medecine et justice - Conseil de l`Ordre des Médecins de la Haute

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MEDECINE ET JUSTICE
Réunion du 28 novembre 2001
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Le 28 novembre 2001 a été organisée une réunion ouverte à tous les médecins (350 y
participaient), résolument pratique et concernant quatre sujets :
rédaction des certificats médicaux,
dérogation au secret professionnel,
transmission du dossier médical,
réponse à la justice : réquisition, témoignage, saisie.
Des exemples réels, présentés par des conseillers ordinaux (Docteur TODOROVSKI,
Docteur NADAL, Docteur ORMIERES et Docteur OUSTRIC) ont ensuite été discutés, sous
la houlette de notre Président, le Docteur Alain GLEISES et grâce aux experts juridiques : le
Professeur ROUJOU de BOUBEE, Maître MATEU, Bâtonnier, Maître VACARIE, avocat du
Sou Médical, et aux experts médicaux : le Docteur DELPLA et le Professeur ROUGÉ.
I REDACTION DES CERTIFICATS MEDICAUX
A Pour les Assurances
Cas pratique
Monsieur C. TIF me demande de remplir un formulaire de renseignements médicaux « à
faire remplir par le médecin traitant et à adresser sous pli confidentiel au Docteur … ».
Trois questions sont posées :
si je le remplis, qu’est-ce que je risque ?
si je ne le remplis pas, que risque mon patient ?
concrètement que faire ?
Réponse
Pour répondre aux questions posées, il faut rappeler certains principes généraux
régissant l’établissement des certificats médicaux prévus par le Code de Déontologie.
L’article essentiel est l’article 76 qui dispose : « L'exercice de la médecine comporte
normalement l'établissement par le decin, conformément aux constatations médicales qu'il
est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est
prescrite par les textes législatifs et réglementaires. Tout certificat, ordonnance, attestation
ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté,
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et permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut
en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci. »
L’article 50 prévoit par ailleurs « Le médecin doit, sans céder à aucune demande
abusive, faciliter l'obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne
droit. A cette fin, il est autorisé, sauf opposition du patient, à communiquer au médecin-
conseil nommément désigné de l'organisme de sécurité sociale dont il dépend, ou à un autre
médecin relevant d'un organisme public décidant de l'attribution d'avantages sociaux, les
renseignements médicaux strictement indispensables. »
De ces deux articles, il résulte :
il entre dans la mission du médecin d’établir des certificats et cela constitue, dans
certains cas, une obligation ;
le médecin ne doit faire état que des constatations médicales qu’il est en mesure de
faire ;
le médecin ne doit céder à aucune demande abusive.
Il faut aussi rajouter pour information, mais cela tombe sous le sens, que selon l’article
28 « La livrance d'un rapport tendancieux ou d'un certificat de complaisance est
interdite. »
« Le médecin ne doit pas non plus s’immiscer dans les affaires de famille, ni dans la vie
privée de ses patients » ainsi que le rappelle l’article 51 du Code de Déontologie .
C’est en tenant compte de ces principes, qu’il est possible de répondre aux questions qui
vont suivre.
Dans le cas présent, on peut supposer que Monsieur TIF demande à son médecin traitant
de remplir ce formulaire dans le cadre d’une demande d’assurance pour obtenir un contrat
d’assurance.
Cette observation permet semble-t-il de répondre à la question « Si je ne le remplis pas,
que risque mon patient ? »
En fait si le questionnaire médical n’est pas rempli, la compagnie d’assurance aura deux
solutions soit refuser d’assurer Monsieur TIF, soit le soumettre à un examen médical par son
médecin conseil ou par un médecin désigné par elle.
Pour répondre à la première question : « si je le remplis, qu’est-ce que je risque ? », il
faut se demander dans quelle mesure et comment le médecin traitant peut accepter de remplir
ce formulaire.
Compte tenu des dispositions de l’article 76 du Code de Déontologie qui prévoit que le
médecin doit établir des documents médicaux « conformément aux constatations médicales
qu'il est en mesure de faire » , il apparaît clairement que le médecin traitant ne peut remplir ce
questionnaire que sur ce qu’il a personnellement constaté.
Il ne peut certifier des éléments qui lui seraient donnés par son patient et qu’il n’a pu
personnellement constater.
Il ne peut bien entendu fournir des renseignements qui ne correspondent pas à ses
consultations et doit refuser éventuellement de répondre à des questions auxquelles il ne peut
personnellement répondre.
A partir du moment le médecin traitant a rempli ce questionnaire sur la base de ses
constatations personnelles, il ne semble pas que le médecin risque quoi que ce soit, sous
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réserve toutefois de la question du secret médical qui peut être abordé à l’occasion de la
deuxième question.
Par ailleurs, dans l’établissement de son certificat médical, le médecin ne doit pas
conformément à l’article 4 du Code de Déontologie, et sauf dérogation précise, violer le
secret professionnel, qui s’entend non seulement de ce qui lui a été confié, mais aussi de ce
qu’il a vu, entendu ou même simplement compris.
Il est demandé au médecin traitant d’adresser ce formulaire médical qu’il vient de
remplir sous pli confidentiel, à un autre médecin qui doit être vraisemblablement le médecin
conseil de la compagnie d’assurance.
En d’autres termes, le médecin traitant a-t-il le droit dadresser directement ce
formulaire qui contient à l’évidence des renseignements couverts par le secret médical, à un
autre médecin, même sous pli confidentiel ?
Il semblerait, sur cette question, que les avis soient partagés dans la mesure certains
considèrent que le médecin conseil de l’assureur est tenu au secret professionnel en sorte qu’il
ne devra fournir à l’assureur que les renseignements strictement indispensables à l’assurance
et que par conséquent le médecin traitant, en transmettant ce dossier médical à un des ses
confères ne commet pas de violation du secret professionnel.
Nous sommes dans ce cas là dans une hypothèse de « secret partagé ».
Il convient selon nous d’être plus réservé car le secret partagé entre plusieurs médecins
existe lorsqu’il s’agit de soins donnés en commun ou lorsque cela est prévu par la loi, ainsi
que le prévoit par exemple l’article 50 pour les organismes de sécurité sociale ou les médecins
relevant d’organisme public décidant de l’attribution d’avantages sociaux.
N’étant pas en l’espèce, dans l’hypothèse d’un secret partagé, la prudence et le
respect des dispositions relatives au secret médical impose que ce formulaire
régulièrement rédigé par le médecin traitant, soit remis en mains propres au patient qui
pourra le transmettre directement au médecin de la compagnie d’assurance.
B - Pour la gardienne d’enfant
Cas pratique
Un enfant fait des convulsions. L’assistante maternelle vous demande par
l’intermédiaire de la mère un protocole de traitement en cas de crise.
Puis-je le faire ?
Réponse
Pour cette question, nous ne savons pas si le médecin reçoit ou non en consultation cet
enfant.
Manifestement la réponse diffère selon que le médecin a pu examiner l’enfant ou non.
Le fait que le protocole du traitement soit demandé par l’assistante maternelle par
l’intermédiaire de la re paraît assez subalterne car cette question ne relève que des rapports
entre la mère et l’assistante maternelle.
Le document médical qui vous est demandé doit être considéré comme demandé par la
mère et sera donc remis à la mère qui en disposera comme elle l’entendra.
Par conséquent, deux cas doivent être examinés :
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le médecin ne l’a pas reçu en consultation : il paraît évident que le médecin n’ait
pas le droit d’établir quelque prescription que ce fut ;
le médecin a reçu en consultation l’enfant : le médecin peut bien entendu
effectuer une prescription et délivrer une ordonnance ou même établir un protocole
de traitement en cas de convulsion en expliquant bien à la mère que ce protocole
est surtout destiné à régler des situations d’urgence lorsque les convulsions se
produisent et ne doit pas dispenser, dans cette hypothèse, de la sollicitation d’un
nouvel avis médical éventuellement sous la forme d’une hospitalisation.
C - Pour le père de Ludovic
Cas pratique
Les parents de Ludovic sont en instance de divorce. Ludovic a témoigné en justice que
son père a tenté d’étrangler sa mère. Je connais bien la situation conflictuelle et Ludovic vient
souvent se confier à moi. Son père me demande un certificat en présence de l’enfant.
Voici le texte : « Je soussigné, Docteur…, certifie avoir examiné ce jour le jeune
Ludovic …né le 7 août 1987. Il m’a déclaré ne pas avoir assisté à une tentative
d’étranglement de la part de son père sur sa mère.
Certificat établi à la demande du père pour valoir ce que de droit ».
Ce certificat est-il correct ?
Réponse
Le certificat tel qu’il est rédigé n’est pas correct et un tel certificat ne doit pas être établi.
En effet, un certificat a pour objet de relater les constatations faites par le médecin :
c’est l’attestation d’un fait.
Or ce certificat ne contient aucune constatation médicale faite par le médecin, mais
simplement rapporte les dires d’un enfant mineur de surcroît amené par son père qui a autorité
sur lui et qui demande lui-même au médecin de rédiger un document qu’il veut produire en
justice à son avantage.
Il ne s’agit donc pas d’un certificat au sens légal du terme. Il s’agit d’un certificat de
complaisance, prohibé par l’article 28 du Code de Déontologie, du moins d’une immixtion
caractérisée dans les affaires de famille d’autant plus grave que le médecin est au courant du
conflit familial (divorce conflictuel avec suspicion de violences conjugales).
Un « tel certificat » a d’autant moins de raisons d’être établi qu’il est pourvu de toute
valeur juridique.
D - A propos d’une épouse battue par son mari
Cas pratique
Voici le certificat : « Je soussigné, Docteur…, atteste avoir constaté des ecchymoses sur
la face externe du bras, causées par son mari. Ce dernier présente une personnalité
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psychopathologique avec des traits paranoïaques qui peuvent le rendre dangereux pour sa
femme et ses enfants … »
Ce certificat est-il correct ?
Réponse
Ce certificat ne peut être considéré comme correct.
La première partie du certificat « avoir constaté des ecchymoses sur la face externe
du bras… » est correcte. Il s’agit de constatations médicales objectives faites par le médecin
consulté. En revanche, il ne doit pas rajouter « causées par son mari ». En effet, il ne s’agit
pas d’une constatation objective que le médecin ait pu faire personnellement et l’implication
d’un tiers ne relève ni de sa compétence, ni de sa légitimité.
A la limite, le médecin pourrait-il écrire « ecchymoses qui selon ses dires auraient été
causées par son mari », mais il s’agit d’une formule à proscrire car elle n’ajoute rien et est en
outre dépourvue de toute valeur.
Sur la deuxième partie du certificat, le médecin ne peut davantage écrire : « Ce dernier
présente une personnalité psychopathologique avec des traits paranoïaques qui peuvent le
rendre dangereux pour sa femme et ses enfants … ».
En effet,
soit le médecin n’a pas examiné le mari de telle sorte qu’il ne peut avoir constaté
quoi que ce soit et ne peut donc rien certifier, en sorte que ce certificat constituerait
un certificat de complaisance, voire un faux en écriture,
soit le médecin a examiné le mari, mais dans ce cas il ne peut remettre ce certificat
faisant état de ses constatations qu’à son patient supposer que celui-ci le lui ait
demandé) et non pas à son épouse.
Remettre le certificat ainsi rédigé à l’épouse constituerait une violation du secret
professionnel sanctionné disciplinairement et pénalement. Il doit être rappelé à cet égard que
le certificat médical ne peut être remis qu’en mains propres au patient. Le conjoint doit être
considéré comme un tiers par rapport au patient.
CERTIFIER
C’est un engagement personnel.
C’est un engagement collectif.
LES REGLES GENERALES
QUI DOIT REDIGER LE CERTIFICAT ?
EN QUELLE LANGUE ?
DOIT-IL ETRE DATE ?
DOIT ETRE SIGNE ?
A QUI REMET-ON LE CERTIFICAT ?
POURQUOI ECRIRE LA FORMULE ?
II LES DEROGATIONS AU SECRET PROFESSIONNEL
A Harcèlement sexuel
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