Thème 3 – ECO : Economie du développement durable 3.1 La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ? LES GRANDES NOTIONS A CONNAITRE Environnement : Ensemble des actifs qui ne sont pas produits par l’activité humaine (règnes minéral, végétal, animal). Cette définition rejoint à peu de choses près la notion de « capital naturel ». Empreinte écologique : surface dont a besoin un individu pour produire ce qu’il consomme et s’occuper de ses déchets. La planète est capable de fournir pour chaque individu 1,5 hectare. Nous, Français, sommes aujourd’hui à 2,7. Au rythme actuel de l’activité mondiale, en 2030, notre empreinte écologique globale équivaudra à 2 planètes Terre. Développement durable : C’est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Il s’établit à trois niveaux : - économique : il faut de la croissance à tout prix pour avoir les moyens d’agir - social : préserver la cohésion entre les membres de la société pour coordonner les actions, assurer l’éducation ; réduction des inégalités - environnemental : préserver les « services gratuits » de l’environnement et préserver climat et biodiversité Soutenabilité faible : idée selon laquelle on peut arriver à une croissance soutenable et respectueuse en transmettant un stock de capital équivalent aux générations futures. Tous les capitaux sont équivalents et substituables. Soutenabilité forte : idée selon laquelle le capital naturel est très peu substituable, et qu’il faut s’assurer de sa préservation, avant même de penser à la croissance. Bien commun : type de biens disponibles en quantité limitée dans l’environnement, non excluables (accessibles à tous) et dont la consommation est dite « rivale », car la consommation de ce bien par un agent peut en tout ou partie en priver un autre agent. A ne pas confondre avec les biens collectifs, dont la consommation est « non rivale ». Taxation : fait qu’un Etat impose une charge financière sur les agents économiques (ménages, entreprises), qui varie selon chaque cas, selon chaque activité (émission de déchets, de CO2, etc.). Marché des quotas d’émission : type de marché sur lequel se rencontrent des offreurs et demandeurs de quotas, ce qui aboutit à la formation d’un prix de la tonne de CO2. A. Limites de la croissance et émergence du concept de développement durable Prise de conscience tardive En 1972, la conférence de Stokholm (conférence de l’ONU sur l’environnement) affirme pour la première fois la responsabilité de l’homme envers son environnement. Même année : publication du rapport Meadows (The limits to growth) sur les limites de croissance qui fait grand tapage. Le Club de Rome y alerte sur la pénurie prévisible des ressources énergétiques et sur les conséquences du développement industriel sur l’environnement : -Les ressources de la Terre ne pourront pas nourrir indéfiniment la croissance de la population mondiale. -Les ressources non renouvelables (pétrole, gaz, minerais..) vont finir par manquer. (Ce qui remet d’actualité le débat ouvert par Robert Malthus au 19ème siècle : Dans un monde aux ressources finies et soumis à la loi des rendements décroissants, il ne faut pas laisser croître les populations sans contrôle car cela conduirait à l’appauvrissement de tous). La notion de développement durable Le rapport de Brundtland (publication sur l’environnement et le développement de l’ONU et rédigé par la commission mondiale) décrit les liens entre les questions environnementales et les enjeux économiques et sociaux. Il popularise la notion de « développement durable » en anglais « sustainable development » (le développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures a répondre à leurs propres besoins). En 1992, le sommet de la Terre à Rio (conférence de l’ONU sur l’environnement et le développement qui s’est tenue à Rio de Janeiro) conduit à l’adoption de l’Agenda 21 (plan d’action pour favoriser le développement durable) pour les 178 pays participants. Le développement durable devient un objectif des gouvernements et des institutions internationales. Les limites écologiques de la croissance mondiale La première limite à la croissance économique est celle qui touche à la destruction du capital naturel de la planète, c’est à dire l‘épuisement des ressources : - non renouvelables : énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon..), réserves mondiales de minerais (or, uranium, cuivre..). L’exploitation de ces ressources s’est considérablement intensifiée depuis une siècle, au point que les scientifiques envisagent l’épuisement définitif de certaines d’entre elles dans un futur proche (la « durée de vie » de ces ressources ne sera jamais totalement épuisée mais devrait atteindre un stade dès 2040 ou leur production ne pourra plus répondre à la demande mondiale et leur extraction sera trop coûteuse.) - renouvelables : ressources halieutiques (produits de la pêche), ressources forestière. Ex : un rapport de l’ONU indique que 30% des espèces marines sont victimes de la surpêche et me menacées à terme de disparition / la forêt amazonienne est emblématique de cette situation et plusieurs essences semblent en danger. Une autre limite écologique à la croissance économique est liée aux rejets polluants en particulier de dioxyde de carbone : Les rejets de CO2, méthane ou de protoxyde d’azote dans l’atmosphère ont connu une croissance exponentielle. Qui provoque un renforcement de l’effet de serre ce qui induit d’importants déséquilibres climatiques. (la température de la terre devrait s’élever à 5°C d’ici la fin du siècle prochain, entrainant une montée des océans de près d’1 mètre ce qui va engendrerait une multiplications des épisodes climatiques extrêmes (tsunamis, canicules, ouragans..) La dernière limite à la croissance économique est l’ensemble de catastrophes écologiques qui se manifestent par : - Une atteinte à la biodiversité car la perturbation des écosystèmes (industrie, surexploitation, réchauffement climatique) met en péril certaines espèces vivantes. Ex : l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICL) a constitué une liste rouge des espèces en danger. - Les accidents pétroliers, chimiques ou nucléaires se sont multipliés. Ex : Accidents nucléaires de Tchernobyl en 1986 ou de Fukushima en 2011 ont entraînés des milliers de décès (radiations, contamination de l’environnement pour des décennies) / marrées noires dues aux catastrophes pétrolières comme dans le Golfe du Mexique en 1980, où 600000 tonnes de pétrole brut se sont déversées dans l’océan (= « dégâts du progrès »). Synthèse La croissance s’accompagne de destructions irréversibles : épuisement des richesses naturelles (dégradation des sols et des ressources en eau, déforestation, surpêche,…), réduction de la biodiversité (67 000 espèces animales et végétales sont en voie de disparition), pollutions, réchauffement climatique,… Il est évident, à conditions techniques identiques, que si les peuples des pays en développement imitent le mode de vie des populations occidentales, la planète sera incapable de satisfaire tous les besoins humains. La dégradation du capital naturel entraine plusieurs conséquences sur les populations : hausse durable des prix des ressources naturelles, du fait de la réduction progressive de l’offre et de la forte augmentation de la demande de produits primaires, remise en cause du niveau de vie et de bien-être des populations (coût humain et économique de la pollution,…), augmentation des inégalités entre les pays et à l’intérieur des pays, diminution de la cohésion sociale. A l’initiative du Programme des Nations Unies pour l’environnement, la commission « Brundtland » a publié en 1987 un rapport intitulé « Notre avenir à tous », en faveur d’un développement durable ou soutenable défini comme « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Il repose sur trois principes : la solidarité entre les riches et les pauvres pour les générations actuelles (ce qui revient à éliminer la pauvreté dans le monde) ; la précaution (il faut étudier l’impact de toute action sur les équilibres économiques, sociaux et écologiques avant de le la mettre en œuvre) ; la participation : tous les acteurs de la société civile doivent être associés au processus de décision. Le développement durable ou soutenable intègre trois dimensions : économique (une croissance des richesses doit être possible par une « gestion optimale » des capitaux) ; sociale (cette richesse doit être équitablement partagée dans le monde et entre les générations) ; environnementale : les ressources et la planète doivent être préservées. B. La croissance peut-elle être soutenable ? Le bien-être et les stocks de capitaux. Les capitaux peuvent faire l’objet d’une accumulation. Combinés, ils participent à la production du bien-être (c.à.d une amélioration objective de la qualité de vie des populations) et à la croissance soutenable mais leur substituabilité est plus ou moins grande. Le bien-être des générations futures dépendra ainsi de la qualité des capitaux transmis. Capital humain : connaissances scientifiques, savoirs, savoir-faire et qualifications dont dispose une individu ou une population donnée. Capital social et institutionnel : règles (lois, normes sociales, coutumes..) et organisations (administrations publiques, sécurité sociale, banque, centrale..) qui assurent la régulation de la vie sociale. Capital naturel : toutes les ressources renouvelables et non renouvelables de la planète. Capital physique : ensemble des moyens de production installés (équipements industriels, outil de production). La soutenabilité de la croissance. Une croissance soutenable désigne une stratégie de développement économique compatible avec l’environnement, qui assure la conservation de la qualité et de la diversité de la nature. La notion de soutenabilité, héritée du développement durable (rapport Brundtland), désigne l’ensemble des éléments qui permettent d’assurer la satisfaction égale pour tous des besoins des générations actuelles, sans compromettre celle des générations futures. Le PIB et l’IDH ne calculent pas la soutenabilité de la croissance. Des indicateurs alternatifs sont crées : la mesure de l’empreinte écologique qui répond aux questions de la surface des sols nécessaires pour le bien-être. L’empreinte écologique de la France est ajd estimée à 5,6 hectares/hab tandis que la moyenne mondiale s’élève à 2,3 hectares/hab. Si l’on pense qu’il n’y a aucune substitution possible, alors les contraintes qui pèsent sur la soutenabilité de la croissance sont très fortes. Il faut donc penser à un régime de croissance économe. A l’inverse, si l’on pense que les capitaux sont largement substituables, les contraintes qui permettent d’assurer la soutenabilité sont faibles. Ex : grâce au progrès technique, on pourra remplacer le pétrole par une autre matière première abondante dans la nature, comme l’hydrogène. Soutenabilité faible ou forte ? 2 camps s’opposent : Des capitaux substituables ou bien un capital naturel irremplaçable ? Tenants de la thèse de la soutenabilité faible Tenants de la thèse de la soutenabilité forte - - John Hartwick et des économistes néoclassiques. Hypothèse : les quatre capitaux (physique, humain, naturel et social) sont substituables : il est possible de remplacer l’un par l’autre et de compenser l’épuisement de l’un par l’accumulation des autres. Cela mène à penser que c’est le volume total des quatre capitaux qui importe dans la transmission aux générations futures. (Du bois on est passé au charbon et du charbon au pétrole, ajd à l’uranium. Grâce au capital humain, les automobiles sont moins polluantes. La substituabilité s’opère aussi avec l’accumulation du capital institutionnel et social ; les lois et l’intervention du pouvoir public permettent de maintenir en état certaines renouvelables en limitant l’exploitation). Dans cette perspective, la croissance et l’accumulation du capital qui l’accompagne ne sont donc pas un problème pour l’environnement elle est aussi la solution. Elle doit permettre à l’humanité de développer la recherche et le capital technologique pour faire face au problème écologique. C’est une conception optimiste des problèmes écologiques. Herman Daly Hypothèse : le capital naturel est constitué d’éléments fondamentaux qui ne sauraient faire l’objet d’une substitution technologique. Il est irremplaçable. Les capitaux sont complémentaires et non substituables ainsi le capital naturel dont nous disposons ne doit pas être entamé. Dans cette autre perspective, la croissance, pour être soutenable, ne doit pas consommer des ressources renouvelables au-delà du seuil qui assure leur reproduction à l’identique dans le temps. C’est au système économique de s’adapter et aux comportements individuels et collectifs de changer afin de réduire notre empreinte écologique (recycler, favoriser les productions locales, isoler les bâtiments, etc). La Courbe de Kuznets illustre la thèse de la soutenabilité faible. Elle montre l’évolution des émissions polluantes au fil du développement d’un pays. Simon Kuznets (1901-1985) considère que le passage au stade industriel d’une économie s’accompagne d’une augmentation de ses rejets polluants, mais que par la suite, le progrès technique et le développement des activités tertiaires permettent de réduire ce degré de pollution. Synthèse Pour la plupart des économistes, le bien-être dépend de la combinaison de quatre formes de capital qui entrent en interaction les unes avec les autres : Le capital naturel représente l'ensemble des ressources que la nature met à notre disposition. Certaines de ces ressources ne sont pas renouvelables (énergies fossiles, minerais...), d'autres sont dites renouvelables, même s'il faut tenir compte de leur rythme de reconstitution et de l'intensité des prélèvements (réserves halieutiques, forêts, etc.). Le capital physique produit est constitué des biens de production durables et il s'accroît au rythme de la formation brute de capital fixe dont il faut déduire la proportion qui, chaque année, est usée ou devient obsolète. La notion de capital humain est issue des travaux de Gary Becker et recouvre l'ensemble des connaissances et des compétences accumulées par les hommes; il se transmet à travers l'enseignement et l'apprentissage. Enfin le capital social recouvre les relations entre les individus, dans la sphère professionnelle et privée, et qui conditionnent le degré de confiance et de coopération que les individus peuvent mobiliser. On lui adjoint souvent le capital « institutionnel » qui renvoie à la qualité des structures politiques et sociales. Avec le développement de l’analyse économique des problèmes environnementaux, se sont opposés deux courants de pensée: des optimistes notent que les problèmes environnementaux actuels sont moindres qu’avant et que ce qui est généralement décrit, que la rareté des ressources va s’inverser grâce aux ressources alternatives qui pourront économiquement se développer et que la croissance économique favorise la qualité de l’environnement au-delà d’un certain niveau de développement (courbe de Kuznets). On parle dans leur cas de « soutenabilité faible ». La Banque Mondiale a ainsi mis au point un instrument comptable (épargne nette ajustée) qui repose sur cette idée que les capitaux sont substituables. A l’inverse, les partisans de la soutenabilité forte partent du principe que le capital naturel détermine le bien-être de la population et devient un facteur limitant de la croissance. Les facteurs de production ne sont pas tous substituables mais relativement complémentaires et les innovations technologiques seules ne peuvent repousser les limites de la croissance économique. Cette approche va privilégier le principe de précaution, et nécessite donc le maintien dans le temps du stock de capital naturel car la croissance actuelle est insoutenable. C. Quels instruments pour les politiques climatiques ? Les fondements des politiques climatiques L’accumulation des gaz à effet de serre est la principale cause des déséquilibres climatiques en cours. On assiste au réchauffement climatique ; la température moyenne globale à la surface de la Terre s’est accrue d’environ 0,6°C au cours du 20ème siècle ce qui va bien audelà de la variabilité naturelle. Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC ou IPCC en anglais est crée en 1988) établissent la responsabilité humaine du dérèglement anormal du climat. Cela renvoie d’abord aux défaillances du marché. Les phénomènes de pollution ou de disparition des ressources naturelles sont analysés comme des externalités négatives au sein de la théorie économique. Les externalités sont les effets positifs ou négatifs que subit un agent économique du fait de l’action d’un autre agent, sans qu’il y ait compensation monétaire. Ex : Une firme qui produit des pesticides et pollue la rivière avoisinante avec ses rejets nuit aux riverains alors même que ces derniers ne sont pas dédommagés pour cette nuisance (externalité négative) / Un producteur de pommes s’installe à côté d’un apiculteur. Les abeilles viennent butiner les arbres en fleur du verger. L’apiculteur tire donc un bénéfice de ce voisinage mais de façon gratuite. (externalité positive). Ainsi le coût et les risques découlant du changement climatique sont supportés par l’ensemble de la planète et non par ceux qui bénéficient des activités génératrices de gaz à effet de serre. Les producteurs dans l’industrie, les automobilistes, les agriculteurs ne sont pas incités à réduire leur pollution. Au plan international, cela débouche sur le paradoxe d’Olson : les coûts de dépollution étant privé et les bénéfices (l’amélioration du climat) étant collectifs, aucun Etat n’a intérêt à se lancer seul dans une politique écologiquement vertueuse mais il a intérêt à voir tous les autres s’y engager. La logique du marché se heurte à une seconde défaillance : elle ne sait pas gérer correctement les biens communs. Les biens communs sont les biens dont la consommation est non exclusive (tout le monde peut librement les consommer) et rivale (ce que consomme les uns ampute d’autant la consommation des autres). Ex : Les thons rouges de la Méditerranée constituent un bien commun car le poisson pêché par un pêcheur ne peut l’être par un autre (rivalité) et ils ne font pas l’objet d’une exclusion par le prix. Types de biens : Bien/service exclusif Bien/service nonexclusif Bien/service non rival Bien/service rival Bien rival et exclusif Bien dont on peut empêcher la consommation à un individu qui refuse de payer. Bien pour lequel il n’est pas possible d’empêcher qqn qui n’a pas payé d’en profiter. Bien dont l’utilisation d’un individu ne prive pas les autres individus. Bine dont l’utilisation est coûteuse ou empêche la consommation d’autres individus. Bien privé Bien non-rival et exclusif Bien club Bien rival et non exclusif Bien commun Ni rival ni exclusif Bien public ou collectif Le mouvement d’enclosures date du 13ème siècle au cours duquel un droit d’usage voulait que, dans les forêts et sur les terres communales, les villageois soient autorisés à laisser paître leurs bêtes ou ramasser du bois. Ces droits n’avaient nuls besoin d’être inscrits dans des lois puisqu’ils s’agissait de bien communs (« commons » en anglais). Le mouvement d’enclosures des communs y met fin. Il oppose les pauvres des campagnes aux propriétaires terriens qui décident de privatiser et de clôturer ces espaces. L’écologie remet cette question ancienne à l’ordre du jour dans les années 1970 en attirant l’attention sur la réduction de ces biens qui sont les biens communs de la Terre : les océans, les forêts, l’air etc. Ces biens communs sont menacés par l’exploitation qui est faite ou par les externalités négatives des productions industrielles. C’est la « tragédie des biens communs ». Les outils à la disposition des pouvoirs publics La France, comme l’ensemble des pays de l’UE fait partie des signataires du protocole de Kyoto de 1997 qui prévoyait la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 8% par rapport à leur niveau de 1990. La question des instruments à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs devient alors centrale. On considère 3 outils pour y parvenir : La réglementation : Lois, décrets et règles productrices de normes juridiques. Les lois constituent un moyen en apparence simple et efficace pour contraindre les acteurs économiques à adopter de bonnes pratiques environnementales. Le rôle des pouvoirs publics consiste alors à établir des règles et à mettre en place des sanctions efficaces lorsqu’elles sont transgressées. Ex : l’Etat a contraint les industries automobiles à installer un pot catalytique sur les voitures. La réglementation est efficace car elle s’attaque directement aux causes de l’externalité négative mais elle connaît des limites : - Trop laxiste elle n’a aucune efficacité et trop sévère elle poussa à la fraude. - Elle engendre aussi des coûts considérables (d’installations, de surveillance, de vérification, de sanction etc) - Réglementation n’est pas toujours facile (cas des gaz à effet de serre) et mesure contraignante pour les agents économiques ce qui ne les incite pas à faire au mieux. La taxation : prélèvements effectués par les pouvoirs publics, qui ont pour effet d’élever le prix d’un bien ou d’un service. Dans l’Economie du bien-être (1920), Arthur Pigou propose que les pouvoirs publics fassent payer au pollueur une taxe équivalente au coût du dommage causé à autrui, de façon à obtenir le résultat auquel aurait conduit l’internalisation adéquate de tous les coûts par le pollueur. C’est le principe du « pollueur-payeur » appelé aussi « écotaxe ». Ex : taxe carbone ; les pouvoirs publics déterminent un prix de la tonne de CO2 puis on applique ce prix à toutes les productions et/ou consommations incorporant de fortes émissions de CO2. Les avantages de la taxation sont nombreux : les investisseurs sont libres de leurs arbitrages (payer la taxe ou investir pour moins polluer), elle peut être modulée selon les secteurs ou la concurrence, elle fournit des recettes fiscales supplémentaires et peut se substituer aux cotisations ou à certains impôts. Mais elle a aussi ses limites : - On ne connaît pas les effets à l’avance, ce qui est gênant dans une perspective de réduction maîtrisée des émissions polluantes. - Trop faible elle n’a aucun impact, trop forte elle peut plonger des secteurs dans la récession (du fait de l’accroissement des coûts de production qu’elle entraîne). - Certains y voient une mesure injuste qui pénalise les populations rurales ou les catégories populaires qui n’ont que leur automobile pour leurs trajets professionnels car ils résident loin des centresville. Le marché des quotas d’émission : marché sur lequel les entreprises peuvent acheter et vendre des « crédits carbone » c’està-dire des permis d’émettre du CO2. En 1960, dans Le Problème du coût social, Ronald Coase montre qu’il serait possible de neutraliser les inefficiences découlant des externalités, sans recourir à une réglementation des taxes mais au moyen de transactions entre les parties concernées. L’Etat fixe une quantité maximale de pollution et attribue aux firmes des permis d’émission. Ces permis sont négociables : chaque firme peut vendre ses droit à polluer à une autre firme. Plus le prix s’élève, plus le coût de la pollution s’accroît et incite les entreprises à modifier leurs comportements. Depuis 2005 ce marché fonctionne au niveau européen. C’est le système d’échange de quotas d’émissions qui concerne près de 12000 installations industrielles. Cet outil présente des avantages puisqu’il permet de définir la quantité de rejet de polluants que l’on est prêt à tolérer ce qui est fondamental dans les accords internationaux comme le protocole de Kyoto. Il est incitatif et non contraignant et il permet de dépolluer à un coût des plus bas. Mais cela présente aussi des limites : - Il n’est pas adapté pour les petits émetteurs. - Il ne contrôle que les rejets de CO2. - C’est un dispositif lourd et coûteux à mettre en place. - Il peut être touchés par des phénomènes spéculatifs qui peuvent déformer les prix et envoyer des incitations inadaptées. Synthèse La grande majorité des études scientifiques confirment aujourd'hui que les émissions de gaz à effet de serre (GES) engendrées par les activités humaines ont pour conséquence un réchauffement climatique de la planète qui risque de générer des dommages écologiques et économiques irréversibles. Se pose alors la question de la prise en charge de ces externalités négatives que les mécanismes spontanés du marché n'intègrent pas dans le calcul économique des acteurs. Ces "coûts sociaux collectifs" ne se répercutent pas, en effet, dans les coûts de production des entreprises ni dans les prix de vente des biens et des services au consommateur final. Agir contre le réchauffement climatique et ses conséquences suppose, quels que soient les moyens retenus, d'aboutir à l'internalisation par le pollueur de la responsabilité de son acte (les émissions de CO2 notamment) en lui faisant supporter le coût du dommage collectif qu'il engendre, selon le principe du "pollueur-payeur". Cela suppose aussi qu'il y ait un relatif consensus entre les autorités politiques des différents Etats puisque les émissions de CO2 d'un pays ne restent pas à l'intérieur des frontières nationales. Dans la réflexion sur les enjeux environnementaux, la question des biens communs occupe une place importante. Les biens communs sont des biens qui sont rivaux (leur utilisation par un agent empêche leur utilisation par un autre agent) et difficilement excluables. Les ressources halieutiques, les nappes d’eau souterraines, le climat, la biodiversité, etc. sont des biens communs. En réponse à la « tragédie » des biens communs (chaque agent va chercher à maximiser son avantage individuel ce qui conduit à la disparition de la ressource), on met souvent l’accent sur la nécessité de définir des droits de propriété (donc de rendre la ressource excluable) afin que les titulaires de ces droits aient intérêt à protéger la ressource. Une autre solution consiste à faire appel à l’Etat qui use de son pouvoir règlementaire (création de réserves et de parcs naturels par exemple, interdiction de la chasse ou de la cueillette, quotas de pêche, etc.). Elinor Ostrom met l’accent sur une « troisième voie » : la gestion communautaire ou coopérative des ressources communes. Les instruments économiques permettant de gérer la question climatique sont de deux types : les uns reposent sur la contrainte, les autres sur l’incitation. Les externalités négatives peuvent en effet être combattues par la réglementation, c’est-à-dire la contrainte, ou/et par la mise en œuvre d’instruments ayant pour objectif de les internaliser : il s’agit alors de faire en sorte que les coûts privés supportés par les producteurs d’externalités incluent les coûts sociaux, c’est-àdire les dommages et désutilités subis par les autres agents. Deux instruments peuvent être mobilisés pour cette internalisation des coûts sociaux : les taxes environnementales, qui corrigent les prix des marchés existants et les marchés de « droits d’émission », qui permettent de faire émerger de manière décentralisée un prix des émissions. Ces deux instruments sont issus des travaux d’Arthur Cecil Pigou et de Ronald Coase. Ces instruments sont complémentaires, et comportent chacun des avantages et des inconvénients. Par exemple, les marchés de carbone sont mal adaptés pour les petits émetteurs ; la réglementation est efficace mais nécessite des coûts importants de surveillance ou de remise aux normes des équipements ; la taxation fournit des recettes fiscales supplémentaires mais peut pénaliser la compétitivité des entreprises ou conduire à un rejet politique (« bonnets rouges »). Le bilan que présentent aujourd'hui les politiques climatiques comporte des avancées significatives mais est encore marqué d'inerties inquiétantes. Certains pays comme la Suède, l'Australie ou la Norvège ont mis en place des "taxes-carbone" dont les résultats semblent concluants. En France, la taxe-carbone a été envisagée un moment mais ne s'est finalement pas concrétisée. La question du bilan du marché des droits d'émission est plus complexe : les attributions initiales de quotas ont été, dans l'Union Européenne, trop larges et beaucoup de permis non utilisés sont offerts sur le marché, contribuant à faire baisser fortement le prix de la tonne de CO2. Ce prix n'est plus, aujourd'hui, suffisamment élevé pour dissuader les comportements polluants et pour inciter les entreprises à adopter des techniques plus respectueuses de l'environnement. Finalement, les espoirs qui avaient été mis, en 1997, dans le Protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre ont été en partie déçus. Les Etats-Unis, par exemple, n'ont jamais ratifié le traité et, si la Conférence de Durban en 2011 a posé les principes d'un prolongement des mesures de Kyoto, certains grands pays (dont la Chine et les Etats-Unis) en ont refusé les engagements contraignants, réduisant le texte final à une simple déclaration d'intention.