Introduction au système politique français - serdeaut

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Introduction au système politique français
Yves Jégouzo
Professeur émérite à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
L’étude du droit relatif aux élections et à l’exercice du pouvoir politique en France nécessite
préalablement une présentation du système politique français ? Que faut-il savoir du système
politique français pour comprendre le droit des élections.
Il est assez fondamentalement différent de celui de la Thaïlande qui marie une monarchie
héréditaire de droit divin qui conserve une influence qui dépasse celle des monarques
constitutionnels européens (Belgique, Espagne, Grande-Bretagne) et des institutions
démocratiques issues du suffrage universel. et celui de la France ont beaucoup de différence.
Ce sont principalement ces dernières qui peuvent se prêter à une comparaison avec la France.
Le sujet général du séminaire étant le droit électoral, l’étude des institutions politiques
françaises se fera à partir de la place qu’elles font à l’élection et aussi au contrôle du juge sur
les élections afin de garantir que celles-ci soient sincères, libres et aboutissent à un résultat
véritablement démocratique.
Nous allons voir trois questions successivement:
- L’évolution du système politique français au regard du principe électif
- Un panorama rapide des institutions politiques françaises contemporaines
- La place de l’élection dans notre système politique
I. Evolution du système politique français
Les principes qui sont à la base du système politique français résultent d’une longue
évolution. Nous allons donc faire un peu d’histoire. Avant 1789 le France est une monarchie
absolue de droit divin comme l’est alors le Siam. Vous savez qu’est restée célèbre la
réception de l’ambassadeur du Siam par Louis XIV à Versailles. C’était deux monarchies
absolues qui se rencontraient
A. La révolution de 1789 et l’avènement du principe électif
A la Révolution, la monarchie va être remise en question. Le Roi de France va devenir le Roi
des français, ce qui revient à réfuter l’origine divine du pouvoir royal. La monarchie sera
officiellement supprimée en 1792. Le principe va être posé de la République. C’est la
Première République car la forme républicaine du Gouvernement n’a pas été tout de suite
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admis. Il a fallu encore cent ans pour que la forme républicaine soit ritablement admise
avec la IIIéme République .
La période révolutionnaire est particulièrement intéressante car c’est à ce moment que vont
être bâties et expérimentées deux théories qui sont encore à la base du régime politique
français et de bon nombres d’autres régimes politiques dans le monde.
1. Les fondements théoriques de la République
La période révolutionnaire a vu s’affronter deux conceptions de la souveraineté.
a) La souveraineté nationale et la démocratie représentative
La théorie de la souveraineté nationale est la base de la démocratie représentatice. Dans cette
théorie, le véritable souverain est la Nation, il n’y a plus d’origine divine du pouvoir. La
Nation est une entité abstraite une communauté forgée par l’histoire, la culture, la tradition,
ce qu’on appelle aujourd’hui l’identité, le « vouloir vivre ensemble » d’une communauté.
La conséquence est que les gouvernants une fois qu’ils sont élus sont les représentants de la
Nation et non pas du peuple dont le rôle est essentiellement de faire émerger les représentants
de la Nation. Donc ils disposent d’une certaine liberté par rapport à leurs électeurs. Ils ne
peuvent être révoqués par leurs électeurs. Il n’existe pas de mandat impératif : ils ne peuvent
pas être obligés de faire ce qu’ils ont promis à leurs électeurs.
En dépit de son fondement abstrait, cette théorie va triompher car elle se prête mieux aux
formes de gouvernance contemporaines.
b) La souveraineté populaire et la démocratie directe
L’autre théorie qui sera en conflit avec la première pendant la Révolution (le débat dure
actuellement): est celle de la souveraineté populaire. Dans cette théorie issue notamment des
idées du philosophe Jean-Jacques Rousseau c’est le peuple qui est le souverain. Donc les
décisions politiques doivent être prises par le peuple directement sous différentes formes de
votation directe.. En application de cette théorie de la souveraineté populaire les représentants
élus peuvent toujours être révoqués, ils ne disposent que d’un mandat impératif, généralement
de courte durée de même que le pouvoir exécutif est très soumis à l’assemblée, elle-même
soumise au corps électoral.
La démocratie directe dans se forme pure n’a fonctionné que dans le cadre de petites entités
politiques, les cités grecques, certains cantons suisses. Une forme atténuée de la démocratie
directe, la démocratie participative, connait actuellement une faveur certaine mais limite la
participation à la consultation préalable à la décision qui reste de la compétence des
institutions élues. La France a même inscrit ce principe de participation dans sa Constitution
mais en en limitant l’application au domaine de l’environnement (article 7 de la Charte
constitutionnelle de l’environnement)
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La démocratie semi-directe combine le régime représentatif avec des procédures de
démocratie directe (referendum, initiative populaire, veto législatif). Certains Etats y font
fortement appel (Suisse ou certains Etats des Etats-Unis).
2. Les applications pendant la période révolutionnaire
Ces deux théories vont se combattre pendant la Révolution. Initialement (Première
Constituton de 1791) la théorie de la souveraineté nationale l’emportera, pendant d’autres
(Constitution de 1793) ce sera plutôt la souveraineté populaire. Mais finalement, et
aujourd’hui encore, c’est la souveraineté nationale qui deviendra et restera le principe
directeur de l’organisation du pouvoir politique (comme dans la plupart des pays du monde.
Toutefois, la souveraineté nationale est corrigée par certaines procédures de démocratie
directe. Cela explique la place du référendum dans la Constitution. En France, la Constitution
de 1958 fait une place au referendum en matière constituante (comme en Thailande) et, dans
certaines conditions, en matière législative (art. 11) L’article 2 de la Constitution de 1958
précise ainsi que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses
représentants et par la voie du référendum »
Voilà les idées au départ. Voyons maintenant comment on va arriver au suffrage universel une
fois que le principe de la souveraineté nationale posé et la souveraineté divine définitivement
exclue. Cela va se faire en plusieurs temps.
B. La conquête du suffrage universel
1. Le modèle anglais, la monarchie parlementaire et le suffrage universel
Dans un premier temps, le suffrage n’est pas universel parce qu’on considère que le rôle des
assemblées, est principalement de consentir à l’impôt. Cette conception est née en Grande-
Bretagne ; le Parlement repose sur l’idée du consentement à l’impôt. Donc seuls les
contribuables votent. C‘est le suffrage censitaire : il faut payer un certain montant d’impôt
pour avoir le droit de voter.
Ce suffrage censitaire va dominer jusqu’au milieu du XIXème siècle (1848) avec toutefois
quelques périodes est institué le suffrage universel (1793 à 1815). Mais le montant de
l’impôt va baisser. Au but de la Révolution, il y avait 80 000 électeurs (chiffre à peu prés
correspondant à celui du système anglais). En 1848, on était passé à 450 000 électeurs. On se
rapproche du suffrage universel mais le suffrage reste lié à la capacité de payer l’impôt.
Cette période va en même temps voir la naissance du régime parlementaire à partir de la
chute de Napoléon (1815). Le Parlement, représentant de la Nation, va progressivement
acquérir une partie du pouvoir qu’il partagera avec le Roi notamment à partir de 1830 (ce
qu’on appelle la Monarchie de Juillet). Ce Parlement, un peu comme en Thaïlande, est
bicaméral : il comprend une assemblée élue, la Chambre des députés devenue Assemblée
nationale élue à l’origine au suffrage censitaire, et une Chambre des pairs (analogue à la
chambre des Lords) qui n’est pas élue mais héréditaire.
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C’est la période dite du parlementarisme dualiste dans lequel le gouvernement est à la fois
responsable devant le Roi et le Parlement. On a parfois qualifié ainsi le régime institutionnel
de la première période de la Véme République (1958-1962)
2. L’Empire et la République et le suffrage universel masculin
Il faut mentionner deux parenthèses qui se placent pendant cette période. Elles concernent le
premier Empire (Napoléon 1er) et le Second Empire (Napoléon III 1852-1870). On est en
présence de dictatures un peu corrigées par l’appel au suffrage universel dont le rôle se borne
à légitimer les décisions de l’Empereur. On qualifiera cette conception du pouvoir de
césarisme démocratique.
Dans cette période on peut également signaler l’existence d’un Sénat conservateur dont la
mission est de préserver la Constitution. Le rôle du Sénat en Thaïlande est assez proche :
amender la Constitution.
3. L’abrogation du principe monarchique en 1876
On arrive à la période moderne ; 1875 et l’avènement de la IIIème République qui est celle
qui a duré le plus longtemps (bientôt la Vème République sera la plus longue). Elle instaure
définitivement la République par un amendement adopté à une voix de majorité. Il ne sera
plus revenu sur ce choix et il n’est plus possible de revenir sur la monarchie. Avec la IIIéme
République, s’instaure définitivement le suffrage universel direct. Celui-ci est toutefois
réservé aux hommes pendant la période 1875-1946. De la même manière, la IIIéme
République pérennise le bicaméralisme : à côté de la chambre des députés élue au suffrage
universel direct, un Sénat, remplaçant la chambre des pairs. Il est élu par un collège de grands
électeurs pas directement.
4. 1946 et la reconnaissance du suffrage universel sous la condition de citoyenneté
Bien qu’il y ait eu plusieurs tentatives sous la IIIéme République, il faut attendre 1946 pour
que les femmes se voient accorder le droit de vote. La France sera, à cet égard, en retard par
rapport à la Grande-Bretagne (1918) et certains états des Etats-Unis (1892 par exemple).
L’article 1er de la Constitution de 1958 ajoute que « La loi favorise l’égal accès des femmes et
des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités
professionnelles et sociales ». Cela va se traduire par le recours de plus en plus étendu au
principe de « parité hommes-femmes » par exemple dans les organes élus des collectivités
locales.
II. Les institutions politiques françaises contemporaines
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De même qu’on ne peut pas comprendre le système politique français sans faire son histoire,
il faut exposer les principes présidant à l’organisation des pouvoirs publics.
A. Les principes
1. Une République
Le premier principe est le principe républicain. L’article 1er de la Constitution de 1958 le
précise « La France est une République …. laïque, démocratique et sociale. Elle assure
l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion.
Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La France est une République et la forme républicaine ne peut faire l’objet d’une révision
constitutionnelle. Autrement dit, cette forme républicaine est définitive. Ce qui ne veut pas
dire que, sur le plan sentimental, n’existe pas une certaine nostalgie pour la monarchie. La
naissance d’un prince ou d’une princesse ou un mariage royal suscite toujours beaucoup
d’intérêt ; mais ce qu’ils trouvent intéressant pour la Grande-Bretagne, ils ne le veulent pas
en France.
2. Un Etat unitaire mais décentralisé
Deuxième principe : la France est un Etat unitaire mais décentralisé (art. 1er de la
Constitution). C’est un Etat unitaire en ce sens que seul l’Etat dispose de la souveraineté
(pouvoir législatif, pouvoir gouvernemental, représentation de la France dans les relations
internationales). Seul l’Etat a la compétence de la compétence.
Les composantes du territoire français (c’est-à-dire les régions, les départements, les
communes ) n’ont pas de pouvoir politique. Elles n’exercent des compétences que dans la
mesure où elles lui ont été attribuées par la loi. En cela la France est très différente de certains
Etats voisins comme l’Allemagne ou la Suisse qui sont des Etats fédéraux ; elle est aussi très
différente d’Etats qui n’étaient pas fédéraux à l’origine mais sont régionalisés. C’est le cas de
l’Espagne, Belgique… les entités décentralisées sont devenues beaucoup plus autonomes
et ont une semi-souveraineté. Il faut juste faire une exception pour certains territoires d’outre-
mer auxquels on a accorder une part de souveraineté politique c’est le cas de la Nouvelle
Calédonie et le cas de la Polynésie.
Malgré tout, dans l’Europe de manière générale et dans tous les pays du monde on observe
une tendance à la décentralisation : il faut donner aux collectivités locales une certaine
autonomie. C’est ce qui a été fait en France d’une manière réellement significative à partir de
1982 et ce qu’on a appelé la décentralisation. Cela a été inscrit dans la Constitution : « la
France est un Etat unitaire décentralisé ». Donc sont reconnus les gions, les départements,
les communes comme collectivités décentralisées. Cela veut dire qu’elles ont leurs propres
autorités élues au suffrage universel par leur population, elles ont leurs propres finances, elles
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