1
Rencontre transfrontalière de l’Economie Sociale et Solidaire
Mercredi 22 juin 2005
« Clauses sociales dans les marchés publics »
Préface
Rencontre co-organisée par Solidarité des Alternatives Wallonnes et Bruxelloises, Essor, la Fucam,
Réseau 21 et l’Assemblée Permanente de l’Economie Solidaire Nord Pas de Calais
Cette rencontre marque l’ouverture d’un cycle de rencontres transfrontalières de l’Economie Sociale et
Solidaire, organisées par des acteurs de l’économie sociale et solidaire en France et en Wallonie. Cinq
autres rencontres seront organisées en 2005 et 2006.
1. Introduction
Les marchés publics représentant 15% du PIB européen. L’introduction de clauses sociales,
environnementales ou éthiques au sein de ces marchés est un enjeu majeur aujourd’hui pour le
développement d’une économie plus solidaire. Le droit européen permet, sous certaines conditions,
l’introduction de ces clauses. Les témoignages croisés d’experts et d’acteurs de terrain soulignent que
leur diffusion nécessite cependant un travail d’information et de sensibilisation des différents acteurs, et
la mise en place d’une ingénierie sociale adaptée.
Patrick Outters, membre du Conseil Economique et Social Régional
1
au titre du Medef, et
président de la Fédération du Bâtiment. Patrick Outters est par ailleurs chef d’une entreprise
de 250 personnes de maçonnerie intervenant notamment dans le logement social.
Après une rapide présentation du Conseil Economique et Social Régional, Patrick Outters souligne que
la problématique actuelle en France est que d’un té, des employeurs, notamment dans le bâtiment,
l’hôtellerie,… n’arrivent pas à trouver de salariés, d’un autre côté existe un bloc d’environ 10% de
chômeurs.
1
Voir présentation du CESR en annexe
2
Il est donc légitime que les pouvoirs publics contraignent les entreprises à créer de l’emploi pour des
chômeurs longue durée.
Les entreprises sont partantes, à condition de reconnaître que les entreprises sont pour créer des
richesses, et que chacun soit dans son rôle :
- les services de l’Etat doivent sélectionner et orienter les candidats
- les organismes de formation et d’insertion, faire en sorte que les personnes soient
employables
- les entreprises, donner leurs pré requis, et prendre « leur part de fardeau » par l’embauche
de chômeurs longue durée
Georges Guillaume, aux 20 ans de l’Union Régionale de l’Insertion par l’Activité Economique, a
souligné qu’il fallait vaincre « la peur des entrepreneurs ».
Patrick Outters conclut en indiquant qu’il faut encourager le travail fait par les structures d’insertion (en
reconnaissant que cela n’a pas toujours été le cas de la part des entreprises classiques), et en
développant en parallèle une culture de l’évaluation pour ces structures.
Denis Stokkink, porte-parole de Solidarité des Alternatives Wallonnes et Bruxelloises.
Denis Stokkink rappelle que les clauses environnementales, sociales et éthiques sont un enjeu
fondamental pour les pouvoirs publics locaux, nationaux et européens. Elles représentent un effet de
levier majeur, permettant de refléter les choix publics dans la conduite des politiques.
Malheureusement, les possibilités offertes sont trop peu utilisées aujourd’hui par les acteurs de
l’économie sociale et solidaire.
2. Droit européen et nationaux
I. Marchés publics et droit européen
Françoise Navez, chercheuse au Centre d’Economie Sociale de l’Université de Liège.
Françoise Navez souligne l’importance économique des marchés publics, qui représentent 15% du PIB
au niveau européen, et en font donc un consommateur particulièrement important. Il s’agit également
d’un instrument politique non négligeable.
► Est-il possible d’intégrer des critères éthiques ou sociaux dans le cadre du droit européen ?
Eléments de définition :
Un Marché public est un contrat soumis à des règles particulières parce que le consommateur qui
désire acquérir des biens et des services use de deniers publics, et se doit d’agir dans l’intérêt général.
3
Droit applicable :
o Sous certains montants (5 923 000 euros pour les travaux, 154 000 ou 236 000
euros pour les fournitures de biens et de services)
Droit national
Principes du Traité (dont principe important de non-discrimination
nationale : Italie a été condamnée pour préférence donnée aux
coopératives italiennes, non parce que coopératives, mais parce que
italiennes. Cette préférence accordée par le législateur Italien a toutefois
permis un essor énorme des coopératives italiennes.)
o Au-dessus de ces montants :
Directives européennes ou Accord sur les Marchés Publics
Principes du Traité
Il existe toutefois un grand consensus européen pour l’ensemble de ces deux types de
marchés (sous seuil et au dessus du seuil). Pour les marchés publics « sous le seuil »,
les législateurs nationaux répètent en effet largement les directives européennes, pour
éviter une trop grande différences entre les deux législations.
Les droits nationaux ressemblent donc très forts aux directives européennes et sont
donc plus ou moins les mêmes partout.
En terme d’interprétation, les juridictions nationales suivent souvent les lignes directrices européennes.
La commission a donc un énorme pouvoir bien que ce soit les cours de justice nationales qui
interprètent normalement les textes.
Les directives européennes et la place de l’éthique :
Que disent ces directives européennes sur la place de l’éthique ?
Rien. Elles sont muettes. Cela s’explique par le fait qu’elles sont été votées dans les années 70 ce
qui était recherché était :
- un marché unique, une libre concurrence européenne
- une réduction des dépenses publiques
Les seules considérations étaient donc celles de la dépense la plus petite et du soucis de transparence.
Elles ne mentionnent donc rien sur l’éthique.
Techniquement, on peut :
Définir l’objet (spécifications techniques ex : je veux du café Max Havelaar)
Sélection de l’entreprise (clauses d’exclusion (ex : exclure Total) et critères
de sélection)
Choix de l’offre (critères d’attribution)
Exécution du marché (conditions d’exécution. Ex la construction d’une
école doit être accompagnée d’un processus d’insertion. Cela devient une
« clause sociale » quand on assortit l’exécution d’un marché à des clauses
d’insertion.)
Les clauses peuvent être intégrées à ces différents niveaux, dans la limite des définitions données par
la réglementation.
4
En pratique, les principes régissant les marchés publics sont les suivants:
Critères de sélection des entreprises et d’attribution du marché sont uniquement d’ordre
économique, technique et de capacité financière
Les soumissionnaires ne peuvent être discriminés sur d’autres bases
Reste à interpréter le sens de « capacité économique de l’entreprise » et de « l’offre économiquement
la plus avantageuse », cette question étant souvent plus politique que scientifique.
Différentes positions :
La Commission entend la notion d’économique au sens restreint, et les possibilités
d’intégrer des dimensions éthiques ou sociales sont marginales
La Cour de Justice des Communautés Européennes admet la possibilité de tenir compte
de critères sociaux ou environnementaux pour apprécier l’offre économiquement la plus
avantageuse et a plaidé plusieurs fois pour la possibilité d’insérer des clauses sociales.
Le processus d’adoption des nouvelles directives a confronté ces différentes approches. Le vote montre
l’absence de consensus sur la question des dimensions sociales et éthiques.
Résultat du vote :
Les anciennes directives, muettent sur la question de la prise en compte des dimensions
éthiques ont servis de base à la prise de position des institutions. Les nouvelles
directives sont floues sur cette question
Critères d’attribution: formulation floue
Condition d’exécution pour les aspects sociaux et éthiques
Possibilité de réservation de marchés publics en faveur des personnes handicapées
=> Alors même que les nouvelles directives annoncent la prise en compte du développement durable,
elles sont ambiguës sur les aspects sociaux et éthiques
Possibilités de soutien
La loi belge est en cours de révision et les nouvelles directives sont récentes et peu explicites, nous
soulignons donc les possibilités de choix d’un produit ou d’une entreprise éthique qui pourraient
subsister en Belgique :
Sous certains montants, liberté de choix sans préciser les critères
A partir de 61.973,38 Euro
o Définition de l’objet du marché et spécifications techniques/critères de sélection
o Critères d’attribution
o Conditions d’exécution
o Réservations prévues par la loi
Conclusions
Les nouvelles directives doivent être transposées pour le 01/01/06
Le vote européen introduit le développement durable mais les avancées en matière
sociale et éthiques sont ambiguës et les législateurs nationaux vont devoir revoir leur
copie
o Les textes sont flous
o Toutes les techniques n’ont pas été envisagées
o Liberté sous les seuils d’application dans le respect des Traités
5
Sensibilisation des législateurs nationaux
II . Un cadre réglementaire favorable en France, mais peu
utilisé
Patrick Loquet, directeur de Réseau 21,
Au niveau français, le cadre réglementaire est clair depuis 2001 (article 14 du Code des Marchés
Publics : pour plus d’infos, voir sur le site de Réseau 21 : http://reseau21.univ-valenciennes.fr/), et a été
renforcé par la loi Borloo de 2005.
Lorsque des clauses d’insertion sont introduites, les résultats vont au-delà de ce qu’on pouvait espérer.
La question est aujourd’hui pourquoi toutes les collectivités n’introduisent pas ces clauses.
Comment ça marche ?
Pour simplifier, en prenant l’exemple d’un marché dans le bâtiment d’un million d’euros, la collectivité
estime que cela représente 500 000 euros de main d’œuvre. Une clause à 10% représente donc 50 000
euros, soit avec un coût horaire de 30 euros/h, 1 667 heures d’insertion. L’entreprise a alors plusieurs
possibilités :
- Sous-traiter à des entreprises d’insertion du bâtiment
- Se faire mettre à disposition des personnes en insertion (via les associations
intermédiaires, les groupements d’employeurs pour l’Insertion et la Qualification, les
entreprises de Travail Temporaires d’Insertion,..)
- Embaucher directement des personnes, avec des contrats de chantier
A quelles conditions ça marche ?
Aujourd’hui, les grandes régions ne pratiquent pas la « clause 14 ». C’est pourtant efficace, ça
fonctionne bien mais elle est encore trop peu utilisée. Il faut pour qu’elle soit mise en place une volonté
politique forte. Il est nécessaire que le maire, les élus et les techniciens le décident. Or, beaucoup de
gens pensent encore aujourd’hui que c’est illégal. Il faut également comprendre que cela prend du
temps et gager au minimum un emploi pour s’en occuper car il faut contracter, solliciter les
entreprises, etc. c’est un gros travail. En France, il y a un dispositif prévu par la loi : le PLIE.
L’expérience montre la nécessité de mettre en place de l’ingénierie sociale, avec notamment une
personne, unique interlocutrice pour toutes les entreprises, qui assure l’interface entre les entreprises,
les structures d’insertion par l’activité économique et les collectivités (voir illustration plus loin avec le
témoignage d’Alice Dupret). C’est évidemment un enjeux important et en même temps fabuleux
puisqu’il faut que les collectivités se mettent d’accord. Mais le dispositif est créateur d’emploi. Il
remobilise d’autre part les fonctionnaires et les entreprises d’insertion.
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !