Quelle cible tensionnelle chez le patient diabétique ? Pour une PA à 130/80 mmHg.
Jean-Michel Halimi, Service de Néphrologie-Immunologie Clinique
CHU Tours, 2 Bd Tonnellé, 37044 Tours cedex, France
Le patient diabétique a 10 fois plus de risque de développer une insuffisance rénale et 2 fois plus de risque de
présenter une complication cardiovasculaire qu’un sujet non diabétique. On estime que le risque
cardiovasculaire d’un patient diabétique de type 2 ayant une PA de 120/80 mmHg correspondant à celui d’un
sujet non diabétique ayant une PA de 180/100 mmHg.
Les recommandations vont dans le sens d’une réduction de la PA à 130/80 mmHg ou plus basse. Les
recommandations Françaises : la cible de 130/80 mmHg retenues en 2005 par l’HAS chez le patient
diabétique a été retenue sur 3 arguments : 1) les données épidémiologiques indiquant une relation linéaire
entre le niveau de PA et le risque cardiovasculaire chez tous les patients et l’idée que les patients insuffisants
rénaux étaient à risque cardiovasculaire élevée ; 2) le choix assumé de la cohérence avec les
recommandations internationales antérieures (Américaines et Européennes) ; 3) les données d’essais
thérapeutiques avant 2005 suggérant (plus que ne le démontrant vraiment) que la baisse de la PA au-dessous
de 140/90 mmHg apportait un bénéfice cardiovasculaire ou rénal. Les recommandations Britanniques de
2009 (NICE – Diabetes) retenaient une cible de 130/80 mmHg pour les patients diabétiques de type 2 ayant
une atteinte rénale. Les recommandations Canadiennes ont également gardé une cible tensionnelle à 130/80
mmHg chez les patients insuffisants rénaux.
Que disent les essais thérapeutiques ?
Dans l’étude Micro-HOPE, les 3 577 patients diabétiques ayant un facteur de risque CV ont reçu du ramipril
à la dose de 10 mg/j ou un placebo. Ils ont été suivis pendant 4,5 ans. La différence de PA a été de
2,4/1 mmHg entre les deux groupes pendant l’étude. Le pronostic CV, la mortalité totale et les complications
CV ont été réduits significativement. Dans le groupe ramipril, le critère principal de l’étude (infarctus, AVC
ou décès CV) était réduit de 25 % (IC95 % : 12-36 %, p = 0,0004), l’incidence de l’infarctus de 22 % (IC : 6-
36 %), des AVC de 33 % (IC : 10-50 %) et la protéinurie de 24 % (IC : 3-40 %).
L’analyse récente des 6 400 patients diabétiques inclus dans l’étude INVEST, qui évaluait deux stratégies
thérapeutiques chez des patients hypertendus coronariens, a suggéré que la baisse de la PA à un niveau très
bas pouvait être associée à une augmentation du risque CV. L’incidence des événements CV était maximale
chez les patients ayant une PAS > 180 mmHg ou diastolique > 110 mmHg. Cette incidence était d’autant
plus basse que la PAS et PAD étaient réduites ; les valeurs les plus basses étaient observées pour des chiffres
de PA d’environ 120-130 mmHg pour la PAS et 80 à 90 mmHg pour la PAD. En revanche, cette incidence
réaugmentait pour des valeurs plus basses de pression artérielle systolique et diastolique, en particulier
<110/60 mmHg. Cependant, la taille de l’échantillon était particulièrement faible et il s’agissait d’une étude
post-hoc.
En 2003, une sous-analyse de l’étude RENAAL portant sur le risque d’insuffisance rénale et/ou de décès lié
à la pression artérielle a été publiée. Pour la pression artérielle systolique, l’augmentation du risque
commençait pour des valeurs de PAS ≥ 140 mmHg et s’élevait parallèlement à l’augmentation de la PAS.
Cependant, il n’y avait pas de sur-risque pour les valeurs de PAS comprises entre 130 et 139 mmHg par
rapport à une PAS < 130 mmHg. Pour la PAD, la valeur seuil était, quant à elle, de 90 mmHg.
L’étude STENO-2 a évalué les effets d’une intervention multifactorielle intensive comparée à une prise en
charge conventionnelle sur le devenir rénal et cardiovasculaire de patients hypertendus diabétiques de type 2
micro-albuminuriques. Parmi les mesures prises, la cible thérapeutique pour l’HTA était une valeur
<140/90 mmHg dans les années 1993-1999 (vs <160/95) et <130/80 mmHg dans les années 2000-2001 (vs
<135/85 mmHg). D’autres interventions avaient trait au contrôle glycémique, à la réduction du cholestérol et
des triglycérides, à l’utilisation systématique ou non des IEC et à l’utilisation de l’aspirine. Les 160 patients
inclus ont été suivis 7,8 ans. La réduction moyenne de la PA a été de 14/12 mmHg dans le groupe intensif vs
3/8 mmHg dans le groupe conventionnel. Toutes les complications micro-vasculaires et macro-vasculaires
ont été significativement réduites dans le groupe intensif.
Dans l’essai thérapeutique randomisé en double aveugle ADVANCE, le groupe recevant perindopril et
indapamide avait une PA plus basse pendant le suivi que celle recevant un placebo en plus du traitement de
base (134.7/74.8 vs 140.3/77.0 mmHg) : cette différence de PA de 5.6/2.2 mmHg était associée à une
réduction significative de 9% des évènements micro-vasculaires.