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Philippe Caubère (et sa Comédie Nouvelle) présente
Claudine et le théâtre
spectacle comique en deux soirées :
premier épisode : Claudine ou l’éducation
deuxième épisode : Le Théâtre selon Ferdinand
première partie de son autobiographie théâtrale comique et fantastique :
L’Homme qui danse
écrit, mis en scène et joué par
Philippe Caubère
après avoir été improvisé vingt ans plus tôt devant
Jean-Pierre Tailhade et Clémence Massart
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assistant à l’écriture et à la mémorisation : Roger Goffinet
scénographie et direction technique : Philippe Olivier, dit “ Luigi ”
lumières : Pascal Caubère
régie générale et régie son : Jean-Christophe Scottis
régie lumière : Emmanuelle Stäuble
styliste : Christine Lombard
création de la jupe de la mère d’après un peinture de Egon Schiele : Sophie Comtet
attaché de presse : Vincent Serreau
photos : Michèle Laurent et Danièle Pierre
afiche réalisée par David Caubère d’après une photo de Raymond Caubère
profduction : Véronique Coquet pour La Comédie Nouvelle
coproduction : Les Gémaux/Sceaux/Scène Nationale
musiques : Le Mystère des voix Bulgares
L’entrée d’Egmont de Beethoven
Batucada de Michel Goubin
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PRÉFACE
DE CLAUDINE ET LE THÉÂTRE
Ré-écrire une pièce de théâtre est une chose qui ne se fait pas. Rajouter plutôt que couper, encore
moins. Parler de la même chose depuis vingt ans — bientôt plus —, ne se fait pas du tout. Bref, je fais rien
comme il faut : il faut faire du nouveau, passer à autre chose, oublier, renier, estimer qu’on a déjà
suffisamment parlé de ceci, de cela, ne pas se répéter, ne pas se caricaturer, je ne sais quoi encore. Oui, mais,
j’ai lu dans le journal Première — journal populaire de cinéma — une interview de Johnny Hallyday dans
laquelle, à la question qu’on lui pose : “ Quelle est votre devise ? ”, il répond : “ Exister, c’est persister ”. Et
j’ai confiance en Johnny parce que c’est un grand artiste ; peut-être un des plus grands de notre époque. Et
puis, je relie ça, je ne sais pas pourquoi, à une chose que m’avait dite Ariane Mnouchkine en 1986. Elle
m’avait invité chez elle à déjeuner et, comme je me plaignais du fait que mon travail solitaire m’accaparait
complètement et depuis plusieurs années déjà, m’avait fait cette remarque, — tout en me préparant une belle
escalope à la crème — : “ Ah, Philippe, que veux-tu : l’art, c’est long ! ”
Oui : c’est long. J’avais été bouleversé par le film de Jacques Rivette : La Belle noiseuse, dans lequel
le peintre, joué par Michel Piccoli, mure sa plus belle œuvre pour vendre à son marchand une œuvre moins
belle, mais moins dangereuse. Il m’a toujours semblé que L’Homme qui danse, œuvre comique rêvée en 1980
au cours des improvisations que je faisais devant Jean-Pierre Tailhade et Clémence Massart, était ma “belle
noiseuse”. Durant les trois ans de la Danse du Diable, puis tout le temps ensuite, beaucoup plus long, du
Roman d’un acteur, je pensais à mon œuvre murée, me disant qu’elle ne verrait peut-être jamais le jour. Il se
trouve que j’avais déjà vécu ça. Le très beau spectacle du Théâtre du Soleil : L’Âge d’Or, en 1976, n’avait été
qu’un ersatz de ce que nous avions rêvé, et bien plus que rêvé : improvisé et presque réalisé. “Nous”, je veux
dire : les acteurs et notre metteur-en-scène-auteur. Il aurait suffi, après le film Molière, de s’y remettre,
c’est-à-dire de ressortir nos improvisations de leurs cartons et de leurs bandes magnétiques, puis d’organiser
cette matière dans le sens qu’Ariane voulait lui donner pendant la création, pour que le public puisse assister,
au fur et à mesure des jours et des semaines — le spectacle devait être en perpétuelle transformation —, à
l’une des plus belles aventures théâtrales du XXème siècle. Ce qui fut et restera loin, très loin, d’être le cas.
Mais, à l’époque, enclins à cette espèce de révisionnisme déjà à la mode, cette sorte d’anti-nostalgisme
primaire dont se targuent, je ne sais pas pourquoi, les gens de théâtre ; cédant enfin, il faut bien l’avouer,
devant les problèmes de troupe, nous nous étions résignés à jeter tout ça à la poubelle, avec nos expériences,
notre enthousiasme, notre amitié, bref : notre jeunesse. J’ai bien envie d’écrire — et tellement que je le fais :
enfoirés que nous fûmes !
Quelques-uns de ces acteurs-improvisateurs de L’Âge d’Or ne se sont jamais tout à fait remis de cet
“échec” entre guillemets, ni de cette démission sans guillemet. Tels les égyptologues des Sept boules de
cristal qui se réveillent régulièrement et au même moment sur leur lit d’hôpital pour s’agiter tous ensemble,
ils se réveillent et s’agitent, en proie au même cauchemar, épouvantable pour eux, incompréhensible pour les
autres. Il est certain, en tous cas, que travail que j’accomplis depuis vingt ans — qui m’occupera peut-être
toute ma vie… — est le fruit de cette étrange maladie. Et que cet éternel regret, cette nostalgie inconsolable,
l’expliquent et le fondent ; tout autant que le double traumatisme que fut pour moi la mort de ma mère
pendant le tournage de Molière , suivie presque aussitôt de ma séparation d’avec Ariane. C’est qu’en fait,
nous n’avions pas craqué devant je ne sais quels avatars de la “création collective”, comme nous voulions
nous en convaincre à l’époque, mais bien devant les vraies, les seules difficultés que posent la véritable
écriture théâtrale : celle qui naît des acteurs.
C’est pour cela que je m’efforce d’éviter de reproduire la même erreur au sein de mon propre travail.
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Je ne sais pas encore si j’aurai la patience d’aller jusqu’au bout, car c’est tout de même la troisième fois : 1 La Danse du diable, 2 - Le Roman d’un acteur, et 3 - Ce coup-ci… — Et encore, j’en oublie une, qui fut la
première : Les Carnets d’un jeune homme. — que je remets le machin sur l’établi avec la volonté de tout faire
pour y arriver, c’est à dire en terminer. Achever le travail et accomplir l’ “œuvre” quelle qu’elle soit et
quelque dimension qu’elle ait. Je veux dire : petite ou grande. Mais c’est vrai que, pour reprendre le mot
d’Ariane : ç’aura été long. Au contradicteur cependant, ou au critique qui dirait de mon histoire : “ Dommage
qu’il ne puisse pas en sortir ”, je ne pourrais que répondre : “ Au contraire : comment trouver la force de ne
PAS en sortir ? ” Et ne pas lâcher prise au moment d’y arriver. Même si, en vérité, j’aurais surtout envie de
lui dire : fais mieux que moi, va plus vite, et après, tu m’expliques !
C’est que, pour parler vite, le théâtre moderne me fait chier. Je déteste le théâtre abstrait, allégorique
ou thématique. Beckett ou Brecht. Les deux piliers, les deux idoles, — les deux icônes —, de ce fameux
“théâtre moderne”. À ce compte-là, dans le genre moderne, je leur préfère Ionesco, Dubillard, Céline,
Rostand, Pagnol ou Suarès ; sans parler de Benedetto ou Valetti. En fait, j’aime par-dessus tout le théâtre
figuratif, comme on dit : la peinture figurative ; Molière, Corneille, Musset, Shakespeare, Tchékhov,
Goldoni. Seulement, on ne peut pas non plus passer son temps et sa vie à les monter et les re-monter. Ça a été
l’objet et la base de la renaissance théâtrale du vingtième siècle. Demain, on est au vingt-et-unième, il faut
passer à autre chose : écrire. Mais pas du théâtre littéraire, — y en a suffisament comme ça — non, de la
comédie. De la farce. C’est tout simplement ce que j’essaye de faire, dans mon coin, — seul en scène ou pas,
peu importe —, à ma façon en tous cas. Me nourrissant sans cesse et sans relâche de ce qu’Ariane et L’Âge
d’Or m’ont enseigné, je dirais même inculqué. Et m’inspirant de tout ce que je peux : de ces “grands”
pré-cités, comme aussi et sans complexe, de Chaplin, Woody Allen ou Fellini. Comme enfin et surtout, de la
vie. De la mienne en particulier.
Claudine et le théâtre sera présenté cet été à la Carrière Boulbon dans le cadre du Festival d’Avignon,
puis, après — et avant — une tournée en France, à Paris, au Théâtre de l’Athénée, du 8 Novembre au
31 Décembre 2000. Ce n’est donc que la première partie d’un ensemble qui devrait être composé de cinq ou
six soirées, intitulé : L’homme qui danse ou la vraie Danse du Diable , autobiographie comique et
fantastique. Tout ça, bien sûr, si Dieu et la nature me prêtent vie, courage, succès et surtout : envie.
Quand ? Je ne le sais pas.
P. C.
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BIOGRAPHIE DE PHILIPPE CAUBÈRE
Né le 21 septembre 1950, à Marseille.
1968-71 : comédien au TEX, Théâtre d'Essai d'Aix-en-Provence, créé et dirigé par Éric Eychenne, en
compagnie de Maxime Lombard, Jean-Claude Bourbault et Bruno Raffaëlli.
1971-76 : comédien au Théâtre du Soleil, en compagnie de Maxime Lombard, Jean-Claude Bourbault et
Clémence Massart, dans 1789, 1793 et L’Âge d'or .
Janvier 76 : commence, parallèlement à son travail de comédien, l’écriture de ce qui sera édité vingt-trois ans
plus tard sous le titre Les Carnets d’un jeune homme.
1977 : joue Molière dans le film d'Ariane Mnouchkine.
1978 : met en scène et joue Dom Juan de Molière au Théâtre du Soleil, en compagnie de Maxime Lombard,
Jean-Claude Bourbault, Clémence Massart, Jonathan Sutton et Françoise Jamet.
1979 : comédien, en compagnie de Bruno Raffaëlli, à l'Atelier Théâtral de Louvain-la-Neuve (Armand
Delcampe), sous la direction d'Otomar Krejca. Interprète Lorenzo dans Lorenzaccio de Musset au Palais des
Papes pour le Festival d'Avignon (Paul Puaux) et en tournée, et Touzenbach dans Les Trois sœurs de
Tchékhov.
De 1980 à 81 : écriture. Puis, improvisations sous la direction de Jean-Pierre Tailhade et Clémence Massart
qui donneront, l’année suivante, La Danse du diable et, vingt ans après, L’Homme qui danse.
Mars 1981 : création d’une première version de La Danse du diable, au “ Ciné Rio ” à Bruxelles (Stéphane
Verrue et Christian Baggen).
Mai : fin de l’écriture des onze Carnets d’un jeune homme.
Juillet : la version finale de La Danse du diable est créée à la Condition des Soies pour le Festival d'Avignon
(Bernard Faivre d’Arcier).
De 1981 à 83 : représentations au Théâtre des Quartiers d’Ivry (Philippe Adrien) et à Paris, au Théâtre
Edouard VII (repris par Véronique Coquet), puis en tournée en France et en Europe.
De 1983 à 85 : improvisations sous l’œil de Véronique Coquet, Pascal Caubère et Clémence Massart, puis
écriture et répétitions (avec, comme comédiens, Clémence Massart, Bruno Raffaëli, Pascal Caubère, Pierre
Meunier, Jean-Marie Bon et Jacques Pibarot.) pour un projet de film, Le Roi misère , qui deviendra
finalement Le Roman d'un acteur. Fondation avec Véronique Coquet de la société de production “ La
Comédie Nouvelle ”, qui permettra de produire l’ensemble du travail.
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Avril 1986 : création d’Ariane ou l'Âge d'or au Théâtre Tristan Bernard (Edy Saïovici).
Octobre : création de Jours de colère (Ariane II ) en alternance avec Ariane I au Théâtre des Arts Hébertot
(Véronique Coquet), suivie d’une tournée des deux spectacles en France et en Europe pendant toute l’année
87.
Premier trimestre 1988 : édition du texte et du spectacle (enregistrement audio) de La Danse du diable par
“ La Comédie Nouvelle ” (coffret repris plus tard par Joëlle Losfeld).
De septembre 1988 à mars 89 : création des Enfants du soleil, de La Fête de l'amour et du Triomphe de la
jalousie, joués en alternance au Théâtre des Arts Hébertot (Félix Ascot).
D’août à décembre 89 : interprète Joseph dans les films d’Yves Robert La Gloire de mon père et Le Château
de ma mère, d'après l'œuvre de Marcel Pagnol.
Avril 1991: création du Chemin de la mort et du Vent du gouffre, joués en alternance au Théâtre de la
Renaissance (Niels Arestrup et Jean-Jacques Gomila).
Janvier 1992: création du Champ de betteraves, du Voyage en Italie et du Bout de la nuit, joués en alternance
au Théâtre de la Renaissance.
Janvier 1993: création des Marches du palais et premier essai du Roman d'un acteur (les onze spectacles en
alternance) au Théâtre Daniel Sorano de Toulouse (Jacques Rosner.)
Juillet : création du Roman d'un acteur au Cloître des Carmes, à l’invitation d’Alain Crombecque pour le
Festival d’Avignon (Bernard Faivre d’Arcier).
De septembre 93 à juillet 1994 : tournée en France et en Belgique du Roman d'un acteur et de La Danse du
diable, et édition de l’album-photos de Michèle Laurent Le Roman d'un acteur au Cloître des Carmes (repris
par Joëlle Losfeld).
Septembre 1994 : édition chez Joëlle Losfeld de la première moitié du texte du Roman : L’Âge d’or.
De septembre à décembre : Le Roman d'un acteur au Théâtre de l'Athénée (Patrice Martinet) dont Bernard
Dartigues filme intégralement tous les “ filages ” et toutes les représentations. Série de La Danse du diable
au Théâtre Jean Vilar de Suresnes (Olivier Meyer).
Juillet 1995 : Dernières représentations de La Danse du diable au Théâtre des Carmes (André Benedetto), en
Avignon. Mise en scène de Que je t'aime ! de Clémence Massart créé au Théâtre des Carmes, puis à Paris, au
Théâtre Tristan Bernard (Edy Saïovici) et en tournée en France.
Septembre : lecture jouée de poèmes d’Aragon à la fête de l’Huma à l’invitation de Charles Silvestre.
Janvier 1996 : sortie du film de Bernard Dartigues Les Enfants du soleil au cinéma Max Linder (Jean-Jacques
Zilberman, Brigitte Aknin et Vincent Melilli) à Paris, puis dans toute la France.
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Juillet : création du spectacle Aragon en deux parties : Le Communiste et Le Fou sur l’île du Frioul, en face
de Marseille, pour le “ Festival des îles ” (Maurice Vinçon)
De décembre 96 à avril 1997 : Aragon au Café de la Danse à Paris (Sylvia Uzan et Loïc Barrouk) et à La
Manufacture des Œillets à Ivry (Éric Danel).
Février-mars 1997 : sorties des films Ariane ou l’Âge d’or et Jours de colère au cinéma Max Linder.
Mai : Présentation en Sélection Officielle (hors compétition) au Festival de Cannes et sortie simultanée à
Paris du film Les Marches du palais.
De mai 97 à février 1998 : tournée Aragon dans toute le France.
Juillet-aôut 98 : Tournage d’Aragon sur l’ïle du Frioul par Bernard Dartigues et sortie sur Canal + des quatre
premiers films du Roman. Lectures jouées de Marsiho et de Vues sur l’Europe d’André Suarès, au Frioul et
au Théâtre du Peuple à Bussang (Jean-Claude Berrutti).
Février 99 : sortie des Carnets d’un jeune homme (1976-1981) aux éditions Denoël.
1er mai 99 : présentation de la première partie du film Aragon (Le Communiste) à la Cinémathèque française
pour l’association des “ Amis de l’Huma ” en présence de Robert Hue et Lise London.
Juillet : création du spectacle Marsiho au Théâtre des Salins de Martigues (Laurent Ghilini et Michèle
Hettiger).
23 janvier 2000 : premier essai de Claudine ou l’éducation au Théâtre des Salins.
23 juin : premier essai du Théâtre selon Ferdinand au Théâtre des Salins.
Juillet : création de Claudine et le théâtre à la Carrière Boulbon pour le Festival d’Avignon (Bernard Faivre
d’Arcier), édition du texte de la pièce chez Joëlle Losfeld, et sortie vidéo et DVD d’Ariane ou l’Âge d’or,
Jours de colère et Les Marches du Palais chez Les Films du Paradoxe.
Septembre-octobre : tournée en France de Claudine et le théâtre.
Novembre-décembre : Claudine et le théâtre au Théâtre de l’Athénée.
Janvier à mars 2001 : deuxième tournée de Claudine et le théâtre.
21 septembre : création de 68 selon Ferdinand (Octobre et Avignon) au Théâtre du Chêne Noir (Gérard
Gélas) en Avignon.
Septembre à décembre 2001 : tournée des deux nouveaux spectacles, en alternance avec les deux épisodes de
Claudine et le théâtre.
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Mai 2002 : lecture jouée de Recouvre-le de lumière d’Alain Montcouquiol au cloître des Jésuites à Nîmes, à
l’occasion du cinquantenaire de la Féria.
Projets 2002
Lectures jouées de Recouvre-le de lumière : le 16 août, au “ Banquet du livre ” (Jean-Michel Mariou), à
Lagrasse, dans l’Aude. Et les 6 et 7 septembre, à la chapelle du Méjean (Actes-Sud) en Arles, pendant la
Féria des prémices du riz.
Octobre : parution de 68 selon Ferdinand (Octobre et Avignon) chez Joëlle Losfeld et tournée des deux
épisodes.
Novembre-décembre : création à Paris, au Théâtre du Rond-Point (Jean-Michel Ribes).
Parallèlement, sortie, en novembre, de deux nouveaux films du Roman d’un acteur : La Fête de l’amour et Le
Triomphe de la jalousie, en alternance avec Les Enfants du soleil, sous le titre La Trilogie amoureuse, dans
la salle Jean Tardieu du Théâtre du Rond-Point ; et, en décembre, du film Aragon, à l’occasion du vingtième
anniversaire de sa mort, en alternance avec La Trilogie.
Projets ultérieurs
Printemps/été 2003 : création du spectacle Recouvre-le de lumière d’Alain Montcouquiol aux arènes de
Nîmes, suivie d’une tournée d’été dans toutes les arènes françaises (ainsi que quelques lieux de théâtre), en
suivant la saison tauromachique.
Hiver 2003 : création de Recouvre-le de lumière à Paris avec, peut-être, en alternance, celles de Marsiho et
de Vues sur l’Europe d’André Suarès, sous le titre global Le Sud.
2004 : reprise du travail d’écriture et préparation du dernier volet de L’Homme qui danse (deux nouveaux
spectacles), dont la création est prévue pour la rentrée d’octobre 2004. Celle de l’intégrale l’est pour le
printemps/été 2005.
Restera à monter et sortir les cinq films de la deuxième partie du Roman d’un acteur : La Belgique, à en
éditer le texte, filmer L’Homme qui danse, en livrer l’édition finale, et, pour finir tout ça, tourner en province
et filmer Le Sud.
Après, c’est la retraite…
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17/07/2000
Caubère invite De Gaulle et Johnny
à Avignon
D
AVIGNON (Vaucluse )
DE NO7RE ENVOYÉ SPÉCIAL
ANS LE DÉCOR
magistral de la carrière
Boulbon, en plein air
Philippe
Caubère
poursuit, en solo, le roman de sa
vie. Cet œuvre, l’acteur
marseillais la construit pierre à
pierre, mot à mot, depuis vingt
ans. Pour Avignon 2000, il l’a
enrichi de deux volets joués en
alternance, “ Claudine ou
l‘éducation ” et “ Claudine et le
théâtre ”. L’intégrale, donnée le
29 juillet représentera prés de
six heures de spectacle.
Claudine, c’est la mère de
Caubère. A travers elle le
comédien - à qui Claude Berri
avait confié le rôle du père de
Marcel Pagnol dans la “ Gloire
de mon père ” et “ le Château de
ma mère ” - saisit l’occasion
d’évoquer quelques figures
marquantes
des
années
soixante.
Avec
un
don
éblouissant pour l’imitation, le
comédien fait ainsi revivre De
Gaulle, Malraux,
Mauriac,
Gérard Philipe et emporte le
morceau avec les souvenirs de
Johnny en concert au parc
Borely. à Marseille. À Avignon,
tout le monde parle de ce
spectacle qui parle de tout le
monde.
.
À chaque fois, on est époustouflé
par votre mémoire...
- Philippe Caubère. C’est le corps
qui crée la mémoire. Quand on
met son corps en jeu, les
ressources de la mémoire sont
infinies. Pour le reste, j’ai une
bande vidéo dans la tête. Je me
souviens de tout, y compris du
temps où j’étais dans le ventre
de ma mère.
Parmi les figures phares, il y a
Johnny Hallyday...
Le spectacle lui est dédié. Je l’ai
répété avec le t-shirt du concert du
Stade de France... Cest là que je
l’ai vu pour la dernière fois. J’ai
pleuré tout le temps. il était comme
je l'avais toujours rêvé.
C'est-à-dire?
Johnny, en scène, c’est la beauté.
c'est James Dean et Gérard Philipe
réunis. Et l’art, c’est la recherche
de la beauté. Le génie de Johnny,
c’est d’avoir déclenché un amour
qui dure toujours. Je n’oublie
jamais cette phrase de lui: “
Exister, c’est persister. ”
Quelle est sa plus belle chanson, pour
vous?
“ L’idole des jeunes ” “Viens
danser le twist... ” Les mots sont si
justes. (il chantonne) “ Si tu savais
combien tout seul je suis ” Tout est là.
C'est le prix à payer de l'acteur, du
chanteur de variété.
Tous ces gens que vous évoquez, de
votre mère a Malraux en passant par
De Gaulle, cela passe-t-il par la
moquerie ?
Bien sûr... C’est l’enfant, en moi,
qui se souvient, et les enfants se
moquent toujours. Mais si je me
moque, c’est pour mieux les
restituer.
PROPOS RECUEILLIS PAR
PIERRE VAVASSEUR
“ Claudine ou l’éducation ” en alternance
avec “ Claudine et le théâtre ”, à 22
heures, carrière Bouibon. TéL
04.90.14.14.14.
À Paris, à partir du 8 novembre à
l'Athénée
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9/07/2000
le dauphiné
VAUCLUSE
Caubère "met le feu" à Boulbon
“Claudine ou l’éducation” déchaine les rires à la carrière Bouibon. Trois heures
d’un spectacle complet mené par un seul homme qui fait de l’art avec sa vie. Le
vivant portrait d’une mère et les souvenirs d’une enfance marseillaise
“Le rire est le propre de
I’homme” disait Montaigne.
Mais rares sont ceux capables de
construire un spectacle fin,
profond, émouvant, aux vastcs
résonances, à partir de sentiments
vrais, tout en le baignant dans un
comique continu.
Caubère y est parvenu.
Seul sur un plateau vide recouvert
d’une vingtaine de tapis chatoyants,
sobrement vêtu d’un pantalon noir
et d’une chemise blanche, avec
pour tout accessoire une chaise, une
table basse et un coffre garni
d’étoffes, Philippe devient Prince
de Boulbon. “Claudine” a donné le
jour à Philippe Caubère en 1950.
En 2000, l’artiste fait renaitre sa
mère, avec une profonde sensibilité
et le sens du détail caractérisant le
personnage. Le portrait est brossé à
partir du mot, du geste, de la
mimique. A coups de phrases,
d'attitudes, de gestuelle précise, de
conversations, il fait vivre sa
génitrice. Quel portrait magistral !
Un fichu sur les épaules, il restitue
les
commentaires
d’une
“bourgeoise de droite” des années
60, à Marseille. Beaucoup de la
génération de Caubère retrouveront
les “rengaines éducatives” de ces
années et les réactions de leurs
parents, face à l'actualité politique et
aux nouvelles “idoles des jeunes”. A
ce propos, le comédien réussit une
brillante Interprétation de Johnny
Halliday et de ses fans à la banane
gominée. Sans costume de scène, il
fait apparaitre la silhouette des Yéyé,
les santiags, le blouson avec l’aigle
sur le dos, dans un concert au Parc
Borelly.
Car à lui seul il incarne plusieurs
personnages. Sa vie, il la raconte dès
le début. Les jambes écartées, Il
accouche de lui-même, tour à tour la
parturiente, le médecin, le père qui
s'évanouit et le bébé. Puis le voici en
train de faire ses premiers pas, couvé
par sa mère et par la bonne
Marie-Rose qui s’extasie devant
l’enfant. ExtraordinaIre composition
du bébé joufflu aux grands yeux, qui
secoue de rire le public, sans cesse
d’ailleurs traversé par des vagues
d’hilarité. Grandeur du mime.
L’apprentissage des tables de multiplication serinées par une mère
angoissée d’un normal manque de
précocité, est un autre morceau de
bravoure, comme les épisodes
marquants de l’adolescence, la
découverte des écrits érotiques du
fils ou de son éveil à la sexualité.
Avec le temps si le regard sur la
mère est resté critique, la
disparition
a
atténué
les
ressentiments et les rancunes. Aussi
la tendresse diffuse ses notes
émouvantes. Renouvelant le rite de
l’acteur seul plongeant dans sa
biographie, il fait du théâtre avec sa
vie, réussissant une reconstruction
psychanalitique dans un style comique. Lui qui n’aime pas “le
théâtre abstrait, allégorique ou
thématique” et qui se régale à
amuser les gens, il a atteint son
objectif avec “Claudine ou
l’éducation”. Le spectacle qu’il a
écrit, mis en scène et qu’il joue si
superbement, est vivant, drôle,
désopilant. Tableau de maître d’une
femme et de son époque.
Marle-Hélène LOUBATIÉ
A la Carrière Boulbon: “Claudîne
ou l’éducation” les
9,16,18,21,23,26 juillet à 22H. “Le
théâtre selon Fernand” (suite de sa
vie) les 12,13,14,17,19,22,24,27.
L’intégrale, le 29 à 21 heures.
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Le Figaro Magazine. samedi Ier juillet 2000
Fils de sa mère
“Claudine et le théâtre ”
de et par Philippe Caubère, Carrière
de Boulbon. A partir du 7 juillet
L
e nouveau Caubère est arrivé.
Les gens de théâtre, et bien
sûr les autres, l’attendaient
avec la même impatience que
les Parisiens le beaujolais. Caubère,
c’est la valeur sûre, la référence,
l’intelligence et la culture. Il renouvelle le one-man show.
La “ différence ” Caubère, c’est aussi
la qualité du comédien. Le
bonhomme n’est pas un produit. Et
s’il plaît au métier — plus boutique
que lui tu meurs — il est l’enfant
chéri du public exigeant d’Avignon.
Une preuve, il va nous offrir
Claudine et le théâtre à la Carrière
Boulbon, là où Peter Brook a créé le
Mahabharata. Il est seul en scène
pourtant mais, à lui seul, il sait créer
tout un monde. A 50 ans maintenant,
et plein de spectacles étincelants, que
peut-il apporter de plus ? Un
approfondissement. “ En fait, dit-il,
j’ai réécrit la Danse du diable ”.
Il a retravaillé les enregistrements
des improvisations qui avaient été
faites il y a une vingtaine d’années et
en a conçu une nouvelle mouture qui
devrait enchanter les spectateurs.
— On me dit toujours que je fais
une psychanalyse sur scène, et c’est
vrai C'est moins épique et plus
psychanalytique. C’est vraiment
mon histoire mais c’est une
introspection burlesque.
Difficile, en effet, de faire plus
freudien. Ce prénom qui donne le
titre au spectacle. Claudine, c’est Maman
Caubère la mère abusive, tant aimée,
premier
fil,
première
Ariane
(Mnouchkine, bien sûr), femme de
passion.
— Mais, dit Caubère, c’est mon père
qui voulait être comédien, c’est lui qui
m’a donné la vocation.
Il a repris ce personnage central de sa
vie et l’a traité, les années venant, en
tâchant d’être plus près de la vérité.
—Dans la Danse du diable, j’étais
critique, ironique, mais, je l’espère, toujours très attendrissant; aujourd’hui
j’assume tout et je parle aussi de ce qui
peut déranger. Mais ce qui peut paraître
monstrueux me paraît à moi tellement
humain. Ma mère est morte il y a
maintenant deux ans et je cherche à la
faire revivre.
Comme d’habitude avec Caubère,
c’est une histoire d’amour qui
recommence. L’affaire Claudine, s’il en
a le courage, devrait nous être contée en
six spectacles. Deux sont déjà écrits qui
nous seront présentés en Avignon.
Jean-Luc Jeener
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8/07/2000
FranceSoir
Caubère, la solitude
du marathonien des planches
AVIGNON. Seul en scène, il se souvient de sa mère et donnera son intégrale en cinq heures
el Sisyphe gravissant
éternellement la montagne,
son rocher ne se décidant
pas à atteindre le sommet,
Philippe Caubère s’est
remis, encore et toujours à
la tâche. Pour la plus grande
joie des très nombreux “
caubèrophiIes ”. Dès ce soir et
jusqu’à la fin du festival, il
tiendra seul la scène, pendant
plus de deux heures, avec deux
spectacles différents, et une
apothéose finale pour une
intégrale de cinq heures. Un
vrai marathon à la Caubère.
Cela fait 19 ans maintenant que
cet ovni théâtral déballe
généreusement sa vie, son
parcours théâtral, son long
détour
avec
Ariane
Mnouchkine et leur apothéose
avec le film Molière. Dix-neuf
ans qu’il chemine à travers
lui-même, caché derrière le
personnage
de
Ferdinand
Faure, l’apprenti comédien. Sur
scène, il est tout le monde. Il
joue tous ses copains, ses
rencontres, ses amours, avec
jubilation. Mais cette fois-ci,
Caubère s’attaque à son enfance. Et commence avec
Claudine et le théâtre, première
somme en deux parties d'"une
tétralogie
autobiographique
comique et fantastique“, qui
devrait comprendre “cinq ou
six spectacles“. C’est dire
l’ampleur de l’introspection.
Caubère mère ? “Je l’avais
totalement idéalisée dans La
Danse du diable. Depuis, j’ai
T
grandi. Je me suis rapproché
de la réalité. Ma mère était
une grande bourgeoise qui ne
voulait pas l’être. Dans le
fond, une anarchiste de droite
! Qui n’était pas faite pour
être mère. Elle disait souvent,
à ma sœur et moi, qu’elle
avait vraiment souffert pour
nous avoir. Ma mère était
faite pour travailler, pour être
prof, par exemple.“
Idoles
N'allons pas voir pour autant dans Claudine et le
théâtre une revanche théâtrale du fils sur la mère. “J’ai
longtemps été amoureux
d’elle. Et je crois que c'est la
femme que j’ai le plus aimé.
Elle était terriblement belle.
Au point d’ailleurs que l’affiche, pour Paris, ce sera une
photo d’elle. Je lui dois aussi
de m’avoir fait découvrir le
théâtre, en me faisant
connaître Gérard Philippe,
mon idole.“
L’autre idole de Caubère,
est plus inattendu. Il s’appelle
Johnny Hallyday... Dans mon
adolescence, Johnny a été un
vrai déclencheur pour moi. A
tel point que je lui dédie le
spectacle. “On m’a raillé
pendant des années, parce
que j’aimais ce qu’il faisait.
Aujourd’hui, tout le monde
l’adore ! Johnny et mai 68 :
ce sont deux événements qui
ont sauvé mon adolescence.
Le spectacle suivant, sera sur
Avignon 68, justement. Je le
créerai chez qui voudra :
Dites-le ! “
A tant exposer sa vie, ses
envies avec une jubilation
toujours très impressionnante,
y a-t-il quelque chose
d’impudique dans cette autobiographie permanente ?
Caubère balaie cela vite fait.
“Je ne le crois pas. C’est du
théâtre. Qui ne sert que de révélateur“.
Il le jure, rester cinq heures
en scène, en jouant moult
personnages, ce “n'est pas
excitant, non“. Simplement, il
est “condamné à jouer seul“
une pièce dont il est l’auteur.
Des projets collectifs ?
“Pourquoi pas. Mais seulement si je suis le patron.“ A
une exception seulement : “Si
Ariane Mnouchkine me le
demandait.“
Caubère
ne
coupera donc jamais le cordon
avec sa deuxième mère. Celle
qui l’a fait naître acteur. •
ARIANE DOLLFUS
Avignon. Carrière de Boulbon.
Jusqu’au 29 juillet. Reprise à
Paris au théâtre de l'Athénée.
Sortie de trois vidéos et DVD:
Les Marches du palais, Ariane ou
l’âge d’or, Jours de colère (Ariane
II) aux Films du
paradoxe.
Page 13 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
s-”
Le Canard
Enchaîné
12/07/2000
Claudine
et le théâtre
Avignon
E
VIDEMMENT, on
peut toujours dire que
ça ressemble à un
long
sketch
de
café-théâtre.
Que
Philippe
Caubère
rabâche, qu’en vingt
ans et 11 spectacles autobiographiques de trois heures et
demie chacun (de son adolescence
à La Fare-les-Oliviers à ses pérégrinations de saltimbanque en
passant par le Théâtre du Soleil et
la
rupture
avec
Ariane
Mnouchkine) on a eu le temps de la
connaître, sa vie. On peut regretter
que parfois, à la fin surtout, affublé
d’un châle et d’une jupe, il fasse
penser
aux
redoutables
Vamps.Qu’avec
ce
nouveau
spectacle (le premier d’une nouvelle série de 6 !) il n’innove pas et
fasse du Caubère “, toujours seul sur
une scène nue (la carrière de
Boulbon, lieu magique), avec sa
(Festival Caubère)
chaise, sa chemise blanche, ses
rares
accessoires,
et
ces
personnages qu’il incarne tour à
tour...
Mais baste !, que valent ces réserves face au flot verbal qu’il déverse à la généreuse ? A la farce
majuscule qu’il nous offre une fois
encore en virtuose éblouissant ?
Dès la première scène, où il joue
Claudine, sa mère, en train d’accoucher de lui, assis sur sa chaise
pattes écartées, hurlant et pestant,
la magie opère, on est à nouveau
époustouflé, à se tordre de rire,
bouche bée devant l’exploit :
Caubère réussit à être cru mais
jamais vulgaire, dans l’outrance
mais jamais dans la lourdeur.
Cette fois, il nous raconte sa mère.
A la fois hystérique, monstrueuse
et bornée ; et gaie, et pleine de
fantaisie, et malheureuse. Cette
mise à nu pourrait être affreuse,
entre confession gnangnan et
vieux règlement de comptes. Mais
jamais son impudeur (pourtant
inouïe) ne paraît impudique. On n
a pas honte pour lui : on est touché,
ravi, émerveillé. C’est qu’il a,
chose rare entre toutes, trouvé sa
voix, et elle sonne juste. Et qu’il
nous a à l’énergie, au travail (de
galérien) sur quoi repose sa
performance
(déplacements
millimétrés, précision des effets
comiques, texte au petit poil).
Un Proust comique en vie, en
forme, tirant de sa propre histoire
un feu d’artifice de madeleines
hilarantes : c’est fête !
Jean-Luc Porquet
• Jusqu’au 29 juillet, en alternance
avec la deuxième partie, “ Le théâtre
selon Ferdinand ”.
Page 14 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
7 juillet 2000
AVIGNON Il joue “ Claudine et le théâtre ” à partir de ce soir à la Carrière Boulbon
Philippe Caubère, ses bobos et sa maman
Marion Thébaud
Le ciel provençal est ensoleillé, le
rosé est frais le melon sucré et la
vue qui s’étend devant la terrasse
de La Chargère, la maison de
Philippe Caubère près de Marseille,
s’étend sur des champs d’oliviers
où bruissent toutes les cigales de
l’été. Philippe Caubère s’est replié
dans ce lieu qui appartenait à son
grand-père. C’est là qu’il a conçu
les deux premiers spectacles d’une
nouvelle
aventure
théâtrale,
L’homme qui danse. Les deux
premiers volets, Claudine ou
l'éducation et Claudine et le théâtre
sont créés dans le cadre du festival,
dans la Carrière Boulbon. Le
troisième volet Avignon 68 devrait
être présenté l’été prochain.
Un nouveau cycle Caubère. De
quoi mettre l’eau à la bouche à tout
son public qui ne demande qu’à
être bouleversé et rire aux
aventures de Caubère, alias
Ferdinand Faure, le comédien
enfant aux prises avec des mères
Il est non seulement
conteur mais également
auteur et créateur
de personnages
possessives. Cherchant à tâtons une
issue à ses angoisses.
Ferdinand, il l’a inventé en 1981
pour La Danse du diable joué pour
la première fois à la Condition des
soies, au Festival d'Avignon. “c’est
l’eldorado“, dit-il de la ville. J’y
suis allé la première fois en
spectateur, en 1966. C’était
l’époque de Béjart. L’année
suivante, j’ai vu Messe pour le
temps présent. J’étais tellement
bouleversé que je voulais me faire
danseur.“ Et dans son
spectacle Claudine et le théâtre, il
ne peut s’empêcher un clin d’œil
aux danseurs de Béjart. Philippe
Caubère ne recule devant rien. Son
imaginaire est tel qu’il orchestre à sa
façon l’arrivée de son petit frère dans
la Cour d'honneur, la vision du
spectacle, les danseurs imprégnés par
la musique de Pierre Henry...
On a l’impression d’y être. “J’ai
réécrit La Danse du diable“,
résume-t-il. A l’époque, j’ai été
paniqué devant la somme que
représentaient
toutes
les
improvisations faites sur l’enfance et
mes premières tentatives théâtrales.
J’avais
beaucoup
édulcoré.
Aujourd’hui, je pense que chaque
improvisation, c'est de l’or. “ Il les a
reprises une à une, traçant un portrait
sans fard de sa mère, Claudine, figure
centrale de cette nouvelle aventure
théâtrale.
“ C’était un caractère“, dit la cousine
qui a partagé ses premiers jeux avec
Philippe au temps des culottes
courtes.
“L’éducation
c’est
tragique“, reprend Philippe Caubère,
je ne vois pas comment on peut élever
un enfant sans le blesser. Les enfants
de divorcés ont bien de la chance“.
Paradoxe ? “Pas du tout, Il n’y a rien
de pire que d’avoir les deux parents
unis contre soi.“ On comprend vite
que sa mère était une femme qui ne
badinait pas avec les études, “c’était
une terreur !“ A tel point que
Philippe tombe malade et sa mère —
“il n’y avait qu’elle pour avoir de
telles idées“ dit-il en levant les yeux
au ciel —, lui fait donner des cours de
gymnastique particuliers. “Et c’est
grâce à la gym que j’ai eu mon bac. “
Derrière toutes ces anecdotes
plaisantes, on sent un homme blessé,
toujours prêt à voir rouge. “Je ne
pensais qu’à deux choses, coucher
avec une fille et faire l’acteur.“ Une
franchise qui en dit long sur
l’adolescence qu’il a dû vivre...
Tout petit, il est distribué dans le
rôle de la poissonnière dans La
Pastorale, jouée traditionnellement à
Noël. “J’étais joli comme une fille,
petit garçon. Jouer m’a révélé
qu’on pouvait prendre du plaisir à
faire quelque chose. Je pense que
c’est ce premier flash qui m’a
donné envie d’être comédien.“ A
défaut de faire l’acteur, il est fan de
Johnny, au grand désespoir de sa
mère. Elle arrache les photos de
l’idole des jeunes à qui le spectacle
est dédié, et les remplace par celles
de Gérard Philipe…
C’est tout cela que raconte Caubère
dans son spectacle avec sa verve
inépuisable, son talent d’en extraire
la veine romanesque. Il est non
seulement conteur mais également
auteur et créateur de personnages et
sait d’une onomatopée, d’un
bruitage réussi, dessiner objets et
paysages, Mine de rien, tout un
monde surgit, entre Balzac et la
bande dessinée. “Je suis un
saltimbanque“, résume-t-il d’un
trait. Un saltimbanque que la
Comédie-Française sous l'administration de Jacques Toja a
souhaité engager pour jouer
Amphytrion de Molière, Mais
Philippe Caubère, à l’époque,
mettait un point final au Roman
d’un acteur et refusa.
“Mon père ne m’a jamais pardonné“, dit-il avec le sourire. On
sent que derrière l’œuvre entreprise
par le comédien, ce Roman d’un
acteur qui engage sa vie, prolongé
par les deux volets consacrés à
Claudine, c’est un corps à corps
avec sa famille que Philippe
Caubère poursuit.
Deux volets : Claudine ou l'éducation, du 7
au 9 juillet, puis les 16, 18. 21, 23, 26
juillet, à 22 h. Claudine et le théâtre du 12
au 14 juillet, puis les 17, 18, 22, 24, 27
juillet, à 22 h. Intégrale, le 29 juillet, à 20
h. Reprise à Paris au Théâtre de l'Athénée,
du 8 novembre au 30 décembre.
Page 15 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
7/07/2000
LE POINT
Philippe Caubère
Le matador magnifique
Seul en scène, toujours, il poursuit
l’exploration de sa propre histoire.
J
ohnny et Gérard Philipe. Les idoles, deux faces du
même rêve : l’enfance. A laquelle Philippe Caubère
ne renoncera jamais. Au premier il dédie son nouveau
spectacle, “L’homme qui danse“. Au second il
adresse un salut de comédien dans la deuxième partie
de ce spectacle, intitulée fort justement “Le théâtre“.
De passage à Paris (il vit près de Marseille), il repère
dans le Marais un joli salon de thé, Les Enfants gâtés. Il reçoit
là, après avoir cherché toute la journée un costume qui pourrait
habiller ses personnages : sa mère Claudine, et Robert, le
copain de Ferdinand, son personnage fétiche. “Difficile de
trouver des vêtements de gamin pour moi qui viens d’avoir 50
ans.“ 50 ans? Corps svelte (sport à haute dose pour préparer
son nouveau marathon théâtral) et toujours ce beau visage de
“Molière“ découvert dans le film d’Ariane Mnouchkine.
Enfant gâté, Caubère ne l’est pas vraiment, même s’il
s’offre encore un cadeau en revenant conter les aventures de
Ferdinand, le cueillant cette fois à sa naissance “j’assiste à
mon accouchement“ jusqu’en mai 68, l’adolescence, les
grèves...
Mais il est ainsi, homme-orchestre, acteur de tous les
rôles de sa vie, remontant le plus loin possible pour aller le
plus loin possible. Remettant mille fois l’ouvrage sur la table
de travail. Matériau génial : ses improvisations. Un de ses
amis eut l’idée de les enregistrer lorsqu’il se lança, il y a plus
de vingt ans, dans ses souvenirs. Il retrouva ces bandes
vieillies, usées, inaudibles pour certaines, et le décryptage
commença. Et, devant son ordinateur, il écrit, coupe, colle. Et
recommence.
En 1980, dans une petite salle au Festival d’Avignon
naissait “La danse du diable“ : Caubère l’acteur racontait
l’acteur Caubère. Eblouissement. Son humour, son talent
d’interprète, sa virtuosité à endosser les personnalités les plus
diverses fascinaient les spectateurs de plus en plus nombreux
chaque soir, recueillis, à ses pieds. Depuis cette danse, il y en
eut d’autres : “Le roman d’un acteur“ et des récits et des
tournées, et des chapitres ajoutés... Il crut qu’il en avait fini
avec Ferdinand et remonta sur scène, seul encore, pour jouer
Aragon ”. “J’ai essayé de m'enfuir ; mais Aragon m’a ramené à
Ferdinand.“ Et enfin à cet “Homme qui danse“, spectacle en
—
—
trois parties dont on ne verra à Avignon que la première en
deux volets “Claudine ou l’éducation“ et “Le théâtre“.
“Il fallait que j'y revienne. Il le fallait parce que je n’en
avais pas terminé avec mon histoire. Je voulais retrouver ma
mère, morte pendant le tournage de “Molière“. J’ai
aujourd’hui l’âge qu’elle avait à sa mort.“ Il fait donc revivre
Claudine, la petite-bourgeoise, victime de la chape morale des
années 50, autoritaire et fragile. “L’éducation est une
tragédie.“ Il s’arrête, pesant ses mots. “Au fond, éduquer;
c’est faire du mal pour faire du bien.“ Ce n’est d’ailleurs pas
tant son enfance qu’il raconte que toute une époque, ses
clichés, ses interdits.
Mai 68 : Caubère a 17 ans. Après avoir été viré du lycée,
il trouve refuge chez les sœurs. Cinq garçons au milieu de 600
filles. Les sœurs sont les premières à vouloir faire la
révolution, il découvre Marx, Céline, assure des piquets de
grève et constate aujourd’hui que les soixante-huitards sont
vieux. “Fini les rêves. Mes copains du théâtre me parlent
Assedic et heures sup. Où sont passés les matadors ?”
Il en est un. Seul en scène. “Dès que j’ai pu interpréter
d’autres personnages que moi, le déclic s‘est produit, j’étais
libéré.“ N’a-t-il donc jamais envie de jouer avec d’autres, en
chair et en os ? “Bien sûr, seulement il faut que je finisse ce
que j'ai commencé ! J’en ai bien encore pour cinq ans.“ Les
autres attendront comme ils attendent depuis déjà vingt ans.
Seul le cinéaste Yves Robert a pu le convaincre de jouer dans
ses films “Le château de ma mère“ et “La gloire de mon père“.
Autrement... “Quand j’ai découvert le théâtre, c’était à Aix.
En 1971, j’entrais au Théâtre du Soleil. L’épopée a duré sept
ans. Quand j’en suis parti. j’ai connu la réalité de l’acteur :
attendre, dépendre des autres, renoncer à son rêve
d’enfance.“
Alors, il a tout laissé tomber, le téléphone, le répondeur,
et les promesses. “Puisqu’on est seul du début jusqu’à la fin...
“ Lorsque Ariane Mnouchkine assiste à “La danse du diable“,
elle lui fait remarquer : ” Tu n‘as pas eu le courage de parler
de moi, hein ?” “J'en étais malade." Ariane, la seule qu’il
ressent pareille à lui : “Notre côté paysan.“
Avec “La danse du diable“, Caubère connaît l’argent qui
entre dans les caisses, la reconnaissance, la gloire même ! Il
aime. Son père, qui a assisté à Martigues aux premières
représentations de “Claudine“, lui a dit : “C’est bien.“ Il sait
là, l’enfant de sa mère, qu’il a touché juste. “Jouer les femmes,
quel vertige ! Quelle jubilation !" Quelque chose le tracasse
tout de même, avec “Le théatre“, il n’arrive... qu’à son
adolescence. “J’ai encore du chemin avant de mettre en scène
ma vie d’homme. L’amour, les trahisons... Je ne sais pas si j’y
arriverai.“ Songeur : “Je devrais peut-être commencer une
psychanalyse...”
Page 16 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
11 juillet 2000
AVIGNON FESTIVAL. C’est à la Carrière de Boulbon qu’un grand solitaire
intempestif raconte son existence par le menu. Au commencement,
Ferdinand est né.
CAUBÈRE
FAIT LA NIQUE À
SA MÈRE AVEC AMOUR
Une épopée gynécologique ouvre le récit
circonstancié de la vie du petit Ferdinand,
dont la génitrice haute en couleur mit au
monde un sacré numéro. À suivre.
DE L'UN DE NOS ENVOYES
SPECIAUX.
Toute vie est un roman. Qu'elle
soit médiocre ou glorieuse, il y
a matière à dire, à raconter, à
éprouver sans fin. Affaire de
talent. C'est tout. Philippe
Caubère a depuis beau temps
pigé ça. Vingt ans au bas mot.
Ce qui nous ramène à la Danse
du diable, vue pour la première
fois ici même, dans Avignon, à
la Condition des soies, sauf
erreur. Un maigre jeune
homme monté sur ressorts, vrai
“troun de l’air”, se jetait à l’eau
sous nos yeux pour une
autobiographie au long cours
qu’il reprend aujourd’hui par le
début, soit la naissance. Sous le
titre Claudine et le théâtre (1),
qualifié de “spectacle comique
en deux soirées“, Caubère se
livre nu et cru à la recherche du
temps perdu de ses origines,
qu’il incarne de tous ses nerfs,
de toutes ses fibres intimes, au
sein
d’une
déchirante
impudeur dont le paradoxe
consiste à susciter le rire.
C’est qu’on rit, voyez-vous,
du début à la fin, malgré le
froid de la nuit. J’avoue avoir
essuyé des larmes d’entrée de
jeu, quand il mime à la fois ses
efforts
d'ancien
fœtus
s’efforçant de sortir de la grotte
maternelle, tout en représentant
sa génitrice jambes écartées
ainsi que le médecin aux mains
expertes. Et le père à côté qui
manque tourner de l’œil, tandis
que Claudine en travail, espèce
de Médée bourgeoise provençale
empêchée, vocifère à l'envi,
commente tout à tort et à travers,
tyrannise son monde et déblatère
sur la méthode Ogino, si peu
fiable. Ce début est en soi un
chef-d’œuvre
digne
d’une
anthologie du rire, à l'instar de la
danse des petits pains de Chaplin
ou du sketch de la machine à
écrire invisible de Jerry Lewis,
avec les mots en plus. C’est
question de vitesse, d’élan
musculaire, de débit précipité de
la parole, d’extrême mobilité des
traits. Dans un corps résumer
l’univers. Vertige du théâtre.
Des tapis jonchent la scène en
plein air, plantée aux quatre
coins de solides mâts nantis de
projecteurs au faîte. Pour tout
appareil, un chariot en bois
(celui de Thespis, peut-être,
ancêtre du nomadisme théâtral,
comme dans Mère Courage ou
dans la Folle de Chaillot, où
c’est un vieux landau) dans
lequel puiser quelques hardes ;
un châle écossais, une jupe
bariolée. Et vogue la galère de
la folle jeunesse, en une suite
d’instantanés
foudroyants
cousus à la queue leu leu, où
Caubère est à la fois lui-même
jouant sa mère, sa sœur, Mme
Colomer la bonne espagnole,
son copain Robert, de Gaulle,
Mauriac, Sartre et Malraux à la
télé, ou encore Johnny Hallyday
en tournée à Marseille au parc
Borély en même temps que les
“cacous” en santiags et banane
qui l’applaudissent…
Ce n’est que la première
partie, baptisée Claudine ou
I’education.
On
guette
fébrilement la suite car il n’y a
rien à jeter dans cette chronique
d’apparence échevelée qui obéit
à la plus stricte maîtrise, au
contrôle absolu de chaque geste,
de la plus infime mimique, de la
moindre variation dans le
registre vocal. Il a minci, bu de
l’eau, remodelé sa carcasse, pour
apparaître en bondissant jeune
homme d’il y a vingt ans. Il est aussi très ressemblant en bébé et même en sa mère,
dont on sait tout à présent ; qu’elle fumait comme un sapeur, raccommodait sans fin
des vêtements, engueulait l’entourage, prophétisait à tout bout de champ sur ce
qu’elle ignorait, accumulait les cuirs dans le langage...
Il y va, bien sûr, d’un grand chant d’amour travesti en vaste farce. Il existe une photo
(mais où diable ai-je pu la voir ?) où l’on voit, dans les années cinquante, l’enfant
Caubère tout en joues assis dans les jupes de sa mère, très belle femme brune au fin
visage grave. Ceci explique cela. À jamais orphelin d’elle, désormais il la ressuscite
en déchaînant le rire. Le sarcasme n’est là que pour masquer la blessure avec
élégance. Dionysos, dieu primordial des défoulements et de l’exubérance, a
définitivement quitté la scène tragique. Mais il revit sans doute là, dans la sphère
familiale chauffée à blanc de Philippe Caubère-Ferdinand, qui soir après soir porte à
son comble ce dont il faut délivrer son âme.
JEAN-PIERRE LEONARDINI
(1) À la Carriére de Boulbon.
Claudine ou l’éducation a déjà été donnée les 7, 8 et 9 juillet et sera reprise les 21, 23, 26 à 22
heures (durée : 2h2o).
Le Théâtre selon Ferdinand, ce sera les 12, 13, 14, 17, 19, 22, 24 et 27, à 22 heures (durée :
2h15).
L’intégrale de Claudine et le théâtre aura lieu le 29 juillet à dix heures (4 heures plus
entractes).
Page 17 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
LUNDI 10 JUILLET 2000
CULTURE
54e FESTIVAL D’AVIGNON. L’acteur metteur en scène poursuit le roman inépuisable de sa vie.
C
Caubère, tout sur sa mère
Claudine et le Theatre
Claudine et le Théâtre
Par Philippe Caubère (en alternance
- Claudine ou l'éducation - et
- le Théâtre selon Ferdinand -).
Carrière Boulbon, 22h jusqu'au 27 juillet.
Intégrale le 29 juillet.
'est un ancien pavillon dc chasse en
pleine garrigue, transformé en maison
de maître au début du siècle. Le
promontoire domine le pays, de l’étang
de Berre, dont la raffinerie illumine la
nuit telle une roue de fête foraine,
jusqu’aux
collines
aux
portes
d'Aix-en-Provence. La demeure est
vaste et belle, entourée de jardins en
terrasses. La vieille balustrade,
surplombant la vallée, est ornée de
statues : une cohorte de nains
musiciens, dont un flûtiste à bicorne qui
ressemble à Napoléon. Longtemps, la
Chargère, la maison du grand-père de
Philippe Caubère, fut à vendre. Mais,
sauf à la faire visiter à des sourds un
jour de brouillard, il est difficile de
gommer un détail gênant: l'autoroute
Salon—Marseille passant à deux cents
mètres
en
contrebas.
L'agent
immobilier a bien essayé d’escamoter
la décharge et la ligne à haute tension
sur la colline d’en face ; pour les six
voies bitumées, même si les cigales font
écran, c’était mission impossible :
Bref, de baisses de prix en visites sans
lendemain, Philippe Caubère a fini par
racheter la Chargère au mois de juillet
dernier pour le montant d’un petit
appartement à Paris. Et, depuis octobre,
il vit pratiquement dans la garrigue, où
il a déménagé ses livres, ses archives et
ses accessoires. Sur la cheminée du
grand salon, on trouve encore un renard
empaillé et, sur les murs, de vieilles
photos, dont celles d’un chasseur
portant un chapelet de gros oiseaux en
bandoulière : le grand-père et les
bartavelles. Le petit-fils ne chasse pas,
mais son vieux copain Bruno Rafaelli
est venu l’hiver dernier tirer des lapins
myxomatosés.
Etendard de la subversion. Dans la
cuisine, la cousine termine de coudre
pour le spectacle un drapeau rouge dont
la hampe en bambou provient
certainement du jardin. Le patron des
huiles Salador, à La Face-les-Oliviers,
n’imaginait pas qu’un jour l’étendard de
la subversion flotterait sur la Chargère.
Le nouveau propriétaire est parti à
Aix-en-Provence acheter un short
cycliste. A force de mimer sa mère en
train d’accoucher, renversé sur une
chaise les jambes en l’air, il a attrapé
des escarres et cherche un remède, à
moins d'une semaine de la première.
Le retour en Provence réussit à Caubère
: il a retrouvé la ligne du jeune homme
qui, il y a vingt ans, se lançait dans la
Danse du diable, premier chapitre d’une
folle autobiographie sur scène. Vingt
ans d'autovampirisation, marqués par
les onze épisodes du Roman d’un
acteur, ou comment le dénommé
Ferdinand Faure, parti faire du théâtre à
Paris, fut embauché chez Ariane
Mnouchkine et les aventures qui s’en
suivirent. Mais Caubère n’a toujours
pas épuisé le roman de sa vie. Les
années d’enfance et le personnage de sa
mère, évoqués dans la Danse du diable,
constituent un matériau encore
largement inexploité. Le matériau en
question n’est pas seulement la
mémoire, mais les dizaines d’heures
d’improvisations effectuées en 1980
sous les yeux de Jean-Pierre Tailhade et
de Clémence Massart, qui sont à la
source de tout son travail. filmées et
enregistrées.
Pour Caubère, l’installation dans le
village de sa jeunesse coïncide donc
avec son retour en enfance sur scène,
d’où, explique-t-il, les kilos perdus : “Il
fallait que je retrouve une silhouette
crédible“. En ce dernier soir du mois dc
juin, il doit "filer" pour la première fois
les deux épisodes inédits qu’il va
présenter à Avignon sous le titre
Claudine et le Théâtre et qui le mènent
de la naissance au bac. La scène n’est
pas loin : à vingt mètres au-dessus de la
maison, il a installé sur le toit de
l’ancien réservoir à eau le plancher de
son précédent spectacle sur Aragon. La
soirée est douce, l’autoroute bourdonne
sans à-coups, on aperçoit en contrebas
le toit d’une maison : celle de son
enfance, où son père vit toujours. Roger
Goffinet, assistant et homme-mémoire
depuis le début, se cale sur sa chaise ;
Véronique Coquet, complice de presque
aussi longue date, s’installe sur un
coussin ; Caubère enfile son cuissard
neuf, et c’est parti pour plus de cinq
heures coupées d’une courte pause.
Voilà Claudine, la mère, en plein
monologue entre deux nausées tandis
que madame Colomer s’affaire en
silence dans la pièce à côté. Les
spectateurs de la Danse du diable
retrouveront dans Claudine et le
Théâtre des situations et des
personnages familiers, et d’abord cette
mère passant se vie à coudre, à fumer, à
jurer comme un charretier et à tenter
d’écouter de Gaulle à la télé. Mais
Caubère commence cette fois par le
commencement, l’accouchement avec
Claudine s’exclamant au beau milieu : “
Pousser ? Mais pousser où, pourquoi, et
d’abord pour qui ?“
Amour vache. Dans cette répétition où
il s’agit de vérifier si le texte est bien en
mémoire, les mots plus que les
situations mènent la danse ; Caubère
marque peu le rythme ou les
changements de voix ; de toute façon, la
première
partie
est
presque
exclusivement constituée du monologue
de Claudine. Caubère-Ferdinand Faure,
un châle aux épaules, fait parler sa mère
et il n'y a aucune lourdeur, aucun drame
juste la célébration d'un amour vache.
Ce qui est formidable, c'est que le temps
n'a rien métamorphosé ou adouci, qu'on
pressent que celle qui parle par sa
bouche ressemble exactement à celle
qui parlait dans ce même jardin
quarante ans plus tôt. Mythique et
réelle, ni magnifiée, ni noyée dans le
sentimentalisme. De cette mère,
disparue en 1977 pendant le toumage de
Molière, Caubère dit avoir voulu “livrer
un portrait plus complet“. Après le
filage, de retour dans le grand salon où
son père, enfant, organisait des
spectacles, il mange, et boit du
champagne. C’est bien du passé qu’il
revient, au sortir du spectacle : “Dès
que je replonge dans le passé, les
souvenirs
réels
reviennent
instantanément : les couleurs, les
visages, la chaleur de la peau. Le temps
n’existe plus. Et c’est une jubilation
d’autant plus grande.“ Tous les
épisodes ne sont pas authentiques, mais
tous ont été jugés crédibles, voire
véridiques, par les témoins de l’époque,
y compris cet accouchement où
Claudine joue celle qui n’a pas que cela
à faire. La cousine, qui a terminé de
coudre le drapeau rouge, confirme: “Je
retrouve tout : les mots, les expressions
—“Tu as oublié le vernis des ongles des
pieds
!
”—,
la
manie du
raccommodage, les gros mots...“
L’enfant du pays. Phillppe Caubère
n’en a toujours pas fini avec sa jeunesse.
Il a encore de quoi faire plusieurs
épisodes, sur mai 68, ses débuts
d’acteur à Aix avant son départ pour
Paris. “J'aimerais bien un jour ne plus
raconter l'histoire d'un jeune homme,
mais d’un homme.“ Ce jour viendra
sans doute : ce sera le premier chapitre
du roman du roman d’un acteur, où l’on
retrouvera peut-être le récit du filage de
Claudine et le Théâtre, un soir de juin
sur la colline, et celui de la générale du
spectacle, un 7 juillet à la carrière
Boulbon. Quatre cent cinquante-huit
habitants de La Fare-les-Oliviers
s’étaient inscrits pour applaudir l’enfant
du pays.
Le week-end a été moins joyeux : un
gigantesque incendie a ravagé tous les
environs du village. Samedi soir, à
l’heure même où, dans la carrière
Boulbon, à trente kilomètres de là, Philippe Caubère allumait ses souvenirs, la
maison de son père et la Chargère était
cernées par les flammes. Elles se sont
arrêtées à l’aube à quelques mètres des
murs. Claudine veillait •
RENÉ SOLIS (envoyé spécial
à La Fare-les-Oliviers
Page 18 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
La Libre Belgique 12 juillet 2000
AVIGNON Dans “Claudine et le théâtre”, le fabuleux comédien français approfondit l'exploration impudique de sa propre vie. Irrésistible
Philippe Caubère : faire rire, un acte d’amour
PHILIP TIRARD
ENVOYÉ SPÉCIAL À AVIGNON
eureusement qu’il y a des mères
abusives. Celle de Philippe Caubère a
en définitive engendré un artiste
splendide,
flamboyant,
excessif,
populaire, indispensable. Il fut Molière
dans le film d’Ariane Mnouchkine.
D’une mère à l’autre, le jeune
Provençal
avait
trouvé
dans
l’animatrice du Théâtre du Soleil une
nouvelle figure d’autorité
féminine.
Après cette renaissance
comme artiste, Caubère
rompit une seconde fois le
cordon pour une aventure
théâtrale en solo. Ce furent “La Danse
du Diable”, puis “Le Roman d’un
acteur” qui établirent définitivement sa
notoriété et son style. Il reprend
aujourd’hui la matière de “La Danse du
Diable” mais amplifiée, explorée et
exploitée à fond. Le projet “Claudine et
le théâtre” doit comporter trois parties
dont les deux premières —“Claudine
ou l'éducation” et “Le Théâtre selon
Ferdinand”— sont créées au Festival
d’Avignon.
“COMIQUE ET FANTASTIGUE”
Nous avons vu le premier volet
consacré à ses années d’enfance,
c’est-à-dire à sa mère. Sujet : encore et
toujours la vie de Ferdinand Faure, son
alter ego transparent sur la scène.
Depuis vingt ans, Caubère poursuit
cette “autobiographie comique et
fantastique” dans laquelle entre tout
son art d’écrire, d’improviser, de jouer.
Et il faut le dire bien simplement, il
nous a fait rire pendant deux heures et
demie. À telle enseigne que cet article
est écrit avec quelques crampes aux
zygomatiques et des résurgences
inopinées de fous rires. Pour un
critique, c’est une expérience assez
rare.
CONTRE TOUTES LES RÈGLES
Bien
sûr,
cet
incorrigible
garnement enfreint toutes les règles et
mériterait la fessée plutôt que des
louanges. Le ton est donné par
quelques lignes du dépliant programme
distribué à l’entrée du spectacle :
“Pour parler vite, le théâtre moderne
me fait chier. Je déteste le théâtre
abstrait, allégorique ou thématique.
Beckett ou Brecht. Les deux piliers, les
deux idoles, les deux icônes, de ce
fameux théâtre moderne. À ce
compte-là, dans le genre moderne, je
leur préfère lonesco, Dubillard,
Céline, Rostand, Pagnol ou Suarés ;
sans parler de Benedetto ou de Valetti.
En fait, j’aime par-dessus tout le
théâtre figuratif, comme on dit la
peinture
figurative.;
Molière,
Corneille,
Musset,
Shakespeare.
Tchekhov, Goldoni... Seulement, on ne
peut pas non plus passer son temps et
sa vie à les monter et les remonter.”
Déclaration d’intention plutôt
culottée dans un festival consacré
essentiellement à ce “théâtre moderne”,
justement... Donc, voici un homme de
théâtre qui écrit, met en scène et
interprète sa propre vie, en toute
impudeur. Poussant la mégalomanie
jusqu’au bout, il s’est choisi comme
décor la monumentale carrière de
Boulbon où Peter Brook avait monté le
Mahabharata.
Incorrect sur le plan artistique, il
l’est aussi en politique, montrant dans
son intimité une bourgeoise de droite
qui, dans les années soixante, trouve
des excuses à Pétain (“il était vieux ; on
verra comment tu seras à son âge... “),
se paie la tête de Gaulle, de Malraux, de
Mauriac et de Sartre, estime que le
communisme, c’est bien pour les pauvres, etc.
S’agissant de la pudeur et de la
bienséance,
Caubère
en
a
volontairement
égaré le mode
d’emploi. Quand Mme Faure découvre
que son fils a infligé les derniers
outrages à sa lingerie fine, elle le traîne
chez le médecin et proclame : “Mon
fils est fou, mais si vous trouvez ça
normal, on n’a plus qu’à tous aller se
masturber à Moscou...“
l’opposé, l’humour est une expérience
intérieure par laquelle on intègre la
souffrance grâce à une mise à distance
salutaire. Il y a l'autodérision,
mécanisme de défense et appel
d’affection. Il y a encore le rire de
compassion, jailli d’un partage sincère
de la douleur de l’autre, rire de
compassion, de pitié amoureuse
baignée de larmes. C’est le rire yiddish
où l’on n’est jamais tout à fait certain
que Dieu arrêtera le couteau
d’Abraham sur la gorge de son fils
Isaac : mieux vaut déjà armer les
pleurs.
RIRE POUR AIMER
Et on rit. Mais qu’on se
comprenne. Il y a rire et rire. Le trait
d’esprit blesse ce qu’il fustige et rejette
dans l’altérité. Il y a le gros rire bête, le
rire de ventre façon “Guerre du feu”
quand le camarade se ramasse une
branche sur le coin de la tronche. À
“Claudine ou l'éducation“ (durée : 2h20), encore les
16, 18, 21, 23 et 26/7 à 22h.
“Le Théâtre selon Ferdinand“ (durée : 2h10), les 12,
13, 14, 17, 19, 22, 24 et 27/7, à 22h. Intégrale le 29/7
à 21h.
Avignon, carrière de Boulbon.
Tél. 00.33. (0) 4.90.14.14.14.
L’OREILLE ABSOLUE DU RIRE
Le don comique suppose une
synthèse bien ordonnée de ces
composantes. Caubère l’a comme
certains musiciens possèdent l’oreille
absolue. À cet humour-là, tout ou
presque est permis. Le comédien nous
fait en somme aimer cette mère Insupportable et toute la galerie de personnages qui l’entoure. Il nous fait
aimer la fragilité, le ridicule, le
narcissisme, l’excès. À travers sa vie, il
nous fait aimer la vie.
Page 19 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
1 février 2001
Noé, le gonze
et trois petites marches...
QUE FAIRE D’AUTRE QUE D’APPLAUDIR FRÉNÉTIQUEMENT CAUBÈRE ? RIEN
D'
accord, je vais me
prendre une volée
de rires gras. Mais
bon. Je le dis
quand même. Trois heures
avec Caubère sur scène, ça
vaut physiquement une nuit
d’amour façon grand soir
passionnel.
Du plaisir total qui vous
laisse sur les genoux, l’âme
neuve et la paupière battue,
lourde mais repue, tant le
rire et l’émotion qu’il a fait
naître vous ont vidé, nettoyé.
Parce que Caubère, c’est
l’instant parfait, absolu,
comme il n’existe que très,
très, très rarement au théâtre.
Le genre de rendez-vous où
l’on croit friser le pilier de
Notre Dame, mais sans
séquelles grotesques.
Et pourtant, le gonze là, le
giston grandi au Soleil de
Marseille et d’Ariane, il ne
traite pas du facile. Sa propre
mère il joue. Sans rien lui
épargner, mais avec une
poésie et une tendresse...
qu’on se prendrait presque à
regretter que l’Albert Cohen
ne l’ait pas connu, en parlant
de la sienne de mère.
Du coït interrompu à
l’accouchement du petit
Ferdinand Faure en passant
par
les
errements
pédagogiques
d’une
bourgeoise
parisienne
totalement décalée au milieu
de l’exubérance phocéenne,
les occasions sont pourtant
nombreuses de se casser la
gueule pour le danseur de
corde qu’est Caubère... De
tomber ou pire, d'être juste
et uniquement “comique“.
OR CAUBERE VA BIEN
PLUS LOIN que le simple
comique. Claudine est là...
“j’m’excuse“... Et c’est la
vie entière qui débarque en
roman comme il tourne les
pages de son enfance. Avec
toute
la
galerie
de
personnages qui gravitent
dans cette famille des
années 50/60, jalonnées des
interventions télévisuelles
de De Gaulle, Malraux,
“Mitrand“ ou d’un concert
de Johnny Halliday à
Marseille...
Inénarrable.
Mais surtout prodigieux.
Oui. Prodigieux ; Car
Caubère offre là une
performance
unique
d’acteur, d’écrivain et de
musicien même, en se
donnant ainsi. Maîtrise
totale du temps et de la
simultanéité, jeu subtil mais
rigoureux des différentes
figures
de
narration,
construction en forme de
partition, symphonique par
instants… au delà de la
performance
physique
époustouflante, c’est bien
un acteur écrivant son
propre roman sur scène qui
se donne là. Une chose
unique. La vie qui gagne
enfin contre le théâtre de
l’emmerdement et du devoir
d’apprendre
à
faire
l'intelligent pour plaire.
“LE THEATRE, CE
N’EST PAS FAIT pour
apprendre.“
dit
ainsi
Caubère. Et il a raison.
Parce que lui offre plus et
mieux : la création entière,
sorte de nouveau Noé à la
Giono. “Fais entrer dans
ton cœur toute chair de ce
qui est au monde pour le
conserver en vie avec toi…
et j’établirai mon alliance
avec toi.“ lit-on ainsi dans
un ‘fragment de Déluge cité
par
Giono.
Caubère
navigue sur son arche. Mais
je ne sais toujours pas d’où
sortent les trois petites
marches. A demander ce
soir, après la suite.
“Le Théâtre “ Total.
Pierre CHALLIER
Page 20 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
Pariscope 29 Nov./5 déc. 2000
C
laudine est le prénom de
la mère de Ferdinand
Faure. Pour ceux qui ne
savent pas encore qui est
Ferdinand Faure, nous les
renvoyons au “Roman
d’un acteur“, “petite“ histoire en 11
épisodes. Les trois premiers sont
disponibles en vidéo (Paradoxe film).
“Mon fils ne sait pas faire des
spectacles courts !“ s’excuse
Claudine. Ce n’est pas grave
Madame,
nous,
les
“Caubermaniaques“, sommes assez
fous pour adorer cela.
“Claudine et le théâtre“ est un
spectacle comique, en deux soirées,
relatant la naissance, l’enfance et
l’adolescence de Ferdinand. Et qui
marque cette période ? Maman. Et
Madame Faure, c’est quelqu’un. Un
personnage haut en couleurs... Elle a
marqué à vie son fils et même sa fille
(ceux qui connaissent l'excellente
comédienne
Isabelle
Caubère
comprendront). On ne pouvait rendre
un plus bel hommage à sa mère et à
l’enfance.
“Claudine et l’éducation“ commence
très fort : Caubère accouche en direct
de son personnage. Puis nous voyons
grandir Ferdinand et par la même
occasion, sa petite soeur Isabelle qui
ne quitte jamais ses “pataugas“.
Claudine a des idées bien précises sur
l’éducation. Elle fait ce qu’elle peut
avec son énergumène de fils. Elle
vampirise, comprend, débloque... Et
Ferdinand grandit, s’éveille au
monde et à Johnny Halliday,
prononcé Jouny Halliday. Nous
sommes dans les années 60.
“Le Théâtre selon Ferdinand“ commence aussi très fort. Ferdinand, 13
ans, se voyant poète précoce, sorte de
Minou Drouet, reçoit dans sa
chambre le général de Gaulle,
Mauriac, Sartre, Bobet, le pape et
même Johnny. Un super délire entre
un petit homme et des grands
hommes (sauf Sartre). Ferdinand rêve
de théâtre, et sa mère lui balance
l’inévitable “Passe ton bac“. Veinard
le Ferdinand. Plus ignare on meurt,
mais comme ça se déroule en 68...
Y’en a qui ont toutes les chances !
“Claudine et le théâtre“, c’est du
Caubère à l’état pur. Un comédien au
talent
immense,
à
l’univers
complètement fou. Il nous fait rire et
même pleurer de rire. Bravo et encore
merci !
Marie-Céline Nivière
Athénée
Renseignements page 12.
Page 21 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
13 juillet 2000
Reprenant son fil d'Ariane (Mnouchkine), l'acteur-metteur en scène retrouve la cité des Papes avec “Claudine et le
théâtre“, les deux premiers volets de sa nouvelle saga. C’est dans l'espace sableux de la carrière Boulbon qu’il a
décidé de remonter aux sources de son roman-fleuve. Pour cet enfant du “Soleil“, la vie sera toujours une pièce de
théâtre.
Philippe Caubère
fait “carrière” à Avignon
— Qu’est-ce qui vous a poussé à reprendre
votre autobiographie théâtrale ?
— Cela faisait plusieurs années que j’avais envie
de créer la version originelle/originale de “La
danse du diable”. En 1980, j’avais improvisé
pendant plusieurs mois devant Clémence
Massart et Jean-Pierre Tailhade, et je me suis
retrouvé avec des enregistrements représentant
plus de cinquante heures d’improvisations où
j’évoque mon enfance. Donc après “Aragon”,
j’ai eu envie de reprendre ce travail et, surtout, de
retrouver ma mère. Quand je joue les gens que
j’ai connus, ils sont vraiment là avec moi, y a pas
à chier... Moi, je crois aux personnages
imaginaires autant qu’aux vrais, si ce n’est
davantage. Je pensais donner trois spectacles et,
au fur et à mesure que le travail avance, je me
rends compte que ce sera plutôt six...
—A Avignon, vous n’allez en créer “que”
deux ?
— Oui, je présente les deux premières parties de
“Claudine et le théâtre”. Je monterai la troisième
plus tard, et ensuite il y aura les trois épisodes qui
concernent Ariane. Si j'ai la patience d’aller au
bout...
— “Ariane”, c’est bien sûr Ariane
Mnouchkine. N’est-elle pas votre autre
maman ?
—Je ne sais pas... Comme Ariane est vivante —
et c’est heureux —, la relation poétique,
artistique, sentimentale que j’ai pu avoir avec
elle est d’un autre ordre. Mais là, je ne peux pas
en parler, car je ne me suis pas encore plongé
dedans. En ce moment, je suis totalement
immergé dans ma mère, dans mon adolescence...
—Vous êtes en pleine psychanalyse
théâtrale...
—Longtemps j’ai refusé cet aspect
psychanalytique de mon travail d’auteur et de
comédien. Et je crois que j’avais raison de le
refuser parce que, pour moi, “Le roman d’un
acteur" n'était pas une psychanalyse mais un “Les marches
vrai roman picaresque, le récit d’une troupe et du palais” et
de son chef. Au contraire, pour “Claudine et le “Aragon”, les
théâtre”, c’est une réflexion que j’assume. Oui, deux derniers
ce que je fais actuellement est véritablement spectacles de
Caubère, filmés
une psychanalyse sur scène !
par Bernard
—Vous découvrez donc des choses
Dartigues, sont
inattendues sur vous-même ?
passés de la
scène à la vidéo.
—Je n’arrête pas. C’est même parfois très
douloureux. Déjà, si on m’avait dit que je ferais du
théâtre tout seul durant vingt ans, je ne l’aurais pas
cru. Jamais je n’aurais imaginé qu’à 50 ans je
reprendrais les improvisations que je faisais à 30.
—Ces impros vieilles de vingt ans, vous les avez
retouchées ?
—Non, justement, tout l’art consiste à ne rien
toucher, pas même les défauts d’écriture ou les trucs
ridicules. Je me suis borné à revoir la ponctuation et
à reformuler certaines phrases afin qu’elles soient
compréhensibles.
—Vous voici de retour à Avignon, dont vous
devez garder un souvenir cuisant.
—J’ai eu plusieurs rendez-vous avec Avignon, mais
le grand échec date de 1979 où je me suis planté au
palais des Papes avec l’équipe des Belges. Dans la
cour d’honneur, le mistral joue souvent mieux que
nous. Depuis, j’ai appris à jouer avec le vent et non
pas à lutter contre lui. Je me suis bardé de micros
sans complexes, ca il ne faut surtout pas parler plus
fort quand il y a du vent. Les gens ne viennent pas
entendre crier un acteur, ils viennent le voir jouer.
— Cette année, vous jouez dans ce lieu insolite
qu’est la carrière de Boulbon...
—A cause du vent, justement, c’est une idée qui ne
me serait jamais venue. C’est Bernard Faivre
d’Arcier qui l’a eue. Quand je l’ai rencontré pour
parler de ce projet, je lui ai
dit : “Tu ne vas tout de même pas me mettre à
Boulbon ?“ “Bien sûr que non !“ m’a-t-il répondu.
Quand j’ai vu ce lieu minéral, j’étais atterré. Mais
maintenant, je sais qu’il avait raison.
—Vous jouez seul depuis vingt ans. C’est
curieux pour un enfant de troupe...
—Oui, c’est bizarre. C’est quelque chose que je n’ai
toujours pas élucidé. C’est vrai pourtant que je
commence à en avoir marre de la solitude, j’ai envie
d’être avec d'autres êtres humains. Ne plus avoir de
relations charnelles autres que sexuelles avec des
actrices, ça me manque. [Rires.] Il est clair que mon
voyage en solitaire est un rejet de plus en plus grand
d’un certain théâtre subventionné...
—Englobez-vous le théâtre du Soleil ?
—Ah non, au contraire, je cherche à continuer à
vivre ce que j’ai connu au Soleil. Je pensais
justement créer une troupe pour poursuivre ce
chemin. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que, pour
retrouver ce que j’avais aimé au Soleil, c’est-à-dire
l’écriture les improvisations, etc., il allait falloir
que je sois seul.
—Quelles sont vos relations avec Ariane
Mnouchkine ?
—Ariane, c’était mon maître je n’ai jamais été
copain avec elle. Je ne dirais pas que mes relations
avec elle sont inexistantes, car elle vit trop dans ma
tête. Elle n’est jamais venue voir mes spectacles,
mais la seule rancune que j’ai contre elle, c’est
qu’elle n’ait pas voulu voir “Aragon”. Pour une
fois que ça ne parlait pas d’elle... Je vois dans
l’attachement d’Aragon pour le Parti communiste
mon propre attachement pour le théâtre du Soleil.
—Pourquoi ne vient-elle pas à vos spectacles ?
—Je pense que ça ne l'intéresse pas de savoir ce
que deviennent ses acteurs. Ariane, c’est don Juan.
Elle sait se faire aimer, mais elle aime moins qu’on
ne l’aime. Elle n’a peut-être pas le choix non plus
parce qu’au Soleil il y a beaucoup de monde et il
faudrait qu’elle ait un cœur très vaste. Et puis, il y a
beaucoup de gens qui l’ont trahie, alors c’est
normal...
— Et vous, vous allez au théâtre ?
— Pas souvent, et quand j'y vais, c’est de la pire
manière qui soit, c'est-à-dire que je vais voir les
copains. On ne découvre rien, on voit des trucs qui
vous font chier. Comme on n’a pas envie de passer
une mauvaise soirée, on ment et on dit aux copains
qu'on les a trouvés formidables. Et voilà, on entre
dans le grand mensonge du théâtre actuel...
—Vous travaillez à quel rythme ?
—Je me fais des programmes absolument
indigestes. J’ai adopté un énorme rythme de travail.
Je répète jusqu’à neuf heures par jour.
— C’est quoi un bon spectacle pour vous ?
— C’est un travail fait par des gens qui vont au
bout de leurs rêves, des gens comme Olivier Py,
Bartabas —ou... Johnny Hallyday
INTERVIEW ALAIN SPIRA
Page 22 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
Vaucluse Dauphiné 15 juillet 2000
Pari gagné pour Caubère
Après “Claudine et l’éducation”, seconde partie : “Le théâtre”.
Un nouvel épisode moins homogène, mais toujours source de rires
“Claudine et l'éducation“ s’avèrent
une totale réussite, comme nous
l'avons souligné dans nos colonnes.
La suite a du mal au départ à
atteindre la même perfection,
surtout au niveau de l’émotion. Elle
est scindée en deux parties, bien
distinctes et la première n’est pas de
la même veine, virant dans le
fantastique et le surréalisme. Mais
le rire est toujours au rendez-vous.
Caubère démarre sur un délire, rêve
de son adolescence, où il convoque
tous les grands noms marquant
l’actualité dans les années de sa
jeunesse. Il invite à “une
sur-pat’exceptionnelle“ le Général
de Gaulle, à qui il demande de
pouvoir récupérer ses 98000
poèmes enfouis dans des greniers,
en réclamant de plus une médaille
pour son oncle collabo. Souvenirs
politiques... Autres invités conviés
à sa fête : Mauriac, Malraux, Sartre,
Lucien Jeunesse, Roger Lanzac qui
apporte un éléphant en cadeau, et
bien sûr Johnny son Idole.
Occasion d’imitations, du chanteur
et d’autres, de Brel à Jean Ferrat. Il
fait twister ce Panthéon, avec
Robert le marseillais son copain
communiste, puis lit un texte
érotique avant d’envoyer ses hôtes
à la cathédrale de La Fare pour une
cérémonie relatée par Léon Zitrone.
De là on atterrit au Palais des Papes
où Caubère se produit dans une
comique chorégraphie, puis dans
un extrait du Cid. Les idées et les
héros d’une génération défilcnt.
Mais le meilleur, c’est la seconde
partie, on l’on retrouve le portrait
superbe de la mère. Comique et
émotion, tendresse et vérité
s’épousent. Claudine Gautier la
bourgeoise de droite, tente de
dissuader son fils de devenir
comédien. Savoureux, le morceau
où elle l’incite à faire plutôt du droit
ou à choisir un métier manuel
comme coiffeur ! Autre scène
désopilante, le passage du bac en
68... Et final en somptueux délire.
Quel immense homme de théâtre !
Marie-Hélène LOUBATIÉ.
“Le théâtre” : Les 17, 19, 22, 24 et
27 juillet, carrière de Boulbon à 22
heures. Intégrale “Claudine et le
théâtre” le 29 à 20 heures.
Page 23 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
Télérama
La comédie humaine selon Philippe Caubère s’étoffe d’un nouveau personnage
Tout sur ma mère
CARRIERE DE BOULBON
CLAUDiNE
ET LE
THÉÂTRE
CRÉATION
DE ET PAR PHILIPPE
CAUBÈRE
SPECTACLE COMIQUE EN
DEUX SOIRÉES
CLAUDINE OU L'ÉDUCATION
LES 7-8-9-16-18-21-23-26
JUI LLET À 22H
DURÉE 2H30
LE THÉÂTRE
LES 2-13-14-17-19-22-24-27
JUILLET À 22H
DURÉE 3 HEURES
CLAUDINE ET LE THÉÂTRE
(INTÉGRALE)
LE 29 JUILLET À 20H
DURÉE 5H30
Quoi ! Encore ? Depuis qu’il a commencé à raconter
sa vie — à la rejouer, plus exactement — sur scène en
1981, dans des spectacles fleuves dont la fin est toujours
repoussée, Philippe Caubère n’a cessé d’être confronté à
ce lourd soupçon, à ce sempiternel refrain qui aurait dû le
précipiter, depuis longtemps, dans les abîmes du renoncement. Enfermé dans son univers, peut-être, mais ni
sourd, ni aveugle, même si, comme dit Véronique
Coquet, sa compagne et productrice, “ il n’entend pas
comme tout le monde ”. Il sait très bien ce que l’on dit de
lui, derrière son dos qu’il fait de la psychanalyse sur
scène, qu’il règle ses comptes, que son entreprise
délirante n’est que narcissisme et mégalomanie. Procès
oblique qu’il ressent comme une injure avec, au fond de
soi, la certitude d’être innocent, l’orgueil secret du
créateur et l’envie de défier les critiques qui désespèrent
de le voir jamais sortir de cette folle aventure. Les
monologues de La Danse du diable (1981-1982) et les
dialogues du Roman d’un acteur (trente-trois heures de
spectacles en onze parties !) composent les symphonies
pour un homme seul de ce Fregoli qui écrit, joue, mime et
met en scène les mille personnages de son ébouriffante
comédie humaine. Avec pour uniques accessoires une
chaise, un manteau, une écharpe, un bonnet...
Les pérégrinations du comédien Ferdinand Faure, son
double, n’appartiennent à aucun genre. Et cette
logorrhée, portée par un acteur époustouflant de brio, qui
semble ne devoir jamais s’arrêter, abolit le temps. On
pourrait penser que Caubère, à la longue, abuse, sature,
fatigue. Mais non, comme un humble artisan attaché à sa
peine, il remet sur le métier, reprend ses outils dans le
secret de son atelier, et façonne à sa main une matière
lovée dans les limbes de sa mémoire, qui. si l’on en croit
la ferveur du public, ne demandait qu’à s’animer. Ce
travail, en convient-il, m’occupera peut-être toute ma
vie. ”
Pour justifier à ses propres yeux cette chevauchée
furieuse, il prétend n'avoir pas eu le choix. Ce fut une
question de vie ou de mort. Après l’échec de Molière, le
film dAriane Mnouchkine (1977), puis de Lorenzaccio,
de Musset, dans la Cour d’honneur (1979), le monde
extérieur lui renvoyait l’image d’un mauvais comédien
qui avait rêvé de rivaliser avec le fantôme de Gérard
Philipe. Et il sortait d’un “ double traumatisme ” : la
mort de Claudine, sa mère, pendant le tournage de
Molière, suivie de peu par sa rupture avec Ariane. ‘Je
n’avais d’autre issue que d’écrire une pièce sur ma vie et
de la jouer. Le portail s’est ouvert et le passé a afflué en
trombe.
Après vingt ans d’une aventure théâtrale inclassacle,
expédition en solitaire, plongée dans les hauts-fonds de la
mémoire, il s’en retourne vers ses origines, comme un
fleuve qui remonterait vers sa source. Sa dernière
création, L’homme qui danse, autobiographie comique et
fantastique, s’annonce en réalité comme la “ vraie
version originale et intégrale ” de son premier spectacle,
La Danse du diable. Philippe Caubère anticipe les
commentaires: “ Réécrire une pièce de théâtre est une
chose qui ne se fait pas. Rajouter plutôt que couper, encore
moins. Parler de la même chose depuis vingt ans, bientôt
plus, ne se fait pas du tout. Je ne fais rien comme il faut. ”
Ce nouveau cycle démarre donc avec les deux premiers épisodes d’un ensemble qui devrait en comporter quatre (ou
cinq...) Claudine ou l’Education, puis Le Théâtre. Caubère
repart de sa naissance, en 1950. De sa sortie, tambour battant,
du refuge intra-utérin jusqu’à son arrivée sur les planches.
Ou comment la chrysalide s’est faite papillon.
Guère épais, chétif, malingre, annoncé en sursis par les
médecins, il traîne au cours de son enfance de multiples
maladies qui obligent sa famille, sa mère surtout, à le couver.
Il suit des cours par correspondance. Un matin, le facteur
apporte un devoir de troisième : “ Quel métier désirez-vous
faire plus tard? Expliquez pourquoi. ” Le prépubère Caubère
écrit “ acteur, auteur, metteur en scène et directeur de troupe
”. Demandez le programme! Tout y est. Dès l’âge de quinze
ans. Quelques années auparavant, dans la créche pastorale de
son village provençal, au milieu des santons, le petit Philippe
avait joué La Poissonnière, “ avé l’assent ”. Ovation de
l’assemblée. “ Révélation artistique, érotique et spirituelle...
Après vingt ans d’une aventure
théâtrale inclassable et solitaire, il
s’en retourne vers ses origines,
comme un fleuve à sa source.
D un seul coup, le feu a pris en moi! ” Avant la représentation, son père (industriel marseillais, au destin contrarié de
comédien) avait pris soin de guider son minot, avec forces
gestes, sur la manière d’affronter le public, d’exagérer les
effets. Depuis, le logiciel Caubère est en place : discours de
la méthode (improviser, composer, respirer, articuler) et
principe de plaisir (encore! encore !). Aux anniversaires, il
déclame les stances du Cid. Les trous de mémoire le font
pleurer. “ Mes parents ont été bienveillants. Ils ont nourri le
serpent. ”
Chez les Caubère rôde le désir de théâtre. On tire les rideaux
rouges du salon, on définit un cadre de scène et on se donne
radieusement en spectacle, au milieu de5 ~cIats de rire.
Page 24 sur 26 - Philippe Caubère Claudine et le théâtre – Pièce -
CLAUDINE ET LE THÉATRE
À La Fare-les-Oliviers, où Philippe vient de racheter la
maison de son grand-père, un ancien pavillon de chasse à la
Tchekhov, il a fait bâtir une scène en plein air. De la montagne
Sainte-Victoire à l’étang de Berre, le regard embrasse un vaste
horizon, hélas éventré par l’autoroute du Midi, dont la rumeur
lancinante ceinture la colline. Caubère travaille ici entre le grand
salon, où il accouche de ses improvisations, et cette scène, où il
verrouille ses spectacles par tous les temps, immunisé contre les
assauts du ciel. Parfois, il se croit fou, misanthrope. Car, sous l’habit
de lumière du matador, usine le mineur de fond qui, dans le noir de
ses galeries, se pose des questions paralysantes. “ Je me suis piégé
moi-même. Est-ce que j’ai raison de continuer? L’angoisse me mord
parfois comme un scorpion à la nuque. ”
Philippe Caubère le malingre a débuté au cours Molière, à
Aix-en-Provence, en 1968, où Bruno Raffaëlli rayonnait de ses feux
juvéniles. “ J’étais la vedette, confirme l’intéressé, aujourd’hui 500e
sociétaire de la Comédie-Française (depuis la création de la
compagnie...). On voulait tous ressembler à Gérard Philipe. On
posait de profil... ” Le Festival d'Avignon, cet été-là, livré à la meute
des contestataires qui déchiquettent Jean Vilar, brise les illusions de
Philippe Caubère, qui croyait trouver, intact, un monde théâtral idéalisé. À Aix, il se pose au Tex1, pépinière de jeunes acteurs.
Très vite, Caubère le littéraire monte avec Bruno des collages
poétiques, se lance avec Maxime Lombard et Jean-Claude
Bourbault dans des aventures loufoques et révolutionnaires,
vaguement inspirées du surréalisme. La Commune, librement
adaptée de l’Histoire, cimente le groupe. “ On essayait de jouer dans
les quartiers Nord de la région marseillaise, raconte Max. Les
gamins foutaient le feu à nos perruques. On se faisait jeter:
“Là, putaing, vous voyez pas que c’est le terrain de pétanque ?” ” Ils
se glissent péniblement dans le “ off ” à Avignon et paradent, place
de l’Horloge, Max à la clarinette et Philippe au tambour. Envoyé en
éclaireur, Max revient de Paris les yeux brillants. Il a vu 1789 au
Théâtre du Soleil. “ Philippe était persuadé qu’Ariane Mnouchkine
saurait le former. Il préférait apprendre le métier avec Picasso
qu’aller aux Beaux-Arts... ” Le trio saisit la coïncidence d’une
tournée du Soleil et d’une représentation de La Commune dans la
même région pour présenter son travail à Ariane. Max tombe
malade. Les deux autres arrivent en retard. Un orage éclate.
L’électricité saute. Coûte que coûte, ils continuent. Sous le
chapiteau, Clémence Massart, la jongleuse du Soleil, est captivée
par leur numéro “ interminable mais formidable ”. “ Teigneux, un
bonnet phrygien sur la tête, une grande capote de l’armée sur le dos,
Philippe s’est soudain lancé dans une diatribe. C’était fascinant de
voir cet acteur déjà étonnant se noyer sous nos yeux. Du fond de sa
rage, il appelait au secours. ”
Ariane et sa troupe cooptent ces amateurs, ces “ Marseillais ”
débarquant en fanfare à la Cartoucherie, avec des banderoles “ Allez
l’OM! ” qui défrisent la tribu du Soleil. “ On était toujours ensemble,
on parlait fort, on faisait de la provoc’ ”, rigole Max. “ Le soir de
notre premier salaire, on s’est payé le Crazy Horse Saloon, en
costume-cravate, comme de vrais cacous marseillais ”, se rappelle
Jean-Claude. Véronique Coquet, la femme de Jean-Claude à
l’époque, découvre ce trio ébouriffant : “ Ils étaient irrésistibles,
jeunes, beaux, sexys, bourrés de talent, indépendants et protégés par
Ariane... ”
“ Ils étaient les seuls à la bousculer”, confirme Clémence, elle aussi,
aspirée par leur rayonnante énergie. Elle épouse Philippe. Noces
d’acteurs dionysiaques célébrées au Théâtre du Soleil : les mariés
sont portés par la troupe sur des boucliers. Les Marseillais reprennent
des rôles de 1789, participent à la création de 1793 et de L’Age d’or,
se forgent à l’école des masques et de l’improvisation, entre traits de
génie et laborieuse incertitude. “ Si Ariane ne lui avait pas donné le
rôle de Moliére, elle l’aurait tué, pense Max. C’était criant de vérité :
il avait tout, le talent, l’intelligence, la beauté. Il est magnifique dans
ce film. Et les questions que se pose Molière sont devenues les
siennes... ”
Après le bide du film à Cannes, Ariane confie à son interprète qui
piaffe la mise en scène de Dom Juan. Son succès révèle une rivalité
artistique que le non-dit envenime... Caubère n’est pas mécontent de
son travail, mais ne s’aime pas dans le rôle de Dom Juan. Bruno, puis
Max, attirés par le Magic Circus, ont rejoint Savary. Philippe coupe le
cordon ombilical avec Ariane. Il part seul. Clémence l’a quitté.
Ces épisodes, y compris les plus intimes, Caubère en a épicé ses
spectacles, ne nous celant rien, avec une verve burlesque et une
inventivité foisonnante. Clémence (alias Budu), le pouce sur la lèvre,
naïve, prête à tout croire; Max, son assent aillé, ses “ oringes ” et ses
problèmes de coeur; Jean-Claude, sensible, basculant dans les pires
excès; Bruno, rejeté par Ariane, coupable d’être passé par le
conservatoire. Et tous les autres
“ Il pensait qu'Ariane Mnouchkine saurait le former. Il préférait
apprendre le métier avec Picasso plutôt qu'aller aux Beaux-Arts”
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la galaxie dont Caubère a fixé les étoiles et les planètes. Avec, au
centre de ce cosmos autour duquel tournait la Terre en ce temps-là,
Ariane, la reine mythique, le Soleil...
On a beaucoup glosé sur leur relation, dévoilée par Le Roman d’un
acteur. Derrière la charge souvent vacharde, criante de vérité,
Caubère dévoilait tendresse et admiration pour son Pygmalion. “
Ariane m’a tout donné, tout appris, insiste-t-il. Avant elle, je n ‘étais
rien ; avec elle, j’ai connu la gloire. Ce fut une séparation tragique,
douloureuse, mais j’étais obligé de partir. Tout allait dégénérer... ” “
Philippe était son fils spirituel, témoigne Clémence. Son départ fut un
cauchemar tant il était partagé entre souffrance et culpabilité. Il est
dans ses ruptures comme dans la séduction, peu accommodant. C’est
après qu’il est effaré de ce qu’il a pu faire... ”
Seul, vraiment seul, Philippe Caubère imagine alors faire carrière au
cinéma. Mais en 1979, il accepte la proposition de l’Atelier théâtral de
Louvain-la-Neuve de jouer Lorenzaccio sous la direction du metteur
en scène tchèque Otomar Krejca, spectacle prévu pour Avignon...
Cette fois, Gérard Philipe, à nous deux ! À Louvain, malgré la
présence de Bruno et sa rencontre avec Christine Boisson, c’est la
déprime. Les acteurs logent sur le campus universitaire, au milieu des
champs de betteraves, se traînent entre une pizzeria et un bar avec
flipper. Dans la Cour d’honneur, le public descend des travées par
wagon. Caubère se fait fusiller par la critique. “ Rude claque! ”,
reconnaît-il. Bruno est rentré à Paris, Christine aussi. (“ Il ne croit pas
à l’amour, dit-elle, comme à regret. C’est un lyrique, pas un
romantique. ”) Il reste encore un peu à Louvain, “ en exil de lui-même
”, dit Max.
Quand il revient à Paris, plus seul que jamais, malade d’angoisse,
Philippe se met à grossir, dérive rue Saint-Denis, noircit des pages et
des pages sur des carnets où il se libère de ce qui l’oppresse, son
passé, sa folie sexuelle et son rêve inassouvi de théâtre2. Il tente de
renouer avec les Marseillais, commence à écrire un film, erre pendant
plusieurs mois. Mais, sous l’acteur désemparé, perce l’auteur qui se
cherche. La chrysalide tarde à se déchirer. Le papillon se débat.
Enfin, encouragé par ses amis, soutenu à bout de bras par Clémence et
Jean-Pierre Tailhade, il accouche d’une technique subtile qui mélange
improvisation et écriture. Il voulait se prouver qu’il pouvait être
acteur et connaître le succès? Il réussit même à s’imposer comme
auteur. Alchimie sidérante d’un monde recréé qui passe par le corps
de l’acteur, sa formidable puissance sur scène et sa maestria d’histrion. “ C’est un artiste, pas un comédien; un créateur, pas un
interprète ”, résume Véronique Coquet.
“ Son oeuvre? Elle est indiscutable, soutient le cinéaste Bernard
Dartigues, qui a filmé l’intégralité du Roman d’un acteur3. Il n'y a
rien à couper. C’est tiré au cordeau. Avec L’homme qui danse, je suis
certain qu’il va atteindre à la pureté originelle. ” L’enjeu, cette fois,
est décisif : en finir avec cette histoire et clarifier la figure de
Claudine. Face au souvenir de sa mère, il se livre, depuis le début, à
une fuite en avant, juge Jean-Claude Bourbault. Elle a disparu trop
tôt. Il n’a pas eu le temps de lui montrer qu’elle avait eu raison de
l’aimer, ni de lui prouver que son choix était le bon. ”
Son autre mère ne l’aide pas. Ariane qui, après La Danse
du diable, l’avait mis au défi de parler d’elle, s’est dérobée. Elle n’est
jamais venue à ses spectacles. La légende veut qu’elle se soit glissée,
un soir, déguisée, méconnaissable, dans une salle pour le regarder
jouer. Trop beau pour être vrai... Il ne lui pardonne pas, non plus, son
absence pour Aragon, spectacle de transition. Comme un enfant qui
craint d’être pris en faute, Philippe l’avait appelée avant de tout lâcher
sur scène. “ Tu pourrais me faire un procès? ” Elle l’avait engueulé. “
Comment peux-tu imaginer? ”En dépit du succès populaire de ses
expériences
cinématographiques
(La
Gloire de mon père et Le Château de ma
mère, d'Yves Robert), il en est ressorti
frustré, plus seul encore au milieu des
autres que livré à lui-même, “ avec la foule
de santons qui l’accompagnent partout et
sortent de sa tête ”(dixit Max). “ La
solitude, il la cherche et il la craint ”, juge
Clémence. “ Ses paradoxes fortifient sa
création, assure encore Véronique Coquet :
il est indépendant et très dépendant,
insupportable et généreux, obsédé de sexe
et fidèle, parano et attentionné. ”Une
question reste en suspens : pourra-t-il
rejouer avec d’autres? Son absolutisme
d’ascète, sa redoutable intransigeance (“ Il
fait peur à tout le monde! ”, témoigne
Bernard Dartigues) sont-ils conciliables
avec l’art du compromis qu’exige le travail
collectif? Nombreux sont ceux qui
l’attendent
avec
impatience,
les
Marseillais, bien sûr, Christine Boisson,
Ci-dessus:
aussi, émerveillée par “ sa précision
“Le
Roman
d’un
hallucinante sur scène, son agilité
acteur”.
faramineuse à passer d’un personnage à
l’autre. Le voir jouer est toujours une leçon
”. Mais, après vingt ans d’une discipline d’enfer, sortant de cette
expérience de théâtre total où il aura déployé un jeu d’une richesse
fabuleuse, ce marathonien solitaire peut-il s’accommoder maintenant
de partager la lumière ? Philippe Caubère assure qu’il rêve de
retrouver les autres. Doit-on vraiment le croire ?
“ Il approche du terme de son aventure et ça l’angoisse, estime
Clémence Massart. Après, dit-il parfois, je n’aurai plus qu’à penser à
la mort... ” Il le reconnaît “ Je ferme le cercle. J’arrive au bout de ma
recherche. Je me sens comme ces navigateurs qui ont peur de
retrouver la vie sur terre parce que je sais que je n ‘épuiserai jamais
la matière de mon passé. ” Caubère reprend à son compte ce voeu de
Louis-René des Forêts : “ Que jamais la voix de l’enfant en lui ne se
taise, qu’elle tombe comme un don du ciel offrant aux mots desséchés
l’éclat de son rire, le sel de ses larmes, sa toute puissante sauvagerie.
” C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
Jean-Claude Raspiengeas
1. Théâtre d'essai d'Aix en Provence
2. Ses carnets d’un jeune homme (1976-1981) ont été publiés aux éditions
Denoël.
3 Sortiront cette année en vidéo et en Ovo, réalisés par Bernard Dartigues:
LesMarches du palais. Ariane ou l’Age d’or,Jours de colère (Ariane Il) et
Aragon
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