Monbijoustrasse 31-1011 Berne Téléphone +41(0)31 370 17 20 [email protected] www.jeunesse-economie.ch Faut-il maintenir le secret bancaire en Suisse ? Le secret bancaire, qui n’a jamais été à l’abri de critiques à l’extérieur comme à l’intérieur du pays, est depuis quelques années au centre d’un vif débat. La crise économique mondiale et le fait que des banques helvétiques ont aidé des contribuables étrangers à se soustraire aux impôts dans leur pays ont contraint la Suisse à reconsidérer le principe du secret bancaire. Son avenir est ainsi remis en cause. Les uns souhaitent le maintenir intact sous peine de causer des dommages importants au secteur financier et à l’économie suisse toute entière. Les autres préfèrent qu’il soit purement et simplement supprimé, car il profite avant tout aux riches qui cherchent à éviter de payer des impôts. Le secret bancaire en Suisse Le secret bancaire est un devoir de discrétion de la part des banquiers envers l’ensemble de leurs clients. Il s’apparente au secret professionnel du médecin ou de l’avocat. Les banquiers ont le devoir de ne pas divulguer le nom et la fortune de leurs clients, même quand ces derniers résident à l’étranger. La levée du secret bancaire n’est autorisée qu’en cas de délit pénal et au terme de procédures complexes. En Suisse, selon la Loi fédérale sur les banques (article 47), toute transgression non-autorisée du secret bancaire de la part du banquier a des conséquences graves pour ce dernier: peine de prison et amende. Importance du secteur financier en Suisse Les banques et autres acteurs financiers occupent une place importante dans l’économie suisse : ils participent à hauteur de 12% au produit intérieur brut (PIB) helvétique. De plus, ils emploient un nombre important de personnes : environ 6% de la population active. Enfin, la part d’impôts issus du secteur financier est non négligeable (environ 10% du total en Suisse). Selon les données de la Banque Nationale Suisse, la fortune gérée par les instituts financiers dépasse, fin 2011, les 5700 milliards de francs. Plus de la moitié de cette somme provient de clients résidant à l’étranger. source : OFS, 2009 Fiscalité et secret bancaire La fiscalité représente l’ensemble des prélèvements d’un Etat, les impôts surtout, qui servent à financer les diverses dépenses publiques (routes, écoles, hôpitaux, etc.). Généralement, plus une personne a un revenu ou une fortune élevés, plus les impôts qu’elle doit payer sont importants. Afin de payer moins d’impôts, des personnes préfèrent dissimuler cet argent dans des pays offrant une certaine discrétion. La Suisse est l’un de ces pays. Le secret bancaire y est renforcé par le fait que le droit suisse fait une distinction entre la fraude et l’évasion fiscales. Fraude et évasion fiscales L’évasion fiscale est associée à l’omission de déclarer de l’argent à l’Etat (une fortune ou un revenu p.ex.). La fraude fiscale correspond à une falsification de documents remis à l’Etat (une fausse facture p.ex.). La fraude constitue un délit pénal (on risque la prison et une amende) alors que l’évasion n’est punissable que par l’amende. En Suisse, la levée du secret bancaire n’est autorisée qu’en cas de délit pénal, donc de fraude fiscale. Accords internationaux et assouplissements La levée du secret bancaire suisse n’est autorisée qu’en cas de délit pénal: fraude fiscale, blanchiment d’argent, terrorisme ou encore crime organisé, mais non en cas d’évasion fiscale. Sous la pression internationale, la Suisse a accepté, en 2009, d’envisager l’assouplissement du secret bancaire par l’abandon de la distinction entre fraude et évasion fiscales. Le secret bancaire peut désormais être levé en cas d’évasion fiscale mais uniquement pour les personnes résidant à l’étranger. De plus, cette levée se ferait au cas par cas et sur la base d’informations (soupçons) solides et fondées. Le secret bancaire à l’étranger Des pays comme le Luxembourg ou l’Autriche, ayant un système similaire au système helvétique, ont déjà dû renoncer à la distinction entre évasion et fraude fiscales. Il existe par contre des régions où le secret bancaire n’a pas été remis en cause: les îles Anglo-Normandes (RoyaumeUni), l’Etat du Delaware (USA), Hong Kong (Chine) ou les Bahamas, notamment. Dans ces contrées, le secret bancaire est souvent plus hermétique qu’en Suisse. Les filiales de banques helvétiques sont nombreuses dans ces paradis fiscaux. Elles trouvent ainsi le moyen de contourner l’allègement du secret bancaire envisagé en Suisse. Pertes fiscales pour tous les Etats À cause de l’évasion fiscale, le secret bancaire suisse fait perdre aux Etats des sommes d’argent importantes qui pourraient être investies en dépenses publiques diverses. En Suisse, environ 780 milliards de francs d’avoirs de personnes résidant dans le pays seraient dissimulés à l’Etat. Ceci causerait une perte pour les caisses publiques de 7,8 à 12,5 milliards de francs. A l’échelle européenne, 84% des avoirs des Européens en Suisse ne seraient pas déclarés à l’Etat d’origine. La perte pour les caisses publiques des pays de l’UE oscillerait entre 9 et 15,1 milliards de francs suisses. Enfin, les sommes placées en Suisse par les résidents des pays du Sud causeraient un manque à gagner pour les caisses publiques de ces Etats de 5,4 à 22 milliards de francs par an. Les autres atouts de la place financière suisse Les atouts de la place financière suisse ne sont pas uniquement constitués par le secret bancaire. Les investisseurs apprécient la stabilité politique, juridique et économique de notre pays ; les compétences, le professionnalisme et le savoir-faire des banquiers suisses ; la diversification des services offerts, etc. Arguments pour: Des règles strictes Les banques en Suisse ont l’obligation de connaître l’identité de leur client. Ainsi les règles sont strictes dans notre pays. Tel n’est pas forcément le cas dans d’autres pays. Œil pour œil, dent pour dent Nombreux sont les pays qui trichent en matière de concurrence internationale et ne collaborent pas au niveau fiscal. La Suisse n’a pas à renoncer à un avantage ; cela la défavoriserait face à des concurrents qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. Le secret bancaire: une matière première La Suisse a un désavantage de départ par rapport à la plupart des pays : elle n’a ni ressources énergétiques ni ressources agricoles sérieuses. Elle doit profiter du génie de sa population et des innovations technologiques pour constituer un avantage face à ses concurrents. Le secret bancaire est l’une des composantes de cet avantage. Il doit être sauvegardé. Ne pas punir l’oubli Il n’est pas acceptable qu’une personne qui a oublié de déclarer une fortune (ou un revenu) soit traitée comme un criminel et soit punie pénalement sans le bénéfice du doute. Une possibilité de se justifier devrait exister, au moins la première fois. Les étrangers attirés par le secret bancaire Si les étrangers viennent placer leurs avoirs en Suisse, la raison principale en est le secret bancaire, qui leur garantit une grande discrétion. De plus, la distinction entre fraude et évasion fiscales leur permet de contourner des taux d’imposition particulièrement élevés dans leur pays. Pour la protection de la vie privée Toute personne a droit au respect de sa vie privée, que ce soit dans ses relations familiales, ou au sujet de son patrimoine. Le secret bancaire permet le respect du rapport entre un particulier, ses avoirs et son banquier. Ce respect de la vie privée est garanti par l’article 13 de la Constitution fédérale. Puissances inégales en jeu Une « guerre » économique fait rage actuellement. Les USA et le Royaume-Uni profitent de leur puissance internationale pour faire plier un petit pays comme la Suisse et gagner des parts de marché dans le domaine de la finance. Pertes économiques graves Si la levée complète du secret bancaire était autorisée, les scénarios les plus alarmistes prédisent une perte économique grave pour la Suisse : une fuite de la moitié des fonds étrangers avec une perte de plus de 100’000 emplois et un risque pour la croissance du PIB et donc de l’économie suisse. Arguments contre: Les salariés désavantagés L’Etat oblige les salariés à lui envoyer leur certificat de salaire lors de leur déclaration d’impôt. Grâce au secret bancaire, les personnes vivant de leur fortune n’ont pas les mêmes obligations. Cette situation constitue ainsi une inégalité de traitement et une injustice au niveau de l’imposition. Le banquier ne sait pas tout Bien que les règles de vigilance en Suisse soient parmi les plus strictes au monde, il n’est pas rare que le banquier se trompe quant à la réelle identité et à l’honorabilité de son client. De plus, les banques suisses implantées dans des paradis fiscaux n’ont pas l’obligation légale de tout savoir sur leurs clients. Les nouveaux clients préfèrent la stabilité Les anciens clients, européens surtout, sont attirés principalement par le secret bancaire helvétique car il permet de se soustraire à des taux d’imposition élevés. Au contraire, la nouvelle clientèle d’Asie, du Moyen-Orient et d’Afrique provient de pays où les taux d’imposition sont faibles. S’ils viennent placer leurs avoirs en Suisse, c’est pour les compétences bancaires helvétiques. Un problème pour les exportations Le secret bancaire attire de nombreux capitaux en Suisse. Ceci a pour conséquence de renforcer la monnaie helvétique face aux autres monnaies. Ainsi, les produits suisses sont plus chers que les produits étrangers. L’industrie d’exportation, qui a un poids économique plus important que le secteur financier en Suisse, est ainsi défavorisée. L’anonymat favorise la triche Le secret bancaire n’est pas un secret fiscal. Il est donc inadmissible d’en faire un usage abusif pour protéger les tricheurs fiscaux qui se soustraient à un devoir de citoyens (celui de payer ses impôts). Payer des impôts, un bien pour tous Les recettes des impôts sont nécessaires pour le bon fonctionnement de l’Etat. Ce dernier, via diverses dépenses, répond à des besoins importants de la population et contribue à la bonne marche de l’économie suisse. L’évasion fiscale affaiblit donc tout le pays. En Suisse, la Constitution prescrit, à l’article 127, que chacun soit imposé selon ses capacités. L’optimisation fiscale pour combler les pertes Même si l’avantage constitué par le secret bancaire venait à disparaître, la place financière helvétique ne serait pas à genou. En effet, les conseillers des banques connaissent bien d’autres outils légaux pour soustraire les avoirs de leurs clients à la fiscalité. Une meilleure image de la Suisse La fin du secret bancaire contribuerait à redonner, dans le monde, une meilleure image des banques helvétiques et des autres produits suisses en général. Les risques liés à la liste noire de l’OCDE La Suisse a accepté d’assouplir son secret bancaire dans les nouveaux accords afin de ne pas figurer sur la liste noire de l’OCDE. Cette liste est composée de tous les pays refusant de signer des accords fiscaux qui favorisent l’échange d’informations entre différents Etats. Les conséquences négatives d’un refus suisse auraient été nombreuses : mauvaise image envers les investisseurs étrangers et pour les produits suisses à l’étranger, mauvaise réputation de la Suisse sur le plan politique et plusieurs sanctions qui augmenteraient le coût des transactions financières avec l’étranger. Eviter l’échange automatique d’informations Même après l’assouplissement de 2009, la Suisse essaie, face aux pressions, d’éviter l’échange automatique d’informations fiscales. Celui-ci mettrait un terme définitif à l’avantage constitué par le secret bancaire. Elle tente ainsi de signer des accords permettant de maintenir l’anonymat du client tout en récupérant une partie de l’argent de l’évasion fiscale. Ne pas revivre les erreurs du passé Ce n’est pas la première fois que la Suisse et ses banques sont sous le feu de la critique internationale. Dans les années nonante, la Suisse a dû faire face au problème des fonds juifs en déshérence : les biens des victimes des nazis, placés dans les banques suisses, que les héritiers réclamaient et que les banques refusaient de libérer (en totalité). L’affaire, qui a détérioré l’image de la Suisse dans le monde entier, s’est réglée au prix d’une coûteuse indemnisation à la charge des banques suisses. Les cantons défavorisés fiscalement Les nouveaux accords internationaux prévoient que les autorités étrangères puissent demander la levée du secret bancaire pour leurs résidents ayant un compte en Suisse, même en cas d’évasion fiscale. Les cantons mettent en évidence une inégalité de traitement: eux ne pourront demander la levée du secret bancaire pour leurs propres résidents qu’en cas de fraude fiscale. Le fisc étranger serait ainsi favorisé face au fisc suisse. Lexique Agriculture intensive ou industrielle : méthode de production agricole cherchant à faire augmenter la production d'une exploitation agricole tout en faisant diminuer ses coûts. Pour compenser l'exploitation des sols, on leur fournit des engrais et pour éviter les ravages on utilise des pesticides et fongicides. La production de tomates hors-sol, par exemple, est une méthode issue d'une industrialisation de la production des tomates. Agriculture contractuelle : système de distribution directe par le producteur au consommateur, qui se mettent d'accord sur le contenu, la qualité, le prix et la durée : il s'agit fréquemment de panier hebdomadaire. Ce système est souvent lié à l'agriculture de proximité, le respect de l'environnement, la qualité des produits et les conditions sociales de la production des aliments. Energie grise : c'est le calcul de l'impact énergétique d'une marchandise en prenant en compte l'ensemble des facteurs allant de la fabrication, à l'usage et au recyclage. C'est par exemple le chauffage d'une serre pour la production de tomates. Cycle de Doha : cycle de négociations entre membres de l'Organisation mondiale du commerce ouvert en 2001. Il vise à la libéralisation du commerce international dans une vingtaine de domaines, dont l'agriculture. Les négociations du cycle de Doha sont actuellement bloquées.. Liens Internet Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) : www.fao.org/index_fr.htm Organisation mondiale du commerce (OMC) : www.wto.org/indexfr.htm Office fédéral de l'agriculture (OFAG) : www.blw.admin.ch/index.html?lang=fr Union Suisse des paysans (USP) : www.sbv-usp.ch/fr/ Fédération romande de l'agriculture contractuelle de proximité (FRACP) : www.fracp.ch Uniterre : www.uniterre.ch/Actualites/actu.html Appellation d'origine contrôlée (AOC) et Indication géographique protégée (IGP) : www.aoc-igp.ch/fr Coop, labels : www.coop.ch/pb/site/common/node/5665/Lfr/index.html Migros, labels : www.migros.ch/fr/supermarche/marques-labels.html Calendrier des fruits et légumes : www.fruits-legumes.org/calendrier-fruits-legumes/ Auteur : Fondation Dialogue Lausanne, mai 2012