Introduction au système politique français - serdeaut

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Introduction au système politique français
Yves Jégouzo
Professeur émérite à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
L’étude du droit relatif aux élections et à l’exercice du pouvoir politique en France nécessite
préalablement une présentation du système politique français ? Que faut-il savoir du système
politique français pour comprendre le droit des élections.
Il est assez fondamentalement différent de celui de la Thaïlande qui marie une monarchie
héréditaire de droit divin qui conserve une influence qui dépasse celle des monarques
constitutionnels européens (Belgique, Espagne, Grande-Bretagne) et des institutions
démocratiques issues du suffrage universel. et celui de la France ont beaucoup de différence.
Ce sont principalement ces dernières qui peuvent se prêter à une comparaison avec la France.
Le sujet général du séminaire étant le droit électoral, l’étude des institutions politiques
françaises se fera à partir de la place qu’elles font à l’élection et aussi au contrôle du juge sur
les élections afin de garantir que celles-ci soient sincères, libres et aboutissent à un résultat
véritablement démocratique.
Nous allons voir trois questions successivement:
-
L’évolution du système politique français au regard du principe électif
Un panorama rapide des institutions politiques françaises contemporaines
La place de l’élection dans notre système politique
I. Evolution du système politique français
Les principes qui sont à la base du système politique français résultent d’une longue
évolution. Nous allons donc faire un peu d’histoire. Avant 1789 le France est une monarchie
absolue de droit divin comme l’est alors le Siam. Vous savez qu’est restée célèbre la
réception de l’ambassadeur du Siam par Louis XIV à Versailles. C’était deux monarchies
absolues qui se rencontraient
A. La révolution de 1789 et l’avènement du principe électif
A la Révolution, la monarchie va être remise en question. Le Roi de France va devenir le Roi
des français, ce qui revient à réfuter l’origine divine du pouvoir royal. La monarchie sera
officiellement supprimée en 1792. Le principe va être posé de la République. C’est la
Première République car la forme républicaine du Gouvernement n’a pas été tout de suite
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admis. Il a fallu encore cent ans pour que la forme républicaine soit véritablement admise
avec la IIIéme République .
La période révolutionnaire est particulièrement intéressante car c’est à ce moment que vont
être bâties et expérimentées deux théories qui sont encore à la base du régime politique
français et de bon nombres d’autres régimes politiques dans le monde.
1. Les fondements théoriques de la République
La période révolutionnaire a vu s’affronter deux conceptions de la souveraineté.
a) La souveraineté nationale et la démocratie représentative
La théorie de la souveraineté nationale est la base de la démocratie représentatice. Dans cette
théorie, le véritable souverain est la Nation, il n’y a plus d’origine divine du pouvoir. La
Nation est une entité abstraite une communauté forgée par l’histoire, la culture, la tradition,
ce qu’on appelle aujourd’hui l’identité, le « vouloir vivre ensemble » d’une communauté.
La conséquence est que les gouvernants une fois qu’ils sont élus sont les représentants de la
Nation et non pas du peuple dont le rôle est essentiellement de faire émerger les représentants
de la Nation. Donc ils disposent d’une certaine liberté par rapport à leurs électeurs. Ils ne
peuvent être révoqués par leurs électeurs. Il n’existe pas de mandat impératif : ils ne peuvent
pas être obligés de faire ce qu’ils ont promis à leurs électeurs.
En dépit de son fondement abstrait, cette théorie va triompher car elle se prête mieux aux
formes de gouvernance contemporaines.
b) La souveraineté populaire et la démocratie directe
L’autre théorie qui sera en conflit avec la première pendant la Révolution (le débat dure
actuellement): est celle de la souveraineté populaire. Dans cette théorie issue notamment des
idées du philosophe Jean-Jacques Rousseau c’est le peuple qui est le souverain. Donc les
décisions politiques doivent être prises par le peuple directement sous différentes formes de
votation directe.. En application de cette théorie de la souveraineté populaire les représentants
élus peuvent toujours être révoqués, ils ne disposent que d’un mandat impératif, généralement
de courte durée de même que le pouvoir exécutif est très soumis à l’assemblée, elle-même
soumise au corps électoral.
La démocratie directe dans se forme pure n’a fonctionné que dans le cadre de petites entités
politiques, les cités grecques, certains cantons suisses. Une forme atténuée de la démocratie
directe, la démocratie participative, connait actuellement une faveur certaine mais limite la
participation à la consultation préalable à la décision qui reste de la compétence des
institutions élues. La France a même inscrit ce principe de participation dans sa Constitution
mais en en limitant l’application au domaine de l’environnement (article 7 de la Charte
constitutionnelle de l’environnement)
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La démocratie semi-directe combine le régime représentatif avec des procédures de
démocratie directe (referendum, initiative populaire, veto législatif). Certains Etats y font
fortement appel (Suisse ou certains Etats des Etats-Unis).
2. Les applications pendant la période révolutionnaire
Ces deux théories vont se combattre pendant la Révolution. Initialement (Première
Constituton de 1791) la théorie de la souveraineté nationale l’emportera, pendant d’autres
(Constitution de 1793)
ce sera plutôt la souveraineté populaire. Mais finalement, et
aujourd’hui encore, c’est la souveraineté nationale qui deviendra et restera le principe
directeur de l’organisation du pouvoir politique (comme dans la plupart des pays du monde.
Toutefois, la souveraineté nationale est corrigée par certaines procédures de démocratie
directe. Cela explique la place du référendum dans la Constitution. En France, la Constitution
de 1958 fait une place au referendum en matière constituante (comme en Thailande) et, dans
certaines conditions, en matière législative (art. 11) L’article 2 de la Constitution de 1958
précise ainsi que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses
représentants et par la voie du référendum »
Voilà les idées au départ. Voyons maintenant comment on va arriver au suffrage universel une
fois que le principe de la souveraineté nationale posé et la souveraineté divine définitivement
exclue. Cela va se faire en plusieurs temps.
B. La conquête du suffrage universel
1. Le modèle anglais, la monarchie parlementaire et le suffrage universel
Dans un premier temps, le suffrage n’est pas universel parce qu’on considère que le rôle des
assemblées, est principalement de consentir à l’impôt. Cette conception est née en GrandeBretagne ; le Parlement repose sur l’idée du consentement à l’impôt. Donc seuls les
contribuables votent. C‘est le suffrage censitaire : il faut payer un certain montant d’impôt
pour avoir le droit de voter.
Ce suffrage censitaire va dominer jusqu’au milieu du XIXème siècle (1848) avec toutefois
quelques périodes où est institué le suffrage universel (1793 à 1815). Mais le montant de
l’impôt va baisser. Au début de la Révolution, il y avait 80 000 électeurs (chiffre à peu prés
correspondant à celui du système anglais). En 1848, on était passé à 450 000 électeurs. On se
rapproche du suffrage universel mais le suffrage reste lié à la capacité de payer l’impôt.
Cette période va en même temps voir la naissance du régime parlementaire à partir de la
chute de Napoléon (1815). Le Parlement, représentant de la Nation, va progressivement
acquérir une partie du pouvoir qu’il partagera avec le Roi notamment à partir de 1830 (ce
qu’on appelle la Monarchie de Juillet). Ce Parlement, un peu comme en Thaïlande, est
bicaméral : il comprend une assemblée élue, la Chambre des députés devenue Assemblée
nationale élue à l’origine au suffrage censitaire, et une Chambre des pairs (analogue à la
chambre des Lords) qui n’est pas élue mais héréditaire.
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C’est la période dite du parlementarisme dualiste dans lequel le gouvernement est à la fois
responsable devant le Roi et le Parlement. On a parfois qualifié ainsi le régime institutionnel
de la première période de la Véme République (1958-1962)
2. L’Empire et la République et le suffrage universel masculin
Il faut mentionner deux parenthèses qui se placent pendant cette période. Elles concernent le
premier Empire (Napoléon 1er) et le Second Empire (Napoléon III 1852-1870). On est en
présence de dictatures un peu corrigées par l’appel au suffrage universel dont le rôle se borne
à légitimer les décisions de l’Empereur. On qualifiera cette conception du pouvoir de
césarisme démocratique.
Dans cette période on peut également signaler l’existence d’un Sénat conservateur dont la
mission est de préserver la Constitution. Le rôle du Sénat en Thaïlande est assez proche :
amender la Constitution.
3. L’abrogation du principe monarchique en 1876
On arrive à la période moderne ; 1875 et l’avènement de la IIIème République qui est celle
qui a duré le plus longtemps (bientôt la Vème République sera la plus longue). Elle instaure
définitivement la République par un amendement adopté à une voix de majorité. Il ne sera
plus revenu sur ce choix et il n’est plus possible de revenir sur la monarchie. Avec la IIIéme
République, s’instaure définitivement le suffrage universel direct. Celui-ci est toutefois
réservé aux hommes pendant la période 1875-1946. De la même manière, la IIIéme
République pérennise le bicaméralisme : à côté de la chambre des députés élue au suffrage
universel direct, un Sénat, remplaçant la chambre des pairs. Il est élu par un collège de grands
électeurs pas directement.
4. 1946 et la reconnaissance du suffrage universel sous la condition de citoyenneté
Bien qu’il y ait eu plusieurs tentatives sous la IIIéme République, il faut attendre 1946 pour
que les femmes se voient accorder le droit de vote. La France sera, à cet égard, en retard par
rapport à la Grande-Bretagne (1918) et certains états des Etats-Unis (1892 par exemple).
L’article 1er de la Constitution de 1958 ajoute que « La loi favorise l’égal accès des femmes et
des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités
professionnelles et sociales ». Cela va se traduire par le recours de plus en plus étendu au
principe de « parité hommes-femmes » par exemple dans les organes élus des collectivités
locales.
II. Les institutions politiques françaises contemporaines
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De même qu’on ne peut pas comprendre le système politique français sans faire son histoire,
il faut exposer les principes présidant à l’organisation des pouvoirs publics.
A. Les principes
1. Une République
Le premier principe est le principe républicain. L’article 1er de la Constitution de 1958 le
précise « La France est une République …. laïque, démocratique et sociale. Elle assure
l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion.
Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La France est une République et la forme républicaine ne peut faire l’objet d’une révision
constitutionnelle. Autrement dit, cette forme républicaine est définitive. Ce qui ne veut pas
dire que, sur le plan sentimental, n’existe pas une certaine nostalgie pour la monarchie. La
naissance d’un prince ou d’une princesse ou un mariage royal suscite toujours beaucoup
d’intérêt ; mais ce qu’ils trouvent intéressant pour la Grande-Bretagne, ils ne le veulent pas
en France.
2. Un Etat unitaire mais décentralisé
Deuxième principe : la France est un Etat unitaire mais décentralisé (art. 1er de la
Constitution). C’est un Etat unitaire en ce sens que seul l’Etat dispose de la souveraineté
(pouvoir législatif, pouvoir gouvernemental, représentation de la France dans les relations
internationales). Seul l’Etat a la compétence de la compétence.
Les composantes du territoire français (c’est-à-dire les régions, les départements, les
communes ) n’ont pas de pouvoir politique. Elles n’exercent des compétences que dans la
mesure où elles lui ont été attribuées par la loi. En cela la France est très différente de certains
Etats voisins comme l’Allemagne ou la Suisse qui sont des Etats fédéraux ; elle est aussi très
différente d’Etats qui n’étaient pas fédéraux à l’origine mais sont régionalisés. C’est le cas de
l’Espagne, Belgique… où les entités décentralisées sont devenues beaucoup plus autonomes
et ont une semi-souveraineté. Il faut juste faire une exception pour certains territoires d’outremer auxquels on a dû accorder une part de souveraineté politique c’est le cas de la Nouvelle
Calédonie et le cas de la Polynésie.
Malgré tout, dans l’Europe de manière générale et dans tous les pays du monde on observe
une tendance à la décentralisation : il faut donner aux collectivités locales une certaine
autonomie. C’est ce qui a été fait en France d’une manière réellement significative à partir de
1982 et ce qu’on a appelé la décentralisation. Cela a été inscrit dans la Constitution : « la
France est un Etat unitaire décentralisé ». Donc sont reconnus les régions, les départements,
les communes comme collectivités décentralisées. Cela veut dire qu’elles ont leurs propres
autorités élues au suffrage universel par leur population, elles ont leurs propres finances, elles
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ont aussi leurs compétences propres qui sont garanties par un principe qu’on trouve dans la
Constitution, le principe de libre administration des collectivités territoriales assez proche du
un principe de self government. Cela dit il faut bien rappeler qu’en dépit de leur rôle essentiel
dans les politiques publiques, elles ne peuvent faire la loi qui est le monopole de l’Etat, ne
peuvent pas avoir de relations internationales, ne peuvent pas passer de traité. Donc le
principe de l’Etat unitaire est maintenu en dépit de cette grande autonomie.
3. Le respect de l’Etat de droit – le pouvoir politique est contraint par la Constitution
Troisième principe, et il y en a d’autres mais j’en ai retenu trois qui me paraissent essentiels,
c’est le principe de l’Etat de droit, qui aujourd’hui est reconnu dans une majorité des pays du
monde mais qui en France n’a pas été tout de suite admis.
a) Contrôle du Conseil constitutionnel (abandon du principe de la souveraineté de la loi).
Le principe en France était jusqu’en 1958 le principe de la souveraineté de la loi, c'est-à-dire
pour l’essentiel celle du parlement: la loi était l’expression de la souveraineté. Le juriste
célèbre Carré de Malberg a mis en exergue cette théorie. La Constitution n’avait pas une place
majeure. En théorie, elle s’imposait à la loi mais celle-ci n’était pas soumise au contrôle du
juge constitutionnel. En réalité le Parlement se reconnaissait le pouvoir de tout régir par la loi
sauf, comme le Parlement anglais, à changer une femme en homme.
Les choses ont changé en 1958 avec la Vème république qui a institué un Conseil
constitutionnel, comme dans la plupart des Etats. Initialement, celui-ci était seulement chargé
de veiller au respect des dispositions de la Constitution relatives à l’organisation des pouvoirs
publics. Ce contrôle de constitutionnalité avait un rôle limité qui était d’interdire au
législateur de légiférer dans des domaines qui avaient été réservés au Gouvernement.
Mais en 1971 le Conseil constitutionnel a modifié sa jurisprudence et a considéré qu’il devait
contrôler les lois au regard de la totalité de la Constitution y compris de la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789, du préambule de 1946, de la Charte de
l’environnement de 2005 et des principes garantissant les libertés et les droits fondamentaux.
Cette évolution s’est achevée avec l’institution de ce qu’on appelle la question prioritaire de
constitutionnalité qui permet devant le juge, juge de droit commun (juge judiciaire ou
administratif) d’invoquer l’inconstitutionnalité d’une loi. La question prioritaire de
constitutionnalité est tranchée par le Conseil constitutionnel et non pas par le juge lui-même.
Donc le Conseil constitutionnel n’est pas l’équivalent d’une Cour suprême telle que celle des
Etats-Unis ou la Cour suprême thaïlandaise.
Pour terminer sur l’affirmation du principe de l’Etat de droit : l’Etat est soumis au droit
européen et notamment à la convention européenne des droits de l’homme. Tout acte peut être
contesté devant la cour européenne des droits de l’homme.
Le rôle limité mais certain de « l’autorité judiciaire ». La théorie de la séparation des pouvoirs
fait normalement du juge le troisième pouvoir, le pouvoir judiciaire. Le rôle qu’ont joué les
juridictions avant 1789 et le fait que s’arrogeant un pouvoir politique, ils ont bloqué les
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réformes qui auraient pu sauver la monarchie, ont conduit les révolutionnaires à se méfier du
juge. Cela demeure et la Constitution de 1958 ne parle que de l’autorité judiciaire et non du
pouvoir judiciaire. L’article 64 de la Constitution dispose que le Président de la République
est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire et qu’il est assisté par le Conseil
supérieur de la magistrature. Le rôle de celui-ci dans la nomination des juges du siège et
l’indépendance de ceux-ci ont malgré tout connu une certaine évolution.
B. Les structures politiques
Le régime politique de la Vème République a beaucoup évolué entre sa fondation par le
Général de Gaulle et la période actuelle
1. Le pouvoir exécutif
a) Le chef de l’Etat – le Président de la République
Initialement, en 1058, l’exécutif est assez proche de ce que l’on rencontre en régime
parlementaire. Le Président de la République, chef de l’Etat n’a pas de responsabilité
politique. Il est représentant de la Nation à l’étranger vis-à-vis des français. C’est donc un peu
un chef d’Etat parlementaire classique, si ce n’est que
1) c’est le Général de Gaulle, ayant un grand prestige personnel,
2) qu’il est élu non pas par le Parlement comme dans un régime parlementaire classique, mais
est élu par un collège de grands électeurs (à peu près 80 000 personnes) au suffrage universel
indirect
3) que la Constitution lui donne des pouvoirs importants. Il peut dissoudre l’Assemblée
nationale, il est chef des armées et dispose de pouvoirs exceptionnels en période de crise (art.
16). Par ailleurs il nomme le Premier ministre et le Gouvernement.
Tel quel, la Cinquième République aurait pu déboucher sur un régime parlementaire dès lors
que dans un régime parlementaire, le choix du chef de l’Etat est conditionné par la majorité
parlementaire. La chef de l’Etat nomme le Premier Ministre mais il doit nommer le chef du
parti majoritaire ; il n’a pas le choix. Donc initialement on pouvait s’orienter vers un régime
parlementaire.
Le Général de Gaulle avait plus ou moins pensé au rétablissement d’une monarchie
constitutionnelle et que le comte de paris, dernier héritier de la lignée des rois de France,
aurait pu prendre la fonction de chef de l’Etat parlementaire « qui règne mais ne gouverne
pas » comme on dit en Angleterre ou en Espagne. Le pouvoir exécutif serait alors revenu de
fait au Premier Ministre et à son Gouvernement.
b) Le Premier Ministre et le Gouvernement
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Le Premier Ministre et, sur sa proposition, le gouvernement sont nommés par le Président de
la République mais ils doivent avoir la majorité parlementaire à l’Assemblée Nationale. Ils
sont responsables devant l’Assemblée Nationale soit par le système de la question de
confiance ou celui de la motion de censure. Sans entrer dans les détails, l’article 20 de la
Constitution dispose que le « Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ».
Donc si on lit la Constitution à la lettre c’est le Premier Ministre et le Gouvernement qui sont
les véritables chefs de l’exécutif. En réalité, la pratique de la Véme République a totalement
inversé cette répartition des rôles. C’est le Président qui est devenu le véritable chef de
l’Exécutif.
c) Les rapports entre le Président de la République et le Premier Ministre
La « guerre d’Algérie » (combat des indépendantistes pour l’indépendance de l’Algérie 19561962) a été à l’origine de diverses tentatives de coup d’Etat militaire. Le général de Gaulle a
pris conscience que lui, parti, le Président n’aurait que des pouvoirs limités. Donc il a engagé
une révision de la Constitution qui a porté sur un point précis : le Président serait désormais
élu au suffrage universel direct et ce scrutin étant à deux tours et seuls les deux candidats
arrivés en tête pouvant se maintenir au second tour, il est donc est élu par une majorité de 2025 millions de français. Donc mêm eaprés le Général de Gaulle, le Président de la République
a un pouvoir légitime considérable.
A partir de 1962 le régime change complètement. Le véritable pouvoir exécutif ce n’est plus
le Gouvernement, c’est le Président. Cela se traduit par le fait que le Président de la
République s’est reconnu le droit de révoquer le Premier Ministre et le Gouvernement. Ce qui
n’est pas inscrit dans la Constitution. La Constitution dit : le Premier Ministre donne sa
démission. Mais le Président n’a pas le pouvoir de révoquer. Or dans les faits, le Président de
la République s’est reconnu le droit de changer de Gouvernement en cas de désaccord
2. Le Parlement
En face de l’exécutif, donc du Président de la République, du Gouvernement nommé par lui et
responsable devant lui, il y a le Parlement. Le Parlement et c’est la tradition française
maintenant comporte deux chambres. Il est bicaméral :
a) L’Assemblée Nationale, élue au suffrage universel direct selon scrutin majoritaire à
deux tours. Elle dispose du pouvoir législatif et elle vote les lois de finances. Mais le
Gouvernement dispose de pouvoirs importants pour organiser le travail législatif dans
le cadre du « parlementarisme rationalisé »
b) Et à coté, il y a le Sénat, une chambre haute, qui est élu par un collège de grands
électeurs au suffrage universel indirect : les maires, les députés, les représentants des
collectivités territoriales, à peu près 80 000 personnes. C’est le même collège que celui
qui élisait le Président de la République au départ.
Le système est compliqué par le fait que les deux assemblées ont en principe le même
pouvoir : elles votent la loi dans les mêmes termes, le budget à savoir la loi de finances. Elles
sont à égalité sauf - et cela montre l’influence du pouvoir exécutif - si le Gouvernement
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demande à l’Assemblée Nationale de voter en dernière lecture le texte de loi, le budget contre
l’avis du Sénat. Le Sénat est alors mis en position inférieure.
On peut établir l’équation :
 Sénat = Assemblée Nationale,
 Gouvernement + Assemblée Nationale > Sénat
On s’interroge sur l’existence du Sénat. La différence avec le Sénat Thaïlandais qui est
nommé, vient de ce qu’en France il est élu au suffrage universel indirect. Pourquoi un Sénat
s’il est également élu ? Les explications que l’on donne est qu’il représenterait les
collectivités décentralisées un peu comme dans les Etats fédéraux, la RFA par exemple où le
Bundesrat représente les länders, les Etats membres de la fédération allemande. Mais la
question demeure : est-ce qu’il faut maintenir le Sénat dans sa forme actuelle ou le
transformer officiellement en assemblée représentant les collectivités décentralisées ?
c) Un système original
Le régime français présente une grande originalité.
D’un coté, le Président de la République peut dissoudre l’Assemblée Nationale (non le Sénat)
ce qui n’est pas possible dans le régime présidentiel. Le président des Etats-Unis ne peut pas
dissoudre la Chambre des Représentants ni le Sénat. Il y a là une différence majeure avec un
système présidentiel classique
Par ailleurs l’Assemblée nationales de son coté peut renverser le gouvernement : il peut voter
ce que l’on appelle une motion de censure qui oblige le Gouvernement à démissionner alors
que le Gouvernement a été nommé par le Président de la République. Il existe donc une
responsabilité du Gouvernement devant la chambre comme dans un régime parlementaire
Pour répondre à la question que vous avez posée tout à l’heure : la France n’est ni un régime
parlementaire ni un régime présidentiel. Ce n’est pas non plus un régime présidentialiste
analogue à ceux de certains pays d’Amérique latine. C’est un régime semi-présidentiel avec
prépondérance du Président de la République. L’homme au centre du pouvoir en France c’est
le Président de la République.
Cette prépondérance du Président de la République se traduit sur bien des points : le
Président de la République est chef des armées – ce n’est pas une formule car il se reconnait
le droit d’engager les forces armées (Cf. les interventions de la France au Mali, en Irak par
exemple, décidées par le Président de la République seul) sans le Parlement. Il est
véritablement le chef de la politique internationale et militaire de la France.
Dans ce cadre, il dispose du pouvoir de faire trancher par le peuple, par voie de referendum :
par exemple la ratification des Traités de l’Union européenne, 1992, 2002 (on notera qu’en
Grande-Bretagne, on envisage également d’utiliser le référendum sur la question de savoir
si le peuple était d’accord pour sortir de l’Europe).
 Pouvoirs de l’exécutif sur le Parlement
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Mais, ses pouvoirs vont au-delà ; on peut considérée que « c’est le Président qui détermine et
conduit la politique de la Nation » dans la réalité contrairement au texte de la Constitution qui
donne ce pouvoir au Gouvernement. Et en cas de désaccord avec l’Assemblée Nationale, il
peut la dissoudre. Les désaccords qui existent actuellement au sein de la majorité s’apaisent
toujours car il y a la menace de dissolution.
 Périodes de crises
Dans les périodes de crises, il a des pouvoirs exceptionnels ouverts par l’article 16 disposant
que « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son
territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière
grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est
interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances ».
Il a utilisé ces dispositions pour faire face à la tentative de coup d’état militaire au moment de
la guerre d’Algérie.
d) L’exception de la cohabitation
Ce qui précède correspond au fonctionnement normal du régime politique. Mais il ne faut pas
oublier que le Gouvernement reste responsable devant la majorité parlementaire. Ce qui veut
dire que si la majorité parlementaire ne correspond plus à la majorité qui a élu le Président, on
revient à un système proche du régime parlementaire. A ce moment là on rentre dans ce
qu’on appelle une période de cohabitation où vont devoir cohabiter un Président élu au
suffrage universel qui a perdu l’essentiel de ses pouvoirs au profit d’un gouvernement ayant
une majorité à l’Assemblée nationale également élue au suffrage universel direct.
On a plusieurs exemples de cette cohabitation
e) Le premier exemple concerne le Président François Mitterand. Celui-ci était alors élu
pour 7 ans. Au bout de 5 ans, à la suite de nouvelles élections législatives, la majorité
élue à l’Assemblée était issue de l’opposition. Le Président de la République perdit
son pouvoir discrétionnaire de nommer le Premier Ministre. Ce fut Jacques Chirac.
Pendant deux ans, l’essentiel du pouvoir réel fut exercé par le Premier Ministre qui
avait la majorité parlementaire avec lui. Mais vu les pouvoirs du Président, celui-ci a
continué d’exercer une influence importante notamment dans le domaine international.
f) Le deuxième exemple concerne cette fois M. Chirac élu Président de la République en
1995. En 1997, deux ans après, il eut la mauvaise idée de dissoudre l’Assemblée
Nationale. L’Assemblée qui fut élue comportait une majorité socialiste et on rentra à
nouveau dans une période de cohabitation qui dura 5 ans.
Pour limiter ce risque on a réduit la durée du mandat du président pour qu’il y ait
correspondance autant que possible entre la durée du mandat du Président et celui de
l’Assemblée Nationale. Mais le problème peut se reposer : si le Président dissout
l’Assemblée Nationale, il pourrait y avoir une cohabitation.
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III.Le rôle de l’élection dans le système politique français
Le bon fonctionnement du système politique français repose également sur mode de scrutin.
La France a un système multipartisme comme en Thaïlande où il existe 5 ou 6 grandes
formations politiques.
En France, deux formations sont prépondérantes le Parti socialiste et l’Union pour la majorité
présidentielle (UMP), parti conservateur de droite issu du mouvement gaulliste. A eux deux,
ils regroupent environ 60 % des suffrages.
Mais, ils coexistent avec un certain nombre d’autres formations. En partant de la droite vers la
gauche on trouve ainsi :
Le Front national (parti extrêmiste tentant actuellement de se recentrer)
L’UMP
Le centre droit
Les radicaux (reste d’une formation qui joua un rôle central sous les III eme et IV éme
Républiques)
Le parti socialiste
Les écologistes
Le Front de gauche comportant notamment le parti communiste
Divers groupuscules d’extrême gauche.
Sous la IVème République on appliquait la représentation proportionnelle : chaque parti
obtenait des sièges en fonction du nombre de voix ; d’où des majorités extrêmement
fluctuantes, instables et une grande instabilité gouvernementale qui fut à l’origine de la chute
de la IV éme République.
En réaction le socle de la Vème République fut le suffrage universel à 2 tours.
Le vote se fait par circonscription. Il faut pour être élu au premier tour avoir la majorité
absolue. Ne peuvent se maintenir au second tour que les candidats ayant obtenu un certain
pourcentage de votes. Au second tour, est élu le candidat qui arrive en tête. Ceci conduit à des
accords entre formations et donc à la constitution de majorités de gouvernement. Deux
coalitions
se
succèdent
ainsi
au
pouvoir :
une
coalition
de droite autour du parti gaulliste, aujourd’hui Union pour un Mouvement Populaire/ Centre
et une de gauche autour du Parti Socialiste.
Avec la représentation proportionnelle on reviendrait vers un autre régime.
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Il en va de même pour le Président qui est élu au second tour, (seuls peuvent se maintenir les
deux candidats arrivés en tête. Il a ainsi automatiquement la majorité donc la légitimité
républicaine.
Questions
Question n°1 : (rangée n°1, 3ème personne en partant de la droite) : Dans le système politique,
tel un régime présidentiel comme aux Etats-Unis, le Président est élu par le peuple. Pour la
Thaïlande, le Chef de l’exécutif est élu par l’Assemblée Nationale. Il ne s’agit pas d’une
procédure directe mais indirecte. Donc, en France, il y a le Président de la République qui est
élu par le peuple, mais il existe aussi le Premier Ministre. Donc la question est de savoir si le
régime politique français est présidentiel ou parlementaire.
Réponse : Vous anticipez sur la suite où j’étudierai les institutions politiques. Le Président est
élu au suffrage universel direct à la différence des Etats-Unis où le suffrage est indirect. La
France est non pas un régime parlementaire mais est devenue un régime tout à fait particulier
qu’on appelle semi-présidentiel ; donc qu’on a un peu de difficulté à caractériser par rapport
au régime américain ou à d’autres tel italien où il y a un régime de collaboration des pouvoirs.
Question n° 2 : Comment on détermine, distingue, la première jusqu’à la Vème République ?
Réponse :
g) Ière République : après la Révolution de 1789, la Ière République est instaurée en
1793 quand le Roi a été renversé puis exécuté
h) La deuxième République a été instituée en 1848 quand le Roi Louis-Philippe a été
renversé. Elle n’a duré que 4 ans. Le second empire lui succéda. Après la guerre avec
l’Allemagne en 1870, l’Empereur est destitué.
i) On institue la IIIème République aprés la paix avec l’Allemagne. Elle durera de 1875 à
1940
j) La IVème République nait après la deuxième guerre et après qu’on eut refusé (par
referendum) de revenir à la IIIème République qui avait ma fonctionné et n’avait pas
su préparer le pays à affron, la guerre. En 1945-1946, on créé la IVème République.
k) En 1958, la guerre d’Algérie est à l’origine d’une nouvelle crise. Le régime de la
IVème se révèle trop faible. Charles de Gaulle prend le pouvoir et on change de
Constitution : on passe à la Vème République.
Question n°2 : L’Assemblée Nationale ne peut pas destituer le Président de la République ;
donc envers qui le Président de la République est responsable ?
Réponse : Le Président est uniquement responsable pénalement en cas de haute trahison.
C’est un peu la procédure de l’impeachment que connait le système américain et qui s’est
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appliquée à Nixon. Mais il n’est pas responsable politiquement devant l’Assemblée Nationale.
Par contre, il peut considérer qu’il est directement responsable devant le peuple. Même si ce
n’est pas écrit dans la Constitution, il peut par référendum poser une question précise et dire
qu’il en fait une question personnelle, il s’oblige à démissionner en cas de refus. Mais il n’y a
eu qu’un seul cas : Charles de Gaulle, sur la suppression du Sénat, le référendum a été rejeté
donc le Général a immédiatement démissionné.
Question n° 3 : Question concernant les théories de la souveraineté en ce qui concerne la
souveraineté populaire. Est-ce qu’il y a un problème concernant les juridictions par rapport à
la souveraineté populaire ?
Réponse : Non, on n’a pas appliqué les théories de la souveraineté populaire aux juridictions
comme c’est le cas aux Etats-Unis où une partie des juges sont élus. On l’a fait une seule fois
pendant la Révolution de 1789 où une partie des juges étaient élus : jury populaire. Mais
aujourd’hui, absolument pas ! Les juges sont recrutés par concours et nommés par le
Gouvernement (parquet) ou par le CSM (magistrats du siège)
Question n°4 : Comment le peuple peut il contrôler les juges ?
Réponse : Le peuple ne contrôle pas les juges. Les juges sont contrôlés par des instances
propres telles que le Conseil supérieur de la magistrature. Par ailleurs, les juridictions se
contrôlent elles-mêmes par l’appel ou la cassation et le Conseil Supérieur de la magistrature.
La justice est rendue au nom du peuple français mais le peuple ne contrôle pas les juges.
Question n°6 : Sur la nomination des juges dont vous avez parlé tout à l’heure, il y a le juge
administratif et le juge judiciaire. On se demande si le juge n’est pas nommé au sens strict du
terme et passe des concours pour aller à l’Ecole Nationale de la Magistrature ou Ecole
Nationale d’Administration.
Réponse : Les juges sont recrutés pour l’essentiel par concours ; certains restent nommés tels
les conseillers d’Etat au tour extérieur ou en service extraordinaire, nommés par le
Gouvernement directement.
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