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C. Croissance, environnement et biens communs.
Tout d’abord, on peut rappeler que l’accès aux biens reposent sur deux principes :
- L’excluabilité : la consommation d’un bien nécessite son achat.
- La rivalité : les consommateurs sont rivaux entre eux pour l’acquisition d’un bien.
A partir de là, on peu distinguer différents types de biens :
- Les biens privés (excluabilité et rivalité)
- Les biens collectifs « purs » (non-excluabilté (impossible d’écarter quiconque de sa consommation)
et non-rivalité (un bien peut être consommé simultanément par plusieurs individus sans que la quantité con-
sommée par l’un diminue les quantités disponibles pour les autres))
- Les biens collectifs « impurs » (exluabilité et non-rivalité ; par exemple, les autoroutes à péage)
- Les biens communs (non-excluabilité et rivalité)
Dans la réflexion sur les enjeux environnementaux, la question des biens communs occupe une place
de plus en plus importante sur la base, notamment, des travaux d’Elinor Ostrom (1934 – 2012), premier
femme ayant le prix « Nobel » d’économie en 2009.
Les biens communs sont des biens qui sont rivaux (leur utilisation par un agent empêche leur utili-
sation par un autre agent) et difficilement excluables. En d’autres termes, la caractéristique principale des
biens communs est que n’importe qui au sein d’un groupe de personnes peut utiliser et abandonner telle ou
telle ressource sans que celle-ci ne puisse faire l’objet d’une appropriation et d’un contrôle exclusif de part
d’un individu. Selon Daniel Compagnon, « Sont communs (commons) les biens sur lesquels aucune unité
sociale (individu, famille, entreprise) ne dispose de droits exclusifs, qu’il s’agisse des droits de propriété ou
de droits d’usage. C’est l’exemple des biens communaux (bois ou pâturages) de l’Europe médiévale qui ont
servi de référence historique à cette réflexion. » En effet, au moyen-âge, les terres médiévales étaient ou-
vertes aux récoltes de tous : n’importe qui pouvait aller ramasser du bois de chauffage, des champignons, les
paysans pouvaient laisser paître leurs montons… C’est au XIIIème siècle, en Angleterre, que le roi Jean et
les barons s’approprièrent de manière exclusive ces communs (politique d’enclosure). Aujourd’hui, les res-
sources halieutiques, les nappes d’eau souterraines, le climat, la biodiversité, etc. sont des biens communs.
Pendant longtemps, on a mis en avant la « tragédie des biens communs » – titre d’un article publié
en 1968 par le sociobiologiste Garett Hardin – à partir de l’exemple de pâturages librement utilisables.
Chaque bénéficiaire du « droit de vaine pâture » va chercher à maximiser son avantage individuel en aug-
mentant autant qu’il le peut la taille du troupeau qu’il conduit sur ces pâturages. Le résultat est bien évi-
demment la disparition de la ressource. Hardin conclut donc que le libre usage des communs conduit à la
ruine de tous.
On est confronté aujourd’hui à ce problème avec la surpêche qui conduit à ce que des espèces sont
menacées de disparition (thons rouges de Méditerranée). En réponse à cette tragédie des biens communs, on
met souvent l’accent sur la nécessité de définir des droits de propriété (donc de rendre la ressource excluable)
afin que les titulaires de ces droits aient intérêt à protéger la ressource.
Une autre solution consiste à faire appel à l’Etat qui use de son pouvoir règlementaire (création de
réserves et de parcs naturels par exemple, interdiction de la chasse ou de la cueillette, quotas de pêche, etc.).
Elinor Ostrom met l’accent sur une « troisième voie » : la gestion communautaire ou coopérative
des ressources communes. Ses études comparatives des nombreux exemples de tels modes de gestion mon-
trent l’importance des institutions et de la confiance pour créer les conditions de l’adoption de comporte-
ments coopératifs permettant de gérer ces ressources dans l’intérêt commun (y compris dans l’intérêt des
générations futures). Les chercheurs se rattachant à cette approche soulignent que les institutions mises en
place dans ce but doivent encourager les utilisateurs à suivre des règles satisfaisant 5 principes :
- Définir ceux qui sont autorisés à utiliser la ressource ;
- Préciser les liens entre les caractéristiques spécifiques de la ressource et la communauté des utilisa-
teurs. Par exemple, une association d’irrigation a des règles qui spécifient comment un fermier peut en de-
venir membre, quelles qualifications il doit avoir pour être éligible à une responsabilité en son sein et l’état
de la ressource justifiant une régulation (par exemple, situation de sécheresse) ;
- Etre élaborées (au moins en partie) par les utilisateurs eux-mêmes ;
- Etre mises en application par des individus responsables devant les utilisateurs ;
- Définir des sanctions graduées pour ceux qui ne les respecteraient pas.