance essentiel afin de surveiller l’évolution +2DS 97% englobe 95% de la population taille -2DS poids 3% un ralentissement statural et/ou un niveau statural inférieur à – 2 DS (ou inférieur de 1,5 à 2 DS à la taille cible parentale) poids et taille à la naissance apprécier la dynamique de croissance staturale et pondérale - croissance régulière - pas de changement de « couloir » (infléchissement/cassure) rechercher pathologie Apprécier la dynamique de croissance Déroulement de la croissance foetale nourrisson enfance 0 à 4 ans 4 à 12 ans croissance très rapide et en décélération 24 cm la 1ère année, 12 cm la 2ème année, 8 à 9 cm entre 2 et 3 ans, 7 cm entre 3 et 4 ans croissance régulière 5 à 6 cm par an nutrition + + H thyroïdiennes + + génétique + + + puberté GH/IGF-1 H thyroïdiennes Vitesse de croissance différence staturale en fonction des sexes faible : à 10 ans, la taille moyenne des garçons : 136 cm, filles : 135 cm Déroulement de la croissance Croissance pondérale Période pubertaire nouveau pic de croissance de 8 à 12 cm par an Environ 50% du poids adulte se prend durant la puberté tous les facteurs précédents + stéroïdes sexuels + + + fin de la croissance - quand disparition du cartilage de croissance - et soudure épiphysométaphysaire âge osseux : - 17 ans pour le garçon - 15 ans pour la fille * Chez le garçon pic de croissance pondérale synchrone du pic de croissance statural poids moyen en fin de puberté est 63 kg * Chez la fille pic de croissance pondérale postérieur au pic de croissance statural poids moyen en fin de puberté est de 53 kg 6 Croissance segmentaire Segments supérieur (SS) et inférieur (SI) Interactions entre facteurs nutritionnels, croissance staturale et pondérale et maturation osseuse Obésité croissance staturale accélérée avance de maturation globale et osseuse * A la naissance SS est presque le double de SI * Pendant la première année SS progresse un peu plus que SI * Jusqu'au début de la puberté SI progresse plus que SS * Pendant la puberté le gain de SS est plus important que SI puberté plus précoce, notamment chez les filles taille finale atteinte plus tôt Concordante avec la taille cible parentale Enfants de petite corpulence croissance staturale à un niveau inférieur à la taille cible génétique puberté souvent retardée retard de maturation osseuse pic de croissance pubertaire plus tard mais plus long taille finale proche de celle de leur taille cible génétique Variations de la corpulence Variations physiologiques de la corpulence IMC en fonction de l’âge - IMC au cours 1re année, puis jusqu’à 6 ans, puis à nouveau - remontée IMC vers 6 ans = rebond d’adiposité - risque d’obésité si : rebond d’adiposité précoce changement de couloir vers le haut Cas clinique 1 Eric grandit normalement jusqu’à l’âge de 2 ans. Cependant, son médecin, au cours des visites ultérieures, consigne sur son carnet de santé des tailles de plus en plus réduites. A 9 ans, il est au dessous de 2 déviations standard. Il est un peu renfermé sur lui-même, peu sociable, vite fatigable. Ses parents signalent de nombreux « coups de pompe » semblant correspondre à des hypoglycémies. Il présente un certain degré d’adiposité que son entourage décrit comme un aspect « potelé ». 1 – Commentez la courbe de croissance. infléchissement progressif de la courbe (et non cassure) changement de couloir (initialement vers M < 1 DS < 2DS) L’examen clinique ne retrouve pas d’anomalie. Le morphotype est harmonieux. 1 – Commentez la courbe de croissance. 2 – Vers quelle pathologie vous orientez-vous et pourquoi ? 3 - Quel bilan faut-il faire ? 4 – Quel traitement pourra-t-on proposer ? 7 2 – Vers quelle pathologie vous orientez-vous et pourquoi ? probable déficit en GH car : - retard de croissance harmonieux 3 - Quel bilan faut-il faire ? Bilan radiologique âge osseux: radiographie du poignet et de la main gauche - adiposité et fatigabilité (rôles métaboliques et trophique de la GH) - pas d’autre point d’appel en faveur d’une maladie chronique ou génétique IRM centrée sur la région hypothalamo-hypophysaire - l’âge de début: - H. thyroïdiennes et insuline in utéro - HT durant les premières années de vie - GH ensuite, en association avec les autres, en particulier HT - puis hormones sexuelles à la puberté 3 - Quel bilan faut-il faire ? 4 – Quel traitement pourra-t-on proposer ? Bilan biologique exploration de l’axe somatotrope dosage taux basal: intérêt limité en raison du profil sécrétoire pulsatile tests de stimulation pharmacologique traitement substitutif par GH de synthèse (recombinante) après confirmation du diagnostic évaluer la réserve hypophysaire en GH déficit si pic de GH < à 10 ng/mL (20 muI/L) sur deux test distincts IGF-1 (et protéines porteuses) et jusqu’à obtention d’une taille définitive satisfaisante et/ou fin de la puberté. 6 à 7 injections SC / sem évaluer les autres fonctions hypophysaires thyréotrope, corticotrope, PRL et gonadotrope si l’enfant est en âge de puberté Cas clinique 2 Véronique T… grandit normalement jusqu’à l’âge de 4 ans. A cet âge on note un ralentissement de son évolution psycho-motrice. Véronique est souvent somnolente. Elle sourit, mais à l’air absente. Elle ne pleure jamais. Décrire les données de la courbe de croissance retard de croissance avec « cassure » de la courbe « traversée » de plusieurs couloirs entre 4 ans(M) et 7 ans (-3DS) A l’âge de 7 ans, ses parents finissent par s’inquiéter de cette détérioration progressive et observent un gonflement de la région cervicale antérieure basse D’où la consultation du médecin traitant qui : - note un goitre cervical volumineux - observe un morphotype dysharmonieux avec bras et jambes trop courts - la pèse, la mesure, et place ces données sur une abaque de croissance Quels examens biologiques demander ? Décrire les données de la courbe de croissance Quels examens biologiques demander ? 8 Le médecin a fait le bilan suivant : tests de stimulation de la GH : réponse modérément abaissée de GH, IGF-I dans la normale basse, ne permettant pas de conclure à un déficit franc en GH T3l T4l hypothyroïdie TSHus 700µU/ml (N=0,1 à 3,5) T4 libre 0,2 ng/dl (N = 0,9 à 2) Ac anti-thyroperoxydase et Ac anti-Tg : taux très élevé TSH TSH Périphérique Insuffisance thyroïdienne (thyroïdite…) Centrale Insuffisance hypophysaire hypothalamus TRH Rétrocontrôle négatif + - Thyreotropin Releasing Hormone Antéhypophyse TSH + Thyroïd Stimulating Hormone thyroïde Hypothyroidie auto-immune Hormones thyroïdiennes Après traitement le redressement de la courbe de croissance est spectaculaire, les résultats scolaires s’améliorent rapidement. Véronique fera sa puberté avec un léger retard et sa taille finale sera normale. Ces phénomènes de « rattrapage » de la croissance après correction de la maladie causale ont été appelés : « homéorhexie ». A rechercher à l’interrogatoire et à l’examen clinique: - hérédité: taille des parents, ATCD familiaux, maladie génétique - facteurs environnementaux: maladie chronique (malabsorption, pathologie rénale/cardiaque/hépatique) alimentation / contexte psycho-social traitements en cours - signes associés pouvant orienter vers pathologie hormonale: signes en faveur déficit en GH, d’hypothyroïdie, hypercorticisme, pan-hypopituitarisme… 9 10