[2] René Eugène GÂTEAUX (1889-1914), jeune et talentueux

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Fonctions de plusieurs variables : calcul différentiel
_____________
A. Dérivabilité.
1. Limites et continuité.
2. Dérivabilité.
3. Dérivées partielles.
4. Fonctions de classe C1.
5. Inégalité des accroissements finis.
B. Dérivées d’ordre supérieur à 2.
1. Dérivées partielles, dérivées d’ordre 2.
2. Fonctions polynomiales, développements limités.
3. Formule de Taylor.
4. Extrema locaux, points critiques.
5. Fonctions homogènes.
6. Fonctions convexes.
7. Exemples d’équations aux dérivées partielles.
C. Fonctions implicites, inversion locale.
1. Ck-difféomorphismes
2. Théorème d’inversion locale.
3. Coordonnées curvilignes.
4. Théorème des fonctions implicites.
5. Démonstrations.
6. Extrema liés.
D. Introduction au calcul des variations.
Pierre-Jean Hormière
_____________
«Tous les mathématiciens savent que le passage de une à
plusieurs variables est un « saut » brusque, qui s’accompagne de
grandes difficultés et nécessite des méthodes toutes nouvelles. »
Jean Dieudonné
Le calcul différentiel et intégral sur les fonctions de plusieurs variables réelles a eu un dévelop-
pement plus tardif que celui des fonctions d’une variable. Les dérivées partielles apparaissent en
1755 dans le traité Institutiones calculi differentialis d’Euler, et en 1747, chez Clairaut. La notation
pour désigner les dérivées partielles, par opposition au d de la dérivée ordinaire, fut préconisée par
Legendre en 1786, et vulgarisée par Jacobi en 1841. Au XIXème siècle, à la frontière de la physique
mathématique, l’analyse vectorielle fut développée par les anglais Stokes, Heaviside et Gibbs, tandis
que la géométrie différentielle était fondée et développée par les italiens Ricci et Levi-Civita. Mais il
fallut attendre les travaux de Weierstrass, Schwarz et Peano à la fin du XIXème siècle pour que soit
pris le tournant de la rigueur : Schwarz justifie en 1873 l’interversion des dérivées partielles, Peano
précise ce résultat et d’autres au moyen de contre-exemples. Gateaux et Volterra dégagent la notion
de dérivée directionnelle, tandis que Stolz et Fréchet donnent la définition moderne des fonctions
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différentiables. Au début du XXème siècle, les concepts fondamentaux sont clairement dégagés, le
calcul infinitésimal à plusieurs variables peut alors se développer sur des bases solides : équations
aux dérivées partielles, calcul différentiel extérieur et intégration sur les variétés, surfaces minima,
topologie différentielle, théorie des singularités de Morse, Whitney et Thom (1925-1958).
On se limite ici aux espaces vectoriels normés de dimension finie, et même aux espaces Rn. Toutes
les normes y sont équivalentes, et définissent une seule topologie, la topologie usuelle. L’extension
aux espaces de Banach quelconques ne pose guère de problème : voir Cartan.
______________
A. Dérivabilité
1. Limites et continuité.
Les espaces E = Rn et F = Rp sont rapportés à leurs bases canoniques. Soit U une partie de E. Se
donner une fonction vectorielle f de U dans F équivaut à se donner p fonctions numériques sur U.
f : x = (x1, …, xn) y = (y1, …, yp) = f(x1, …, xn) = (f1(x1, …, xn) , … , fp(x1, …, xn)) .
Selon les conventions de l’algèbre linéaire, il vaudrait mieux noter les vecteurs en colonne.
Rappelons que si a = (a1, …, an) est un point de E adhérent à U, f admet une limite b en a ssi :
( > 0) ( > 0) (xU) ||x a|| ||f(x) b|| ,
pour l’une quelconque des normes de E et F, ou encore si, pour toute suite xk = (x1k, …, xnk) de
points de U tendant vers a = (a1, …, an), la suite f(x1k, …, xnk) tend vers b = (b1, …, bn).
Il revient au même de dire que chacune des fonctions f1, …, fn a une limite en a.
Si a est un point de U, f est continue en a ssi f(x) tend vers f(a) quand x tend vers a.
Les exemples suivants montrent qu’il faut soigneusement distinguer continuité globale et
continuité séparée.
Exemples :
1) La fonction de Peano (1884) : f(x, y) =
²²
2yx xy
sur R2{(0, 0)}, f(0, 0) = 0.
f est bornée sur R2 car |f(x, y)| 1, et continue R2{(0, 0)} comme composée de fonctions continues.
Comme f(x, 0) = f(0, y) = 0 pour tous x et y, f est séparément continue en x et en y, en (0, 0). Mais
elle n’est pas continue en ce point car f(1/n , 1/n) = 1.
Plus généralement, pour tout vecteur e = (a, b) (0, 0), f(a, b) =
²²
2ba ab
²²
2ba ab
quand 0.
Une autre façon de présenter cela est de passer en polaires : f(r.cos , r.sin ) = sin(2) sin(2)
quand r 0+. f est constante sur chaque droite issue de O.
Ses valeurs d’adhérence en (0, 0) sont tous les réels [1, +1].
Géométriquement, la surface d’équation z = f(x, y) est une réunion de droites horizontales pivotant
autour du segment vertical {(0, 0, z) ; 1 z +1}. C’est une surface réglée, appelée conoïde de
Plücker, que l’on peut représenter avec Maple.
2) Soit f(x, y) = 1 si (y 1)2 + x2 1 ou (y + 1)2 + x2 1 ou y = 0, f(x, y) = 0 sinon.
En quels points f est-elle continue ? discontinue ? f est-elle continue en O ? Montrer cependant que,
pour tout vecteur e = (a, b) (0, 0), f(a, b) est continue en 0.
Exercice 1 : Soient I et J deux intervalles de R, f : I R et g : J R, F(x, y) = f(x) + g(y).
A quelle condition F est-elle continue en (a, b)IJ ?
Exercice 2 : Soit (A, B) une partition de R2, f la fonction indicatrice de A. En quels points f de R2
est-elle continue ?
3
Exercice 3 : Soit f(x, y) = x2 si |x| |y|, f(x, y) = y2 si |y| |x|. f est-elle continue ?
Exercice 4 : Soit f(x, y) =
xy ee x
y
si x y, f(x, x) = ex . Montrer que f est continue sur R2.
Exercice 5 : néralisation. Soit : I R une fonction de classe C1 sur l’intervalle I.
Montrer que (x, y) =
xy xy
)()(
si x y, (x, x) = ’(x), est continue sur II.
Exercice 6 : néralisation. Soit : I R une fonction définie sur l’intervalle I, a un point de I.
1) Montrer que, pour que soit dérivable en a, il faut et il suffit que (x, y) =
xy xy
)()(
ait une
limite quand (x, y) (a, a) de façon que x a y, et x < y. Interprétation géométrique ?
2) est dite strictement dérivable en a, si (x, y) =
xy xy
)()(
a une limite quand (x, y) (a, a)
de façon que x y. Cette limite est appelée dérivée stricte de en a. Interprétation ?
a) Montrer que si est strictement dérivable en a, est dérivable en a.
b) Examiner la réciproque, en considérant (x) = x2.sin
x
1
si x 0 , (0) = 0.
c) On suppose dérivable dans I. Montrer que est strictement rivable en a ssi est
continue en a.
Exercice 7 : Soit f : Rn Rn une fonction continue.
Montrer que la fonction qui à r 0 associe M(r) = sup{||f(x)|| ; ||x|| r} est continue.
Exercice 8 : Soient I = [a, b], J = [c, d], f : (x, y)IJ f(x, y)R une fonction continue.
1) Montrer que la fonction (x) = max yJ f(x, y) est définie et continue sur I.
2) Montrer que max yJ min xI f(x, y) min xI max yJ f(x, y).
3) Soient I = [0, 2] , J = [0, 4] , f(x, y) = [1 (x y + 1)]2. Vérifier les résultats précédents.
4) On suppose (x, y) f(x, y) > 0. Montrer que :
a) limn (
n
b
a
d
cndxdyyxf /1
1).).),((( 
= min xI max yJ f(x, y).
b) limn
n
b
a
d
cndydxyxf /1
)..),(( 
= max (x,y)IJ f(x, y).
Exercice 9 : Soient n 2, et f : Rn R une fonction continue telle que, pour tout réel a, f1({a}) est
compact. Montrer que f admet un extremum global.
2. Dérivabilité.
Comment généraliser aux applications de Rn dans Rp la bonne vieille dérivée
f’(a) = limh0
des fonctions réelles de variable réelle ?
La variable est maintenant un vecteur de Rn : plus question de diviser par h ! Il faut donc modifier la
définition. Cela peut se faire de deux façons : soit l’on garde la variable vectorielle, et c’est le point
de vue le plus fécond ; soit l’on se ramène à la variable réelle, et l’on est conduit aux dérivées
partielles et directionnelles. Le lien entre les deux approches sera élucidé ensuite.
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2.1. Dérivabilité.
Définition (Stolz, 1887, Fréchet, 1906)
1
: Soient E et F deux espaces normés de dimensions finies, U
un ouvert de E, a un point de U. L’application f : U F est dite dérivable ou différentiable en a
s’il existe une application linéaire LL(E, F) telle que :
(D1) f(a + h) = f(a) + L(h) + R(h) , où le reste R(h) est un o(||h||) lorsque h tend vers 0 dans E.
Rappelons que, U étant ouvert, est un voisinage de a, donc a + hU pour ||h|| assez petit.
La condition (D1) équivaut encore à l’une des conditions :
(D2) limh0
hhLafhaf )()()(
= 0 .
(D3) ( > 0) ( > 0) hE ||h|| a + h U et ||f(a + h) f(a) L(h)|| .||h|| .
Enfin, f est dite dérivable ou différentiable dans U si elle est dérivable en tout point de U.
En termes imagés, une fonction f est différentiable en a si, au voisinage de a, elle se comporte à peu
près comme une application affine, à savoir x f(a) + L(x a).
Proposition 1 : Si f est dérivable en a, l’application L est unique.
On la nomme dérivée ou différentielle de f en a, et on la note f’(a), df(a) ou Df(a).
On note f’(a).h , plutôt que [f’(a)](h), l’image de h par f’(a).
Dans le cas particulier où F = R et où E est euclidien, f’(a) est une forme linéaire sur E, donc il existe
un vecteur, appelé gradient de f en a et noté
)(afgrad
ou f(a), tel que :
(hE) f’(a).h = (
)(afgrad
|
h
) .
Remarque : Il importe d’observer que f(a) et f’(a) n’appartiennent pas aux mêmes espaces : f’(a)
n’est pas un vecteur de F, mais un élément de L(E, F). Lorsque E = F = R, ou lorsque E = R, cette
distinction s’efface : f’(a) une homothétie de R, que l’on confond avec son rapport d’homothétie h
f(a).h ; de même, L(R, F) s’identifie naturellement à F.
Proposition 2 : Si f est dérivable en a, f est continue en a.
Remarque : La dérivabilité s’étend aux espaces normés de dimensions quelconques, mais il faut alors
supposer L continue de E dans F. La propriété précédente est alors préservée.
Proposition 3 : Soient U un ouvert de E, a un point de U.
1) Si f et g : U F sont dérivables en a, f + g l’est aussi, et ( f + g)’(a) = f’(a) + g’(a) .
2) Si f : U F et g : U G sont dérivables en a, et si B est une forme bilinéaire de FG dans H,
alors h : x B(f(x), g(x)) est dérivable en a, et :
h(a) : u B(f’(a).u, g(a)) + B(f(a), g’(a).u) .
Preuve de 2) : h(a + u) = B(f(a + u), g(a + u)) = B(f(a) + f’(a).u + o(||u||) , g(a) + g’(a).u + o(||u||))
= B(f(a), g(a)) + B(f’(a).u, g(a)) + B(f(a), g’(a).u) + o(||u||),
car les 6 termes restants sont o(||u||) en vertu de la continuité de B (en dimension finie), et de
l’existence d’une constante K telle que (x, y) ||B(x, y)|| K||x||.||y||.
Proposition 4 : Soient E, F, G trois evn de dim finie, U un ouvert de E, V un ouvert de F, f : U V
et g : V G. Si f est dérivable en a, et g dérivable en b = f(a), h = g o f est dérivable en a, et :
(g o f)’(a) = g’(f(a)) o f’(a) .
Preuve : Cela se démontre par composition des développements limités.
On a : f(a + h) = f(a) + f’(a).h + o(||h||)
1
La différence des dates souligne cruellement l’écart entre les mathématiques françaises et allemandes à la fin
du XIXème siècle.
5
g(b + k) = g(b) + g’(b).k + o(||k||)
D’où (g o f)(a + h) = g(f(a) + f’(a).h + o(||h||)) = g(b + k) , où k = f’(a).h + o(||h||).
= g(b) + g’(b).[ f’(a).h + o(||h||) ] + o(||k||) .
Or ||k|| = O(||h||), donc (g o f)(a + h) = g(b) + [g’(b) o f’(a)].h + o(||h||)]. Cqfd.
La prop 3, 2) découle de ce résultat, car B(f, g) est composée de x (f(x), g(x)) par B.
Il découle de ce résultat que les ouverts d’espaces normés de dimension finie sont les objets d’une
catégorie dont les flèches sont les applications différentiables f : U V.
Exemples d’applications dérivables.
1) Soit f une application affine : E F ; f est dérivable en tout point a, et f’(a) est constante et
égale à L, partie linéaire de f.
2) Soit q une forme quadratique : E R, de forme polaire B. On a :
q(a + h) = q(a) + 2.B(a, h) + q(h) ; comme q(h) = O(||h||2), on a q’(a) : h 2.B(a, h).
3) Soient E un espace euclidien, f : x ||x|| la norme euclidienne. f est différentiable sauf en 0, et
pour tout x 0,
)(xfgrad
=
x
x
.
4) Soit f l’application : M M2 de Mn(R) dans lui-même. On a (A + H)2 = A2 + A.H + H.A + H2;
comme H A.H + H.A est linéaire et H2 = o(||H||), on a f’(A) : H A.H + H.A.
Exercice 1 : Soient c un vecteur de E, L une forme linéaire, B une forme bilinéaire symétrique, T une
forme trilinéaire symétrique sur E. Etudier la fonction f(x) = x + L(x) + B(x, x) + T(x, x, x).
Généraliser.
Exercice 2 : Etudier les applications M Mk de Mn(R) dans lui-même.
Exercice 3 : Montrer que l’application A det A est différentiable de Mn(R) dans R.
Quelle est sa différentielle en I ? en A ?
Exercice 4 : Montrer que l’application A A1 est différentiable de Gln(R) dans Mn(R).
Quelle est sa différentielle en I ? en A ?
Exercice 5 : Montrer que l’application A com A est différentiable de Mn(R) dans Mn(R).
Quelle est sa différentielle en I ? Montrer qu’elle est inversible.
Exercice 6 : Montrer que l’application A exp A est différentiable de Mn(R) dans Mn(R).
Quelle est sa différentielle en O ? En A ?
Exercice 7 : Montrer que l’application (A, B) A.B est différentiable Rm[X]Rn[X] Rm+n[X].
Matrice jacobienne ?
3. Dérivées partielles.
3.1. Dérivées partielles, dérivées directionnelles.
Définition : Soient U un ouvert de E, a un point de U,
v
un vecteur 0. On dit que la fonction f : U
F a une dérivée en a selon le vecteur
v
si la fonction de variable réelle t f(a + t.
v
) est
dérivable en 0, autrement dit si limt0
tafvtaf )().(
existe. On la note Dvf(a).
En particulier, si E = Rn, les dérivées de f dans la direction des vecteurs de la base canonique
s’appellent, si elles existent, dérivées partielles de f :
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