La Physique Qualitative

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La Physique Qualitative
Même si le but avoué de la physique n’est pas “ d’expliquer le réel dans lequel nous vivons mais d’en donner une
modélisation cohérente satisfaisant l’intelligence humaine ”, cette entreprise n’est pas souvent aisée. En effet, la réalité, de par
son unité, est tellement complexe que le moindre fait anodin de la vie de tous les jours ne peut, la plupart du temps, pas être
rigoureusement interprété par les théories actuelles. Tout au moins par des théories en qui nous “ croyons fort ”, mettant en jeu
des lois qui nous semblent fondamentales, comme par exemple les lois directement en rapport avec les 4 interactions
fondamentales de la nature (loi de la gravitation, lois de Coulomb, lois donnant les forces électrique et magnétique en fonction
des champs électrique et magnétique...) ou encore la relation fondamentale de la dynamique de Newton.
1) Les limites d’une approche scientifiques rigoureuse: Moi ch’uis en TS ...mais
* Pour s’en convaincre, il suffit de relire quelques intitulés de vos cours de première et terminale bien
révélateurs de leurs limites:
- “ Expression de la force de gravitation pour un objet ponctuel ou à répartition sphérique de masse ”
Qui ce bel intitulé concerne ? Personne de façon précise parce qu’aucun objet n’est rigoureusement
ponctuel et même notre chère planète, aplatie aux pôles (du fait entre autre de sa rotation propre) n’entre
pas vraiment dans la catégorie des “ objets à répartition sphérique de masse ”, comme aucun autre astre
d’ailleurs...
- “ Mouvement de chute libre dans le champ de pesanteur terrestre uniforme ”
Qui cela concerne concrètement ? Rien ni personne car d’une part le référentiel terrestre d’étude n’est pas
rigoureusement galiléen, d’autre part la vraie chute libre (cas où un objet n’est soumis qu’à son poids
comme unique force) n’existe que dans le vide ou l’espace mais sûrement pas sur la Terre où les
frottements de l’air sont inévitables. Tout le monde sait bien, qu’à hauteurs de chute égales, une pierre
tombe plus vite qu’une plume ! Enfin l’uniformité du champ de pesanteur est aussi discutable...
- “ mouvement d’un satellite à trajectoire circulaire: on négligera les forces de gravitation exercées par
la Lune, le Soleil et les autres astres... ”
Un spécialiste en prise avec la réalité concrète ne peut se permettre d’ “ oublier ” toutes ces petites choses
qu’on néglige; et demandez-lui quelle est la proportion de satellites qui ont une trajectoire vraiment
circulaire ? S’il vous répond 1% c’est bien pour vous faire plaisir...
- “ Action d’un champ électrique uniforme et indépendant du temps sur une particule chargée ”
On aurait tout autant pu écrire: “ êtes-vous arrivés à apprivoiser votre proton ? ” En effet, même si les
deux caractéristiques (uniformité et constance) du champ électriques sont facilement réalisables en
laboratoire (mais on s’éloigne de la vie de tous les jours !), il n’est guère possible de réaliser des
expériences avec une seule particule. La physique quantique nous apprend qu’il n’est même pas possible
d’en isoler une et de connaître précisément sa vitesse ! (Une des conditions initiales de tous vos
exercices). Et dès que l’on considère plusieurs particules chargées, on doit tenir compte de leurs
interactions électromagnétiques complexes.
- Même topo pour le champ magnétique...
Le petit-déjeuner qui déprime...
* Une façon plus amusante de s’en convaincre est de commencer sa journée par un bon petit déjeuner.
- Lorsqu’on verse un peu de lait dans son bol de thé, café ou cacao, la situation est déjà terrifiante pour un
physicien perfectionniste, d’autant plus si celui-ci n’est pas bien réveillé: pour pouvoir décrire de la façon
la plus complète possible cette situation triviale, il faudrait connaître précisément les positions et les
vitesses de chacune des milliards de milliards de milliers de molécules entrant dans la composition du thé
et du lait (afin de leur appliquer la relation fondamentale de la dynamique); il faudrait également
connaître les interactions entre ces molécules... Il y a de quoi y passer ses vacances... même pour un
ordinateur !
- Pour des raisons similaires, personne n’est capable de décrire parfaitement l’“ étalement ” de la bonne
confiture de grand-mère sur notre tartine encore toute chaude, ou pire la trajectoire et la déformation
exactes d’un “ rond ” de fumée de cigarette (c’est pas bien de fumer en mangeant !).2) Aux armes
physiciens!
Heureusement, face à cette impuissance provenant du nombre gigantesque d’éléments à considérer dans n’importe-quel cas
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concret, la physique possède quand même quelques armes:
a) la première est le moyennage (utilisé avec succès par la thermodynamique classique ou la mécanique
des fluides) et qui consiste à raisonner non plus sur chaque élément pris séparément (souvent
microscopique) mais, en posant certaines hypothèses, sur des grandeurs locales moyennes
caractéristiques du système à notre échelle macroscopique.
Par exemple, si la température d’un gaz a assurément quelque chose à voir avec les énergies cinétiques
microscopiques de ses constituants élémentaires (atomes, molécules...), l’attitude de moyennage
permettra de prédire avec une très grande précision la valeur de la température affichée concrètement par
le thermomètre.
b) La seconde est l’arme statistique qui tisse un lien plus serré entre l’élément lui-même et la totalité du
système qui nous est expérimentalement accessible. S’appuyant sur quelques postulats de départ (à
admettre), cette démarche prolonge l’approche précédente en combinant les lois fondamentales (celles
dont nous avons parlé plus haut) appliquées à chaque élément du système et les calculs de probabilités
(témoignant directement de notre impuissance et cachant une certaine forme d’ignorance...). Cette
méthode doit souvent faire appel à des ordinateurs puissants et contient une certaine part d’incertitude: il
n’y a qu’à penser au nombre de fois où la météo nous a fait prendre un parapluie qui ne nous a pas servi !
c) Une troisième possibilité, la plus simple, et que vous utilisez depuis les petites classes est l’approche
phénoménologique.
- Par exemple, pour connaître les propriétés intéressantes d’un vulgaire ressort en acier, il n’est pas utile
de connaître parfaitement les interactions électromagnétiques entre 2 atomes de fer et de les appliquer au
ressort entier constitué d’un nombre d’atomes de l’ordre du nombre d’Avogadro (soit 1023). Il suffit
d’étudier ce système en tant qu’entité. Par exemple, si on décide de l’étalonner avec différentes masses,
on obtiendra une expression phénoménologique de la force de rappel qu’il exerce sur ces masses, c’est-àdire une expression (ou loi) déduite des phénomènes observés. En particulier, pour les petites élongations
x, on trouvera F = - k*x où k, appelée constante de raideur du ressort, est directement tirée des
expériences. Libre ensuite à un physicien des solides d’interpréter la valeur de k, selon les matériaux en
termes de structure au niveau microscopique par une approche statistique par exemple.
- La loi d’Ohm en électricité (U = R*I) est également une loi phénoménologique, comme pratiquement
toutes les lois (ou formules) que vous connaissiez avant d’entrer en terminale (les lois plus
“ fondamentales ” ont été découvertes cette année).
* Revenons à la mécanique: l’expression phénoménologique de la force de rappel exercée par un ressort
est nécessaire pour décrire le mouvement d’une masse m attachée au ressort. Par exemple, vous avez vu
en cours que la période propre d’un oscillateur non amorti valait T0 = 2(m/k). Dans la pratique, les
frottements ne sont jamais nuls et amortissent l’oscillateur d’autant plus qu’ils sont importants. Eux aussi
font intervenir un nombre gigantesque d’éléments microscopiques (molécules de l’air ou d’eau...) et il
faudra donc recourir, là encore, à une expression phénoménologique des forces de frottement. S’il s’agit
de frottement visqueux (se faisant par l’intermédiaire d’un fluide, gaz ou air et non directement de solide
sur solide), l’expérience montre qu’une expression de la forme f = - *v convient assez bien aux faibles
vitesses et où  est un coefficient qui dépend de la géométrie du système, de sa température. Par
exemple, pour un objet sphérique de rayon R se déplaçant dans un fluide visqueux (comme la glycérine
ou le miel), le physicien Stockes a trouvé pour une expression relativement simple (en faisant varier la
taille de l’objet et la nature du fluide):  = 6*R* où est une caractéristique du fluide appelé
“ coefficient de viscosité ”. Libre ensuite à un physicien des liquides d’interpréter les valeurs de , selon
la nature du liquide, à l’aide des propriétés des molécules qui le constituent.
L’oscillateur harmonique en mécanique
Cette approche est purement phénoménologique; ainsi, lorsque les vitesses deviennent importantes,
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l’expérience nous apprend qu’une force de frottement proportionnelle au carré de la vitesse (et non plus à
la vitesse elle-même) convient davantage.
* Considérons une dernière fois l’oscillateur élastique faiblement amorti constitué par la masse et le
ressort. Le cours vous a appris que lorsque le système est soumis à une excitation (force Fe en
l'occurrence) périodique de fréquence variable, on observe un phénomène de résonance (pour des
fréquences excitatrices voisines de la fréquence propre de l’oscillateur) d’autant plus marqué que les
frottements sont faibles (donc que  est petit: résonance aigüe). On peut montrer aussi que la “ largeur de
la résonance ” est proportionnelle à l’intensité de la force de viscosité, plus précisément à  / m. (On
retrouve la conclusion exprimée en cours à savoir que plus les frottements sont importants (force de
viscosité importante:  grand), plus la résonance est floue (large)).
La situation est décrite par la relation fondamentale de la dynamique qui s’exprime:
F + f + Fe = m*a = - k*x + (- *v) + Fe
d’où on tire l’expression: m*a + *v + k*x = Fe soit encore m*(d2x/dt2) + *(dx/dt) + k*x = Fe
Cet exemple montre les qualités de l’approche phénoménologique qui permet de traiter des problèmes
relativement élaborés (ici la situation mécanique est convenablement décrite par une équation
différentielle du second degré) tout en dégageant les limites de cette approche; dans notre cas, limite des
petites élongations (sinon la relation: F = - k*x n’est plus valable) et des faibles vitesses (sinon c’est la
loi: f = - *v qui doit être corrigée) .
3) Modèles et analogies
Afin de compléter les propos du § précédent, je vais ici parler de l’utilisation de modèles et d’analogies qui est très fréquente
en physique.
a) Par exemple, pour interpréter les vibrations de molécules diatomiques constituées de deux noyaux
lourds baignant dans une “ mer électronique ” bien dense (un grand nombre d’électrons), on peut utiliser
des modèles mécaniques. Un des plus simples consistera à simuler la liaison entre les deux atomes de la
molécule par un “ ressort équivalent ” aux extrémités duquel on fixera (par la pensée !) les masses
correspondant aux deux noyaux. Un modèle plus sophistiqué simulera l’influence du cortège électronique
par une “ force de viscosité équivalente ”.
Expérimentalement, on étudiera la résonance des molécules de ce type en prenant comme “ force
excitatrice équivalente ” une onde électromagnétique de fréquence variable. De cette étude expérimentale,
on déduira certains paramètres du modèle mécanique comme la constante de raideur du ressort équivalent
ou l’intensité de la force de viscosité équivalente en vue de construire un modèle phénoménologique de
vibration des molécules (renseignant sur l’intensité des liaisons intramoléculaires via la constante de
raideur du ressort équivalent ou encore sur les interactions noyau-cortège électronique via l’intensité de la
force de viscosité équivalente).
* Ce modèle mécanique du ressort et de la masse est fondamental en physique (de par sa simplicité !).
Il est appelé “ approximation de l’oscillateur harmonique ” et est exploité dans tous les secteurs de la
physique: on peut l’appliquer pour modéliser les vibrations des constituants d’un solide (dues à l’agitation
thermique entre autre), l’absorption des ondes sonores ou électromagnétiques dans les solides
(reformulation: comment le son se propage dans un solide et pourquoi les objets en métal sont détectables
aux rayons X ?), la polarisation de la matière sous l’influence d’un champ électrique (pourquoi une règle
en plastique frottée attire de petits morceaux de papier et non des petits morceaux de métal), le
mécanisme de conduction électrique dans les métaux (passage du courant électrique dans un fil de
jonction soumis à une tension), le mouvement périodique des nucléons (protons et neutrons) dans un
noyau, le ....
Bref, tous les mouvements périodiques de faible amplitude autour d’une position d’équilibre stable
ressemblent à celui d’un oscillateur harmonique mécanique, et comme les solutions mathématiques des
équations différentielles du mouvement sont simples, elles se prêtent facilement à des analogies.b) Les
analogies sont le plus souvent suggérées par les formulations mathématiques des problèmes. Les outils
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mathématiques simples étant en nombre restreint (scalaires, vecteurs, dérivées...avec ça on fait déjà pas
mal de choses!) on retombe vite sur des équations identiques et, aux mêmes équations, les mêmes
solutions! L’analogie est alors prête.
* Par exemple considérons un circuit (R,L,C) série comme celui étudié en cours, constitué de
l’association en série d’une bobine (assimilée à une inductance pure de valeur L), d’un conducteur
ohmique (de résistance R), d’un condensateur (de capacité C) et d’un générateur fournissant la tension Ue.
La loi d’additivité des tensions s’écrit: Ue = UL + UR + UC avec UL, UR et UC les tensions aux bornes
respectivement de la bobine (inductance pure), du conducteur ohmique et du condensateur.
En explicitant ces dernières, cette loi se récrit Ue = L*(di/dt) + R*i + 1/C*q où i est l’intensité du
courant parcourant le circuit et q la charge électrique portée par les armatures du condensateur.
Puisque i = dq/dt, cette relation peut encore s’écrire: L*(d2q/dt2) + R*(dq/dt) + 1/C*q = Ue
Ainsi les phénomènes électriques qui se produisent dans un tel circuit sont régis par une équation qui a
exactement la même “ allure ” que celle décrivant un système masse-ressort amorti par des frottements
fluides et soumis à la force périodique Fe.
Ici, la tension Ue joue le rôle de la force excitatrice Fe ; la charge électrique q celui de l’élongation x; les
grandeurs électriques L, R et 1/C étant les analogues respectifs des grandeurs mécaniques m, et k.
Connaissant les solutions du problème de l’oscillateur mécanique amorti, on pourra directement les
transposer pour interpréter les circuits électriques et trouver les analogues électriques de certaines
grandeurs comme la période (ou la fréquence) propre du circuit: l’analogue de T0méca = 2(m/k) est
T0élec = 2(LC).
Le modèle mécanique permettra d’interpréter la résistance d’un circuit électrique (R) comme une force de
frottements visqueux à laquelle seraient soumis les électrons. Dans les 2 cas de l’énergie est transférée
(perdue) au milieu extérieur et peut provoquer un échauffement de celui-ci: frottements mécaniques et
effet joule que l’on rassemble sous le terme de phénomènes dissipatifs.
Questions: en s’appuyant sur l’analogie électromécanique,
3.1) Donnez le coefficient caractéristique auquel est proportionnelle la “ largeur de la
résonance ” en électricité pour un circuit (R, L, C) série. En déduire comment évolue l’allure de
la courbe de résonance en fonction de R.
3.2) Trouvez les analogues électriques de la vitesse de l’oscillateur mécanique, son énergie
cinétique et son énergie potentielle élastique. Conclusion.
3.3) Trouvez l’analogue mécanique (formule) de l’énergie dissipée par effet joule (R*i2*dt) dans
un circuit (R,L,C) série. D’un point de vue physique, à quoi correspond cette énergie ?
3.4) Pour l’oscillateur mécanique non amorti, on a vu en cours qu’il y a sans cesse transfert
d’énergie potentielle en énergie cinétique de l’oscillateur de façon à conserver l’énergie
mécanique totale constante. Représentez le circuit électrique correspondant à cette situation
mécanique et expliquez les transferts énergétiques qui s’y déroulent. Un tel circuit est-il
“ pratiquement ” réalisable ? Pourquoi ? Conclure en termes de bilan d’énergie.
4) Des formules ! Des formules ! Des formules.... y’en a marre !
Lorsqu’on demande autour de nous à des “ non spécialistes ” quels sont les joyeux souvenirs qu’elles gardent de leur cours de
physique, la réponse est souvent décevante: des formules ! Des formules ! Des formules ! Certaines s’engagent un peu plus et
reprochent à la physique d’avoir recours à des formalismes mathématiques sophistiqués (c’est encore plus vrai en physique
moderne; physique quantique et relativités restreinte et générales) d’une grande abstraction et qui, de ce fait brouille nos
intuitions premières. Je suis d’accord avec vous pour supprimer la moitié des formules du programme de terminale mais...
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a) Principe numéro zéro de la physique
Enfin, un grand pas sera accompli lorsqu’on commencera à apprendre au lycée le “ principe numéro zéro
de la physique ” de John A Wheeler (un des grands physiciens du 20ème siècle) qu’il énonça ainsi: “ ne
jamais faire de calcul avant d’en connaître le résultat ”
L’idée sous-jacente est la suivante:
- En physique, le risque d’erreur est constant précisément à cause du recours à des formalismes
mathématiques sophistiqués et à des calculs longs et délicats.
- Un bon réflexe consiste à se donner des moyens de contrôle, avant même toute entreprise mathématique,
de façon à prévoir au moins en ordre de grandeur le résultat du calcul entrepris et ainsi évaluer la
plausibilité du résultat obtenu. Plus encore qu’un simple contrôle de qualité (qui pourrait se faire après
coup, une fois le résultat trouvé), ce réflexe doit permettre de tester la pertinence même du processus
théorique utilisé (en clair est-ce que ça vaut vraiment la peine de se lancer dans un complexe et fastidieux
calcul si je n’ai pas à l’avance un minimum de garanties que ce calcul me fournira un résultat
raisonnable?).
Cette physique qualitative (ou physique “ avec les mains ” c’est-à-dire sans équations) peut se révéler
sous différents éclairages: ordre de grandeurs, lois d’échelles, analyse dimensionnelle...
b) Les ordres de grandeur
* Des études ont montré que le cerveau humain ne pouvait se représenter concrètement des valeurs
numériques plus grandes que 1 million (106) ou plus petites qu’un millionième (10-6). Il est évident que
cette fourchette [10-6 - 106] caractérise l’échelle humaine. Au delà de cette gamme numérique, les
valeurs ne nous “ parlent ” plus et sont réduites au vulgaire statut de chiffre dépourvu de signification
concrète.
Par exemple, imaginons qu’à la suite d’une promotion extraordinaire, la masse de tous les constituants
élémentaires de la matière (électrons protons, neutrons...), augmente subitement d’un facteur 1000. Ainsi
les électrons verraient leur masse passer de 10-30 kg (valeur actuelle) à une valeur de 10-27 kg ; de même,
celle d’un nucléon passerait de 10-27 kg à 10-24 kg. Enoncées ainsi, ces modifications brutales ne font
cauchemarder personne... Retranscrites à l’échelle humaine, cela revient à imaginer des individus pesant
tous dans les 100 tonnes ! Ce qui nous interpelle davantage.
* Par nature, le système d’unités international (le fameux système “ SI ”) est bien adapté à nos
expériences journalières et utilise des étalons macroscopiques qui nous sensibilisent: le mètre, le
kilogramme, la seconde et l’Ampère caractérisent précisément notre échelle humaine.
Le mètre représente à peu de chose près la taille de l’Homme; le kilogramme, la masse de nourriture
absorbée en une journée (ou celle que l’on peut soulever sans trop de difficulté); la seconde, la durée entre
deux battements de cœur et l’Ampère, une intensité de courant électrique suffisante pour nous donner la
mort...
* Pour aller plus loin, on peut affirmer que la quasi-totalité de nos journées s’inscrit dans la fourchette
[10-6 - 106] centrée sur des valeurs “ raisonnablement humaines ”.
- Le micron (10-6 m) ou millième de millimètre n’est déjà plus détectable par l’œil humain (l’épaisseur
d’un cheveu moyen atteint plusieurs dizaines de microns). De l’autre côté de la gamme, le millier de
kilomètres (106 m) représente grossièrement la dimension d’un pays, c’est encore la distance maximale
que l’on peut parcourir en une journée avec son automobile. Evidemment l’utilisation d’un avion permet
de parcourir plus de 10 000 km en une seule journée, ce qui nous fait sortir de la gamme évoquée, mais le
recours à cette technologie sophistiquée revêt déjà pour la plupart d’entre nous un caractère exceptionnel;
en d’autres termes, on ne prend pas l’avion tous les jours, tandis que sa voiture si !
- Les plus petits objets observables à l’œil nu (grain de sable, poussière...) ont une masse supérieure au
milligramme (soit 10-6 kg), valeur qui représente, pour l’échelle des masses, la borne inférieures que
nous offre notre expérience quotidienne. De façon similaire, la masse d’une automobile vaut à peu près
une tonne, celle d’un semi-remorque 38 tonnes et 100 tonnes pour la baleine bleue, l’animal le plus lourd
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existant sur Terre. Même la masse d’un Boeing 747 n’excède pas les 106 kg.
- Concernant les durées, la finale du 100 m des Jeux Olympiques peut être évaluée au millième de
seconde (soit 10-3 s) et une journée dure un peut moins que 105 s. On reste là-encore dans la fourchette
évoquée.
* Pour un physicien ou un ingénieur, la recherche d’ordres de grandeur est essentielle. Cette pratique
consiste à évaluer rapidement des grandeurs inconnues à partir de valeurs disponibles d’autres grandeurs
et d’un peu d’intuition. Cette démarche doit aussi permettre aux étudiants d’encadrer grossièrement le
résultat d’un calcul, voire de remettre en cause le calcul lorsque ce-dernier conduit à une estimation
numérique sortant de l’encadrement. Cette approche dépasse et complète en quelque sorte le “ bon sens ”
de l’homme de tous les jours; bon sens qui ne se construit que via nos expériences quotidiennes et donc
numériquement souvent limité à la “ fourchette humaine ”: ainsi s’il paraît évident qu’un vélo ne peut
rouler à une vitesse de 84312 km/h (relevé dans une copie d’élève !), il paraît moins absurde d’écrire (en
se trompant dans les unités) que Neptune gravite à 5*1012 km du Soleil (au lieu de 5*10 km ).
* Voici quelques exemples (du plus simple au plus compliqué) de questions qu’un prof de physique peut
se poser et que des élèves de TS vont devoir étudier (j’attends une évaluation numérique et une réponse
argumentée):
4.b.1) Questions de zéros
a) Quel est le rapport “ largeur / longueur ” d’un cheveu moyen pour une personne qui a les
cheveux “ jusqu’aux fesses ” ?
b) Quelle fraction d’une vie d’homme représente une seconde ?
c) Quel objet courant faut-il ajouter à un Boeing 747 en charge pour faire varier sa masse d’une
valeur de la fraction précédente ?
d) En rapportant la taille moyenne d’un atome à celle d’une pomme, quelle taille possède une
pomme constituée d’atomes de ce type ? La comparer à un “ objet ” bien connu.
e) En rapportant la taille d’un noyau atomique à celle d’une balle de ping-pong, jusqu’à quelle
distance de la balle peuvent évoluer les électrons ?
f) En rapportant la taille du Soleil à celle d’un ballon de foot, quelles sont les dimensions de la
Terre et de la Lune et quels sont les rayons de leurs orbites ?
i) En rapportant l’âge de la Terre à une année et en supposant qu’elle s’est formée le 1er janvier
2000 à 0 h. A quelle date de l’année 2000 sont apparues: les premières traces de vies ? La
disparition des dinosaures ? Les premiers mammifères ? L’histoire de l’Homme (que l’on
assimilera à l’apparition de l’écriture) ? Votre naissance ?
j) Avec cette échelle de temps réduite (une année), quelle est la fréquence de collision d’un gros
astéroïde avec la Terre suffisant pour provoquer l’extinction de la race humaine ?
k) Imaginons que toute l’histoire de la Terre (de sa création jusqu’à aujourd’hui) soit écrite sur
des feuilles de papier entassées pour former une colonne de la hauteur de la Tour Eiffel. Sur
combien de feuille tient l’histoire de l’Homme ?
l) Evaluez la force de répulsion entre 2 personnes, distantes de 1 m, et qui aurait chacune 1 %
d’électrons de plus que de protons. Au poids de quel “ objet ” ce résultat correspond-il ?
Quelle est alors l’accélération subie par chacune des personnes (à exprimer en multiples de
g: intensité du champ de pesanteur terrestre).4.b.2) Questions d’autoroute (je roulais assez
vite)
a) “ c’est fou comme ces lampadaires bordant l’autoroute (en France) défilent vite autour de
moi; sur un trajet Lille-Marseille, on doit en croiser des milliards! ” qu’en pensez vous ?
(Indice: j’ai compté 10 lampadaires environ entre 2 bornes kilométriques)
b) “ À partir de quelle vitesse aurais-je l’impression de voir défiler une ligne lumineuse
continue? (Ne distinguant alors plus les différentes images données par les différents
lampadaires) ”
4.b.3) Exemple emprunté à J.M Levy-Leblond
“ Quelles seraient les dimensions d’un lac (longueur, largeur, profondeur) qui pourrait noyer en
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bloc toute l’humanité ? ”
4.b.4) Question existentielle:
“ Est-il possible qu’à chacune de nos inspirations (0,5 L d’air) nous puissions respirer une
molécule qui est sortie du cor de Roland la dernière fois qu’il l’a fait sonner à Roncevaux? ”
(Indices: Roland a soufflé fort (volume d’air dégagé ?), la pression atmosphérique vaut 105
Pa (à interpréter en termes de poids (puis masse) par m2 de surface terrestre), quelle est la
‘’masse molaire de l’air’’ ? Et le volume molaire d’un gaz à 25°C ?)
c) Les lois d’échelles (les schtroumpfs ont-ils le sang chaud?)
Qui n’a pas lu “ Micromégas ” ou “ le voyage de Gulliver ” ou encore une BD des schtroumpfs ?
Les descriptions des personnages de ces œuvres ne résistent pas au regard sévère de l’analyse
dimensionnelle utilisée sous la forme dite des similitudes ou des lois d’échelles.
Gulliver ou Micromégas pourraient-ils vivre sur notre planète ? Les schtroumpfs ont-ils le sang chaud ?
Pourquoi les poules n’arrivent-elles pas à voler comme les moineaux ? Quelle vitesse de course doit
atteindre l'autruche pour elle-aussi s’envoler ?
Pour répondre d’une façon amusante à ce genre de questions en utilisant les lois d’échelles, il faut faire
une hypothèse un peu loufoque à savoir que les différents “ modèles” comparés entre eux sont tous “ faits
de la même manière ”, ils ne sont que des “ copies conformes ” les uns des autres à des échelles
différentes. En termes techniques cette hypothèse suppose que les modèles respectent une similitude
géométrique et matérielle. Evidemment, cela n’est jamais rigoureusement vérifié dans la réalité ce qui
devrait permettre de relativiser nos conclusions, mais l’étude des schtroumpfs ou de Gulliver fait-elle
partie de la réalité ?
* Commençons par Gulliver et supposons qu’il mesure 10 fois la taille
d’un homme ordinaire (soit environ 18 m) et qu’il est fait exactement de
la même matière. Ses os et ses muscles, tout comme les nôtres, sont des
assemblages de fibres et leur solidité est grosso modo proportionnelle au
nombre de ces fibres donc à la section de l’os ou du muscle considérés
(voir figure 1).
En d’autres termes, la force qu’un membre donné du corps peut exercer ou
supporter est proportionnelle à la surface de sa coupe transversale.
figure 1
Si Gulliver est parfaitement homothétique à l’homme normal, toutes ses dimensions linaires (L) sont
multipliées par 10. La force de ses membres, proportionnelle à la surface de leur section, est donc
proportionnelle au carré de leur dimension linéaire, soit L2.
Qu’en est-il du poids du géant ? La masse d’un corps peut être vue comme la quantité de matière
composant ce corps c’est-à-dire délimité par un certain volume. La masse (et donc le poids) est alors
proportionnelle au volume donc au cube des dimensions linéaires soit L3. On peut illustrer ce dernier
argument en utilisant la densité, plus précisément la masse volumique (). Si le géant et l’homme
ordinaire sont parfaitement homothétiques et faits de la même matière, leurs masses volumiques sont
identiques car cette grandeur physique n’est ni additive ni multiplicative.
(La densité d’un mélange eau-huile n’est pas la somme des densités de chacun des constituants du
mélange de même que la densité de 10 litres d’eau n’est pas 10 fois supérieure à la densité d’un seul litre
d’eau: c’est tout simplement la même !). Puisque par définition de la masse volumique  = m / V alors
m = *V; la masse est bien proportionnelle au volume (puisque  est constante). Un argument pratique
plutôt que mathématique est encore plus convaincant: pour celui qui fait ses courses, il est évident que 10
briques (de 1 L) de lait pèsent 10 fois plus qu’une seule brique (de 1 L): un volume 10 fois plus important
est donc 10 fois plus lourd ce qui signifie que la masse (ou le poids) évoluant comme un volume est
proportionnelle au cube des dimensions linéaires soit L3.
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3
Le poids du Gulliver sera donc 10 = 1000 fois plus élevé que celui de son homologue humain alors que
sa force ne sera que 102 = 100 fois plus intense. Dès lors, pour le géant, supporter son propre poids
équivaut, pour vous comme pour moi (individus ordinaires) à porter en plus de notre propre personne, 9
personnes de notre poids sur nos épaules. Qui ne s’effondrerait pas ?
Ainsi si Gulliver ou Micromégas ont existé sur la Terre, ils n’étaient certainement pas faits comme nous !
Cet exemple un peu simpliste permet néanmoins de comprendre pourquoi l’homme le plus grand du
monde (R. Wadlow, livre des records) ne mesurait “ que ” 2 m 72 et pourquoi il souffrait de scoliose
atroces (il dut finir sa vie allongé..). Il permet aussi de comprendre pourquoi les gros animaux comme
l’éléphant, la girafe ou le lion ne sont pas homothétiques aux animaux plus légers comme le chien, la
gazelle ou le chat: la surface de la section de leurs os doit croître plus vite que le carré de leur longueur.
Les gros animaux ont donc plutôt des os courts et épais alors que ceux des petits peuvent être longs et fin
comme pour la gazelle.
* D’une façon analogue, bien qu’ici des considérations économiques entrent en jeu, on peut comprendre
pourquoi un grand tapis oriental ou une sculpture africaine de grande taille coûtent beaucoup plus chers
que les modèles réduits. Imaginons un tapis (T1) où toutes les dimensions sont doublées par rapport celles
d’un tapis plus petit (T0), ou encore une sculpture (S1) homothétique à une originale (S0) mais deux fois
plus grande. Le temps de tissage (à la main) du tapis T1 sera approximativement 4 fois plus long que celui
du tapis T0 puisque sa surface a été multipliée par 22 = 4. Il en va de même pour le temps consacré à la
grande sculpture (on ne sculpte que la surface) vis-à-vis de la petite.
En considérant que le prix de ces objets est proportionnel au temps de travail (négligeant le coût des
matières premières devant celui de la réalisation), les modèles de grande taille seront 4 fois plus chers que
leurs homologues de petite taille. Dans ces deux exemples, le prix augmente comme le carré de la
dimension des objets. Bien évidemment, l’argument n’est plus valable pour un travail de miniature où les
conditions de travail ne sont plus les mêmes !
* Une autre loi de similitude permet de saisir pourquoi il n’existe pas d’animaux à sang chaud plus petits
que la souris ou le moineau. En dessous de cette échelle, un tel animal devrait passer son temps à se
nourrir en ingurgitant un poids d’aliments dépassant de beaucoup son propre poids (qu’en est-il des
schtroumpfs ?). Ce handicap le condamnerait à une oisiveté intégrale et l’exposerait de façon permanente
aux prédateurs; l’espèce ne pourrait survivre bien longtemps. C’est certainement une raison essentielle au
fait que l’évolution ait sélectionné aux petites échelles des animaux à sang froid comme les grenouilles,
les poissons ou les insectes.
En effet tout animal doit se nourrir pour se déplacer et puise son énergie dans ses aliments. Mais les
animaux à sang chaud doivent d’abord maintenir leur organisme à une température constante (37°C pour
l’animal raisonnable qu’est l’Homme) ce qui utilise déjà une bonne part de l’énergie apportée par la
nourriture. Pour une température et une texture de peau donnée, la chaleur échangée (perdue) avec le
milieu extérieur est en gros proportionnelle à la surface de l’animal considéré (là où s’effectuent les
transferts de chaleur, c’est-à-dire sur la surface de la peau).Le minimum vital en nourriture d’un animal à
sang chaud, pour le maintenir à température constante, est donc proportionnel au carré de sa dimension
linéaire. Dès lors, pour un homme ordinaire, absorber 1 litre d’aliments équivaut pour un schtroumpf 100
fois plus petit à absorber (1 / 100)2 = 10-4 litre.
Mais dans le monde supposé homothétique du schtroumpf, comme dans le nôtre, le volume est
proportionnel au cube de la dimension linéaire. Son estomac a donc un volume (1 / 100) 3 = 10-6 fois plus
petit que le nôtre. En d’autres termes, quand un steak suffit à nous nourrir, il faut 100 steaks
homothétiques pour rassasier le schtroumpf (plus encore s’il s’agit du schtroumpf gourmand...) Ainsi, si
le schtroumpf avait le sang chaud (37°C), il passerait 100 fois plus de temps que nous à se nourrir et
s’exposerait ainsi de façon permanente à la méchanceté de Gargamel (son principal prédateur).
Un schtroumpf à sang froid de même taille que le précédent échapperait à ce “ bagne alimentaire ” et tout
ce qu’il mange lui servirait à se déplacer ce qui lui permettrait entre autre d’éviter de se faire écraser par
les personnes “ ordinaires ” que nous sommes...
* Terminons sur quelques exemples empruntés à la mécanique des fluides où les lois d’échelles sont
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fréquemment utilisées (étude de maquettes).
Une loi phénoménologique nous apprend que la portance d’un objet volant dans l’air de dimension
linéaire caractéristique L et à la vitesse v est proportionnelle au carré de cette vitesse (soit v 2) et à la
surface de contact avec l’air (soit L2). La portance est la force verticale ascendante qui permet de voler:
lorsque l’intensité de celle-ci devient supérieure à celle du poids (qui agit en sens contraire, suivant la
verticale descendante), l’objet peut décoller. Il en résulte une vitesse critique de décollage en dessous de
laquelle ce-dernier n’est pas possible. Ceci explique que les avions prennent de la vitesse en roulant avant
de s’envoler tout comme les cormorans qui décollent comme des planeurs: ils prennent de la vitesse en
courant sur une piste qui finit en falaise, où le vent en face assure leur sustentation.
Le poids d’un objet étant proportionnel au cube de ses dimensions linéaires (soit L3), la condition d’envol
d’équilibre du poids par la portance s’écrit dimensionnellement: L3 = v2 L2 (soit L = v2) d’où on tire que
la vitesse de décollage est proportionnelle à la racine carrée de la dimension linéaire. Deux objets
homothétiques n’ont donc pas les mêmes conditions d’envol. Négligeant le rôle (pourtant essentiel pour
les objets légers) du vent que savent si bien utiliser les oiseaux, voici quelques conclusions que l’on peut
tirer de l’argument dimensionnel précédent:
- La vitesse d’envol d’un moineau de dimension caractéristique L = 6 cm (0,06 m) est d’environ 20 km/h.
Celui ci les atteint en chute libre en se jetant des branches plutôt que de courir sur le sol comme les
cormorans, les poules, les autruches ou encore les avions.
- Pour la beauté de l’application numérique, nous supposerons qu’une poule est environ 9 fois plus grande
qu’un moineau (taille caractéristique environ 50 cm, ça ressemble plutôt à une oie !), sa vitesse d’envol
devrait être supérieure à celle du moineau d’un facteur 9 = 3, soit 60 km/h. N’étant pas capable de courir
si vite, elle ne peut pas s’envoler.
- Quand est-il d’une autruche d’1 m 50 de long ? Sa dimension caractéristique étant grosso modo 25 fois
plus grande que celle du moineau (ah ! la magie des chiffres...), sa vitesse d’envol est multipliée par
25 = 5. L'autruche doit alors courir à 100 km/h; c’est raté pour elle... mais de peu !
- Prenons un exemple qui marche; un airbus par exemple. Pour les besoins du calcul, on considérera
l’avion 9 fois plus grand qu’une autruche (soit 15 m environ). D’après notre raisonnement, sa vitesse de
décollage doit être 9 = 3 fois plus grande que celle de l'autruche soit 300 km/h, ce qui est un ordre de
grandeur correct.
Ces quelques exemples montrent que notre morphologie et notre comportement dépendent de notre taille;
nous ne serions pas semblables à nous-mêmes si nous étions 10 fois plus grands ou 100 fois plus petits.
D’une façon générale, les propriétés des systèmes dépendent de l’échelle qui les caractérise, on dit
qu’elles ne sont pas “ invariantes d’échelles ”. Cependant ces lois d’échelles ou de similitude restent très
pratiques et très fréquemment utilisées en mécanique des fluides lorsque l’on travaille sur maquettes pour
résoudre de façon empirique (et moins onéreuse) des problèmes complexes.Questions
4.c.1) En gros, en tant que “ personne ordinaire ”, vous êtes capable de porter un poids égal au
vôtre.
a) Quelle serait la taille d’un animal déduit de vous par similitude, pour qu’il puisse porter 10
fois son poids?
b) Généralisez ce résultat en commentant (brièvement) ce que savent faire divers animaux réels.
4.c.2) Comment expliquez-vous qu’une puce puisse sauter plus de 100 fois sa taille alors que
l’Homme tout juste une fois? (Record du monde d’un homme non “ ordinaire ”: Javier
Sotomayor 2 m 45)
d) L’analyse dimensionnelle
* D’après J.M. Lévy-Leblond, l’analyse dimensionnelle est “ une méthode générale à la fois très simple,
très profonde et très puissante, qui repose sur la compréhension de la nature des grandeurs physiques en
amont de leurs valeurs numériques. ”. Cette méthode est fondée sur l’étude de la forme générale des
équations physiques et permet d’obtenir des informations sur un phénomène physique en tenant
10
seulement compte du fait qu’il doit être décrit par une équation dimensionnellement correcte. En effet,
les équations utilisées en sciences physiques représentent des relations entre différentes grandeurs
physiques via un formalisme mathématique plus ou moins sophistiqué; et, si le système d’unités utilisé est
cohérent, ces équations, pour posséder une certaine forme d’ “ universalité ” doivent être indépendantes
du système d’unités; elles sont alors dites “ homogènes ”. L’analyse dimensionnelle consiste alors à
étudier les “ dimensions ” qui sont attribuée aux grandeurs physiques courantes (surface, vitesse,
accélération, énergie...), compte-tenu des dimensions de certaines grandeurs prises comme fondamentales
(longueur L, masse M, durée T , température , intensité du courant électrique I ...)
- par exemple une vitesse se définissant mathématiquement comme la dérivée d’une longueur par rapport
au temps doit posséder la dimension du rapport d’une longueur L sur une durée T soit L / T ou encore
L*T-1 (ce que son unité doit révéler: m*s-1)
- de façon similaire, une accélération possède la dimension L*T-2, une force M*L*T-2 (facile à retrouver
grâce à la formule F = m*a)...
Question
4.d.1) En vous aidant d’une équation bien choisie, déterminez les dimensions d’une
énergie, d’une puissance, d’une tension, d’une résistance électrique.
* Pour nous convaincre de la puissance de la méthode, revenons sur
un exemple traité en cours: le pendule simple oscillant dans le
champ de pesanteur.
Si on néglige les frottements, les seules grandeurs caractéristiques
du problème sont (voir figure 2) la masse m du pendule, sa longueur
l, l’angle par rapport à la verticale et la force responsable de son
mouvement c’est à dire le poids P.
Dans ces conditions, la période propre T0 du pendule peut être
exprimée sous la forme:
T0 = mx*ly*Pz*f() où x, y et z sont des exposants et où f() est une
fonction de l’angle ,
c’est-à-dire grandeur sans dimension.
La dimension d’une période étant ici un temps T, on peut écrire
[T0] = T = [mx]*[ ly]*[ Pz] = Mx*Ly*(M*L*T-2)z
en détaillant la dimension de la force que constitue le poids.
Figure 2
11
En regroupant les exposants par grandeurs dimensionnées, on obtient l’équation aux dimensions
suivantes: T = M(x+z) *L(y+z) * T(-2z) d’où on peut déduire les relations suivantes garantissant
l’homogénéité de l’équation: (x+z = 0), (y+z = 0) et (-2z = 1). La solution de ce système est z = - 1/2 et x
= y = 1/2.
Finalement la période propre du pendule s’exprime sous la forme m1/2*l1/2*P-1/2*f() = (m*l / P)* f().
Sachant que P = m*g où g est l’intensité du champ de pesanteur, on obtient finalement
T0 =  (m*l / m*g)* f() = f()* (l/g).
Vous devez constater avec soulagement que la période du pendule ne dépend pas de sa masse car, en
négligeant les frottements, on s’est placé dans un cas de chute libre où les caractéristiques de tels
mouvements ne dépendent pas des masses mises en jeu ((re)voir cours).
Cette méthode nous a permis d’obtenir une loi précise à savoir que la période propre d’un pendule simple
augmente comme la racine carrée de sa longueur et diminue en raison inverse de la racine carrée de g
lorsque l’intensité du champ de pesanteur augmente.
Quant à la fonction f(), elle doit être universelle et on peut la déterminer par l’expérience. Pour de petits
angles c’est une constante qui vaut 2; c’est-à-dire que la période ne dépend pas de l’amplitude angulaire
des oscillations, résultat découvert il y a près de 400 ans par Galilée (soi-disant en observant se balancer
les lustres de la cathédrale de aise) et rassemblé sous le nom barbare d’ “ isochronisme des oscillations ”.
Pour des angles un peu plus grands, une bonne approximation de f() sera donnée par l’expression
f() = 2*(1 + 2/16 + ...) résultat que l’on obtient après 1h (un peu moins j’espère...) de douloureux
calculs en math-sup !
D’un point de vue physique, l’approche formelle précédente se résume de fait en ce que la seule façon
d’obtenir un temps (en secondes) à partir des différentes grandeurs caractéristiques du problème est de
prendre la racine carrée du rapport entre une longueur (en mètres) et une accélération (en mètres-parseconde-carrée). Cette approche soulève alors naturellement de vraies questions physiques comme celle
qui consiste à se demander “ pourquoi la masse n’intervient-elle pas dans la formule ? ” L’approche
formelle montre qu’il n’y avait pas de place pour une masse dans notre équation ce qui signifie que la
période du pendule ne peut tout simplement pas dépendre de sa masse. Ce résultat masque en fait une
simplification, au sens mathématique du terme, non triviale (c’est un élément clé de la théorie de la
relativité générale) entre la masse gravitationnelle (intervenant dans la formule P = mg*g) mesurant
l’intensité de l’interaction gravitationnelle sur le pendule et la masse d’inertie (intervenant dans la
formule F = mi*a) qui régit l’accélération du mouvement sous l’effet de cette interaction. Ainsi un
pendule deux fois plus lourd subit une force gravitationnelle double mais l’accélération qui en résulte est
la même, résultat valable pour tous les cas de chute libre.
On pourrait pousser l’analyse plus loin et se rendre compte que la seule façon d’avoir une grandeur
homogène à une vitesse (en mètres-par-seconde) est de prendre la racine carrée du produit entre une
longueur (en mètres) et une accélération (en mètres-par-seconde-carrée). Ainsi, les vitesses
caractéristiques du mouvement pendulaire (vitesse où le pendule repasse par sa position d’équilibre par
exemple) seront de la forme v = (g*l)*f’() dans le cas le plus général (où f’() est une autre fonction
de l’angle , encore une grandeur sans dimension) ce que confirme une étude énergétique (voir cours
avec f’() =  (cos - cos m)).
Comme le remarque J.M. Lévy-Leblond, “ l’analyse dimensionnelle relève à la fois de l’intuitif, en ce
qu’elle ne fait qu’exprimer l’aspect qualitatif des notions physiques, et du rigoureux, en ce qu’elle exige
une compréhension précise de ces notions et de leurs relations ”.* Mais il ne faut pas croire que cette
méthode est limitée à la présentation simplifiée de résultats connus qui, de plus, peuvent être établis plus
rigoureusement par d’autres méthodes, comme (pour l’exemple étudié) la relation fondamentale de la
dynamique ou la loi de conservation de l’énergie. En effet, lorsque le problème devient trop complexe,
12
l’analyse dimensionnelle est souvent la seule méthode envisageable, complétant ainsi la panoplie d’armes
dont se parent les physiciens en cas de situations délicates (moyennage, approches statistique et
phénoménologique). C’est le cas dans la plupart des problèmes concrets d’hydrodynamique où l’on
travaille souvent sur modèles réduits (maquettes) en couplant cette méthode à des lois d’échelles.
* En voici un exemple particulièrement intéressant dans la mesure où il viole un secret militaire bien
gardé (exemple emprunté (encore !) à J.M. Lévy-Leblond). “ L'énergie dégagée par l'explosion des
premières bombes nucléaires était en effet secrète, jusqu'à ce qu'un spécialiste de la physique des fluides
fasse le simple raisonnement suivant. La brutalité même d'une explosion nucléaire a pour effet que les
détails fins du processus initial comptent très peu dans le développement du chapeau du "champignon",
sphère de gaz en expansion dont la frontière est donnée par l'onde de choc qui se propage à partir du point
de l'explosion. Le rayon r de cette sphère à un instant t ne dépend donc, en première approximation, que
de l'énergie E dégagée par l'explosion, et de la masse spécifique  de l'air, dont la résistance à la
compression est a l'origine de l'onde de choc. L'analyse dimensionnelle fixe sans ambiguïté la
cinématique de l'explosion. On a en effet les équations aux dimensions suivantes: [r] = L, [t] = T,
[E] = M*L*T-2 et [] = M*L-3 .On en tire aisément la relation fonctionnelle suivante, qui n'a, on en
conviendra, rien d'évident à priori :
r = k*E1/5*-1/5*t2/5 (1)
où k est une constante purement numérique qui doit normalement être de l'ordre de l'unité (voir
paragraphe suivant). Le film d'une explosion nucléaire, rendu public, un peu inconsidérément sans doute
par un état-major qui ne soupçonnait pas la puissance de l'analyse dimensionnelle pour évaluer celle, alors
secrète, de ses bombes, fut examiné par G. 1. Taylor en 1950. Il constata que la sphère se dilatait bien
suivant la curieuse loi en puissance deux cinquièmes du temps (d'où une vitesse d'expansion décroissante
et cette étrange impression de ralentissement que donnent tous les films, nombreux aujourd'hui, de ce
terrible spectacle). Ce n'était plus alors qu'un jeu d'enfant d'inverser la relation (1) et, à partir d'une
évaluation de  et de t,  étant connu, d'en déduire E, 1'énergie dégagée par la bombe. ”
* L’analyse dimensionnelle a également permis de
comprendre les résultats d’une enquête très sérieuse
aux USA sur les “ chances de survie des chats qui
tombent des balcons d’un immeuble en fonction du
nombre d’étages ”. Les résultats statistiques présentent
globalement l’allure suivante (figure 3: en ordonnée
figure le pourcentage de décès):
L’énigme consiste à interpréter la “ redescente ” de la
courbe au delà de 7 étages car le bon sens nous dit que
“ plus c’est haut, plus c’est dangereux ! ”.
figure 3
En fait, un chat tombant d’un immeuble n’est pas un bon sujet d’étude de la véritable chute libre à cause
de la force de frottement exercée par l’air lors de la chute et qui s’opposent au poids (le chat n’est donc
pas soumis qu’à son poids comme l'exige la véritable chute libre).
Les vitesses de chute pouvant être beaucoup plus importantes que celles intervenant dans un oscillateur
mécanique, une loi phénoménologique montre que la force de frottement (F) est proportionnelle au carré
de la vitesse (soit v2) ainsi qu’à la surface S de “ prise au vent ” que le corps “ offre ” au cours de sa
chute. Dès que la hauteur de chute dépasse une vingtaine de mètres (pour un chat), cette force de
frottement peut compenser exactement le poids du chat si bien que celui-ci se retrouve pseudo-isolé
(somme des forces vectorielles nulle) et sa vitesse reste constante (d’après le principe d’inertie); on parle
de vitesse limite vlim.- La première partie (a) de la courbe s’interprète assez bien en assimilant la chute
des chats, en dessous de 6 étages à une chute libre (faible vitesse de chute donc faible force de
frottement). Les lois de la chute libre nous apprennent que v2 = 2g*h, c’est-à-dire que la vitesse d’arrivée
au sol (en grande partie responsable des dégâts occasionnés chez nos matous) est proportionnelle à la
racine carrée de la hauteur de chute. Ainsi le pourcentage de décès augmente logiquement avec le nombre
d’étages.
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- Le palier (b) s’interprète en mettant le problème en équation: la compensation du poids P par la force de
frottement F s’écrit dimensionnellement: P = F soit m*g = k*S*v2 (avec k une constante dépendant des
propriétés de l’air et de la “ géométrie ” du chat). De cette expression on peut tirer v = ( m*g / k*S ) =
constante = vlim pour une masse donnée et pour une position du chat donnée (c’est-à-dire une surface de
prise au vent S fixée). Ainsi, à partir d’une certaine hauteur correspondant à 7 étages environ, la vitesse
d’arrivée au sol (donc indirectement le pourcentage de décès) est constante et ne dépend plus de la
hauteur de chute, ce qui explique le palier.
- Que se passe-t-il au delà de 9 étages ? De fait la formule précédente est toujours valable mais, par
rapport au cas précédent, c’est l’attitude du chat qui change. Pour des hauteurs inférieures à huit étages, la
durée de la chute n’excède pas 4 secondes et le chat, pendant qu’il tombe et par réflexe (il se sent en
danger), se met “ en boule ” en se hérissant (comme lorsqu’il est attaqué). Cette attitude de défense
minimise la valeur de S et maximise alors la valeur de vlim (voir formule). Au bout de 8 étages de chute, le
chat commence à réaliser que son seul agresseur est la force de pesanteur; en clair qu’il tombe. Il adopte
alors une attitude instinctive tout autre: il tend les pattes avant et arrières en les écartant (il paraît même
que la queue fait “ pâles d’hélicoptère ” !) pour offrir le maximum de surface de prise (augmentant par-là
S) et minimiser ainsi sa vitesse d’arrivée au sol. Le rapport des surfaces (S < 8 étages / S > 8 étages pouvant
dépasser 2, la vitesse limite de contact peut diminuer d’un facteur 1,5 ce qui augmente les chances de
survie de l’animal et donc fait “ redescendre ” le pourcentage de décès).
* Allez, un dernier exemple pour ceux (celles) qui
préfèrent les maths:
Soit un triangle rectangle comme celui représenté sur la
figure 4 suivante. Un tel triangle est entièrement
déterminé, quant à sa forme, par la donnée de l’un de ses
angles (nous considérerons le plus petit soit ), et quant à
sa taille par la données de la valeur de son hypoténuse
soit a.
En découpant le triangle original en deux triangles
semblables (voir figure), ces deniers peuvent être définis
de la même manière que précédemment c’est-à-dire par b
et  pour l’un et par c et  pour l’autre.
On peut maintenant exploiter le fait que l’aire d’une
figure géométrique est proportionnelle au produit de deux
longueurs (son unité est le mètre-carré), plus précisément
ici au carré de la seule longueur caractéristique dont nous
figure 4
disposons, c’est-à-dire a).
Ainsi, S = a2*f() où f() est la constante de proportionnalité sans dimension donc nécessairement
fonction du seul paramètre sans dimension, l’angle . Par construction, il est évident que S = S1 + S2 si on
appelle S1 et S2 les aires des deux triangles semblables. En appliquant le même traitement à ces deux aires
on obtient S1 = b2*f() et S2 = c2*f() et l’égalité précédente devient a2*f() = b2*f() + c2*f(). En
éliminant la fonction f() vous retrouvez un résultat bien connu cher aux profs de math... Cette
démonstration algébrique du théorème de Pythagore possède l’avantage de mettre en évidence les limites
dudit théorème et plus particulièrement sa non-validité dans un espace courbe (lorsqu’on quitte la belle
géométrie d’Euclide...). En effet, sur une sphère par exemple, l’aire d’un triangle rectangle dépend aussi
du rayon (elle est alors déterminée par deux longueur caractéristiques) et notre raisonnement perd sa
simplicité et en même temps sa validité.Application:
4.d.2.) Vous connaissez tous la notion de Cx (appelé coefficient de pénétration ou encore
coefficient de traînée) d’une automobile ou plus généralement d’un objet se déplaçant dans un
fluide (comme l’air ou l’eau). Tout le monde sait que plus l’objet possède une forme
“ aérodynamique ”, moins la résistance du fluide est importante et plus le Cx de l’objet est
petit. Ce coefficient est un nombre sans dimension.
Je vous demande trouver l’allure de son expression en fonctions des grandeurs
caractéristiques pertinentes du problème, à savoir une longueur caractéristique de l’objet
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(section perpendiculaire à l’écoulement du fluide), sa vitesse par rapport au fluide, la force de
traînée qu’il subit de la part du fluide (appelée tout à l’heure “ résistance du fluide ”) et la
masse volumique du fluide. Vérifiez votre formule dans une encyclopédie pour un objet
simple (une sphère par exemple) et commentez votre expression (posez-vous la question de
savoir comment évolue la force de traînée lorsque les grandeurs intervenant dans la formule
varient et si cela vous parait logique (donnez éventuellement des exemples simples).
* Comment trouver le facteur 2 (intervenant dans la période propre du pendule simple) ?
Laissons encore une fois à J.M. Lévy-Leblond le soin de nous expliquer: “ Un autre exemple, un peu plus
"physique", de la fécondité de l'analyse dimensionnelle est celui de la théorie du pendule,
particulièrement de la fameuse formule T0 = 2* (l/g) qui donne la période d'un pendule simple en
fonction de sa longueur 1 et de l'accélération de la pesanteur g. La structure de cette formule est
entièrement déterminée par le fait qu'il s'agit de calculer un temps a partir d'une longueur et d'une
accélération, ce qui ne peut se faire qu'en prenant la racine carrée de leur rapport. C'est dire que la théorie
élaborée, qui exige la résolution d'une équation différentielle du second ordre, ne sert à la vérité qu’à
calculer le facteur numérique 2 qui figure devant l'expression littérale ! Il en va très souvent ainsi.
L’argumentation qualitative peut même être poussée plus loin et rendre compte, sinon de la valeur exacte
de ce coefficient numérique, du moins de son ordre de grandeur. 11 faut pour cela introduire la notion de
“ valeurs caractéristiques ” des grandeurs physiques. Ces valeurs sont celles qui, en ordre de grandeur,
spécifient l’échelle du phénomène considéré: la longueur caractéristique de la géophysique globale (celle
qui s’intéresse a la Terre dans son ensemble) est de l'ordre du millier de kilomètres, la longueur
caractéristique de la physique atomique est de l'ordre de la fraction de nanomètre, etc. C'est en les référant
à ces valeurs caractéristiques des grandeurs que les relations fournies par l'analyse dimensionnelle
prennent toute leur puissance, car, par définition même peut-on dire, les coefficients numériques inconnus
qu'elle ignore, doivent être proches de l'unité - sinon, les grandeurs mises en jeu ne seraient pas vraiment
pertinentes à la situation.
Cette idée peut être traduite sous la forme quelque peu provocatrice suivante : „ Dans les formules
physiques, toutes les constantes sans dimension sont de l'ordre de l'unité...", à condition de rajouter. " ... si
les grandeurs physiques caractéristiques ont été adéquatement choisies." Et, bien entendu, ce choix est
précisément l'un des éléments cruciaux de la méthode.
Dans le cas du pendule, nous sommes amenés à réaliser que sa période d’oscillation est un laps de temps
considérable pour l'évolution du phénomène, et qu'il dépasse largement son "temps caractéristique", à
savoir, l'intervalle de temps pendant lequel la situation physique évolue "notablement"; en l'occurrence,
c'est le temps nécessaire pour que l'amplitude du pendule passe d'une valeur faible (disons, voisine de
l'équilibre) à une forte (proche de l’amplitude maximale). Ce temps caractéristique est ainsi quelque peu
inférieur au quart de la période (voir figure); il existe de bonnes raisons théoriques pour l'assimiler au
temps nécessaire à la phase du pendule pour changer d'un radian. Le temps caractéristique est donc tout
naturellement défini par = T0 / 2et, du coup, donné par la formule très simple
 =  (l/g), où l'analyse dimensionnelle fournit la dépendance en l et g, mais aussi assure que, sauf
anomalie, le coefficient numérique sera voisin de l'unité. Le calcul formel a dès lors pour seule fonction
d'établir que ce coefficient que l'on présume proche de 1, lui est en fait exactement égal ! ”e) Les cas
limites
L’idée des cas limites constitue une autre approche qualitative de la physique et complète avec efficacité
les autres méthodes déjà citées. On l’utilise lorsqu’on cherche à connaître comment évolue une grandeur
physique en fonction d’une autre grandeur. De façon générale la nature n’est pas “ méchante ” avec les
physiciens qui ont de bonnes raisons de penser que la variation d’une grandeur est continue et monotone
(croissante ou décroissante), bref “ sans surprise ”. Dans une situation de ce genre (une grande majorité),
pour deviner dans quel sens se fait la variation générale, il suffit de comparer deux cas particuliers, les
“ cas limites ” (c’est-à-dire aux limites de l’intervalle de variation) qui sont souvent faciles à apprécier.
15
Ecoutons une dernière fois les explications de J.M. Lévy-Leblond (on ne s’en lasse pas !) auxquelles j’ai
ajoutées quelques commentaires (entre parenthèses).
“ Reprenons notre pendule simple. La formule établie pour la période des oscillations (T0 = 2 (l/g))
ne concerne à la vérité que les petites oscillations, celles de faible amplitude, mettons de quelques degrés
d’écart à la verticale; dans ces conditions, la période ne dépend effectivement pas de cette amplitude
(angulaire) - en première approximation.
Mais si l'amplitude initiale atteint plusieurs dizaines de degrés, la période en dépend notablement. D'où la
question: la période croit-elle ou décroît-elle quand l'amplitude de lancement du pendule augmente ? En
d'autres termes, un pendule lancé à partir de l'horizontale oscille-t-il plus ou moins vite qu'un pendule
légèrement écarté de sa position d'équilibre ?
La théorie précise est ici plus difficile que dans le cas des petites oscillations et fournit une formule
intégrale assez compliquée pour la période, sur laquelle il n'est pas immédiat de lire la réponse à la
question posée. Le procédé qualitatif consiste alors à s'intéresser au cas limite, celui d'un pendule ayant
l'amplitude maximale concevable de 180°, c’est-à-dire initialement positionné à la verticale. C'est un
argument de symétrie, expression de l'une des méthodes qualitatives les plus puissantes, qui intervient
maintenant: la symétrie bilatérale de la situation présente est suffisante pour montrer que, principe de
raison suffisante oblige (de quel côté tomberait le pendule ?), le pendule ne peut osciller et reste en
équilibre (même si cet équilibre est instable, ce qui est un tout autre problème); en d'autres termes, sa
période est infinie (une fois rigoureusement en équilibre, il ne tombe jamais, ce qui revient à dire qu’il
met un temps infini à tomber !) donc en tout état de cause supérieure à celle des petites oscillations.
Comme il n'existe ici aucune raison de suspecter que la période ne varie pas monotonement avec
l'amplitude, la conclusion est claire: la période d'un pendule est d'autant plus grande que son amplitude
initiale est forte. ” La conclusion de l’auteur se vérifie dans la formule déjà donnée:
T0 = 2*(1 + 2/16)* (l/g)
Question
4.e.1) D’après la formule “ améliorée ” précédente, jusqu’à quel angle initial l’isochronisme
des petites oscillations est vérifiée à plus de 99 % ?
Bibliographie:
- J.M. Lévy-Leblond “ Aux contraires (l’exercice de la pensée et la pratique de la science) ”
Nrf essais GALLIMARD
- Luc Valentin “ l’univers mécanique (introduction à la physique et à ses méthode) ” HERMANN
- I. BERKES “ La physique de tous les jours ” VUIBERT
- L’encyclopédie Universalis
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