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AIDV
Cognac, le 9 novembre 2008
Rein-Jan Prins
L'expérience d'un nouveau pays producteur:
Les Pays-Bas
1. Nouveau?
1.1 Historiquement, les Hollandais ont toujours été très impliqués
dans le commerce du vin.
Au VIIIe siècle, au temps de Charlemagne, le Rhin était devenu le
centre du nouvel Empire.
A cette époque les Frisons, les marins du nord des futurs Pays-Bas,
faisaient beaucoup pour l'essor de l'activité rhénane.
C'étaient les premiers, en précurseurs des Hollandais, à s'occuper du
commerce vinicole.
Ils ravitaillaient les ports de la mer du Nord (notamment pour
approvisionner l'Angleterre et l'Irlande), ceux de la Baltique et ceux de
Pologne et même de Russie.
Les Hollandais et Zélandais commençaient à participer à la Ligue
Hanséatique à partir du XIIIe siècle.
Ils jouaient un rôle de plus en plus important dans le négoce des vins
de provenance de La Rochelle et de Bordeaux à destination de
l'Angleterre, des Flandres, de la Baltique et de la Scandinavie.
Les Hollandais étaient arrivés à occuper la position de marchands
incontournables pendant le "siècle d'or" des Pays-Bas, le XVIIe siècle.
En 1650 les Hollandais avaient la plus puissante marine marchande
du monde. Ils faisaient commerce de tout, et partout dans le monde,
mais en calvinistes- ne consommaient que très peu de leurs
marchandises eux-mêmes …. exception faite de la boisson!
C'était à peu près la seule marchandise qu'ils consommaient en
grandes quantités.
L'abus d'alcool aux Pays-Bas choquait même les Anglais:
l'ambassadeur anglais rapportait "que les jeunes filles boivent de la
bière du matin jusqu'au soir, ce qui bouffit leurs chairs et leur donne ce
regard d'une incommensurable stupidité qui ne les quitte jamais". Elles
auraient dû boire du vin bien sûr!
Trois grands fleuves traversent la Hollande vers la mer: le Rhin, la
Meuse et l'Escaut. Rotterdam était le centre du commerce vinicole: se
trouvant sur le delta du Rhin, les vins de Rhénanie et d'Alsace- y
trouvaient un bouché naturel. Mais également Dordrecht près de
Rotterdam, Middelburg en Zélande et Amsterdam étaient devenus de
grands centres de ce commerce.
La révocation de l'édit de Nantes par Louis XIV en 1685 fit fuir des
protestants bordelais qui s'établirent également comme négociants en
Hollande et à Hambourg.
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On peut dire que ces "Bataves" ont eu accès à un moment ou à un
autre à toutes les rivières vinicoles, que ce soient les rivières
hollandaises ou l'Escaut belge, ou l'Adour, la Garonne, la Loire, la
Seine, le Douro ou le Guadalquivir.
Les Hollandais aimaient beaucoup les vins blancs doux, comme ceux
de Bergerac, du Sauternais et d'Anjou aussi.
A Bordeaux ils achetaient les vins blancs doux, auxquels les Anglais
préféraient de loin les rouges les ("claret"). Les Hollandais
préféraient sinon le vin noir de Cahors.
Les Hollandais exportaient également les vins (blancs doux) de Loire,
notamment ceux d'Anjou et de Touraine
Pour la consommation courante de l'Europe du Nord, ils se
ravitaillaient sur les côtes françaises, de Bayonne à Nantes.
Mais en fait ils achetaient leurs vins partout, même en Espagne, en
Aragon, avec laquelle ils étaient en guerre. Ils achetaient des vins
grecs du Péloponnèse, du vin de Crète et de Chypre, vins qui
voyageaient bien.
Il paraît que ce sont les Hollandais qui ont introduit dans la région
bordelaise un nouveau procédé pour bloquer la fermentation pendant
le transport: le soufrage (faire brûler une mèche trempée dans le
souffre dans les fûts avant de les remplir), probablement piqué aux
Allemands d'ailleurs. Mais cela s'appelait les "allumettes hollandaises"
quand même
Pour des raisons d'économie, pour réduire le volume à transporter, les
Hollandais faisaient distiller les vins blancs, non seulement dans la
région de Cognac, comme vous le savez mieux que moi, mais aussi
en Armagnac. Ils y faisaient donc planter des cépages de blanc en
grande quantité.
Ainsi, dans la région actuelle du Muscadet, les hollandais firent planter
le Melon de Bourgogne, cépage convenant à la production de vins
blancs neutres, bon pour le "brandewijn" (brandy)
Ces barbares de Hollandais se souciaient peu de la qualité, puisque
de toute façon, très souvent, ils aromatisaient lourdement le distillat en
ajoutant des baies de genièvre.
Ce sont bien r les Anglais qui ont plus tard exigé une distillation
soignée et un vieillissement convenable en fûts.
C'est encore les Hollandais qui aimaient mélanger des vins de
différentes régions pour les "améliorer"… par exemple en ajoutant du
Cahors ou du vin portugais au clairet, pour accommoder le goût
évoluant de leurs clients.
Après 1650 la concurrence et les guerres de et avec l'Angleterre et la
France mirent fin à la suprématie hollandaise.
Les Hollandais cherchaient alors à s'approvisionner ailleurs et allèrent
du côté de Jerez, de Malaga, d'Alicante, de Lisbonne et bien r de
Porto (1675).
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Et bien sûr, les Anglais étaient à leurs trousses là aussi!
A cette époque les Hollandais commencèrent également à implanter
un comptoir et à planter quelques vignes au Cap, ou ils allaient faire
du vin (avec un pressoir alsacien et un vigneron alsacien…).
Tout cela en guise d'introduction, pour vous dire que les Hollandais
s'occupaient de vin, mais plutôt coté négoce et pas forcément haut de
gamme…
1.2 Mais coproduction? Qu'en est-il? Eh bien, la production n'est
pas si récente que ça non plus!
Il était déjà question de viticulture, dans toute la région de l'actuel
Limbourg (coté néerlandais aussi bien que belge) et surtout dans
l'actuel Luxembourg, à l'époque romaine.
Ensuite, au VIIIe IXe siècle, les besoins en vin de l'Europe du Nord
étaient de plus en plus importants et on commençait à (re)planter la
vigne près des centres de consommation, même sous des latitudes
"sans soleil": notamment en l'actuelle Belgique: la vallée de la Meuse,
le Brabant, le Hainault, Liège, Namur, Anvers. Louvain (capitale des
ducs de Brabant) en était le centre jusqu'au XVe siècle.
Pour les Pays-Bas, la mention la plus ancienne de production de vin
date de 1324, au Limbourg, près de Maastricht. La viticulture autour
de Maastricht a continué jusqu'au début du XIXe siècle, lorsque
Napoléon y a mis fin en augmentant les taxes de façon dramatique,
parait-il.
En Belgique, le dernier vignoble (avant le renouveau) fut abandonné
près de la Meuse en 1946.
Ceci dit, la viticulture avait déjà perdu beaucoup de son importance
sur les territoires de l'actuelle Belgique et des actuels Pays-Bas vers le
milieu du XVIe siècle; non seulement pour des raisons politiques
(l'émergence de la puissante Bourgogne), ou gastronomiques (de
meilleurs vins d'importation, l'augmentation de la consommation d'une
bière devenu de meilleure qualité, voire la popularité croissante du
café et du thé), mais aussi pour des raisons climatiques: pendant la
deuxième moitié du XVIe siècle il y eut une période de "mini
glaciation" qui fut fatale pour beaucoup de vignobles sous ces
latitudes. Le fameux Apostelhoeve près de Maastricht (on y reviendra)
dû arrêter sa productions vers 1600.
Le changement climatique que nous vivons en ce moment va en
direction inverse, pour ainsi dire.
Le réchauffement graduel fait que, actuellement, le climat du Limbourg
belge et hollandais se compare aisément au climat de la Bourgogne
d'il y a cent ans; la moyenne annuelle des températures au Limbourg
était de 11,2 °C en 2006 (1,2 ° de plus qu'en 1900). La température
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estivale varie de 20 à 25° C et la précipitation annuelle est de l'ordre
de 800 mm.
Mais il faut dire que Limbourg est assez atypique pour les Pays-Bas
en fait. C'est un paysage vallonné (culminant à 107 mètres au dessus
du niveau de la mer…), avec des pentes jusqu'à 45 % et une bonne
exposition de sud-est à sud-ouest.
Le sol est de nature calcaire principalement.
Les pages bourguignons (tous les Pinots et le Chardonnay, voire le
Gamay) ainsi que les cépages Auxerrois, Riesling, Müller Thurgau s'y
portent bien.
Depuis la deuxième moitié des années '90 ils arrivent tous à parfaite
maturité, ce qui, avant, n'arrivait pas tous les ans. Typiquement, le
Limbourg néerlandais donne des vins blancs rs, assez fruités, avec
11,5 à12% d'alcool.
Ce n'est donc pas étonnant que, à partir de 1970, le renouveau de la
viticulture commerciale néerlandaise a commencé au Limbourg, avec
le petit vignoble (800 m2 !) "Slavante" en 1967, le "Apostelhoeve" et
"Wittemer" en 1970, suivi de "Backerbosch" en 1977, "Hoeve Nekum"
en 1988 et "St Martinus" en 1990.
(Soit dit que la Belgique avait commencé à replanter en 1963 déjà).
[voir hand-out/polycopié: expansion des vignobles]
Depuis, d'autres régions, bien qu'en principe moins favorables à la
viticulture, vu les sols plus riches et plus plats, ont suivi.
Il s'agit d'abord des provinces NoordBrabant et Gelderland et, depuis,
beaucoup d'autres endroits encore, même à l'Ouest et dans le Nord du
pays, ont vu s'implanter des vignobles, avec des cépages plus
résistants au gel et aux maladies comme le mildiou et cessitant
moins de soleil... et moins de produits de traitement aussi.
Ces derniers cépages sont des "hybrides", ou croisements comme on
dit maintenant (classifiés comme Vitis vinifera, sous espèce sativa,
souvent crées par l'Office allemand des obtentions végétales), avec
des noms beaucoup moins connus, tels que "Regent", "Solaris",
Johanniter" "Bianca" "Dornfelder, "St Laurent" ou même "Maréchal
Foch"!
Une cinquantaine de cépages sont autorisés aux Pays-Bas. Et plus de
50 % des surfaces plantées le sont avec ces cépages de croisement.
2. Le marché néerlandais
En 1800, le Hollandais moyen consommait pratiquement pas de vin;
par contre, il consommait une trentaine de litres de bière par an et à
peu près dix litres calculé en alcool pur - de spiritueux (le gin
hollandais ou bien "genievre" et un "brandewijn" bien hollandais
communément nom"koetsierscognac", c'est-à-dire "le cognac des
cochers" (!!)).
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En 1900, seule la consommation de bière avait augmenté jusqu'à
quarante litres par an, les autres consommations restant plus ou
moins aux mêmes niveaux.
Or, après la deuxième guerre mondiale les habitudes ont rapidement
changées: on consommait jusqu'à 91 litres de bière en 1990, 1991
(après cela à baissé jusqu'à 77 litres actuellement, mais ça dépend
aussi de a qualification de l'équipe nationale de foot pour les mondial
et autres coupes…).
Les spiritueux ont baissé jusqu'à moins d'un litre par an en 2000.
Par contre, le vin est en constante progression: le cap des 10 litres
annuels a été franchi en 1974 et actuellement on en est à 22 litres (ce
qui est encore faible comparé aux Belges qui sont déjà à au moins 32
litres).
La Hollande était même le premier importateur mondial de Jerez
jusqu'en 1997; depuis c'est l'Angleterre.
En 2007 le Hollandais moyen achète 53 % de vin rouge, 32% de blanc
et 15% de rosé (le rosé augmente d'ailleurs beaucoup maintenant et
est devenu très chic en Hollande).
Cependant, ils osent encore acheter 90% de leur vin dans les grandes
surfaces et que 4% des 10% restants est acheté chez des cavistes,
hélas!
Les Pays-Bas importent pas mal de vin: en 2007 plus de 4 millions
d'hectolitres, dont plus de trois million en provenance des États
membres de l'Union Européenne (surtout la France, suivie de
l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie) et plus d'un million d'hectolitres
des pays tiers (surtout l'Afrique du Sud, suivi du Chili et de l'Australie).
Comparé aux chiffres des importations, la production "autochtone" des
PaysBas est ridicule: il y a 200 hectares de vignes plantées, dont 100
hectares sont en production (il y une forte augmentation de plantations
récentes pas encore en production).
Avec un rendement moyen de 35 ho/ha cela donne 350 000 litres,
donc 450 000 bouteilles en tout.
Sur un total d'environ 200 vignobles (amateur et pros confondus), il n'y
a pas plus de 70 vignobles avec une superficie de plus d'un hectare et
le plus grand, l'Apostelhoeve du Limbourg, ne compte que 9 hectares.
3. L'organisation de la viticulture
3.1 Aux Pays-bas c'est principalement une organisation semi
gouvernementale qui s'occupe des intérêts du secteur viticole,
nommée le "Productschap Wijn".
En Anglais "productschap" se traduit à peu près par "Product Board"
ou "Commodity Board" et en Français on peut le traduire par "Comité
interprofessionnel".
Donc, "Comité Interprofessionnel (pour le/du) Vin" en l'occurrence.
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