Philippe Caubère (et sa Comédie Nouvelle) présente Claudine et le théâtre spectacle comique en deux soirées : premier épisode : Claudine ou l’éducation deuxième épisode : Le Théâtre selon Ferdinand première partie de son autobiographie théâtrale comique et fantastique : L’Homme qui danse écrit, mis en scène et joué par Philippe Caubère après avoir été improvisé vingt ans plus tôt devant Jean-Pierre Tailhade et Clémence Massart Page 1 sur 26 - Philippe Caubère – Claudine et le théâtre – Pièce - assistant à l’écriture et à la mémorisation : Roger Goffinet scénographie et direction technique : Philippe Olivier, dit “ Luigi ” lumières : Pascal Caubère régie générale et régie son : Jean-Christophe Scottis régie lumière : Emmanuelle Stäuble styliste : Christine Lombard création de la jupe de la mère d’après un peinture de Egon Schiele : Sophie Comtet attaché de presse : Vincent Serreau photos : Michèle Laurent et Danièle Pierre afiche réalisée par David Caubère d’après une photo de Raymond Caubère profduction : Véronique Coquet pour La Comédie Nouvelle coproduction : Les Gémaux/Sceaux/Scène Nationale musiques : Le Mystère des voix Bulgares L’entrée d’Egmont de Beethoven Batucada de Michel Goubin Page 2 sur 26 - Philippe Caubère – Claudine et le théâtre – Pièce - PRÉFACE DE CLAUDINE ET LE THÉÂTRE Ré-écrire une pièce de théâtre est une chose qui ne se fait pas. Rajouter plutôt que couper, encore moins. Parler de la même chose depuis vingt ans — bientôt plus —, ne se fait pas du tout. Bref, je fais rien comme il faut : il faut faire du nouveau, passer à autre chose, oublier, renier, estimer qu’on a déjà suffisamment parlé de ceci, de cela, ne pas se répéter, ne pas se caricaturer, je ne sais quoi encore. Oui, mais, j’ai lu dans le journal Première — journal populaire de cinéma — une interview de Johnny Hallyday dans laquelle, à la question qu’on lui pose : “ Quelle est votre devise ? ”, il répond : “ Exister, c’est persister ”. Et j’ai confiance en Johnny parce que c’est un grand artiste ; peut-être un des plus grands de notre époque. Et puis, je relie ça, je ne sais pas pourquoi, à une chose que m’avait dite Ariane Mnouchkine en 1986. Elle m’avait invité chez elle à déjeuner et, comme je me plaignais du fait que mon travail solitaire m’accaparait complètement et depuis plusieurs années déjà, m’avait fait cette remarque, — tout en me préparant une belle escalope à la crème — : “ Ah, Philippe, que veux-tu : l’art, c’est long ! ” Oui : c’est long. J’avais été bouleversé par le film de Jacques Rivette : La Belle noiseuse, dans lequel le peintre, joué par Michel Piccoli, mure sa plus belle œuvre pour vendre à son marchand une œuvre moins belle, mais moins dangereuse. Il m’a toujours semblé que L’Homme qui danse, œuvre comique rêvée en 1980 au cours des improvisations que je faisais devant Jean-Pierre Tailhade et Clémence Massart, était ma “belle noiseuse”. Durant les trois ans de la Danse du Diable, puis tout le temps ensuite, beaucoup plus long, du Roman d’un acteur, je pensais à mon œuvre murée, me disant qu’elle ne verrait peut-être jamais le jour. Il se trouve que j’avais déjà vécu ça. Le très beau spectacle du Théâtre du Soleil : L’Âge d’Or, en 1976, n’avait été qu’un ersatz de ce que nous avions rêvé, et bien plus que rêvé : improvisé et presque réalisé. “Nous”, je veux dire : les acteurs et notre metteur-en-scène-auteur. Il aurait suffi, après le film Molière, de s’y remettre, c’est-à-dire de ressortir nos improvisations de leurs cartons et de leurs bandes magnétiques, puis d’organiser cette matière dans le sens qu’Ariane voulait lui donner pendant la création, pour que le public puisse assister, au fur et à mesure des jours et des semaines — le spectacle devait être en perpétuelle transformation —, à l’une des plus belles aventures théâtrales du XXème siècle. Ce qui fut et restera loin, très loin, d’être le cas. Mais, à l’époque, enclins à cette espèce de révisionnisme déjà à la mode, cette sorte d’anti-nostalgisme primaire dont se targuent, je ne sais pas pourquoi, les gens de théâtre ; cédant enfin, il faut bien l’avouer, devant les problèmes de troupe, nous nous étions résignés à jeter tout ça à la poubelle, avec nos expériences, notre enthousiasme, notre amitié, bref : notre jeunesse. J’ai bien envie d’écrire — et tellement que je le fais : enfoirés que nous fûmes ! Quelques-uns de ces acteurs-improvisateurs de L’Âge d’Or ne se sont jamais tout à fait remis de cet “échec” entre guillemets, ni de cette démission sans guillemet. Tels les égyptologues des Sept boules de cristal qui se réveillent régulièrement et au même moment sur leur lit d’hôpital pour s’agiter tous ensemble, ils se réveillent et s’agitent, en proie au même cauchemar, épouvantable pour eux, incompréhensible pour les autres. Il est certain, en tous cas, que travail que j’accomplis depuis vingt ans — qui m’occupera peut-être toute ma vie… — est le fruit de cette étrange maladie. Et que cet éternel regret, cette nostalgie inconsolable, l’expliquent et le fondent ; tout autant que le double traumatisme que fut pour moi la mort de ma mère pendant le tournage de Molière , suivie presque aussitôt de ma séparation d’avec Ariane. C’est qu’en fait, nous n’avions pas craqué devant je ne sais quels avatars de la “création collective”, comme nous voulions nous en convaincre à l’époque, mais bien devant les vraies, les seules difficultés que posent la véritable écriture théâtrale : celle qui naît des acteurs. C’est pour cela que je m’efforce d’éviter de reproduire la même erreur au sein de mon propre travail. Page 3 sur 26 - Philippe Caubère – Claudine et le théâtre – Pièce - Je ne sais pas encore si j’aurai la patience d’aller jusqu’au bout, car c’est tout de même la troisième fois : 1 La Danse du diable, 2 - Le Roman d’un acteur, et 3 - Ce coup-ci… — Et encore, j’en oublie une, qui fut la première : Les Carnets d’un jeune homme. — que je remets le machin sur l’établi avec la volonté de tout faire pour y arriver, c’est à dire en terminer. Achever le travail et accomplir l’ “œuvre” quelle qu’elle soit et quelque dimension qu’elle ait. Je veux dire : petite ou grande. Mais c’est vrai que, pour reprendre le mot d’Ariane : ç’aura été long. Au contradicteur cependant, ou au critique qui dirait de mon histoire : “ Dommage qu’il ne puisse pas en sortir ”, je ne pourrais que répondre : “ Au contraire : comment trouver la force de ne PAS en sortir ? ” Et ne pas lâcher prise au moment d’y arriver. Même si, en vérité, j’aurais surtout envie de lui dire : fais mieux que moi, va plus vite, et après, tu m’expliques ! C’est que, pour parler vite, le théâtre moderne me fait chier. Je déteste le théâtre abstrait, allégorique ou thématique. Beckett ou Brecht. Les deux piliers, les deux idoles, — les deux icônes —, de ce fameux “théâtre moderne”. À ce compte-là, dans le genre moderne, je leur préfère Ionesco, Dubillard, Céline, Rostand, Pagnol ou Suarès ; sans parler de Benedetto ou Valetti. En fait, j’aime par-dessus tout le théâtre figuratif, comme on dit : la peinture figurative ; Molière, Corneille, Musset, Shakespeare, Tchékhov, Goldoni. Seulement, on ne peut pas non plus passer son temps et sa vie à les monter et les re-monter. Ça a été l’objet et la base de la renaissance théâtrale du vingtième siècle. Demain, on est au vingt-et-unième, il faut passer à autre chose : écrire. Mais pas du théâtre littéraire, — y en a suffisament comme ça — non, de la comédie. De la farce. C’est tout simplement ce que j’essaye de faire, dans mon coin, — seul en scène ou pas, peu importe —, à ma façon en tous cas. Me nourrissant sans cesse et sans relâche de ce qu’Ariane et L’Âge d’Or m’ont enseigné, je dirais même inculqué. Et m’inspirant de tout ce que je peux : de ces “grands” pré-cités, comme aussi et sans complexe, de Chaplin, Woody Allen ou Fellini. Comme enfin et surtout, de la vie. De la mienne en particulier. Claudine et le théâtre sera présenté cet été à la Carrière Boulbon dans le cadre du Festival d’Avignon, puis, après — et avant — une tournée en France, à Paris, au Théâtre de l’Athénée, du 8 Novembre au 31 Décembre 2000. Ce n’est donc que la première partie d’un ensemble qui devrait être composé de cinq ou six soirées, intitulé : L’homme qui danse ou la vraie Danse du Diable , autobiographie comique et fantastique. Tout ça, bien sûr, si Dieu et la nature me prêtent vie, courage, succès et surtout : envie. Quand ? Je ne le sais pas. P. C. Page 4 sur 26 - Philippe Caubère – Claudine et le théâtre – Pièce - BIOGRAPHIE DE PHILIPPE CAUBÈRE Né le 21 septembre 1950, à Marseille. 1968-71 : comédien au TEX, Théâtre d'Essai d'Aix-en-Provence, créé et dirigé par Éric Eychenne, en compagnie de Maxime Lombard, Jean-Claude Bourbault et Bruno Raffaëlli. 1971-76 : comédien au Théâtre du Soleil, en compagnie de Maxime Lombard, Jean-Claude Bourbault et Clémence Massart, dans 1789, 1793 et L’Âge d'or . Janvier 76 : commence, parallèlement à son travail de comédien, l’écriture de ce qui sera édité vingt-trois ans plus tard sous le titre Les Carnets d’un jeune homme. 1977 : joue Molière dans le film d'Ariane Mnouchkine. 1978 : met en scène et joue Dom Juan de Molière au Théâtre du Soleil, en compagnie de Maxime Lombard, Jean-Claude Bourbault, Clémence Massart, Jonathan Sutton et Françoise Jamet. 1979 : comédien, en compagnie de Bruno Raffaëlli, à l'Atelier Théâtral de Louvain-la-Neuve (Armand Delcampe), sous la direction d'Otomar Krejca. Interprète Lorenzo dans Lorenzaccio de Musset au Palais des Papes pour le Festival d'Avignon (Paul Puaux) et en tournée, et Touzenbach dans Les Trois sœurs de Tchékhov. De 1980 à 81 : écriture. Puis, improvisations sous la direction de Jean-Pierre Tailhade et Clémence Massart qui donneront, l’année suivante, La Danse du diable et, vingt ans après, L’Homme qui danse. Mars 1981 : création d’une première version de La Danse du diable, au “ Ciné Rio ” à Bruxelles (Stéphane Verrue et Christian Baggen). Mai : fin de l’écriture des onze Carnets d’un jeune homme. Juillet : la version finale de La Danse du diable est créée à la Condition des Soies pour le Festival d'Avignon (Bernard Faivre d’Arcier). De 1981 à 83 : représentations au Théâtre des Quartiers d’Ivry (Philippe Adrien) et à Paris, au Théâtre Edouard VII (repris par Véronique Coquet), puis en tournée en France et en Europe. De 1983 à 85 : improvisations sous l’œil de Véronique Coquet, Pascal Caubère et Clémence Massart, puis écriture et répétitions (avec, comme comédiens, Clémence Massart, Bruno Raffaëli, Pascal Caubère, Pierre Meunier, Jean-Marie Bon et Jacques Pibarot.) pour un projet de film, Le Roi misère , qui deviendra finalement Le Roman d'un acteur. Fondation avec Véronique Coquet de la société de production “ La Comédie Nouvelle ”, qui permettra de produire l’ensemble du travail. Page 5 sur 26 - Philippe Caubère – Claudine et le théâtre – Pièce - Avril 1986 : création d’Ariane ou l'Âge d'or au Théâtre Tristan Bernard (Edy Saïovici). Octobre : création de Jours de colère (Ariane II ) en alternance avec Ariane I au Théâtre des Arts Hébertot (Véronique Coquet), suivie d’une tournée des deux spectacles en France et en Europe pendant toute l’année 87. Premier trimestre 1988 : édition du texte et du spectacle (enregistrement audio) de La Danse du diable par “ La Comédie Nouvelle ” (coffret repris plus tard par Joëlle Losfeld). De septembre 1988 à mars 89 : création des Enfants du soleil, de La Fête de l'amour et du Triomphe de la jalousie, joués en alternance au Théâtre des Arts Hébertot (Félix Ascot). D’août à décembre 89 : interprète Joseph dans les films d’Yves Robert La Gloire de mon père et Le Château de ma mère, d'après l'œuvre de Marcel Pagnol. Avril 1991: création du Chemin de la mort et du Vent du gouffre, joués en alternance au Théâtre de la Renaissance (Niels Arestrup et Jean-Jacques Gomila). Janvier 1992: création du Champ de betteraves, du Voyage en Italie et du Bout de la nuit, joués en alternance au Théâtre de la Renaissance. Janvier 1993: création des Marches du palais et premier essai du Roman d'un acteur (les onze spectacles en alternance) au Théâtre Daniel Sorano de Toulouse (Jacques Rosner.) Juillet : création du Roman d'un acteur au Cloître des Carmes, à l’invitation d’Alain Crombecque pour le Festival d’Avignon (Bernard Faivre d’Arcier). De septembre 93 à juillet 1994 : tournée en France et en Belgique du Roman d'un acteur et de La Danse du diable, et édition de l’album-photos de Michèle Laurent Le Roman d'un acteur au Cloître des Carmes (repris par Joëlle Losfeld). Septembre 1994 : édition chez Joëlle Losfeld de la première moitié du texte du Roman : L’Âge d’or. De septembre à décembre : Le Roman d'un acteur au Théâtre de l'Athénée (Patrice Martinet) dont Bernard Dartigues filme intégralement tous les “ filages ” et toutes les représentations. Série de La Danse du diable au Théâtre Jean Vilar de Suresnes (Olivier Meyer). Juillet 1995 : Dernières représentations de La Danse du diable au Théâtre des Carmes (André Benedetto), en Avignon. Mise en scène de Que je t'aime ! de Clémence Massart créé au Théâtre des Carmes, puis à Paris, au Théâtre Tristan Bernard (Edy Saïovici) et en tournée en France. Septembre : lecture jouée de poèmes d’Aragon à la fête de l’Huma à l’invitation de Charles Silvestre. Janvier 1996 : sortie du film de Bernard Dartigues Les Enfants du soleil au cinéma Max Linder (Jean-Jacques Zilberman, Brigitte Aknin et Vincent Melilli) à Paris, puis dans toute la France. Page 6 sur 26 - Philippe Caubère – Claudine et le théâtre – Pièce - Juillet : création du spectacle Aragon en deux parties : Le Communiste et Le Fou sur l’île du Frioul, en face de Marseille, pour le “ Festival des îles ” (Maurice Vinçon) De décembre 96 à avril 1997 : Aragon au Café de la Danse à Paris (Sylvia Uzan et Loïc Barrouk) et à La Manufacture des Œillets à Ivry (Éric Danel). Février-mars 1997 : sorties des films Ariane ou l’Âge d’or et Jours de colère au cinéma Max Linder. Mai : Présentation en Sélection Officielle (hors compétition) au Festival de Cannes et sortie simultanée à Paris du film Les Marches du palais. De mai 97 à février 1998 : tournée Aragon dans toute le France. Juillet-aôut 98 : Tournage d’Aragon sur l’ïle du Frioul par Bernard Dartigues et sortie sur Canal + des quatre premiers films du Roman. Lectures jouées de Marsiho et de Vues sur l’Europe d’André Suarès, au Frioul et au Théâtre du Peuple à Bussang (Jean-Claude Berrutti). Février 99 : sortie des Carnets d’un jeune homme (1976-1981) aux éditions Denoël. 1er mai 99 : présentation de la première partie du film Aragon (Le Communiste) à la Cinémathèque française pour l’association des “ Amis de l’Huma ” en présence de Robert Hue et Lise London. Juillet : création du spectacle Marsiho au Théâtre des Salins de Martigues (Laurent Ghilini et Michèle Hettiger). 23 janvier 2000 : premier essai de Claudine ou l’éducation au Théâtre des Salins. 23 juin : premier essai du Théâtre selon Ferdinand au Théâtre des Salins. Juillet : création de Claudine et le théâtre à la Carrière Boulbon pour le Festival d’Avignon (Bernard Faivre d’Arcier), édition du texte de la pièce chez Joëlle Losfeld, et sortie vidéo et DVD d’Ariane ou l’Âge d’or, Jours de colère et Les Marches du Palais chez Les Films du Paradoxe. Septembre-octobre : tournée en France de Claudine et le théâtre. Novembre-décembre : Claudine et le théâtre au Théâtre de l’Athénée. Janvier à mars 2001 : deuxième tournée de Claudine et le théâtre. 21 septembre : création de 68 selon Ferdinand (Octobre et Avignon) au Théâtre du Chêne Noir (Gérard Gélas) en Avignon. Septembre à décembre 2001 : tournée des deux nouveaux spectacles, en alternance avec les deux épisodes de Claudine et le théâtre. Page 7 sur 26 - Philippe Caubère – Claudine et le théâtre – Pièce - Mai 2002 : lecture jouée de Recouvre-le de lumière d’Alain Montcouquiol au cloître des Jésuites à Nîmes, à l’occasion du cinquantenaire de la Féria. Projets 2002 Lectures jouées de Recouvre-le de lumière : le 16 août, au “ Banquet du livre ” (Jean-Michel Mariou), à Lagrasse, dans l’Aude. Et les 6 et 7 septembre, à la chapelle du Méjean (Actes-Sud) en Arles, pendant la Féria des prémices du riz. Octobre : parution de 68 selon Ferdinand (Octobre et Avignon) chez Joëlle Losfeld et tournée des deux épisodes. Novembre-décembre : création à Paris, au Théâtre du Rond-Point (Jean-Michel Ribes). Parallèlement, sortie, en novembre, de deux nouveaux films du Roman d’un acteur : La Fête de l’amour et Le Triomphe de la jalousie, en alternance avec Les Enfants du soleil, sous le titre La Trilogie amoureuse, dans la salle Jean Tardieu du Théâtre du Rond-Point ; et, en décembre, du film Aragon, à l’occasion du vingtième anniversaire de sa mort, en alternance avec La Trilogie. Projets ultérieurs Printemps/été 2003 : création du spectacle Recouvre-le de lumière d’Alain Montcouquiol aux arènes de Nîmes, suivie d’une tournée d’été dans toutes les arènes françaises (ainsi que quelques lieux de théâtre), en suivant la saison tauromachique. Hiver 2003 : création de Recouvre-le de lumière à Paris avec, peut-être, en alternance, celles de Marsiho et de Vues sur l’Europe d’André Suarès, sous le titre global Le Sud. 2004 : reprise du travail d’écriture et préparation du dernier volet de L’Homme qui danse (deux nouveaux spectacles), dont la création est prévue pour la rentrée d’octobre 2004. Celle de l’intégrale l’est pour le printemps/été 2005. Restera à monter et sortir les cinq films de la deuxième partie du Roman d’un acteur : La Belgique, à en éditer le texte, filmer L’Homme qui danse, en livrer l’édition finale, et, pour finir tout ça, tourner en province et filmer Le Sud. Après, c’est la retraite… Page 8 sur 26 - Philippe Caubère – Claudine et le théâtre – Pièce - s-” 17/07/2000 Caubère invite De Gaulle et Johnny à Avignon D AVIGNON (Vaucluse ) DE NO7RE ENVOYÉ SPÉCIAL ANS LE DÉCOR magistral de la carrière Boulbon, en plein air Philippe Caubère poursuit, en solo, le roman de sa vie. Cet œuvre, l’acteur marseillais la construit pierre à pierre, mot à mot, depuis vingt ans. Pour Avignon 2000, il l’a enrichi de deux volets joués en alternance, “ Claudine ou l‘éducation ” et “ Claudine et le théâtre ”. L’intégrale, donnée le 29 juillet représentera prés de six heures de spectacle. Claudine, c’est la mère de Caubère. A travers elle le comédien - à qui Claude Berri avait confié le rôle du père de Marcel Pagnol dans la “ Gloire de mon père ” et “ le Château de ma mère ” - saisit l’occasion d’évoquer quelques figures marquantes des années soixante. Avec un don éblouissant pour l’imitation, le comédien fait ainsi revivre De Gaulle, Malraux, Mauriac, Gérard Philipe et emporte le morceau avec les souvenirs de Johnny en concert au parc Borely. à Marseille. À Avignon, tout le monde parle de ce spectacle qui parle de tout le monde. . À chaque fois, on est époustouflé par votre mémoire... - Philippe Caubère. C’est le corps qui crée la mémoire. Quand on met son corps en jeu, les ressources de la mémoire sont infinies. Pour le reste, j’ai une bande vidéo dans la tête. Je me souviens de tout, y compris du temps où j’étais dans le ventre de ma mère. Parmi les figures phares, il y a Johnny Hallyday... Le spectacle lui est dédié. Je l’ai répété avec le t-shirt du concert du Stade de France... Cest là que je l’ai vu pour la dernière fois. J’ai pleuré tout le temps. il était comme je l'avais toujours rêvé. C'est-à-dire? Johnny, en scène, c’est la beauté. c'est James Dean et Gérard Philipe réunis. Et l’art, c’est la recherche de la beauté. Le génie de Johnny, c’est d’avoir déclenché un amour qui dure toujours. Je n’oublie jamais cette phrase de lui: “ Exister, c’est persister. ” Quelle est sa plus belle chanson, pour vous? “ L’idole des jeunes ” “Viens danser le twist... ” Les mots sont si justes. (il chantonne) “ Si tu savais combien tout seul je suis ” Tout est là. C'est le prix à payer de l'acteur, du chanteur de variété. Tous ces gens que vous évoquez, de votre mère a Malraux en passant par De Gaulle, cela passe-t-il par la moquerie ? Bien sûr... C’est l’enfant, en moi, qui se souvient, et les enfants se moquent toujours. Mais si je me moque, c’est pour mieux les restituer. PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE VAVASSEUR “ Claudine ou l’éducation ” en alternance avec “ Claudine et le théâtre ”, à 22 heures, carrière Bouibon. TéL 04.90.14.14.14. À Paris, à partir du 8 novembre à l'Athénée Page 9 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - s-” 9/07/2000 le dauphiné VAUCLUSE Caubère "met le feu" à Boulbon “Claudine ou l’éducation” déchaine les rires à la carrière Bouibon. Trois heures d’un spectacle complet mené par un seul homme qui fait de l’art avec sa vie. Le vivant portrait d’une mère et les souvenirs d’une enfance marseillaise “Le rire est le propre de I’homme” disait Montaigne. Mais rares sont ceux capables de construire un spectacle fin, profond, émouvant, aux vastcs résonances, à partir de sentiments vrais, tout en le baignant dans un comique continu. Caubère y est parvenu. Seul sur un plateau vide recouvert d’une vingtaine de tapis chatoyants, sobrement vêtu d’un pantalon noir et d’une chemise blanche, avec pour tout accessoire une chaise, une table basse et un coffre garni d’étoffes, Philippe devient Prince de Boulbon. “Claudine” a donné le jour à Philippe Caubère en 1950. En 2000, l’artiste fait renaitre sa mère, avec une profonde sensibilité et le sens du détail caractérisant le personnage. Le portrait est brossé à partir du mot, du geste, de la mimique. A coups de phrases, d'attitudes, de gestuelle précise, de conversations, il fait vivre sa génitrice. Quel portrait magistral ! Un fichu sur les épaules, il restitue les commentaires d’une “bourgeoise de droite” des années 60, à Marseille. Beaucoup de la génération de Caubère retrouveront les “rengaines éducatives” de ces années et les réactions de leurs parents, face à l'actualité politique et aux nouvelles “idoles des jeunes”. A ce propos, le comédien réussit une brillante Interprétation de Johnny Halliday et de ses fans à la banane gominée. Sans costume de scène, il fait apparaitre la silhouette des Yéyé, les santiags, le blouson avec l’aigle sur le dos, dans un concert au Parc Borelly. Car à lui seul il incarne plusieurs personnages. Sa vie, il la raconte dès le début. Les jambes écartées, Il accouche de lui-même, tour à tour la parturiente, le médecin, le père qui s'évanouit et le bébé. Puis le voici en train de faire ses premiers pas, couvé par sa mère et par la bonne Marie-Rose qui s’extasie devant l’enfant. ExtraordinaIre composition du bébé joufflu aux grands yeux, qui secoue de rire le public, sans cesse d’ailleurs traversé par des vagues d’hilarité. Grandeur du mime. L’apprentissage des tables de multiplication serinées par une mère angoissée d’un normal manque de précocité, est un autre morceau de bravoure, comme les épisodes marquants de l’adolescence, la découverte des écrits érotiques du fils ou de son éveil à la sexualité. Avec le temps si le regard sur la mère est resté critique, la disparition a atténué les ressentiments et les rancunes. Aussi la tendresse diffuse ses notes émouvantes. Renouvelant le rite de l’acteur seul plongeant dans sa biographie, il fait du théâtre avec sa vie, réussissant une reconstruction psychanalitique dans un style comique. Lui qui n’aime pas “le théâtre abstrait, allégorique ou thématique” et qui se régale à amuser les gens, il a atteint son objectif avec “Claudine ou l’éducation”. Le spectacle qu’il a écrit, mis en scène et qu’il joue si superbement, est vivant, drôle, désopilant. Tableau de maître d’une femme et de son époque. Marle-Hélène LOUBATIÉ A la Carrière Boulbon: “Claudîne ou l’éducation” les 9,16,18,21,23,26 juillet à 22H. “Le théâtre selon Fernand” (suite de sa vie) les 12,13,14,17,19,22,24,27. L’intégrale, le 29 à 21 heures. Page 10 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - s-” Le Figaro Magazine. samedi Ier juillet 2000 Fils de sa mère “Claudine et le théâtre ” de et par Philippe Caubère, Carrière de Boulbon. A partir du 7 juillet L e nouveau Caubère est arrivé. Les gens de théâtre, et bien sûr les autres, l’attendaient avec la même impatience que les Parisiens le beaujolais. Caubère, c’est la valeur sûre, la référence, l’intelligence et la culture. Il renouvelle le one-man show. La “ différence ” Caubère, c’est aussi la qualité du comédien. Le bonhomme n’est pas un produit. Et s’il plaît au métier — plus boutique que lui tu meurs — il est l’enfant chéri du public exigeant d’Avignon. Une preuve, il va nous offrir Claudine et le théâtre à la Carrière Boulbon, là où Peter Brook a créé le Mahabharata. Il est seul en scène pourtant mais, à lui seul, il sait créer tout un monde. A 50 ans maintenant, et plein de spectacles étincelants, que peut-il apporter de plus ? Un approfondissement. “ En fait, dit-il, j’ai réécrit la Danse du diable ”. Il a retravaillé les enregistrements des improvisations qui avaient été faites il y a une vingtaine d’années et en a conçu une nouvelle mouture qui devrait enchanter les spectateurs. — On me dit toujours que je fais une psychanalyse sur scène, et c’est vrai C'est moins épique et plus psychanalytique. C’est vraiment mon histoire mais c’est une introspection burlesque. Difficile, en effet, de faire plus freudien. Ce prénom qui donne le titre au spectacle. Claudine, c’est Maman Caubère la mère abusive, tant aimée, premier fil, première Ariane (Mnouchkine, bien sûr), femme de passion. — Mais, dit Caubère, c’est mon père qui voulait être comédien, c’est lui qui m’a donné la vocation. Il a repris ce personnage central de sa vie et l’a traité, les années venant, en tâchant d’être plus près de la vérité. —Dans la Danse du diable, j’étais critique, ironique, mais, je l’espère, toujours très attendrissant; aujourd’hui j’assume tout et je parle aussi de ce qui peut déranger. Mais ce qui peut paraître monstrueux me paraît à moi tellement humain. Ma mère est morte il y a maintenant deux ans et je cherche à la faire revivre. Comme d’habitude avec Caubère, c’est une histoire d’amour qui recommence. L’affaire Claudine, s’il en a le courage, devrait nous être contée en six spectacles. Deux sont déjà écrits qui nous seront présentés en Avignon. Jean-Luc Jeener Page 11 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - s-” 8/07/2000 FranceSoir Caubère, la solitude du marathonien des planches AVIGNON. Seul en scène, il se souvient de sa mère et donnera son intégrale en cinq heures el Sisyphe gravissant éternellement la montagne, son rocher ne se décidant pas à atteindre le sommet, Philippe Caubère s’est remis, encore et toujours à la tâche. Pour la plus grande joie des très nombreux “ caubèrophiIes ”. Dès ce soir et jusqu’à la fin du festival, il tiendra seul la scène, pendant plus de deux heures, avec deux spectacles différents, et une apothéose finale pour une intégrale de cinq heures. Un vrai marathon à la Caubère. Cela fait 19 ans maintenant que cet ovni théâtral déballe généreusement sa vie, son parcours théâtral, son long détour avec Ariane Mnouchkine et leur apothéose avec le film Molière. Dix-neuf ans qu’il chemine à travers lui-même, caché derrière le personnage de Ferdinand Faure, l’apprenti comédien. Sur scène, il est tout le monde. Il joue tous ses copains, ses rencontres, ses amours, avec jubilation. Mais cette fois-ci, Caubère s’attaque à son enfance. Et commence avec Claudine et le théâtre, première somme en deux parties d'"une tétralogie autobiographique comique et fantastique“, qui devrait comprendre “cinq ou six spectacles“. C’est dire l’ampleur de l’introspection. Caubère mère ? “Je l’avais totalement idéalisée dans La Danse du diable. Depuis, j’ai T grandi. Je me suis rapproché de la réalité. Ma mère était une grande bourgeoise qui ne voulait pas l’être. Dans le fond, une anarchiste de droite ! Qui n’était pas faite pour être mère. Elle disait souvent, à ma sœur et moi, qu’elle avait vraiment souffert pour nous avoir. Ma mère était faite pour travailler, pour être prof, par exemple.“ Idoles N'allons pas voir pour autant dans Claudine et le théâtre une revanche théâtrale du fils sur la mère. “J’ai longtemps été amoureux d’elle. Et je crois que c'est la femme que j’ai le plus aimé. Elle était terriblement belle. Au point d’ailleurs que l’affiche, pour Paris, ce sera une photo d’elle. Je lui dois aussi de m’avoir fait découvrir le théâtre, en me faisant connaître Gérard Philippe, mon idole.“ L’autre idole de Caubère, est plus inattendu. Il s’appelle Johnny Hallyday... Dans mon adolescence, Johnny a été un vrai déclencheur pour moi. A tel point que je lui dédie le spectacle. “On m’a raillé pendant des années, parce que j’aimais ce qu’il faisait. Aujourd’hui, tout le monde l’adore ! Johnny et mai 68 : ce sont deux événements qui ont sauvé mon adolescence. Le spectacle suivant, sera sur Avignon 68, justement. Je le créerai chez qui voudra : Dites-le ! “ A tant exposer sa vie, ses envies avec une jubilation toujours très impressionnante, y a-t-il quelque chose d’impudique dans cette autobiographie permanente ? Caubère balaie cela vite fait. “Je ne le crois pas. C’est du théâtre. Qui ne sert que de révélateur“. Il le jure, rester cinq heures en scène, en jouant moult personnages, ce “n'est pas excitant, non“. Simplement, il est “condamné à jouer seul“ une pièce dont il est l’auteur. Des projets collectifs ? “Pourquoi pas. Mais seulement si je suis le patron.“ A une exception seulement : “Si Ariane Mnouchkine me le demandait.“ Caubère ne coupera donc jamais le cordon avec sa deuxième mère. Celle qui l’a fait naître acteur. • ARIANE DOLLFUS Avignon. Carrière de Boulbon. Jusqu’au 29 juillet. Reprise à Paris au théâtre de l'Athénée. Sortie de trois vidéos et DVD: Les Marches du palais, Ariane ou l’âge d’or, Jours de colère (Ariane II) aux Films du paradoxe. Page 13 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - s-” Le Canard Enchaîné 12/07/2000 Claudine et le théâtre Avignon E VIDEMMENT, on peut toujours dire que ça ressemble à un long sketch de café-théâtre. Que Philippe Caubère rabâche, qu’en vingt ans et 11 spectacles autobiographiques de trois heures et demie chacun (de son adolescence à La Fare-les-Oliviers à ses pérégrinations de saltimbanque en passant par le Théâtre du Soleil et la rupture avec Ariane Mnouchkine) on a eu le temps de la connaître, sa vie. On peut regretter que parfois, à la fin surtout, affublé d’un châle et d’une jupe, il fasse penser aux redoutables Vamps.Qu’avec ce nouveau spectacle (le premier d’une nouvelle série de 6 !) il n’innove pas et fasse du Caubère “, toujours seul sur une scène nue (la carrière de Boulbon, lieu magique), avec sa (Festival Caubère) chaise, sa chemise blanche, ses rares accessoires, et ces personnages qu’il incarne tour à tour... Mais baste !, que valent ces réserves face au flot verbal qu’il déverse à la généreuse ? A la farce majuscule qu’il nous offre une fois encore en virtuose éblouissant ? Dès la première scène, où il joue Claudine, sa mère, en train d’accoucher de lui, assis sur sa chaise pattes écartées, hurlant et pestant, la magie opère, on est à nouveau époustouflé, à se tordre de rire, bouche bée devant l’exploit : Caubère réussit à être cru mais jamais vulgaire, dans l’outrance mais jamais dans la lourdeur. Cette fois, il nous raconte sa mère. A la fois hystérique, monstrueuse et bornée ; et gaie, et pleine de fantaisie, et malheureuse. Cette mise à nu pourrait être affreuse, entre confession gnangnan et vieux règlement de comptes. Mais jamais son impudeur (pourtant inouïe) ne paraît impudique. On n a pas honte pour lui : on est touché, ravi, émerveillé. C’est qu’il a, chose rare entre toutes, trouvé sa voix, et elle sonne juste. Et qu’il nous a à l’énergie, au travail (de galérien) sur quoi repose sa performance (déplacements millimétrés, précision des effets comiques, texte au petit poil). Un Proust comique en vie, en forme, tirant de sa propre histoire un feu d’artifice de madeleines hilarantes : c’est fête ! Jean-Luc Porquet • Jusqu’au 29 juillet, en alternance avec la deuxième partie, “ Le théâtre selon Ferdinand ”. Page 14 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - 7 juillet 2000 AVIGNON Il joue “ Claudine et le théâtre ” à partir de ce soir à la Carrière Boulbon Philippe Caubère, ses bobos et sa maman Marion Thébaud Le ciel provençal est ensoleillé, le rosé est frais le melon sucré et la vue qui s’étend devant la terrasse de La Chargère, la maison de Philippe Caubère près de Marseille, s’étend sur des champs d’oliviers où bruissent toutes les cigales de l’été. Philippe Caubère s’est replié dans ce lieu qui appartenait à son grand-père. C’est là qu’il a conçu les deux premiers spectacles d’une nouvelle aventure théâtrale, L’homme qui danse. Les deux premiers volets, Claudine ou l'éducation et Claudine et le théâtre sont créés dans le cadre du festival, dans la Carrière Boulbon. Le troisième volet Avignon 68 devrait être présenté l’été prochain. Un nouveau cycle Caubère. De quoi mettre l’eau à la bouche à tout son public qui ne demande qu’à être bouleversé et rire aux aventures de Caubère, alias Ferdinand Faure, le comédien enfant aux prises avec des mères Il est non seulement conteur mais également auteur et créateur de personnages possessives. Cherchant à tâtons une issue à ses angoisses. Ferdinand, il l’a inventé en 1981 pour La Danse du diable joué pour la première fois à la Condition des soies, au Festival d'Avignon. “c’est l’eldorado“, dit-il de la ville. J’y suis allé la première fois en spectateur, en 1966. C’était l’époque de Béjart. L’année suivante, j’ai vu Messe pour le temps présent. J’étais tellement bouleversé que je voulais me faire danseur.“ Et dans son spectacle Claudine et le théâtre, il ne peut s’empêcher un clin d’œil aux danseurs de Béjart. Philippe Caubère ne recule devant rien. Son imaginaire est tel qu’il orchestre à sa façon l’arrivée de son petit frère dans la Cour d'honneur, la vision du spectacle, les danseurs imprégnés par la musique de Pierre Henry... On a l’impression d’y être. “J’ai réécrit La Danse du diable“, résume-t-il. A l’époque, j’ai été paniqué devant la somme que représentaient toutes les improvisations faites sur l’enfance et mes premières tentatives théâtrales. J’avais beaucoup édulcoré. Aujourd’hui, je pense que chaque improvisation, c'est de l’or. “ Il les a reprises une à une, traçant un portrait sans fard de sa mère, Claudine, figure centrale de cette nouvelle aventure théâtrale. “ C’était un caractère“, dit la cousine qui a partagé ses premiers jeux avec Philippe au temps des culottes courtes. “L’éducation c’est tragique“, reprend Philippe Caubère, je ne vois pas comment on peut élever un enfant sans le blesser. Les enfants de divorcés ont bien de la chance“. Paradoxe ? “Pas du tout, Il n’y a rien de pire que d’avoir les deux parents unis contre soi.“ On comprend vite que sa mère était une femme qui ne badinait pas avec les études, “c’était une terreur !“ A tel point que Philippe tombe malade et sa mère — “il n’y avait qu’elle pour avoir de telles idées“ dit-il en levant les yeux au ciel —, lui fait donner des cours de gymnastique particuliers. “Et c’est grâce à la gym que j’ai eu mon bac. “ Derrière toutes ces anecdotes plaisantes, on sent un homme blessé, toujours prêt à voir rouge. “Je ne pensais qu’à deux choses, coucher avec une fille et faire l’acteur.“ Une franchise qui en dit long sur l’adolescence qu’il a dû vivre... Tout petit, il est distribué dans le rôle de la poissonnière dans La Pastorale, jouée traditionnellement à Noël. “J’étais joli comme une fille, petit garçon. Jouer m’a révélé qu’on pouvait prendre du plaisir à faire quelque chose. Je pense que c’est ce premier flash qui m’a donné envie d’être comédien.“ A défaut de faire l’acteur, il est fan de Johnny, au grand désespoir de sa mère. Elle arrache les photos de l’idole des jeunes à qui le spectacle est dédié, et les remplace par celles de Gérard Philipe… C’est tout cela que raconte Caubère dans son spectacle avec sa verve inépuisable, son talent d’en extraire la veine romanesque. Il est non seulement conteur mais également auteur et créateur de personnages et sait d’une onomatopée, d’un bruitage réussi, dessiner objets et paysages, Mine de rien, tout un monde surgit, entre Balzac et la bande dessinée. “Je suis un saltimbanque“, résume-t-il d’un trait. Un saltimbanque que la Comédie-Française sous l'administration de Jacques Toja a souhaité engager pour jouer Amphytrion de Molière, Mais Philippe Caubère, à l’époque, mettait un point final au Roman d’un acteur et refusa. “Mon père ne m’a jamais pardonné“, dit-il avec le sourire. On sent que derrière l’œuvre entreprise par le comédien, ce Roman d’un acteur qui engage sa vie, prolongé par les deux volets consacrés à Claudine, c’est un corps à corps avec sa famille que Philippe Caubère poursuit. Deux volets : Claudine ou l'éducation, du 7 au 9 juillet, puis les 16, 18. 21, 23, 26 juillet, à 22 h. Claudine et le théâtre du 12 au 14 juillet, puis les 17, 18, 22, 24, 27 juillet, à 22 h. Intégrale, le 29 juillet, à 20 h. Reprise à Paris au Théâtre de l'Athénée, du 8 novembre au 30 décembre. Page 15 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - 7/07/2000 LE POINT Philippe Caubère Le matador magnifique Seul en scène, toujours, il poursuit l’exploration de sa propre histoire. J ohnny et Gérard Philipe. Les idoles, deux faces du même rêve : l’enfance. A laquelle Philippe Caubère ne renoncera jamais. Au premier il dédie son nouveau spectacle, “L’homme qui danse“. Au second il adresse un salut de comédien dans la deuxième partie de ce spectacle, intitulée fort justement “Le théâtre“. De passage à Paris (il vit près de Marseille), il repère dans le Marais un joli salon de thé, Les Enfants gâtés. Il reçoit là, après avoir cherché toute la journée un costume qui pourrait habiller ses personnages : sa mère Claudine, et Robert, le copain de Ferdinand, son personnage fétiche. “Difficile de trouver des vêtements de gamin pour moi qui viens d’avoir 50 ans.“ 50 ans? Corps svelte (sport à haute dose pour préparer son nouveau marathon théâtral) et toujours ce beau visage de “Molière“ découvert dans le film d’Ariane Mnouchkine. Enfant gâté, Caubère ne l’est pas vraiment, même s’il s’offre encore un cadeau en revenant conter les aventures de Ferdinand, le cueillant cette fois à sa naissance “j’assiste à mon accouchement“ jusqu’en mai 68, l’adolescence, les grèves... Mais il est ainsi, homme-orchestre, acteur de tous les rôles de sa vie, remontant le plus loin possible pour aller le plus loin possible. Remettant mille fois l’ouvrage sur la table de travail. Matériau génial : ses improvisations. Un de ses amis eut l’idée de les enregistrer lorsqu’il se lança, il y a plus de vingt ans, dans ses souvenirs. Il retrouva ces bandes vieillies, usées, inaudibles pour certaines, et le décryptage commença. Et, devant son ordinateur, il écrit, coupe, colle. Et recommence. En 1980, dans une petite salle au Festival d’Avignon naissait “La danse du diable“ : Caubère l’acteur racontait l’acteur Caubère. Eblouissement. Son humour, son talent d’interprète, sa virtuosité à endosser les personnalités les plus diverses fascinaient les spectateurs de plus en plus nombreux chaque soir, recueillis, à ses pieds. Depuis cette danse, il y en eut d’autres : “Le roman d’un acteur“ et des récits et des tournées, et des chapitres ajoutés... Il crut qu’il en avait fini avec Ferdinand et remonta sur scène, seul encore, pour jouer Aragon ”. “J’ai essayé de m'enfuir ; mais Aragon m’a ramené à Ferdinand.“ Et enfin à cet “Homme qui danse“, spectacle en — — trois parties dont on ne verra à Avignon que la première en deux volets “Claudine ou l’éducation“ et “Le théâtre“. “Il fallait que j'y revienne. Il le fallait parce que je n’en avais pas terminé avec mon histoire. Je voulais retrouver ma mère, morte pendant le tournage de “Molière“. J’ai aujourd’hui l’âge qu’elle avait à sa mort.“ Il fait donc revivre Claudine, la petite-bourgeoise, victime de la chape morale des années 50, autoritaire et fragile. “L’éducation est une tragédie.“ Il s’arrête, pesant ses mots. “Au fond, éduquer; c’est faire du mal pour faire du bien.“ Ce n’est d’ailleurs pas tant son enfance qu’il raconte que toute une époque, ses clichés, ses interdits. Mai 68 : Caubère a 17 ans. Après avoir été viré du lycée, il trouve refuge chez les sœurs. Cinq garçons au milieu de 600 filles. Les sœurs sont les premières à vouloir faire la révolution, il découvre Marx, Céline, assure des piquets de grève et constate aujourd’hui que les soixante-huitards sont vieux. “Fini les rêves. Mes copains du théâtre me parlent Assedic et heures sup. Où sont passés les matadors ?” Il en est un. Seul en scène. “Dès que j’ai pu interpréter d’autres personnages que moi, le déclic s‘est produit, j’étais libéré.“ N’a-t-il donc jamais envie de jouer avec d’autres, en chair et en os ? “Bien sûr, seulement il faut que je finisse ce que j'ai commencé ! J’en ai bien encore pour cinq ans.“ Les autres attendront comme ils attendent depuis déjà vingt ans. Seul le cinéaste Yves Robert a pu le convaincre de jouer dans ses films “Le château de ma mère“ et “La gloire de mon père“. Autrement... “Quand j’ai découvert le théâtre, c’était à Aix. En 1971, j’entrais au Théâtre du Soleil. L’épopée a duré sept ans. Quand j’en suis parti. j’ai connu la réalité de l’acteur : attendre, dépendre des autres, renoncer à son rêve d’enfance.“ Alors, il a tout laissé tomber, le téléphone, le répondeur, et les promesses. “Puisqu’on est seul du début jusqu’à la fin... “ Lorsque Ariane Mnouchkine assiste à “La danse du diable“, elle lui fait remarquer : ” Tu n‘as pas eu le courage de parler de moi, hein ?” “J'en étais malade." Ariane, la seule qu’il ressent pareille à lui : “Notre côté paysan.“ Avec “La danse du diable“, Caubère connaît l’argent qui entre dans les caisses, la reconnaissance, la gloire même ! Il aime. Son père, qui a assisté à Martigues aux premières représentations de “Claudine“, lui a dit : “C’est bien.“ Il sait là, l’enfant de sa mère, qu’il a touché juste. “Jouer les femmes, quel vertige ! Quelle jubilation !" Quelque chose le tracasse tout de même, avec “Le théatre“, il n’arrive... qu’à son adolescence. “J’ai encore du chemin avant de mettre en scène ma vie d’homme. L’amour, les trahisons... Je ne sais pas si j’y arriverai.“ Songeur : “Je devrais peut-être commencer une psychanalyse...” Page 16 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - 11 juillet 2000 AVIGNON FESTIVAL. C’est à la Carrière de Boulbon qu’un grand solitaire intempestif raconte son existence par le menu. Au commencement, Ferdinand est né. CAUBÈRE FAIT LA NIQUE À SA MÈRE AVEC AMOUR Une épopée gynécologique ouvre le récit circonstancié de la vie du petit Ferdinand, dont la génitrice haute en couleur mit au monde un sacré numéro. À suivre. DE L'UN DE NOS ENVOYES SPECIAUX. Toute vie est un roman. Qu'elle soit médiocre ou glorieuse, il y a matière à dire, à raconter, à éprouver sans fin. Affaire de talent. C'est tout. Philippe Caubère a depuis beau temps pigé ça. Vingt ans au bas mot. Ce qui nous ramène à la Danse du diable, vue pour la première fois ici même, dans Avignon, à la Condition des soies, sauf erreur. Un maigre jeune homme monté sur ressorts, vrai “troun de l’air”, se jetait à l’eau sous nos yeux pour une autobiographie au long cours qu’il reprend aujourd’hui par le début, soit la naissance. Sous le titre Claudine et le théâtre (1), qualifié de “spectacle comique en deux soirées“, Caubère se livre nu et cru à la recherche du temps perdu de ses origines, qu’il incarne de tous ses nerfs, de toutes ses fibres intimes, au sein d’une déchirante impudeur dont le paradoxe consiste à susciter le rire. C’est qu’on rit, voyez-vous, du début à la fin, malgré le froid de la nuit. J’avoue avoir essuyé des larmes d’entrée de jeu, quand il mime à la fois ses efforts d'ancien fœtus s’efforçant de sortir de la grotte maternelle, tout en représentant sa génitrice jambes écartées ainsi que le médecin aux mains expertes. Et le père à côté qui manque tourner de l’œil, tandis que Claudine en travail, espèce de Médée bourgeoise provençale empêchée, vocifère à l'envi, commente tout à tort et à travers, tyrannise son monde et déblatère sur la méthode Ogino, si peu fiable. Ce début est en soi un chef-d’œuvre digne d’une anthologie du rire, à l'instar de la danse des petits pains de Chaplin ou du sketch de la machine à écrire invisible de Jerry Lewis, avec les mots en plus. C’est question de vitesse, d’élan musculaire, de débit précipité de la parole, d’extrême mobilité des traits. Dans un corps résumer l’univers. Vertige du théâtre. Des tapis jonchent la scène en plein air, plantée aux quatre coins de solides mâts nantis de projecteurs au faîte. Pour tout appareil, un chariot en bois (celui de Thespis, peut-être, ancêtre du nomadisme théâtral, comme dans Mère Courage ou dans la Folle de Chaillot, où c’est un vieux landau) dans lequel puiser quelques hardes ; un châle écossais, une jupe bariolée. Et vogue la galère de la folle jeunesse, en une suite d’instantanés foudroyants cousus à la queue leu leu, où Caubère est à la fois lui-même jouant sa mère, sa sœur, Mme Colomer la bonne espagnole, son copain Robert, de Gaulle, Mauriac, Sartre et Malraux à la télé, ou encore Johnny Hallyday en tournée à Marseille au parc Borély en même temps que les “cacous” en santiags et banane qui l’applaudissent… Ce n’est que la première partie, baptisée Claudine ou I’education. On guette fébrilement la suite car il n’y a rien à jeter dans cette chronique d’apparence échevelée qui obéit à la plus stricte maîtrise, au contrôle absolu de chaque geste, de la plus infime mimique, de la moindre variation dans le registre vocal. Il a minci, bu de l’eau, remodelé sa carcasse, pour apparaître en bondissant jeune homme d’il y a vingt ans. Il est aussi très ressemblant en bébé et même en sa mère, dont on sait tout à présent ; qu’elle fumait comme un sapeur, raccommodait sans fin des vêtements, engueulait l’entourage, prophétisait à tout bout de champ sur ce qu’elle ignorait, accumulait les cuirs dans le langage... Il y va, bien sûr, d’un grand chant d’amour travesti en vaste farce. Il existe une photo (mais où diable ai-je pu la voir ?) où l’on voit, dans les années cinquante, l’enfant Caubère tout en joues assis dans les jupes de sa mère, très belle femme brune au fin visage grave. Ceci explique cela. À jamais orphelin d’elle, désormais il la ressuscite en déchaînant le rire. Le sarcasme n’est là que pour masquer la blessure avec élégance. Dionysos, dieu primordial des défoulements et de l’exubérance, a définitivement quitté la scène tragique. Mais il revit sans doute là, dans la sphère familiale chauffée à blanc de Philippe Caubère-Ferdinand, qui soir après soir porte à son comble ce dont il faut délivrer son âme. JEAN-PIERRE LEONARDINI (1) À la Carriére de Boulbon. Claudine ou l’éducation a déjà été donnée les 7, 8 et 9 juillet et sera reprise les 21, 23, 26 à 22 heures (durée : 2h2o). Le Théâtre selon Ferdinand, ce sera les 12, 13, 14, 17, 19, 22, 24 et 27, à 22 heures (durée : 2h15). L’intégrale de Claudine et le théâtre aura lieu le 29 juillet à dix heures (4 heures plus entractes). Page 17 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - LUNDI 10 JUILLET 2000 CULTURE 54e FESTIVAL D’AVIGNON. L’acteur metteur en scène poursuit le roman inépuisable de sa vie. C Caubère, tout sur sa mère Claudine et le Theatre Claudine et le Théâtre Par Philippe Caubère (en alternance - Claudine ou l'éducation - et - le Théâtre selon Ferdinand -). Carrière Boulbon, 22h jusqu'au 27 juillet. Intégrale le 29 juillet. 'est un ancien pavillon dc chasse en pleine garrigue, transformé en maison de maître au début du siècle. Le promontoire domine le pays, de l’étang de Berre, dont la raffinerie illumine la nuit telle une roue de fête foraine, jusqu’aux collines aux portes d'Aix-en-Provence. La demeure est vaste et belle, entourée de jardins en terrasses. La vieille balustrade, surplombant la vallée, est ornée de statues : une cohorte de nains musiciens, dont un flûtiste à bicorne qui ressemble à Napoléon. Longtemps, la Chargère, la maison du grand-père de Philippe Caubère, fut à vendre. Mais, sauf à la faire visiter à des sourds un jour de brouillard, il est difficile de gommer un détail gênant: l'autoroute Salon—Marseille passant à deux cents mètres en contrebas. L'agent immobilier a bien essayé d’escamoter la décharge et la ligne à haute tension sur la colline d’en face ; pour les six voies bitumées, même si les cigales font écran, c’était mission impossible : Bref, de baisses de prix en visites sans lendemain, Philippe Caubère a fini par racheter la Chargère au mois de juillet dernier pour le montant d’un petit appartement à Paris. Et, depuis octobre, il vit pratiquement dans la garrigue, où il a déménagé ses livres, ses archives et ses accessoires. Sur la cheminée du grand salon, on trouve encore un renard empaillé et, sur les murs, de vieilles photos, dont celles d’un chasseur portant un chapelet de gros oiseaux en bandoulière : le grand-père et les bartavelles. Le petit-fils ne chasse pas, mais son vieux copain Bruno Rafaelli est venu l’hiver dernier tirer des lapins myxomatosés. Etendard de la subversion. Dans la cuisine, la cousine termine de coudre pour le spectacle un drapeau rouge dont la hampe en bambou provient certainement du jardin. Le patron des huiles Salador, à La Face-les-Oliviers, n’imaginait pas qu’un jour l’étendard de la subversion flotterait sur la Chargère. Le nouveau propriétaire est parti à Aix-en-Provence acheter un short cycliste. A force de mimer sa mère en train d’accoucher, renversé sur une chaise les jambes en l’air, il a attrapé des escarres et cherche un remède, à moins d'une semaine de la première. Le retour en Provence réussit à Caubère : il a retrouvé la ligne du jeune homme qui, il y a vingt ans, se lançait dans la Danse du diable, premier chapitre d’une folle autobiographie sur scène. Vingt ans d'autovampirisation, marqués par les onze épisodes du Roman d’un acteur, ou comment le dénommé Ferdinand Faure, parti faire du théâtre à Paris, fut embauché chez Ariane Mnouchkine et les aventures qui s’en suivirent. Mais Caubère n’a toujours pas épuisé le roman de sa vie. Les années d’enfance et le personnage de sa mère, évoqués dans la Danse du diable, constituent un matériau encore largement inexploité. Le matériau en question n’est pas seulement la mémoire, mais les dizaines d’heures d’improvisations effectuées en 1980 sous les yeux de Jean-Pierre Tailhade et de Clémence Massart, qui sont à la source de tout son travail. filmées et enregistrées. Pour Caubère, l’installation dans le village de sa jeunesse coïncide donc avec son retour en enfance sur scène, d’où, explique-t-il, les kilos perdus : “Il fallait que je retrouve une silhouette crédible“. En ce dernier soir du mois dc juin, il doit "filer" pour la première fois les deux épisodes inédits qu’il va présenter à Avignon sous le titre Claudine et le Théâtre et qui le mènent de la naissance au bac. La scène n’est pas loin : à vingt mètres au-dessus de la maison, il a installé sur le toit de l’ancien réservoir à eau le plancher de son précédent spectacle sur Aragon. La soirée est douce, l’autoroute bourdonne sans à-coups, on aperçoit en contrebas le toit d’une maison : celle de son enfance, où son père vit toujours. Roger Goffinet, assistant et homme-mémoire depuis le début, se cale sur sa chaise ; Véronique Coquet, complice de presque aussi longue date, s’installe sur un coussin ; Caubère enfile son cuissard neuf, et c’est parti pour plus de cinq heures coupées d’une courte pause. Voilà Claudine, la mère, en plein monologue entre deux nausées tandis que madame Colomer s’affaire en silence dans la pièce à côté. Les spectateurs de la Danse du diable retrouveront dans Claudine et le Théâtre des situations et des personnages familiers, et d’abord cette mère passant se vie à coudre, à fumer, à jurer comme un charretier et à tenter d’écouter de Gaulle à la télé. Mais Caubère commence cette fois par le commencement, l’accouchement avec Claudine s’exclamant au beau milieu : “ Pousser ? Mais pousser où, pourquoi, et d’abord pour qui ?“ Amour vache. Dans cette répétition où il s’agit de vérifier si le texte est bien en mémoire, les mots plus que les situations mènent la danse ; Caubère marque peu le rythme ou les changements de voix ; de toute façon, la première partie est presque exclusivement constituée du monologue de Claudine. Caubère-Ferdinand Faure, un châle aux épaules, fait parler sa mère et il n'y a aucune lourdeur, aucun drame juste la célébration d'un amour vache. Ce qui est formidable, c'est que le temps n'a rien métamorphosé ou adouci, qu'on pressent que celle qui parle par sa bouche ressemble exactement à celle qui parlait dans ce même jardin quarante ans plus tôt. Mythique et réelle, ni magnifiée, ni noyée dans le sentimentalisme. De cette mère, disparue en 1977 pendant le toumage de Molière, Caubère dit avoir voulu “livrer un portrait plus complet“. Après le filage, de retour dans le grand salon où son père, enfant, organisait des spectacles, il mange, et boit du champagne. C’est bien du passé qu’il revient, au sortir du spectacle : “Dès que je replonge dans le passé, les souvenirs réels reviennent instantanément : les couleurs, les visages, la chaleur de la peau. Le temps n’existe plus. Et c’est une jubilation d’autant plus grande.“ Tous les épisodes ne sont pas authentiques, mais tous ont été jugés crédibles, voire véridiques, par les témoins de l’époque, y compris cet accouchement où Claudine joue celle qui n’a pas que cela à faire. La cousine, qui a terminé de coudre le drapeau rouge, confirme: “Je retrouve tout : les mots, les expressions —“Tu as oublié le vernis des ongles des pieds ! ”—, la manie du raccommodage, les gros mots...“ L’enfant du pays. Phillppe Caubère n’en a toujours pas fini avec sa jeunesse. Il a encore de quoi faire plusieurs épisodes, sur mai 68, ses débuts d’acteur à Aix avant son départ pour Paris. “J'aimerais bien un jour ne plus raconter l'histoire d'un jeune homme, mais d’un homme.“ Ce jour viendra sans doute : ce sera le premier chapitre du roman du roman d’un acteur, où l’on retrouvera peut-être le récit du filage de Claudine et le Théâtre, un soir de juin sur la colline, et celui de la générale du spectacle, un 7 juillet à la carrière Boulbon. Quatre cent cinquante-huit habitants de La Fare-les-Oliviers s’étaient inscrits pour applaudir l’enfant du pays. Le week-end a été moins joyeux : un gigantesque incendie a ravagé tous les environs du village. Samedi soir, à l’heure même où, dans la carrière Boulbon, à trente kilomètres de là, Philippe Caubère allumait ses souvenirs, la maison de son père et la Chargère était cernées par les flammes. Elles se sont arrêtées à l’aube à quelques mètres des murs. Claudine veillait • RENÉ SOLIS (envoyé spécial à La Fare-les-Oliviers Page 18 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - La Libre Belgique 12 juillet 2000 AVIGNON Dans “Claudine et le théâtre”, le fabuleux comédien français approfondit l'exploration impudique de sa propre vie. Irrésistible Philippe Caubère : faire rire, un acte d’amour PHILIP TIRARD ENVOYÉ SPÉCIAL À AVIGNON eureusement qu’il y a des mères abusives. Celle de Philippe Caubère a en définitive engendré un artiste splendide, flamboyant, excessif, populaire, indispensable. Il fut Molière dans le film d’Ariane Mnouchkine. D’une mère à l’autre, le jeune Provençal avait trouvé dans l’animatrice du Théâtre du Soleil une nouvelle figure d’autorité féminine. Après cette renaissance comme artiste, Caubère rompit une seconde fois le cordon pour une aventure théâtrale en solo. Ce furent “La Danse du Diable”, puis “Le Roman d’un acteur” qui établirent définitivement sa notoriété et son style. Il reprend aujourd’hui la matière de “La Danse du Diable” mais amplifiée, explorée et exploitée à fond. Le projet “Claudine et le théâtre” doit comporter trois parties dont les deux premières —“Claudine ou l'éducation” et “Le Théâtre selon Ferdinand”— sont créées au Festival d’Avignon. “COMIQUE ET FANTASTIGUE” Nous avons vu le premier volet consacré à ses années d’enfance, c’est-à-dire à sa mère. Sujet : encore et toujours la vie de Ferdinand Faure, son alter ego transparent sur la scène. Depuis vingt ans, Caubère poursuit cette “autobiographie comique et fantastique” dans laquelle entre tout son art d’écrire, d’improviser, de jouer. Et il faut le dire bien simplement, il nous a fait rire pendant deux heures et demie. À telle enseigne que cet article est écrit avec quelques crampes aux zygomatiques et des résurgences inopinées de fous rires. Pour un critique, c’est une expérience assez rare. CONTRE TOUTES LES RÈGLES Bien sûr, cet incorrigible garnement enfreint toutes les règles et mériterait la fessée plutôt que des louanges. Le ton est donné par quelques lignes du dépliant programme distribué à l’entrée du spectacle : “Pour parler vite, le théâtre moderne me fait chier. Je déteste le théâtre abstrait, allégorique ou thématique. Beckett ou Brecht. Les deux piliers, les deux idoles, les deux icônes, de ce fameux théâtre moderne. À ce compte-là, dans le genre moderne, je leur préfère lonesco, Dubillard, Céline, Rostand, Pagnol ou Suarés ; sans parler de Benedetto ou de Valetti. En fait, j’aime par-dessus tout le théâtre figuratif, comme on dit la peinture figurative.; Molière, Corneille, Musset, Shakespeare. Tchekhov, Goldoni... Seulement, on ne peut pas non plus passer son temps et sa vie à les monter et les remonter.” Déclaration d’intention plutôt culottée dans un festival consacré essentiellement à ce “théâtre moderne”, justement... Donc, voici un homme de théâtre qui écrit, met en scène et interprète sa propre vie, en toute impudeur. Poussant la mégalomanie jusqu’au bout, il s’est choisi comme décor la monumentale carrière de Boulbon où Peter Brook avait monté le Mahabharata. Incorrect sur le plan artistique, il l’est aussi en politique, montrant dans son intimité une bourgeoise de droite qui, dans les années soixante, trouve des excuses à Pétain (“il était vieux ; on verra comment tu seras à son âge... “), se paie la tête de Gaulle, de Malraux, de Mauriac et de Sartre, estime que le communisme, c’est bien pour les pauvres, etc. S’agissant de la pudeur et de la bienséance, Caubère en a volontairement égaré le mode d’emploi. Quand Mme Faure découvre que son fils a infligé les derniers outrages à sa lingerie fine, elle le traîne chez le médecin et proclame : “Mon fils est fou, mais si vous trouvez ça normal, on n’a plus qu’à tous aller se masturber à Moscou...“ l’opposé, l’humour est une expérience intérieure par laquelle on intègre la souffrance grâce à une mise à distance salutaire. Il y a l'autodérision, mécanisme de défense et appel d’affection. Il y a encore le rire de compassion, jailli d’un partage sincère de la douleur de l’autre, rire de compassion, de pitié amoureuse baignée de larmes. C’est le rire yiddish où l’on n’est jamais tout à fait certain que Dieu arrêtera le couteau d’Abraham sur la gorge de son fils Isaac : mieux vaut déjà armer les pleurs. RIRE POUR AIMER Et on rit. Mais qu’on se comprenne. Il y a rire et rire. Le trait d’esprit blesse ce qu’il fustige et rejette dans l’altérité. Il y a le gros rire bête, le rire de ventre façon “Guerre du feu” quand le camarade se ramasse une branche sur le coin de la tronche. À “Claudine ou l'éducation“ (durée : 2h20), encore les 16, 18, 21, 23 et 26/7 à 22h. “Le Théâtre selon Ferdinand“ (durée : 2h10), les 12, 13, 14, 17, 19, 22, 24 et 27/7, à 22h. Intégrale le 29/7 à 21h. Avignon, carrière de Boulbon. Tél. 00.33. (0) 4.90.14.14.14. L’OREILLE ABSOLUE DU RIRE Le don comique suppose une synthèse bien ordonnée de ces composantes. Caubère l’a comme certains musiciens possèdent l’oreille absolue. À cet humour-là, tout ou presque est permis. Le comédien nous fait en somme aimer cette mère Insupportable et toute la galerie de personnages qui l’entoure. Il nous fait aimer la fragilité, le ridicule, le narcissisme, l’excès. À travers sa vie, il nous fait aimer la vie. Page 19 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - 1 février 2001 Noé, le gonze et trois petites marches... QUE FAIRE D’AUTRE QUE D’APPLAUDIR FRÉNÉTIQUEMENT CAUBÈRE ? RIEN D' accord, je vais me prendre une volée de rires gras. Mais bon. Je le dis quand même. Trois heures avec Caubère sur scène, ça vaut physiquement une nuit d’amour façon grand soir passionnel. Du plaisir total qui vous laisse sur les genoux, l’âme neuve et la paupière battue, lourde mais repue, tant le rire et l’émotion qu’il a fait naître vous ont vidé, nettoyé. Parce que Caubère, c’est l’instant parfait, absolu, comme il n’existe que très, très, très rarement au théâtre. Le genre de rendez-vous où l’on croit friser le pilier de Notre Dame, mais sans séquelles grotesques. Et pourtant, le gonze là, le giston grandi au Soleil de Marseille et d’Ariane, il ne traite pas du facile. Sa propre mère il joue. Sans rien lui épargner, mais avec une poésie et une tendresse... qu’on se prendrait presque à regretter que l’Albert Cohen ne l’ait pas connu, en parlant de la sienne de mère. Du coït interrompu à l’accouchement du petit Ferdinand Faure en passant par les errements pédagogiques d’une bourgeoise parisienne totalement décalée au milieu de l’exubérance phocéenne, les occasions sont pourtant nombreuses de se casser la gueule pour le danseur de corde qu’est Caubère... De tomber ou pire, d'être juste et uniquement “comique“. OR CAUBERE VA BIEN PLUS LOIN que le simple comique. Claudine est là... “j’m’excuse“... Et c’est la vie entière qui débarque en roman comme il tourne les pages de son enfance. Avec toute la galerie de personnages qui gravitent dans cette famille des années 50/60, jalonnées des interventions télévisuelles de De Gaulle, Malraux, “Mitrand“ ou d’un concert de Johnny Halliday à Marseille... Inénarrable. Mais surtout prodigieux. Oui. Prodigieux ; Car Caubère offre là une performance unique d’acteur, d’écrivain et de musicien même, en se donnant ainsi. Maîtrise totale du temps et de la simultanéité, jeu subtil mais rigoureux des différentes figures de narration, construction en forme de partition, symphonique par instants… au delà de la performance physique époustouflante, c’est bien un acteur écrivant son propre roman sur scène qui se donne là. Une chose unique. La vie qui gagne enfin contre le théâtre de l’emmerdement et du devoir d’apprendre à faire l'intelligent pour plaire. “LE THEATRE, CE N’EST PAS FAIT pour apprendre.“ dit ainsi Caubère. Et il a raison. Parce que lui offre plus et mieux : la création entière, sorte de nouveau Noé à la Giono. “Fais entrer dans ton cœur toute chair de ce qui est au monde pour le conserver en vie avec toi… et j’établirai mon alliance avec toi.“ lit-on ainsi dans un ‘fragment de Déluge cité par Giono. Caubère navigue sur son arche. Mais je ne sais toujours pas d’où sortent les trois petites marches. A demander ce soir, après la suite. “Le Théâtre “ Total. Pierre CHALLIER Page 20 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - Pariscope 29 Nov./5 déc. 2000 C laudine est le prénom de la mère de Ferdinand Faure. Pour ceux qui ne savent pas encore qui est Ferdinand Faure, nous les renvoyons au “Roman d’un acteur“, “petite“ histoire en 11 épisodes. Les trois premiers sont disponibles en vidéo (Paradoxe film). “Mon fils ne sait pas faire des spectacles courts !“ s’excuse Claudine. Ce n’est pas grave Madame, nous, les “Caubermaniaques“, sommes assez fous pour adorer cela. “Claudine et le théâtre“ est un spectacle comique, en deux soirées, relatant la naissance, l’enfance et l’adolescence de Ferdinand. Et qui marque cette période ? Maman. Et Madame Faure, c’est quelqu’un. Un personnage haut en couleurs... Elle a marqué à vie son fils et même sa fille (ceux qui connaissent l'excellente comédienne Isabelle Caubère comprendront). On ne pouvait rendre un plus bel hommage à sa mère et à l’enfance. “Claudine et l’éducation“ commence très fort : Caubère accouche en direct de son personnage. Puis nous voyons grandir Ferdinand et par la même occasion, sa petite soeur Isabelle qui ne quitte jamais ses “pataugas“. Claudine a des idées bien précises sur l’éducation. Elle fait ce qu’elle peut avec son énergumène de fils. Elle vampirise, comprend, débloque... Et Ferdinand grandit, s’éveille au monde et à Johnny Halliday, prononcé Jouny Halliday. Nous sommes dans les années 60. “Le Théâtre selon Ferdinand“ commence aussi très fort. Ferdinand, 13 ans, se voyant poète précoce, sorte de Minou Drouet, reçoit dans sa chambre le général de Gaulle, Mauriac, Sartre, Bobet, le pape et même Johnny. Un super délire entre un petit homme et des grands hommes (sauf Sartre). Ferdinand rêve de théâtre, et sa mère lui balance l’inévitable “Passe ton bac“. Veinard le Ferdinand. Plus ignare on meurt, mais comme ça se déroule en 68... Y’en a qui ont toutes les chances ! “Claudine et le théâtre“, c’est du Caubère à l’état pur. Un comédien au talent immense, à l’univers complètement fou. Il nous fait rire et même pleurer de rire. Bravo et encore merci ! Marie-Céline Nivière Athénée Renseignements page 12. Page 21 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - 13 juillet 2000 Reprenant son fil d'Ariane (Mnouchkine), l'acteur-metteur en scène retrouve la cité des Papes avec “Claudine et le théâtre“, les deux premiers volets de sa nouvelle saga. C’est dans l'espace sableux de la carrière Boulbon qu’il a décidé de remonter aux sources de son roman-fleuve. Pour cet enfant du “Soleil“, la vie sera toujours une pièce de théâtre. Philippe Caubère fait “carrière” à Avignon — Qu’est-ce qui vous a poussé à reprendre votre autobiographie théâtrale ? — Cela faisait plusieurs années que j’avais envie de créer la version originelle/originale de “La danse du diable”. En 1980, j’avais improvisé pendant plusieurs mois devant Clémence Massart et Jean-Pierre Tailhade, et je me suis retrouvé avec des enregistrements représentant plus de cinquante heures d’improvisations où j’évoque mon enfance. Donc après “Aragon”, j’ai eu envie de reprendre ce travail et, surtout, de retrouver ma mère. Quand je joue les gens que j’ai connus, ils sont vraiment là avec moi, y a pas à chier... Moi, je crois aux personnages imaginaires autant qu’aux vrais, si ce n’est davantage. Je pensais donner trois spectacles et, au fur et à mesure que le travail avance, je me rends compte que ce sera plutôt six... —A Avignon, vous n’allez en créer “que” deux ? — Oui, je présente les deux premières parties de “Claudine et le théâtre”. Je monterai la troisième plus tard, et ensuite il y aura les trois épisodes qui concernent Ariane. Si j'ai la patience d’aller au bout... — “Ariane”, c’est bien sûr Ariane Mnouchkine. N’est-elle pas votre autre maman ? —Je ne sais pas... Comme Ariane est vivante — et c’est heureux —, la relation poétique, artistique, sentimentale que j’ai pu avoir avec elle est d’un autre ordre. Mais là, je ne peux pas en parler, car je ne me suis pas encore plongé dedans. En ce moment, je suis totalement immergé dans ma mère, dans mon adolescence... —Vous êtes en pleine psychanalyse théâtrale... —Longtemps j’ai refusé cet aspect psychanalytique de mon travail d’auteur et de comédien. Et je crois que j’avais raison de le refuser parce que, pour moi, “Le roman d’un acteur" n'était pas une psychanalyse mais un “Les marches vrai roman picaresque, le récit d’une troupe et du palais” et de son chef. Au contraire, pour “Claudine et le “Aragon”, les théâtre”, c’est une réflexion que j’assume. Oui, deux derniers ce que je fais actuellement est véritablement spectacles de Caubère, filmés une psychanalyse sur scène ! par Bernard —Vous découvrez donc des choses Dartigues, sont inattendues sur vous-même ? passés de la scène à la vidéo. —Je n’arrête pas. C’est même parfois très douloureux. Déjà, si on m’avait dit que je ferais du théâtre tout seul durant vingt ans, je ne l’aurais pas cru. Jamais je n’aurais imaginé qu’à 50 ans je reprendrais les improvisations que je faisais à 30. —Ces impros vieilles de vingt ans, vous les avez retouchées ? —Non, justement, tout l’art consiste à ne rien toucher, pas même les défauts d’écriture ou les trucs ridicules. Je me suis borné à revoir la ponctuation et à reformuler certaines phrases afin qu’elles soient compréhensibles. —Vous voici de retour à Avignon, dont vous devez garder un souvenir cuisant. —J’ai eu plusieurs rendez-vous avec Avignon, mais le grand échec date de 1979 où je me suis planté au palais des Papes avec l’équipe des Belges. Dans la cour d’honneur, le mistral joue souvent mieux que nous. Depuis, j’ai appris à jouer avec le vent et non pas à lutter contre lui. Je me suis bardé de micros sans complexes, ca il ne faut surtout pas parler plus fort quand il y a du vent. Les gens ne viennent pas entendre crier un acteur, ils viennent le voir jouer. — Cette année, vous jouez dans ce lieu insolite qu’est la carrière de Boulbon... —A cause du vent, justement, c’est une idée qui ne me serait jamais venue. C’est Bernard Faivre d’Arcier qui l’a eue. Quand je l’ai rencontré pour parler de ce projet, je lui ai dit : “Tu ne vas tout de même pas me mettre à Boulbon ?“ “Bien sûr que non !“ m’a-t-il répondu. Quand j’ai vu ce lieu minéral, j’étais atterré. Mais maintenant, je sais qu’il avait raison. —Vous jouez seul depuis vingt ans. C’est curieux pour un enfant de troupe... —Oui, c’est bizarre. C’est quelque chose que je n’ai toujours pas élucidé. C’est vrai pourtant que je commence à en avoir marre de la solitude, j’ai envie d’être avec d'autres êtres humains. Ne plus avoir de relations charnelles autres que sexuelles avec des actrices, ça me manque. [Rires.] Il est clair que mon voyage en solitaire est un rejet de plus en plus grand d’un certain théâtre subventionné... —Englobez-vous le théâtre du Soleil ? —Ah non, au contraire, je cherche à continuer à vivre ce que j’ai connu au Soleil. Je pensais justement créer une troupe pour poursuivre ce chemin. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que, pour retrouver ce que j’avais aimé au Soleil, c’est-à-dire l’écriture les improvisations, etc., il allait falloir que je sois seul. —Quelles sont vos relations avec Ariane Mnouchkine ? —Ariane, c’était mon maître je n’ai jamais été copain avec elle. Je ne dirais pas que mes relations avec elle sont inexistantes, car elle vit trop dans ma tête. Elle n’est jamais venue voir mes spectacles, mais la seule rancune que j’ai contre elle, c’est qu’elle n’ait pas voulu voir “Aragon”. Pour une fois que ça ne parlait pas d’elle... Je vois dans l’attachement d’Aragon pour le Parti communiste mon propre attachement pour le théâtre du Soleil. —Pourquoi ne vient-elle pas à vos spectacles ? —Je pense que ça ne l'intéresse pas de savoir ce que deviennent ses acteurs. Ariane, c’est don Juan. Elle sait se faire aimer, mais elle aime moins qu’on ne l’aime. Elle n’a peut-être pas le choix non plus parce qu’au Soleil il y a beaucoup de monde et il faudrait qu’elle ait un cœur très vaste. Et puis, il y a beaucoup de gens qui l’ont trahie, alors c’est normal... — Et vous, vous allez au théâtre ? — Pas souvent, et quand j'y vais, c’est de la pire manière qui soit, c'est-à-dire que je vais voir les copains. On ne découvre rien, on voit des trucs qui vous font chier. Comme on n’a pas envie de passer une mauvaise soirée, on ment et on dit aux copains qu'on les a trouvés formidables. Et voilà, on entre dans le grand mensonge du théâtre actuel... —Vous travaillez à quel rythme ? —Je me fais des programmes absolument indigestes. J’ai adopté un énorme rythme de travail. Je répète jusqu’à neuf heures par jour. — C’est quoi un bon spectacle pour vous ? — C’est un travail fait par des gens qui vont au bout de leurs rêves, des gens comme Olivier Py, Bartabas —ou... Johnny Hallyday INTERVIEW ALAIN SPIRA Page 22 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - Vaucluse Dauphiné 15 juillet 2000 Pari gagné pour Caubère Après “Claudine et l’éducation”, seconde partie : “Le théâtre”. Un nouvel épisode moins homogène, mais toujours source de rires “Claudine et l'éducation“ s’avèrent une totale réussite, comme nous l'avons souligné dans nos colonnes. La suite a du mal au départ à atteindre la même perfection, surtout au niveau de l’émotion. Elle est scindée en deux parties, bien distinctes et la première n’est pas de la même veine, virant dans le fantastique et le surréalisme. Mais le rire est toujours au rendez-vous. Caubère démarre sur un délire, rêve de son adolescence, où il convoque tous les grands noms marquant l’actualité dans les années de sa jeunesse. Il invite à “une sur-pat’exceptionnelle“ le Général de Gaulle, à qui il demande de pouvoir récupérer ses 98000 poèmes enfouis dans des greniers, en réclamant de plus une médaille pour son oncle collabo. Souvenirs politiques... Autres invités conviés à sa fête : Mauriac, Malraux, Sartre, Lucien Jeunesse, Roger Lanzac qui apporte un éléphant en cadeau, et bien sûr Johnny son Idole. Occasion d’imitations, du chanteur et d’autres, de Brel à Jean Ferrat. Il fait twister ce Panthéon, avec Robert le marseillais son copain communiste, puis lit un texte érotique avant d’envoyer ses hôtes à la cathédrale de La Fare pour une cérémonie relatée par Léon Zitrone. De là on atterrit au Palais des Papes où Caubère se produit dans une comique chorégraphie, puis dans un extrait du Cid. Les idées et les héros d’une génération défilcnt. Mais le meilleur, c’est la seconde partie, on l’on retrouve le portrait superbe de la mère. Comique et émotion, tendresse et vérité s’épousent. Claudine Gautier la bourgeoise de droite, tente de dissuader son fils de devenir comédien. Savoureux, le morceau où elle l’incite à faire plutôt du droit ou à choisir un métier manuel comme coiffeur ! Autre scène désopilante, le passage du bac en 68... Et final en somptueux délire. Quel immense homme de théâtre ! Marie-Hélène LOUBATIÉ. “Le théâtre” : Les 17, 19, 22, 24 et 27 juillet, carrière de Boulbon à 22 heures. Intégrale “Claudine et le théâtre” le 29 à 20 heures. Page 23 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - Télérama La comédie humaine selon Philippe Caubère s’étoffe d’un nouveau personnage Tout sur ma mère CARRIERE DE BOULBON CLAUDiNE ET LE THÉÂTRE CRÉATION DE ET PAR PHILIPPE CAUBÈRE SPECTACLE COMIQUE EN DEUX SOIRÉES CLAUDINE OU L'ÉDUCATION LES 7-8-9-16-18-21-23-26 JUI LLET À 22H DURÉE 2H30 LE THÉÂTRE LES 2-13-14-17-19-22-24-27 JUILLET À 22H DURÉE 3 HEURES CLAUDINE ET LE THÉÂTRE (INTÉGRALE) LE 29 JUILLET À 20H DURÉE 5H30 Quoi ! Encore ? Depuis qu’il a commencé à raconter sa vie — à la rejouer, plus exactement — sur scène en 1981, dans des spectacles fleuves dont la fin est toujours repoussée, Philippe Caubère n’a cessé d’être confronté à ce lourd soupçon, à ce sempiternel refrain qui aurait dû le précipiter, depuis longtemps, dans les abîmes du renoncement. Enfermé dans son univers, peut-être, mais ni sourd, ni aveugle, même si, comme dit Véronique Coquet, sa compagne et productrice, “ il n’entend pas comme tout le monde ”. Il sait très bien ce que l’on dit de lui, derrière son dos qu’il fait de la psychanalyse sur scène, qu’il règle ses comptes, que son entreprise délirante n’est que narcissisme et mégalomanie. Procès oblique qu’il ressent comme une injure avec, au fond de soi, la certitude d’être innocent, l’orgueil secret du créateur et l’envie de défier les critiques qui désespèrent de le voir jamais sortir de cette folle aventure. Les monologues de La Danse du diable (1981-1982) et les dialogues du Roman d’un acteur (trente-trois heures de spectacles en onze parties !) composent les symphonies pour un homme seul de ce Fregoli qui écrit, joue, mime et met en scène les mille personnages de son ébouriffante comédie humaine. Avec pour uniques accessoires une chaise, un manteau, une écharpe, un bonnet... Les pérégrinations du comédien Ferdinand Faure, son double, n’appartiennent à aucun genre. Et cette logorrhée, portée par un acteur époustouflant de brio, qui semble ne devoir jamais s’arrêter, abolit le temps. On pourrait penser que Caubère, à la longue, abuse, sature, fatigue. Mais non, comme un humble artisan attaché à sa peine, il remet sur le métier, reprend ses outils dans le secret de son atelier, et façonne à sa main une matière lovée dans les limbes de sa mémoire, qui. si l’on en croit la ferveur du public, ne demandait qu’à s’animer. Ce travail, en convient-il, m’occupera peut-être toute ma vie. ” Pour justifier à ses propres yeux cette chevauchée furieuse, il prétend n'avoir pas eu le choix. Ce fut une question de vie ou de mort. Après l’échec de Molière, le film dAriane Mnouchkine (1977), puis de Lorenzaccio, de Musset, dans la Cour d’honneur (1979), le monde extérieur lui renvoyait l’image d’un mauvais comédien qui avait rêvé de rivaliser avec le fantôme de Gérard Philipe. Et il sortait d’un “ double traumatisme ” : la mort de Claudine, sa mère, pendant le tournage de Molière, suivie de peu par sa rupture avec Ariane. ‘Je n’avais d’autre issue que d’écrire une pièce sur ma vie et de la jouer. Le portail s’est ouvert et le passé a afflué en trombe. Après vingt ans d’une aventure théâtrale inclassacle, expédition en solitaire, plongée dans les hauts-fonds de la mémoire, il s’en retourne vers ses origines, comme un fleuve qui remonterait vers sa source. Sa dernière création, L’homme qui danse, autobiographie comique et fantastique, s’annonce en réalité comme la “ vraie version originale et intégrale ” de son premier spectacle, La Danse du diable. Philippe Caubère anticipe les commentaires: “ Réécrire une pièce de théâtre est une chose qui ne se fait pas. Rajouter plutôt que couper, encore moins. Parler de la même chose depuis vingt ans, bientôt plus, ne se fait pas du tout. Je ne fais rien comme il faut. ” Ce nouveau cycle démarre donc avec les deux premiers épisodes d’un ensemble qui devrait en comporter quatre (ou cinq...) Claudine ou l’Education, puis Le Théâtre. Caubère repart de sa naissance, en 1950. De sa sortie, tambour battant, du refuge intra-utérin jusqu’à son arrivée sur les planches. Ou comment la chrysalide s’est faite papillon. Guère épais, chétif, malingre, annoncé en sursis par les médecins, il traîne au cours de son enfance de multiples maladies qui obligent sa famille, sa mère surtout, à le couver. Il suit des cours par correspondance. Un matin, le facteur apporte un devoir de troisième : “ Quel métier désirez-vous faire plus tard? Expliquez pourquoi. ” Le prépubère Caubère écrit “ acteur, auteur, metteur en scène et directeur de troupe ”. Demandez le programme! Tout y est. Dès l’âge de quinze ans. Quelques années auparavant, dans la créche pastorale de son village provençal, au milieu des santons, le petit Philippe avait joué La Poissonnière, “ avé l’assent ”. Ovation de l’assemblée. “ Révélation artistique, érotique et spirituelle... Après vingt ans d’une aventure théâtrale inclassable et solitaire, il s’en retourne vers ses origines, comme un fleuve à sa source. D un seul coup, le feu a pris en moi! ” Avant la représentation, son père (industriel marseillais, au destin contrarié de comédien) avait pris soin de guider son minot, avec forces gestes, sur la manière d’affronter le public, d’exagérer les effets. Depuis, le logiciel Caubère est en place : discours de la méthode (improviser, composer, respirer, articuler) et principe de plaisir (encore! encore !). Aux anniversaires, il déclame les stances du Cid. Les trous de mémoire le font pleurer. “ Mes parents ont été bienveillants. Ils ont nourri le serpent. ” Chez les Caubère rôde le désir de théâtre. On tire les rideaux rouges du salon, on définit un cadre de scène et on se donne radieusement en spectacle, au milieu de5 ~cIats de rire. Page 24 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce - CLAUDINE ET LE THÉATRE À La Fare-les-Oliviers, où Philippe vient de racheter la maison de son grand-père, un ancien pavillon de chasse à la Tchekhov, il a fait bâtir une scène en plein air. De la montagne Sainte-Victoire à l’étang de Berre, le regard embrasse un vaste horizon, hélas éventré par l’autoroute du Midi, dont la rumeur lancinante ceinture la colline. Caubère travaille ici entre le grand salon, où il accouche de ses improvisations, et cette scène, où il verrouille ses spectacles par tous les temps, immunisé contre les assauts du ciel. Parfois, il se croit fou, misanthrope. Car, sous l’habit de lumière du matador, usine le mineur de fond qui, dans le noir de ses galeries, se pose des questions paralysantes. “ Je me suis piégé moi-même. Est-ce que j’ai raison de continuer? L’angoisse me mord parfois comme un scorpion à la nuque. ” Philippe Caubère le malingre a débuté au cours Molière, à Aix-en-Provence, en 1968, où Bruno Raffaëlli rayonnait de ses feux juvéniles. “ J’étais la vedette, confirme l’intéressé, aujourd’hui 500e sociétaire de la Comédie-Française (depuis la création de la compagnie...). On voulait tous ressembler à Gérard Philipe. On posait de profil... ” Le Festival d'Avignon, cet été-là, livré à la meute des contestataires qui déchiquettent Jean Vilar, brise les illusions de Philippe Caubère, qui croyait trouver, intact, un monde théâtral idéalisé. À Aix, il se pose au Tex1, pépinière de jeunes acteurs. Très vite, Caubère le littéraire monte avec Bruno des collages poétiques, se lance avec Maxime Lombard et Jean-Claude Bourbault dans des aventures loufoques et révolutionnaires, vaguement inspirées du surréalisme. La Commune, librement adaptée de l’Histoire, cimente le groupe. “ On essayait de jouer dans les quartiers Nord de la région marseillaise, raconte Max. Les gamins foutaient le feu à nos perruques. On se faisait jeter: “Là, putaing, vous voyez pas que c’est le terrain de pétanque ?” ” Ils se glissent péniblement dans le “ off ” à Avignon et paradent, place de l’Horloge, Max à la clarinette et Philippe au tambour. Envoyé en éclaireur, Max revient de Paris les yeux brillants. Il a vu 1789 au Théâtre du Soleil. “ Philippe était persuadé qu’Ariane Mnouchkine saurait le former. Il préférait apprendre le métier avec Picasso qu’aller aux Beaux-Arts... ” Le trio saisit la coïncidence d’une tournée du Soleil et d’une représentation de La Commune dans la même région pour présenter son travail à Ariane. Max tombe malade. Les deux autres arrivent en retard. Un orage éclate. L’électricité saute. Coûte que coûte, ils continuent. Sous le chapiteau, Clémence Massart, la jongleuse du Soleil, est captivée par leur numéro “ interminable mais formidable ”. “ Teigneux, un bonnet phrygien sur la tête, une grande capote de l’armée sur le dos, Philippe s’est soudain lancé dans une diatribe. C’était fascinant de voir cet acteur déjà étonnant se noyer sous nos yeux. Du fond de sa rage, il appelait au secours. ” Ariane et sa troupe cooptent ces amateurs, ces “ Marseillais ” débarquant en fanfare à la Cartoucherie, avec des banderoles “ Allez l’OM! ” qui défrisent la tribu du Soleil. “ On était toujours ensemble, on parlait fort, on faisait de la provoc’ ”, rigole Max. “ Le soir de notre premier salaire, on s’est payé le Crazy Horse Saloon, en costume-cravate, comme de vrais cacous marseillais ”, se rappelle Jean-Claude. Véronique Coquet, la femme de Jean-Claude à l’époque, découvre ce trio ébouriffant : “ Ils étaient irrésistibles, jeunes, beaux, sexys, bourrés de talent, indépendants et protégés par Ariane... ” “ Ils étaient les seuls à la bousculer”, confirme Clémence, elle aussi, aspirée par leur rayonnante énergie. Elle épouse Philippe. Noces d’acteurs dionysiaques célébrées au Théâtre du Soleil : les mariés sont portés par la troupe sur des boucliers. Les Marseillais reprennent des rôles de 1789, participent à la création de 1793 et de L’Age d’or, se forgent à l’école des masques et de l’improvisation, entre traits de génie et laborieuse incertitude. “ Si Ariane ne lui avait pas donné le rôle de Moliére, elle l’aurait tué, pense Max. C’était criant de vérité : il avait tout, le talent, l’intelligence, la beauté. Il est magnifique dans ce film. Et les questions que se pose Molière sont devenues les siennes... ” Après le bide du film à Cannes, Ariane confie à son interprète qui piaffe la mise en scène de Dom Juan. Son succès révèle une rivalité artistique que le non-dit envenime... Caubère n’est pas mécontent de son travail, mais ne s’aime pas dans le rôle de Dom Juan. Bruno, puis Max, attirés par le Magic Circus, ont rejoint Savary. Philippe coupe le cordon ombilical avec Ariane. Il part seul. Clémence l’a quitté. Ces épisodes, y compris les plus intimes, Caubère en a épicé ses spectacles, ne nous celant rien, avec une verve burlesque et une inventivité foisonnante. Clémence (alias Budu), le pouce sur la lèvre, naïve, prête à tout croire; Max, son assent aillé, ses “ oringes ” et ses problèmes de coeur; Jean-Claude, sensible, basculant dans les pires excès; Bruno, rejeté par Ariane, coupable d’être passé par le conservatoire. Et tous les autres “ Il pensait qu'Ariane Mnouchkine saurait le former. Il préférait apprendre le métier avec Picasso plutôt qu'aller aux Beaux-Arts” 34 la galaxie dont Caubère a fixé les étoiles et les planètes. Avec, au centre de ce cosmos autour duquel tournait la Terre en ce temps-là, Ariane, la reine mythique, le Soleil... On a beaucoup glosé sur leur relation, dévoilée par Le Roman d’un acteur. Derrière la charge souvent vacharde, criante de vérité, Caubère dévoilait tendresse et admiration pour son Pygmalion. “ Ariane m’a tout donné, tout appris, insiste-t-il. Avant elle, je n ‘étais rien ; avec elle, j’ai connu la gloire. Ce fut une séparation tragique, douloureuse, mais j’étais obligé de partir. Tout allait dégénérer... ” “ Philippe était son fils spirituel, témoigne Clémence. Son départ fut un cauchemar tant il était partagé entre souffrance et culpabilité. Il est dans ses ruptures comme dans la séduction, peu accommodant. C’est après qu’il est effaré de ce qu’il a pu faire... ” Seul, vraiment seul, Philippe Caubère imagine alors faire carrière au cinéma. Mais en 1979, il accepte la proposition de l’Atelier théâtral de Louvain-la-Neuve de jouer Lorenzaccio sous la direction du metteur en scène tchèque Otomar Krejca, spectacle prévu pour Avignon... Cette fois, Gérard Philipe, à nous deux ! À Louvain, malgré la présence de Bruno et sa rencontre avec Christine Boisson, c’est la déprime. Les acteurs logent sur le campus universitaire, au milieu des champs de betteraves, se traînent entre une pizzeria et un bar avec flipper. Dans la Cour d’honneur, le public descend des travées par wagon. Caubère se fait fusiller par la critique. “ Rude claque! ”, reconnaît-il. Bruno est rentré à Paris, Christine aussi. (“ Il ne croit pas à l’amour, dit-elle, comme à regret. C’est un lyrique, pas un romantique. ”) Il reste encore un peu à Louvain, “ en exil de lui-même ”, dit Max. Quand il revient à Paris, plus seul que jamais, malade d’angoisse, Philippe se met à grossir, dérive rue Saint-Denis, noircit des pages et des pages sur des carnets où il se libère de ce qui l’oppresse, son passé, sa folie sexuelle et son rêve inassouvi de théâtre2. Il tente de renouer avec les Marseillais, commence à écrire un film, erre pendant plusieurs mois. Mais, sous l’acteur désemparé, perce l’auteur qui se cherche. La chrysalide tarde à se déchirer. Le papillon se débat. Enfin, encouragé par ses amis, soutenu à bout de bras par Clémence et Jean-Pierre Tailhade, il accouche d’une technique subtile qui mélange improvisation et écriture. Il voulait se prouver qu’il pouvait être acteur et connaître le succès? Il réussit même à s’imposer comme auteur. Alchimie sidérante d’un monde recréé qui passe par le corps de l’acteur, sa formidable puissance sur scène et sa maestria d’histrion. “ C’est un artiste, pas un comédien; un créateur, pas un interprète ”, résume Véronique Coquet. “ Son oeuvre? Elle est indiscutable, soutient le cinéaste Bernard Dartigues, qui a filmé l’intégralité du Roman d’un acteur3. Il n'y a rien à couper. C’est tiré au cordeau. Avec L’homme qui danse, je suis certain qu’il va atteindre à la pureté originelle. ” L’enjeu, cette fois, est décisif : en finir avec cette histoire et clarifier la figure de Claudine. Face au souvenir de sa mère, il se livre, depuis le début, à une fuite en avant, juge Jean-Claude Bourbault. Elle a disparu trop tôt. Il n’a pas eu le temps de lui montrer qu’elle avait eu raison de l’aimer, ni de lui prouver que son choix était le bon. ” Son autre mère ne l’aide pas. Ariane qui, après La Danse du diable, l’avait mis au défi de parler d’elle, s’est dérobée. Elle n’est jamais venue à ses spectacles. La légende veut qu’elle se soit glissée, un soir, déguisée, méconnaissable, dans une salle pour le regarder jouer. Trop beau pour être vrai... Il ne lui pardonne pas, non plus, son absence pour Aragon, spectacle de transition. Comme un enfant qui craint d’être pris en faute, Philippe l’avait appelée avant de tout lâcher sur scène. “ Tu pourrais me faire un procès? ” Elle l’avait engueulé. “ Comment peux-tu imaginer? ”En dépit du succès populaire de ses expériences cinématographiques (La Gloire de mon père et Le Château de ma mère, d'Yves Robert), il en est ressorti frustré, plus seul encore au milieu des autres que livré à lui-même, “ avec la foule de santons qui l’accompagnent partout et sortent de sa tête ”(dixit Max). “ La solitude, il la cherche et il la craint ”, juge Clémence. “ Ses paradoxes fortifient sa création, assure encore Véronique Coquet : il est indépendant et très dépendant, insupportable et généreux, obsédé de sexe et fidèle, parano et attentionné. ”Une question reste en suspens : pourra-t-il rejouer avec d’autres? Son absolutisme d’ascète, sa redoutable intransigeance (“ Il fait peur à tout le monde! ”, témoigne Bernard Dartigues) sont-ils conciliables avec l’art du compromis qu’exige le travail collectif? Nombreux sont ceux qui l’attendent avec impatience, les Marseillais, bien sûr, Christine Boisson, Ci-dessus: aussi, émerveillée par “ sa précision “Le Roman d’un hallucinante sur scène, son agilité acteur”. faramineuse à passer d’un personnage à l’autre. Le voir jouer est toujours une leçon ”. Mais, après vingt ans d’une discipline d’enfer, sortant de cette expérience de théâtre total où il aura déployé un jeu d’une richesse fabuleuse, ce marathonien solitaire peut-il s’accommoder maintenant de partager la lumière ? Philippe Caubère assure qu’il rêve de retrouver les autres. Doit-on vraiment le croire ? “ Il approche du terme de son aventure et ça l’angoisse, estime Clémence Massart. Après, dit-il parfois, je n’aurai plus qu’à penser à la mort... ” Il le reconnaît “ Je ferme le cercle. J’arrive au bout de ma recherche. Je me sens comme ces navigateurs qui ont peur de retrouver la vie sur terre parce que je sais que je n ‘épuiserai jamais la matière de mon passé. ” Caubère reprend à son compte ce voeu de Louis-René des Forêts : “ Que jamais la voix de l’enfant en lui ne se taise, qu’elle tombe comme un don du ciel offrant aux mots desséchés l’éclat de son rire, le sel de ses larmes, sa toute puissante sauvagerie. ” C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Jean-Claude Raspiengeas 1. Théâtre d'essai d'Aix en Provence 2. Ses carnets d’un jeune homme (1976-1981) ont été publiés aux éditions Denoël. 3 Sortiront cette année en vidéo et en Ovo, réalisés par Bernard Dartigues: LesMarches du palais. Ariane ou l’Age d’or,Jours de colère (Ariane Il) et Aragon Page 26 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -