Alcoologie By Mr Martins

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MODULE
ALCOOLOGIE
Présenté par: Sergio MARTINS
Capacité en Addictologie Clinique (Paris V)
L’alcool est une molécule “subtile” selon son étymologie. Si elle est d’une structure
chimique très simple, ses effets sur l’organisme sont multiples, complexes et ubiquitaires.
Psychotrope utilisé en autothérapie depuis des millénaires, son aptitude à provoquer une
dépendance et son statut de véritable “drogue” toxicomanogène licite n’ont été vraiment reconnus
que récemment. Dans les pays occidentaux, elle est pourtant incontestablement la cause de l’une
des dépendances les plus courantes avec la dépendance tabagique. Si on se place d’un point de
vue purement physiologique, c’est une substance complexe dans ses effets biologiques sur
l’individu et les termes d’alcoolique et d’alcoolisme couramment employés restent très imprécis
quant à leur réelle signification et recouvrent des réalités très diverses. Abus d’alcool, usage
nocif, consommation problématique et alcoolodépendance représentent un groupe hétérogène de
conduites. Si on peut évaluer en France à plus de 10% de la population, soit 7 millions (dont 70%
d’hommes), le nombre des consommateurs à risque, seulement un tiers environ, soit près de 2
millions, va rencontrer véritablement des problèmes de dépendance.
DÉFINITIONS
Addiction: Du latin “addictus” (être collé à / s’adonner à une pratique / s’attacher à un
comportement). Terme juridique français du moyen âge par lequel les tribunaux statuaient une
“contrainte juridique par le travail physique du fait de l’impossibilité d’honorer une dette
contractée par ailleurs”. Cette dette pouvait être transmise d’une génération à l’autre.
Usage: Les usagers occasionnels (“expérimentateurs”) sont des sujets qui utilisent une substance
psychoactive à des fins récréatives ou festives. Ils maintiennent une vie sociale, et l’usage est
caractérisé par une consommation n’entraînant ni complication ni dommage.
Abus ou usage nocif pour la santé: Mode de consommation inadéquat mis en évidence par des
conséquences indésirables sur le plan physique, psychique et social. Des épisodes d’abus ou
d’utilisation nocive pour la santé peuvent se produire sur des périodes prolongées sans jamais
évoluer vers la dépendance.
Dépendance: Selon l’OMS, il s’agit d’un “état psychique et quelquefois également physique qui
résulte de l’interaction entre un organisme vivant et un produit et qui se caractérise par des
réactions qui comprennent toujours une pulsion à prendre le produit de façon continue ou
périodique pour retrouver les effets psychiques et/ou quelquefois éviter le malaise de la privation.
Cet état peut ou non s’accompagner de tolérance. Un même individu peut être dépendant de
plusieurs produits”.
Tolérance: Processus d’adaptation d’un organisme à une substance, par des mécanismes
moléculaires, cellulaires et comportementaux, qui se traduit par l’affaiblissement progressif des
effets du produit et entraîne la nécessité d’augmenter la dose et/ou la fréquence d’utilisation pour
obtenir les mêmes effets.
Syndrome de sevrage (manque): Syndrome clinique plus ou moins caractéristique selon le
produit, déterminé par l’arrêt ou par la réduction des quantités d’une substance psychoactive prise
de façon continue et prolongée. Plus la substance induit une tolérance, plus le syndrome de
sevrage est prononcé.
NEUROPSYCHOBIOLOGIE DE LA DÉPENDANCE
Une substance neurotoxique à potentialité addictive comme l’alcool, n’est pas
toxicomanogène pour tout le monde. Après une première rencontre avec ce produit, certains
sujets souhaitent plus ou moins compulsivement renouveler l’expérience, d’autres non. Cela
suggère que l’organisme se trouve, pour ces deux catégories de sujets, dans deux états différents.
Il est important de comprendre cet état de prédisposition momentanée ou durable. L’alcool ayant
frayé au sein de l’organisme ses voies d’action pharmacologiques, le cerveau s’étant réorganisé
en raison de la pression environnementale régulière qu’est la molécule, alors la compréhension
du phénomène s’oriente vers l’étude de cet état cérébral, plus précisément des mécanismes de la
dépendance (et de la tolérance). L’état cérébral s’intègre dans des circuits complexes dans
lesquels les stimulus de l’environnement, les conditionnements et aussi les rétroactions du
comportement sur le cerveau interviennent puissamment. Un alcoolodépendant “sevré” pourra
subir un syndrome de sevrage alors qu’il se trouve dans l’environnement ou en contact avec les
stimulus qui étaient liés aux rituels de la prise de boisson; de même le syndrome est bien plus
sévère chez les animaux qui s’autoadministrent une drogue volontairement, que chez ceux qui la
reçoivent passivement avec des contingences (rythme et dose) rigoureusement identiques.
Si l’on admet que tout comportement est contrôlé par ses conséquences, l’alcool (ses
effets), en renforçant la réponse qui permet de l’obtenir, a des propriétés renforçantes. Pour
résumer, trois systèmes de neurones seraient impliqués: DA (dopamine), GABA (acide gammaamino butyrique), opioïdes. Des données impliquant les systèmes dopaminergique et opioïdes, de
façon indirecte par l’intermédiaire des récepteurs GABA (sédatifs) occupés par l’alcool,
rapportent le rôle central à la fois du Noyau Accumbens et de l’Aire Tegmentale Ventrale (ATV)
où sont localisés les corps cellulaires des neurones à dopamine mésocorticolimbiques. Tout cela
semble nous orienter, en ce qui concerne les effets renforçants, vers une voie finale commune,
l’ensemble des structures modulées par les neurones dopaminergiques et opioïdes , car ils
occupent une place privilégiée au sein du système nerveux central et sont impliqués dans le
contrôle des conduites affectives et des émotions, dont le plaisir. On le nomme “circuit de
récompense”. La convergence de l’effet des différents produits addictifs sur les neurones
dopaminergiques explique les sensations agréables éprouvées lors de la prise d’alcool (ou
d’autres substances) et permet de comprendre pourquoi la personne dépendante peut passer sans
difficulté d’un produit à l’autre.
Le terme de dépendance physique caractérise l’état pour lequel l’utilisation de l’alcool
est indispensable au maintient de fonctions physiologiques normales. Cette dépendance apparaît à
l’occasion de l’interruption de la prise chronique et se caractérise par un syndrome de sevrage ou
d’abstinence, consistant en des nombreuses perturbations physiopathologiques généralement
qualitativement opposées aux effets de l’alcool. L’exposition prolongée et répétée à l’alcool (qui
induit une diminution de l’occupation des récepteurs NMDA (excitateurs) entraîne un mécanisme
de compensation qui abouti à une augmentation de l’excitabilité de ces neurones. Cette
hyperexcitabilité est en fait révélée lors du sevrage, en raison de l’interruption brutale de l’action
de l’alcool sur les récepteurs. Cette augmentation soudaine de la quantité de NMDA agissant sur
des récepteurs hypersensibilisés explique les manifestations comportementales: instabilité
psychomotrice, excitation, irritabilité et agressivité, oscillations rapides des sentiments et de
l’humeur. Ces sensations extrêmement désagréables (voire douloureuses) constituent un élément
majeur dans le comportement de recherche d’alcool en vue de rétablir un équilibre perdu par
l’arrêt brutal de la consommation du produit.
CLINIQUE DES CONDUITES D’ALCOOLISATION
En soulignant l’étymologie du terme, J. Bergeret avait proposé un emploi particulier du
mot “addiction”: dérivé du latin addictus, il désignait la contrainte par corps. Cet auteur proposait
de l’employer dans le cadre d’un abord psychanalytique, où la dépendance corporelle aurait pour
le sujet valeur de tentative inconsciente de régler une dette. La clef de la dépendance serait à
chercher dans la source de ce sentiment de dette, à travers le vécu du sujet: “il s’agit de
considérer à la suite de quelles carences affectives le sujet dépendant est amené à payer par son
corps les engagements non tenus et contractés par ailleurs”.
Selon Pedinielli, ce terme “doit être compris comme une notion descriptive qui désigne le
champ des conduites caractérisées par des actes répétés dans lesquels prédomine la dépendance à
une situation ou à un objet matériel, qui est recherché et consommé avec avidité”. Le champ
d’application des addictions s’avère particulièrement large et même ouvert: alcoolisme,
toxicomanie, dépendance médicamenteuse, anorexie mentale, boulimie, conduites d’achats
pathologiques, dépendance sexuelle et affective, jeu pathologique, tabagisme, tentative de suicide
à répétition, dépendance au travail, dépendance idéologique, etc.
Théorisation psychanalytique
La brève passion de Freud pour la cocaïne, ses publications sur ce “médicament” qu’il présenta
de façon dithyrambique, son tabagisme chronique ne conduisirent pas le fondateur de la
psychanalyse à mener une étude systématisée sur la psychopathologie des personnes en difficulté
avec l’alcool. Freud a cependant mis en évidence l’intensification constitutionnelle de l’érotisme
oral chez les alcoolodépendants. Selon Rado, une forme particulière de dépression se trouve à
l’origine des oscillations d’humeur en rapport avec la prise d’alcool. Glover, Fenichel et
Rosenfeld élaboreront à leur tour des théories décrivant la polyvalence fonctionnelle de l’objet
alcool. La dimension dépressive se traduit par un sentiment de vide, une absence de pensée, un
manque de défense contre les affects. L’alcool procure souvent, en maintenant magiquement
l’auto-érotisme, une période d’euphorie de courte durée. La dépendance représenterait une
tentative de défense et de régulation contre les déficiences et les failles narcissiques du sujet.
Théorie de Stenton Peele
L’expérience analgésique(comprise comme la suppression des douleurs à la fois physiques et
psychiques) occupe ici une place centrale. L’auteur constate que toute substance qui remplit un
rôle d’analgésique est susceptible d’entraîner une dépendance. C’est le soulagement de la
souffrance qui conduit le sujet à répéter l’expérience, puisque sous l’influence du produit
analgésique, il se désintéresse des sources de son angoisse. L’analgésie peut être obtenue par le
recours à des séquences comportementales, des conduites aux conséquences connues et
prévisibles, et non seulement par le recours à des produits exogènes. L’auteur accorde une
importance essentielle au facteur contexte: il cite les diverses modalités de consommation dans
de diverses civilisations et attire l’attention sur le fait que les individus réagissent différemment
selon l’ambiance. La singulière combinaison qui caractérise l’addiction se compose à la fois
d’éléments relevant de la dépendance (satisfaction du besoin, motivation par renforcement
positif) et d’éléments relevant de la compulsion (fuite ou évitement du malaise interne,
motivation par renforcement négatif).
Recherche de sensations
Depuis les années soixante, le psychiatre américain M. Zuckerman a développé la notion de
recherche de sensations et tend à en faire un trait de caractère, lié à des différences biologiques
entre les individus. Adaptée en France par D. Widlocher, l’échelle de recherche de sensations est
un questionnaire qui se décompose en quatre dimensions: recherche de danger et d’aventure;
recherche de nouveauté; désinhibition; susceptibilité à l’ennui. La recherche de sensations serait
liée au besoin de maintenir ou d’atteindre un certain niveau d’activité cérébrale. Les différences
entre individus proviendraient des différences dans le seuil d’activation: pour obtenir une
sensation équivalente, certains doivent recourir à plus de stimulations que d’autres.
Alexithymie
En 1972, Sifneos propose le terme d’alexithymie pour désigner le fonctionnement de nombreux
patients sous forme d’affections organiques chroniques à forte composantes psychosomatiques.
Étymologiquement dérivé du grec, ce concept renvoie à l’absence de mots pour exprimer des
émotions. Sifneos présente ainsi son concept: “une vie fantasmatique pauvre avec comme résultat
une forme de pensée utilitaire, une tendance à utiliser l’action pour éviter les conflits et les
situations stressantes, une restriction marquée dans l’expression des émotions et particulièrement
une difficulté à trouver les mots pour décrire ses sentiments”.
Problématique narcissique et difficulté d’intériorisation
En ce qui concerne les cas de personnalités dépendantes, on peut parler d’une perturbation
précoce du narcissisme. Chez ces sujets on ne trouve pas de trace d’identification à une mère
interne protectrice. L’alcool jouera un rôle d’objet interne faussement sécurisant. Cet état de
dépendance narcissique a pu se constituer ainsi dès les tous premiers stades de maturation
psychique, favorisant ensuite une fragilité de la relation d’objet et des possibilités identificatoires.
Le recours à l’addiction a pu constituer par la suite une tentative magique pour pallier le défaut
de représentation d’une instance maternelle adéquate. Ces carences de l’intériorisation se
retrouvent également dans les comportements de type anorexie-boulimie.
Défaut de symbolisation et l’ivresse
Tout objet constituant une effraction traumatique pour le sujet dépendant, ce dernier va être
amené à se construire une carapace narcissique afin de se protéger des aléas de la relation
objectale. Dans cette pathologie de l’objet transitionnel, où les mosaïques remplacent l’objet
humain au lieu de le symboliser, l’alcool apparaît comme objet partiel conférant au sujet un
sentiment illusoire de toute puissance. Le sujet va ainsi nier l’importance de l’objet humain et
faire l’économie de l’ambivalence envers l’être aimé. Ces défenses narcissiques pathologiques
entraînent une faille dans l’Idéal du Moi, l’estime de soi et le sentiment de l’identité personnelle.
Le repli auto-érotique que réalise la “solution” alcool vient court-circuiter l’échange humain et
langagier; il constitue une stratégie pour se mettre à l’abri des réactions imprévisibles de l’objet,
en tant qu’il est lui un sujet. À travers l’hétérogénéité des pathologies addictives, certains
repèrent une même souffrance compulsive accompagnant l’activité de pensée. Le corps va
prendre une fonction essentielle, en tant que lieu et possibilité de souffrance. Dans cette relation
passionnelle et aliénante entre le sujet et l’alcool, le plaisir est devenu un besoin. La dépendance,
l’asservissement à un objet extérieur engendrera tôt ou tard un éprouvé de souffrance auquel le
sujet va s’accrocher de toutes ses forces. L’abstinence, avec le retour de la réalité et de la douleur,
va entraîner une réapparition des limites corporelles, aiguisant la perception du monde, la
souffrance constituant ainsi une preuve de son existence. Éprouver le manque va donc permettre
au sujet de se sentir vivant. Dans ces pratiques, la non satisfaction du besoin engendré par le
manque, devient alors le moyen le plus efficace pour se maintenir comme être désirant échappant
ainsi paradoxalement à la mort psychique. Malgré la nouvelle dépendance ainsi créée, les sujets
addictifs tentent de réunir les conditions nécessaires à l’émergence du désir. Le besoin du besoin,
le manque du manque vont donc présider à cette démarche complexe. C’est du manque du
manque dont le sujet a peur, et le manque devient lui-même objet du désir. L’alcoolodépendant
convoque le manque par sa dépendance même, ce qui lui permet de retrouver son désir toujours
renaissant.
Adolescence, alcool et conduites ordaliques
Les approches de santé publique en matière de prévention de risque doivent composer avec la
dimension individuelle et avec le fait que pour certains sujets, le risque est vécu comme un
élément positif. Dans les conduites d’alcoolisation chez les adolescents, la prise de risque peut
revêtir le sens implicite ou explicite d’une épreuve que le sujet s’impose, afin de prouver au
groupe ou à lui-même sa capacité à être autonome. Nombre de tentatives de suicide chez les
adolescents ont ainsi une double face, autodestruction d’un côté et appel à une vie libérée de
l’autre. L’usage d’alcool est en quelque sens polysémique: toutes les craintes et aspirations des
adolescents s’y condensent, ainsi que leur quête d’accéder à des valeurs profondes, le secret et le
sacré du groupe. Mais l’institution de la dépendance, de l’addiction, peut venir signer l’échec de
cette tentative de passage et d’isolement progressif du sujet sur le plan affectif et social. La
notion de conduites ordaliques a été développée depuis les années 80 et exposée dans des
nombreux travaux. L’ordalie désigne “toute épreuve juridique usitée, dans le Moyen Âge, sous le
nom de Jugement de Dieu”. “Ordéal” en vieil anglo-saxon signifie “sans partage”, “sans
division”. Il y a une procédure que l’on n’ose pas désigner par son nom, et l’on indique seulement
que cela sera “sans partage”. Prendre des risques, s’en remettre au hasard, à la chance, pour en
sortir victorieux, prêt pour une nouvelle vie, comme une mort suivie de résurrection, est une
façon d’interroger l’Autre sur le droit à sa propre vie. La conduite ordalique comporte donc en
soi, une dimension transgressive: quand la santé, la jeunesse, sont des valeurs dominantes, et
quand la maladie et la mort équivalent au mal absolu, les conduites de prise de risque sont vécues
par l’entourage comme hors la loi. Des nombreuses études portent sur les traumatismes précoces,
les carences affectives, les traumatismes sexuels de l’enfance...Tout se passe comme si certains
de nos patients avaient été brutalement privés de sécurité ou d’amour. Parvenus à l’adolescence,
ils se trouvent dans une situation que nous pourrions appeler de “dette inversée”: plutôt que
d’être redevables de la vie et de la possibilité de bien être, ils se comportent comme si la société
avait une dette envers eux.
MÉTABOLISME DE L’ALCOOL
Approximativement 80% de la dose absorbée est oxydée dans le foie. Environ 15% sont
oxydés dans les tissus extrahépatiques. Entre 2% et 5% sont éliminés par voie urinaire, sudorale
et pulmonaire sans être métabolisé. L’alcool, absorbé essentiellement au niveau du duodénum et
du jéjunum, diffuse dans un espace équivalent à celui de l’espace hydrique (volume total d’eau
dans l’organisme). Trois systèmes enzymatiques transforment l’éthanol en acétaldéhyde au
niveau du foie: ADH (alcool déshydrogénase) à hauteur de 90 % de la totalité de l’alcool
métabolisé, MEOS (microsome enzymatique oxydation système) à hauteur de 8 % dont le célèbre
CYP 2E1, et la catalase à hauteur de seulement 2 %. L’acétaldèhyde est métabolisé en acétate par
l’enzyme ALDH (acétaldéhyde déshydrogénase). L’acétaldéhyde est une substance toxique
responsable des réactions physiologiques qui surviennent le lendemain d’une surconsommation:
maux de tête, nausées, transpiration, tremblements, rougeur faciale, etc.
L’alcoolémie, quantité d’alcool dans le sang circulant exprimée en grammes par litre (g/l),
est maximale après 45 minutes lors d’une consommation à jeun. Au cour d’un repas, la
concentration est maximale entre 60 et 90 minutes, car la présence de nourriture dans l’estomac
ralenti le vidage gastrique retardant ainsi l’absorption d’alcool et réduisant le pic d’alcoolémie.
Un individu de corpulence moyenne peut éliminer 0,15 g/l/heure. Si son alcoolémie est de 0,6 g/l,
il lui faudra au moins quatre heures pour éliminer la totalité de l’alcool.
Le volume de distribution hydrique occupé par l’alcool est plus faible chez les femmes, ce
qui veux dire qu’à poids égal et pour une même dose d’alcool, la femme aura une alcoolémie
plus élevée que celle de l’homme. La vitesse du métabolisme de l’éthanol est très variable d’un
individu à l’autre compte tenu du polymorphisme génétique des enzymes responsables de
l’élimination. Pour calculer le taux d’alcool dans le sang nous devons utiliser la formule suivante:
Quantité d’alcool pur en grammes
________________________________
Poids (Kg)
X
0,6(f) ou 0,7(h)
A (g)
=
__________
=
Alcoolémie en G / L
Kg x 0,6 ou 0,7
Il faut savoir que dans un but de standardisation, les boissons consommées dans les lieux
publiques ont toutes la même quantité d’alcool pur. Cela veut dire que dans un verre de vin, dans
une canette de bière, une dose de whisky, un pastis, un porto, un martini, on trouve 10 grammes
d’alcool pur.
LES INTERACTIONS ALCOOL / MÉDICAMENTS
Dans un contexte d’alcoolisation aiguë, l’alcool potentialise l’action des psychotropes
sédatifs (benzodiazépines, anticonvulsivants, antidépresseurs sédatifs) par les interactions avec le
système GABA (neurones sédatifs) et par un mécanisme de compétition enzymatique. L’alcool
ayant plus d’affinité pour l’enzyme responsable du métabolisme du médicament, l’action de ce
médicament (sédation, dépression respiratoire) sera plus prolongée dans le temps et plus
prononcée du point de vue pharmacologique.
Dans un contexte d’alcoolisation chronique, le foie augmente la vitesse d’élimination de
médicaments tels le Méprobamate, le Phénobarbital, les anti-vitamine K (anticoagulants). Ces
médicaments auront une moindre efficacité lors de leur utilisation chez les consommateurs
chroniques. Toute dose élevée accroît l’hépatotoxicité.
D’une façon générale, les français sont connus comme étant de grands consommateurs
d’alcool et d’anxiolytiques. Les dépendances croisées, alcool-benzodiazépines, ne sont pas
évidentes à découvrir lors des consultations. Il est plus facile d’évoquer la prise de BZD que celle
d’alcool... Si avec des doses minimales de BZD, le risque de potentialisation est faible, il présente
de réels éléments de dangerosité dès que la posologie et/ou l’alcoolisation augmentent, sous
forme de somnolence, de baisse de la vigilance, d’incoordination. Les risques sont considérables
lors de la conduite automobile et de certaines activités de travail et de loisirs. L’alcoolisation
chronique diminue de 50 % la demi-vie plasmatique du Méprobamate (Equanil) et du
Mépronizine.
L’alcool majore l’effet sédatif de la presque totalité des antidépresseurs tricycliques. Par
contre cet effet ne s’observe pas chez les personnes traitées par Nortriptyline ou par
Clomipramine.
Avec toutes les classes de neuroleptiques, des précautions identiques sont à prendre à cause
de la potentialisation des effets sédatifs.
Avec les antibiotiques il y a souvent une baisse d’efficacité en cas d’alcoolisation, parfois
des effets “antabuse” et/ou de potentialisation des effets de l’alcool.
L’interaction entre le paracétamol et l’alcool est ambiguë. Le métabolisme hépatique du
paracétamol produit un dérivé toxique. En cas de consommation aiguë et massive d’alcool et de
paracétamol (dans un but suicidaire par exemple), ayant une affinité majeure pour l’enzyme
responsable du métabolisme, l’alcool jouera un rôle protecteur car la production du dérivé
toxique sera ralentie. Par contre, en cas d’alcoolisation chronique, le système enzymatique ayant
été induit au préalable, une quantité à peine supra thérapeutique de paracétamol est capable de
provoquer une hépatite toxique grave parfois mortelle.
ALCOOL ET CANCERS
La relation entre alcool et cancer est établie dans la littérature scientifique depuis longtemps.
L’association entre consommation d’alcool et cancers des voies aérodigestives supérieures
(bouche, pharynx, larynx, oesophage) et du foie est considérée comme établie. Celle avec le
cancer du sein et le cancer colorectal est quant à elle considérée comme probable. Enfin, la
relation avec le cancer du poumon est considérée comme possible. La consommation d’alcool n’a
certainement pas d’influence sur le cancer de la vessie, probablement pas sur le cancer de
l’estomac ou du pancréas, et vraisemblablement pas sur le cancer de la prostate et du rein. Parmi
les mécanismes impliqués dans le développement de cancers figurent l’effet de l’éthanol en tant
que solvant de substances cancérigènes, l’induction des enzymes microsomales (cytochrome P
450), la défaillance du système immunitaire et la production de radicaux libres. L’effet conjoint
de la consommation d’alcool et tabac multiplie par 15 le risque de cancer de la cavité buccale et
du pharynx par rapport aux non buveurs et non fumeurs.
ALCOOL ET MALADIES ALCOOLIQUES DU FOIE (MAF)
Le stress oxydant (formation de radicaux libres dérivés de l’oxygène) est l’un des
mécanismes essentiels de l’hépatotoxicité de l’éthanol. ces molécules très agressives pour
l’hépatocyte agissent par toxicité sur les composants de la paroi, sur l’expression de gènes du
collagène des cellules de Ito en induisant la fibrose intracellulaire, ainsi que sur les cellules de
Kupffer induisant la libération de cytokines pro-inflammatoires. Les autres produits du
métabolisme hépatique de l’alcool tels l’acétaldéhyde et le NADH sont également toxiques pour
le foie. Près de 9.000 décès sont recensés en France chaque année par cirrhose alcoolique. Les
maladies hépatiques provoquées par la consommation excessive d’alcool (stéatose, hépatite
alcoolique, cirrhose) peuvent exister isolément ou être associées. Leur diagnostic est difficile. La
clinique est peu informative hormis pour la cirrhose et pour l’hépatite alcoolique sévère. Seule
l’analyse hystologique du foie (PBH) permet de porter un diagnostic précis.
LES IVRESSES
IVRESSE SIMPLE: La clinique de l’ivresse simple (I.E.A. - intoxication éthylique aiguë)
comporte trois phases “doses dépendantes”. La première phase d’excitation psychomotrice est
caractérisée par la désinhibition, logorrhée, familiarité, euphorie superficielle, diminution de
l’attention et de la concentration ainsi que par une certaine labilité de l’humeur. Pendant la phase
d’ébriété (incoordination) le discours devient incohérent, la démarche est caractéristique
(ataxique), la somnolence et la confusion sont au premier plan. La phase comateuse est marquée
par une baisse importante de la vigilance avec hypothermie, abolition des réflexes ostéotendineux, hypotension artérielle et amnésie.
IVRESSES PATHOLOGIQUES
Forme excito-motrice: agitation clastique avec des conséquences médico-légales.
Forme hallucinatoire: distorsion cauchemardesque de la réalité avec hallucinations auditives.
Forme délirante: épisodes délirants aigus à thème de jalousie, persécution et grandeur.
Forme dysthymique: avec troubles de l’humeur du type euphorie/logorrhée ou dépression.
ALCOOLISATION CHRONIQUE
Signes d’impregnation éthylique:
Teint congestionné, télangiectasies, conjonctives injectées, tremblements de la bouche et de la
langue, troubles du sommeil, agitation, anorexie, troubles neurologiques, troubles de l’affectivité,
de la mémoire et du comportement.
Complications somatiques:
Stéatose hépatique, cirrhose hépatique, insuffisance hépato-cellulaire, ictère, hépatomégalie,
encéphalopathie hépatique, signes cutanés (angiomes stellaires, érythrose palmaire, hippocratisme
digital), anémie.
Hypertension portale, circulation veineuse collatérale abdominale, varices eosophagiennes, ascite,
splénomégalie, gastrite et pancréatite.
Polynévrite sensitivo-motrice, névrite optique rétro-bulbaire, convulsions.
Complications psychiatriques:
Syndrome de sevrage alcoolique, délire alcoolique subaigu, délirium tremens, encéphalopathies
de Korsakoff et de Gayet-Wernicke.
CLASSIFICATIONS ACTUELLES
Dans un but de standardisation sur le plan international, le verre d’alcool (unité
internationale) ou verre standard est considéré comme ayant 10 grammes d’alcool pur. Cela
veut dire qu’un verre de vin, un verre de whisky, une dose d’apéritif ou toute autre boisson
consommée dans les lieux publiques contiennent approximativement 10 grammes d’alcool pur.
Dans les études épidémiologiques les enquêteurs prennent en compte la Consommation Déclarée
d’Alcool (CDA).
La communauté scientifique internationale individualise quatre grandes modalités de
consommation. L’usage simple, non pathologique, qui, par définition, n’entraîne pas de
dommages, ne saurait être considéré comme pathologique. Les usages à risque qui font le lit des
catégories suivantes et qui comportent des facteurs situationnels (conduite automobile, grossesse,
prise concomitante de médicaments), facteurs qualitatifs (consommation précoce, cumul de
consommations, usage auto-thérapeutique, conduites d’excès) et facteurs quantitatifs (plus de 3
verres par jour pour un homme et plus de 2 verres par jour pour une femme). Les usages nocifs
ou abus qui correspondent à la très longue période pendant laquelle le sujet a des ennuis liés à sa
consommation, mais sans être encore devenu dépendant. Cette catégorie sa caractérise par
l’apparition de dommages “sanitaires” (somatiques, psychiatriques) ou “sociaux” (retentissement
socio-professionnel ou familial). Elle s’accompagne souvent de plaintes du sujet lui-même ou de
l’entourage. La dépendance, phase ultime des conséquences pathologiques, est une perturbation
importante et prolongée du fonctionnement neurologique et psychologique. Elle se traduit par des
signes de sevrage, une tolérance, un comportement de consommation compulsive et de
dommages graves.
INDICATEURS DE RISQUE
Les caractéristiques individuelles et sociales, non spécifiques à l’usage d’alcool, sont
extrêmement importantes à analyser comme éléments diagnostics et pronostiques. Les connaître
permet d’apprécier la globalité d’un tableau clinique dans une histoire individuelle et
environnementale singulière. Repérer la persistance, la répétition et le cumul de ces indicateurs de
gravité psychologiques, psychiatriques et sociaux doit faire craindre un malaise plus profond et
impose une action thérapeutique spécialisée.
Indicateurs de risque individuels:
Traits de personnalité:
Précocité du début d’usage, recherche de sensations, faible évitement du danger, recherche de
nouveauté.
Comportement perturbé et rupture dans le développement:
Caractère agressif, arrêt des activités investies auparavant, modification de la relation à son
propre corps.
Comorbidité psychiatrique:
Trouble de conduites alimentaires, trouble de l’humeur, troubles anxieux, plaintes
psychosomatiques, hyperactivité.
Événements traumatiques:
Pertes et deuils, violences et abus sexuels, maladies graves.
Indicateurs de risque environnementaux:
Facteurs familiaux:
Relations familiales instables, troubles psychiatriques chez les parents, habitudes de
consommation familiale, événements de vie familiaux.
Facteurs d’environnement social:
Perte de repères sociaux, misère familiale, instabilité ou rupture scolaire, marginalité.
Rôle des pairs:
Initiation d’une consommation, consommation en groupe, désocialisation et délinquance.
LE SYNDROME DE SEVRAGE
Après une période de consommation relativement prolongée (très variable d’un individu à
l’autre), l’organisme présente des signes physiologiques qui indiquent qu’un équilibre fragile a
été créé en présence de l’alcool et que cet équilibre a été rompu au moment de l’arrêt ou de la
baisse de la consommation. Les signes cliniques les plus importants sont: tremblements,
transpiration, variations de la tension artérielle, bouche sèche, tachycardie, anxiété, irritabilité,
insomnie, nausées, vomissements. Au stade avancé d’intoxication, l’apparition du “délirium
tremens” annonce l’aggravation du tableau clinique: majoration des tremblements, hallucinations
surtout visuelles, syndrome confuso-onirique.
LA COMORBIDITE ALCOOL / DÉPRESSION / ANXIÉTÉ
L’alliance abus d’alcool/anxiété est bien connue. Dans toutes les études, on retrouve un
pourcentage élevé de troubles anxieux chez les abuseurs d’alcool et un taux élevé de
consommation excessive chez les personnes souffrant de troubles anxieux. Les troubles anxieux
les plus fréquemment associés aux consommations à problème sont: agoraphobie, la phobie
sociale, l’anxiété généralisée.
Les conduites d’alcoolisation engendrent d’avantage la dépression que la dépression ne
conduit aux consommations excessives. La sensibilité aux frustrations est un trait commun aux
dépressifs et aux abuseurs d’alcool. La grande majorité des consommateurs excessifs d’alcool
sont dans l’incapacité à gérer les déceptions et frustrations de la vie quotidienne. Entre l’idéal
impossible à atteindre et la réalité difficilement supportable, s’ouvrira une béance difficile à
combler affectivement.
L’ALCOOL ET LA ROUTE
Le décret du 29 août 1995 a fixé le taux légal d’alcoolémie à 0,5 g/l de sang (0,25 mg/l
d’air expiré). Le dépassement de ce taux est une contravention passible d’un retrait de 3 points
du permis de conduire et d’une amende forfaitaire de 130 euros. Le dépassement du taux de 0,8
g/l de sang (0,40 mg/l d’air expiré) est un délit passible d’un retrait de 6 points du permis de
conduire, d’une peine de prison, d’une suspension du permis de conduire et d’une amende.
Actuellement, la répression repose sur une double compétence administrative et judiciaire.
Les procédures administratives sont de trois types: normale, d’urgence et d’extrême urgence
dans lesquelles le préfet peut prononcer une suspension du permis allant jusqu’à six mois et
même un an en cas de délit de fuite, homicide ou blessures involontaires. Ces procédures
administratives sont critiquées car elles ne garantissent pas toujours les droits de la défense
(simple avis d’un représentant de la commission). Actuellement les Procureurs de la République
utilisent de plus en plus la procédure judiciaire de comparution immédiate devant le Tribunal
Correctionnel en cas d’homicide involontaire ou de récidive. Des peines d’emprisonnement de
deux mois à deux ans qui peuvent être portées à quatre ans en cas d’homicide involontaire
commis par un conducteur ayant une alcoolémie délictuelle. Des amendes de 300 à 4600 euros
pouvant être portées à 9000 euros en cas d’homicide involontaire. Le refus de se soumettre aux
vérifications entraînent des peines équivalentes aux peines prononcées en cas de conduite en état
d’ivresse. D’autres peines peuvent être prononcées comme complément ou comme peine de
substitution à l’emprisonnement: suspension ou annulation du permis de conduire pour une durée
de trois ans. Des peines de travail d’intérêt général (40 à 240 heures sur 18 mois maximum) et
l’injonction thérapeutique sont prononcées, invitant le malade à se soigner et éventuellement en le
signalant à l’autorité sanitaire. Il faut par ailleurs souligner, qu’un conducteur provoquant un
accident en état d’alcoolémie ne touche pas d’indemnité de la part de son assurance en cas de
blessures, les réparations de la voiture ne sont pas remboursées, il n’est pas défendu par son
assurance devant le Tribunal Correctionnel. De plus, l’assureur peut majorer la prime d’assurance
de 150 à 400 % en cas de sanctions multiples ou résilier le contrat. Au moment de la souscription
d’un nouveau contrat, une condamnation antérieure due à l’alcool doit être indiquée et peut
conduire à un refus de garantie.
ALCOOL ET GROSSESSE
Chez les femmes en difficultés avec l’alcool, la fréquence du Syndrome d’Alcoolisation
Foetal (SAF) est de 40 % approximativement. Les altérations morphologiques du foetus
apparaissent généralement à partir d’une dose de trois verres par jour. Des travaux récents
indiquent que même en absence de SAF manifeste, la consommation d’alcool de façon régulière
peut être à l’origine de difficultés futures ce qui ne permet pas d’indiquer un seuil de
consommation en dessous duquel il n’y aurait pas de risque pour le foetus. Le profil de mères
consommatrices: femmes de plus de trente ans, multipares, ayant souvent des parents en difficulté
avec l’alcool, en situation d’isolement familial ou social, ne se faisant pas suivre médicalement,
tabagisme et caféisme associés.
Le S.A.F.: une dysmorphie craniofaciale, microcéphalie, anomalie du philtrum,
rétrécissement de fentes palpébrales, rétrognatisme. Retard de croissance intra-utérin et atteinte
du système nerveux central (hypotonie, irritabilité, clonies, difficultés de succion, troubles du
sommeil). Après la naissance, le déficit intellectuel est évident. Les troubles du comportement se
pérennisent sous forme d’irritabilité, d’instabilité et d’hyperactivité. Avec l’âge les malformations
faciales s’estompent, mais dans 86% des cas, persistent l’anomalie du philtrum, un rétrognatisme,
un nez “en trompette” et une petite tête fripée. Le Q.I. dépasse rarement 70.
ALCOOL ET VIH
Quelques études associent l’alcool et les comportements sexuels à risque pouvant
entraîner une sérologie VIH positive. D’autres études soulignent les interactions entre l’alcool et
le système immunitaire. Les grands buveurs ont une fréquence importante d’infections. Les
femmes en situation de surconsommation souffrent de difficultés relationnelles qui les empêchent
d’avoir un véritable choix de leur partenaire. Une de ces études prouve que 50% des jeunes et
64% des femmes ne prennent pas de précaution lors des rapports sexuels qui succèdent à une
consommation excessive d’alcool. Si les homosexuels se protègent régulièrement avec des
préservatifs, il en est différemment pour les hommes qui ont des relations épisodiques avec
d’autres hommes: pour ces derniers, leurs relations se passent souvent lors de moments de
consommation d’alcool ou de drogues diverses.
STRATÉGIES DE PRISE EN CHARGE
Pour être efficace et cohérente, sur le plan individuel comme dans une perspective de
santé publique, la prise en charge des sujets ayant une consommation problématique impose
essentiellement trois types d’actions complémentaires.
Modifier les comportements de consommation:
La description des niveaux de motivation par Prochaska est considérée comme particulièrement
opérationnelle dans le champs des addictions. Elle permet d’apprécier le degré de motivation, un
des éléments clés de la réussite d’une prise en charge. Le cycle de Prochaska décrit les 6 étapes
d’un changement de comportement: le pré-intention, l’intention, la préparation, l’action, le
maintien, la résolution. Pour accompagner une personne dans son désir de changement, il faut
tenir compte du stade où elle se trouve. À chaque étape correspondent des modes d’intervention
adaptés. Tout passage d’une étape à la suivante doit être considéré comme une réussite, aussi bien
par le professionnel que par le patient. Le processus n’est pas linéaire: il peut y avoir des retours à
un stade précédent; une étape peut durer plus ou moins longtemps. C’est l’un des intérêts de ce
schéma que de prendre en compte la possibilité de retour en arrière comme partie intégrante du
processus de changement. L’expérience montre d’ailleurs qu’avec ce type de méthode, en cas de
rechute, la personne revient très rarement au stade de la pré-intention. Elle envisage très vite une
nouvelle tentative de changement et ses chances de succès sont d’autant plus importantes. La
stratégie vise à développer les motivations au changement du patient et sa responsabilité
personnelle. Elle doit tenir compte de son ambivalence quant aux changements dans ses
comportements de consommation. Il est totalement illusoire de chercher à faire atteindre par un
patient un objectif qui ne lui convient pas. Les trois méthodes actuellement utilisées sont: le
conseil simple (expliquer au patient que sa consommation est importante, qu’il encourt certains
risques et lui proposer très concrètement une réduction de la consommation ne dépassant pas le
seuil fixé par l’OMS); l’intervention alcoologique ultra-brève (un feed-back donné au patient
sur sa consommation d’alcool, une explication sur la notion de “verre d’alcool”, une explication
sur les limites de consommation modérée); l’intervention brève (elle va du conseil peu structuré
et de courte durée à des techniques beaucoup plus formelles, reposant sur les concepts de
l’autocontrôle comportemental).
Diminuer les problèmes:
La prise en compte des problèmes médicaux, psychologiques et sociaux s’impose du fait même
de leur existence et de leurs conséquences, mais aussi comme un élément primordial, susceptible
d’influer sur les consommations nocives. Les situations de stress, les souffrances psychologiques,
les difficultés sociales sont des facteurs de rechute majeurs. L’action sur l’environnement
relationnel et familial, amical ou social, est toute aussi essentielle. L’objectif capital est d’éviter la
rupture des liens affectifs et sociaux, et d’éviter la marginalisation.
Réduire les risques:
Le choix de l’intervention dépend des risques inhérents à la consommation d’alcool (conduite en
état d’ivresse, prise de médicaments associée, grossesse, pathologies psychiatriques).
LES QUESTIONNAIRES
Evaluation de l’ABUS (DSM IV)
1) Avez-vous été à plusieurs reprises ivre alors que vous aviez des choses à faire au travail, à
l’école ou à la maison? Cela a-t-il posé des problèmes?
2) Vous est-il arrivé d’être sous l’effet de l’alcool dans une situation où cela était physiquement
risqué, comme conduire, utiliser une machine ou un instrument dangereux, faire du bateau, etc.?
3) Avez-vous eu des problèmes légaux parce que vous aviez bu, comme une interpellation ou une
condamnation?
4) Avez-vous continué à boire tout en sachant que cela entraînerait des problèmes avec votre
famille ou votre entourage?
Une réponse positive (ou plus) à ces questions est évocatrice d’une consommation nocive.
Le DETA
1) Aves-vous déjà ressenti le besoin de Diminuer votre consommation de boissons alcoolisées?
2) Votre Entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation?
3) Avez-vous déjà eu l’impression que vous buviez Trop?
4) Avez-vous déjà eu besoin d’Alcool dès le matin pour vous sentir en forme?
Deux réponses positives (ou plus) à ces questions sont évocatrices d’une consommation nocive.
Le “CRAFFT” test
1) Etes-vous déjà monté dans un véhicule (car) conduit par quelqu’un (vous y compris) qui avait
consommé de l’alcool?
2) Avez-vous déjà utilisé de l’alcool pour vous détendre (relax), pour vous sentir mieux ou pour
tenir le coup?
3) Utilisez-vous de l’alcool quand vous êtes seul (alone)?
4) Avez-vous déjà oublié (forget) des choses que vous deviez faire (ou fait des choses que vous
n’auriez pas faites) quand vous utilisez de l’alcool?
5) Votre famille (family) ou vos amis vous ont-ils déjà dit que vous deviez réduire votre
consommation de boissons alcoolisées?
6) Avez-vous déjà eu des problèmes (troubles) en consommant de l’alcool?
Deux réponses positives (ou plus) à ces questions est évocateur d’une consommation nocive.
L’AUDIT
0
1
2
3
4
1) Quelle est la fréquence de votre consommation d’alcool?
Jamais 1/m 3/m 2/s 4/s
2) Combien de verres consommez-vous dans un jour typique? 1ou2
3/4 5/6 7/8 >10
3) Avec quelle fréquence buvez-vous six verres en une fois?
Jamais <1/m 1/m 1/s tlj
4) Combien de fois dans l’année vous avez constaté que
vous n’étiez pas capable d’arrêter de boire?
Jamais <1/m 1/m 1/s tlj
5) Combien de fois dans l’année votre consommation vous
a empêché de faire ce que vous deviez faire?
Jamais <1/m 1/m 1/s tlj
6) Combien de fois dans l’année avez-vous eu besoin d’un
premier verre pour démarrer après avoir bu la veille?
Jamais <1/m 1/m 1/s tlj
7) Combien de fois dans l’année avez-vous eu des remords
ou un sentiment de culpabilité après avoir bu?
Jamais
<1/m 1/m 1/s tlj
8) Combien de fois dans l’année avez-vous été incapable
de vous rappeler ce qui s’est passé la veille parce que
vous aviez bu?
9) Avez-vous été blessé ou avez-vous blessé quelqu’un
parce que vous aviez bu?
10) Un parent, un ami, un soignant s’est-il inquiété de
votre consommation d’alcool?
Jamais
<1/m 1/m 1/s tlj
non
oui/pas oui/dans
dans l’année l’année
non
oui/pas oui/dans
dans l’année l’année
Un total supérieur à 9 évoque une consommation nocive d’alcool.
Un total supérieur à 13 évoque une dépendance à l’alcool.
LES EXAMENS BIOLOGIQUES
GGT ou gamma-glutamyl-transférase c’est la première enzyme marqueur de souffrance
hépatique. Elle est élevée après 2 ou 3 semaines d’alcoolisation régulière au dessus des seuils de
l’OMS. Les valeurs seuil sont de 40 UI (unités internationales) chez la femme et de 50 UI chez
l’homme. Certaines maladies (pancréatite, diabète, maladies hépatobiliaires) et certains
médicaments (barbituriques, anticoagulants) peuvent l’augmenter. La valeur est suggestive pour
une élévation à 2 fois la normale supérieure sans hépatopathie. Avec le sevrage, sa décroissance
moyenne est de moitié en 10 à 30 jours. La “sensibilité” (rapport entre l’élévation de la valeur et
le degré d’atteinte hépatique) est moyenne. La “spécificité” (élévation de la valeur en absence
d’autre maladies ou d’interactions médicamenteuses) est médiocre. Son coût est modéré.
VGM ou volume globulaire moyen: les globules rouges peuvent augmenter de volume au terme
de plusieurs mois d’alcoolisation chronique. En raison de la présence de folates, cet examen a une
moindre sensibilité dans les situations d’intoxication exclusive à la bière. En absence d’anémie sa
valeur est suggestive d’alcoolisation au dessus de 97 μ3. Des valeurs élevées peuvent se retrouver
dans les carences en folates et dans les situations de dénutrition. Sa “sensibilité” est moyenne mais
sa “spécificité” est bonne, bien que limitée par d’autres causes de macrocytose (hémopathies,
grossesse). Avec le sevrage sa normalisation a lieu entre 10 à 12 semaines.
Asociation GGT-VGM: cette association a une très bonne “sensibilité” chez les consommateurs
dépendants, mais chez les patients en situation d’usage nocif ou d’abus la “sensibilité” est de
seulement 65%. Elle est utile en médecine générale pour renforcer la présomption clinique d’un
mésusage de l’alcool, assurer un suivi après sevrage des alcoolodépendants et suivre l’évolution
des consommateurs à problèmes après période-test sans alcool et tentative de retour à l’usage
“normal”. Son coût est peu élevé.
CDT ou carbohydrate-déficient transférrine: le dosage normal des transférrines désialylées est
inférieur à 60 mg. La valeur est exprimée en pourcentage. Pour une personne qui n’est pas en
situation de consommation d’alcool problématique la valeur des CDT est inférieure à 2%. Cette
valeur s’élève pour une consommation journalière de 50 à 80 g d’alcool par jour sur une semaine
minimum. Sa décroissance est de moitié en 12 à 17 jours d’abstinence. La “sensibilité” et la
“spécificité” sont bonnes. Cet examen a une bonne fiabilité pour le dépistage et le suivi des
consommateurs en situation de mésusage. Son coût est encore élevé.
PBH ou ponction biopsie hépatique: l’analyse hystologique est l’outil principal du diagnostic,
en raison de l’absence de corrélation entre anomalies cliniques, biologiques et hystologiques. Elle
impose de pratiquer une biopsie hépatique, investigation “agressive” qui nécessite au mieux une
hospitalisation de jour dans un service d’hépatologie. En dépit de sa valeur diagnostique, la PBH
est peu pratiquée chez les patients en difficulté avec l’alcool.
TRAITEMENT
Intoxication éthylique aiguë ordinaire: Dans l’ivresse aiguë simple, il faut protéger le patient de
lui-même, principalement dans des situations de passage à l’acte, de prise de risques inconscients,
du risque vital possible. Pour cela il est indispensable d’assurer les conditions d’une surveillance,
sur un mode plutôt bienveillant mais rigoureux, pour prévenir toutes complications immédiates
ou futures, somatiques ou sociales à toutes les phases de l’intoxication et de l’ivresse.
-Si la conscience est conservée et en cas d’alcoolisation massive et récente, assurer une
surveillance notamment en cas de vomissements (mettre le patient en position latérale de sécurité)
et ne pas le laisser seul.
-Au stade du coma, compte tenu des risques, mettre en place une procédure d’urgence avec
transfert en position latérale de sécurité d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’un sujet nonintoxiqué chronique (risque majeur d’hypothermie et d’hypoglycémie avec séquelles
neurologiques potentiellement graves).
Intoxication éthylique pathologique: Dans l’ivresse pathologique, le principe majeur consiste à
calmer sans prendre de risques inconsidérés, tant pour le patient que pour l’entourage et le
soignant qui doit, par une attitude tranquille et ferme, tout mettre en oeuvre pour isoler le patient,
si possible dans un endroit calme et fermé, en l’interrogeant sur ce qu’il est en train de vivre.
- Au cas où le degré de violence serait important, accepter que le recours à une chimiothérapie
puisse être difficile à mettre en oeuvre en dehors d’un lieu médicalisé (la loxapine (loxapac) peut
être utilisée à la dose d’une à trois ampoules en I.M.).
- Si l’état d’agitation ou d’agressivité fait courir un risque au patient, à l’entourage ou à l’équipe
soignante, ne pas hésiter à faire appel aux services de secours (agents de sécurité, police,
pompiers).
- Dans les formes hallucinatoires tenter d’obtenir une amélioration par l’administration d’un
neuroleptique, dont la prescription doit démarrer si possible en phase non alcoolisée.
- Dans les formes convulsivantes, initier un traitement symptomatique classique avant l’arrivée
des équipes d’urgences en assurant les fonctions vitales du sujet.
Le sevrage: Il s’inscrit comme un temps de rupture physique et/ou psychologique avec l’alcool.
Intégré dans le processus de cure, et chez l’alcoolodépendant, il fait suite, dans l’idéal, à une phase
de maturation du projet de supprimer le recours à l’alcool. Il doit être suivi d’un accompagnement
de longue durée pour maintenir l’abstention d’alcool pour l’alcoolodépendant dans un choix de
vie sans alcool et pour le consommateur à usage nocif, d’une possible reprise de consommation
garantie dans son maintien par des conditions concrètes, quantitatives et qualitatives ou d’une
abstinence s’il existe une alcoolopathie sévère avec risque vital. Les contre-indications du sevrage
n’existent pas. Néanmoins des non-indications au sevrage immédiat sont à respecter: en cas
d’absence totale de demande et de motivation du sujet; en cas de situation de crise (affective,
sociale, professionnelle) révélées par un demandeur de l’entourage ou par le patient, sans
évaluation correcte des avantages et inconvénients des conduites d’alcoolisation et de
l’abstinence; en cas d’absence de projet thérapeutique et de projet social.
En milieu hospitalier une surveillance permanente dans les premiers jours est indispensable:
pouls, température, tension artérielle, état de la conscience. Une réhydratation correcte mais non
excessive (environ trois litres par 24 heures) et dans l’immense majorité par voie orale. Des
anxiolytiques (benzodiazépines de préférence à demi-vie longues) à doses suffisantes et sur une
courte durée pour éviter les crises comitiales et le délirium tremens. Des vitamines B1 à doses
suffisantes soit 500 mg par jour soit per os, soit en injectable. Les vitamines B6 et B12 non pas
d’indication strictement reconnue dans le sevrage.
Accompagnement: Qu’il s’agisse d’une hospitalisation courte (8 à 10 jours) ou encore de séjours
de plus longue durée (1 à 3 mois) en établissements dits de cure ou de post-cure, la sortie est pour
le malade alcoolodépendant un moment difficile de retour à la réalité. Il ne saurait être laissé seul
à sa destinée. Il reste fragile et demande à être aidé. Il peut et doit pouvoir s’appuyer sur un ou
plusieurs partenaires. Le travail en réseau, quasi indispensable avec un patient qui revient de cure
justifie des règles de conduites incontournables: respect du secret professionnel, respect de
l’intervention spécialisée de chacun, transparence des rapports entre les intervenants, liberté du
choix du patient de un ou plusieurs de ces intervenants possibles, liberté du patient de pouvoir
“naviguer” entre ces intervenants.
Demande de consommation “contrôlée”: Pour le consommateur en mésusage sans dépendance,
consommateur à risque ou à problèmes, le retour à l’usage normal, une consommation non
toxique contrôlée est un objectif réaliste, qui se travaille. Pour l’alcoolodépendant, ces notions de
la maîtrise et du contrôle sont à manipuler avec prudence. Mais, parallèlement, l’abstinence
durable voire définitive est une notion complexe et peu accessible d’emblée pour les malades
alcooliques. Plus le sujet est jeune, plus cette idée peut être difficile à accepter. Le “boire un verre
comme tout le monde” est une idée puissante qui refait surface longtemps. La demande du malade
alcoolique et de l’entourage peut aller dans ce sens pour demander soit initialement une simple
réduction de la consommation, soit, plus tard, une reprise de consommation “contrôlée”.
Abstinence définitive: Même si parfois elle est controversée, elle fait l’unanimité ou presque
chez les alcoologues vis-à-vis de l’alcoolodépendant sevré. Même les études les plus sérieuses,
créant les meilleures conditions pour prévenir les risques d’une perte de contrôle lors de
l’accompagnement de la reprise d’une consommation modérée, ont reconnu l’échec de ces
tentatives chez une large majorité des individus. Toutefois, la question mérite d’être posée pour
les consommateurs à usage nocif et plus particulièrement chez le consommateur à problèmes non
pas dans son aspect définitif, mais comme suspension, abstention de toutes consommations sur un
temps donné. Elle mérite aussi d’être posée pour les alcoolopathies ou les comorbidités
somatiques sévères pour lesquelles l’abstinence peut devenir une condition de survie prolongée:
cirrhose décompensée, prédémence alcoolique, diabète sévère...
Rechute: Il n’est pas de malade alcoolique dépendant qui n’ai fait des tentatives d’arrêt de sa
consommation et qui n’ai pas tenté de reboire “comme tout le monde”. Certains en font un
passage obligé dans toute histoire d’alcoolique et la présentent même comme la preuve de la
dépendance, le signe quasi pathognomonique de la maladie alcoolique. Cet avatar, présenté
comme quasi inexorable, donne une image de la rechute fatalisée, incontournable et fait le lit du
pessimisme qui entoure le traitement des alcooliques: “qui a bu, boira”. L’évolution des concepts
et des approches a fait évoluer cette notion en la dissociant peu à peu de celle, plus dynamique, de
réalcoolisation qui s’inscrit dans une trajectoire dont on sait qu’elle n’est pas linéaire. La
réalcoolisation est une consommation sans rapport avec les modes d’alcoolisation antérieures et la
rechute est la réapparition des signes de dépendance ou d’alcoolisation pathologiques dans leurs
conséquences. Quel que soit le mode de reprise des consommations, il faut transformer cet
événement en étape positive dans un processus de changement.
Le déni: Le déni serait un signe “quasi-pathognomonique” de la dépendance alcoolique, mais
aussi des conduites addictives. Or, il peut se retrouver chez certains consommateurs en mésusage,
chez les consommateurs à risques et plus encore chez nombre de consommateurs à problèmes. Il
serait naïf de penser que le déni ne concerne que les consommateurs en mésusage avec ou sans
dépendance. Dans son entourage familial proche, parmi ses amis et collègues et enfin dans le
corps médicosocial, il existe aussi un véritable déni qui consiste à refuser au malade
alcoolodépendant sa réalité, et au consommateur d’alcool posant la question de ses conduites
d’alcoolisation la responsabilité de ses consommations dans ses problèmes de santé ou de
comportement.
Le maintient du sevrage: En France seulement trois molécules sont autorisées dans l’aide au
maintient du sevrage d’alcool. La Naltrexone (Revia) est un antagoniste des récepteurs
morphiniques qui seraient impliqués dans les conduites d’alcoolisation chez les personnes
dépendantes ou ayant présenté une consommation abusive. L’Acamprosate (Aotal) est un agoniste
des récepteurs de l’acide gamma-amino-butyrique du type A (GABA) ce qui aurait comme effet
une diminution de l’appétence pour l’alcool. Le Dissulfirame (Espéral) est un inhibiteur de
l’enzyme Aldéhyde Déshydrogénase (ALDH) ayant comme effet l’accumulation de l’acétaldéhyde
dans l’organisme suivie des réactions bien connues de flash cutanés, malaises, transpirations et
sensations abdominales désagréables lors de consommations d’alcool.
Les psychothérapies: Les TCC (thérapies cognitivo-comportementales) sont basées sur le
concept de motivation au changement de comportement, les apprentissages erronés, la gestion des
émotions positives et négatives ainsi que sur l’amélioration du sentiment d’estime de soi. Elles
constituent une indication de choix dans la prise en charge de pathologies addictives en général et
des difficultés avec l’alcool en particulier. Elles peuvent se dérouler en individuel ou en groupe
sous la forme de séances dans des modules évolutifs sur une durée de 4 à 6 semaines pour un
groupe de sensibilisation ou sur une durée plus longue (12 semaines) pour des patients déjà
familiarisés avec la technique ou qui sont dans un stade plus avancé de motivation. Les
psychothérapies de soutien aident à passer un moment difficile où une écoute basée sur
l’empathie sans jugement moral peuvent amorcer un travail de plus longue haleine. Les entretiens
structurés, se déroulant le plus souvent en individuel, utilisent des techniques très variées selon la
base théorique dont ils s’inspirent: analyse transactionnelle, thérapie d’inspiration analytique,
psychanalyse individuelle (cure type). Ce type d’approche demande une motivation très élaborée
dans une démarche d’investigation psychologique approfondie ainsi qu’une certaine capacité à
faire abstraction de ses difficultés actuelles en les mettant en rapport avec son histoire personnelle.
Les groupes d’entraide: Les associations d’aide aux personnes en difficulté avec l’alcool sont un
atout majeur pour les patients qui ne peuvent pas bénéficier d’autres modalités de prise en charge
ou qui sont dans une période de consolidation d’abstinence. Ces groupes sont constitués dans leur
immense majorité d’anciens buveurs qui ont acquis une grande expérience dans l’écoute de
personnes confrontées à la dépendance à l’alcool. Parfois on leur reproche de proposer d’emblée
l’abstinence totale sans évaluer l’éventualité d’un retour possible à une consommation contrôlée.
D’autres fois, la perte d’intimité et la dépendance au groupe font l’objet de critiques. On
comprend facilement cette attitude si on se souvient que la grande majorité de membres de ces
associations sont arrivées au stade d’alcoolodépendance, l’abstinence totale étant la seule
“solution” envisageable. Concernant la critique portant sur la dépendance au groupe, on répond
que les membres sont libres de venir et de partir selon leur souhait. En France, plusieurs
associations du type “Loi 1901" sont engagées dans la lutte contre les comportements de
consommation excessive et ce depuis de nombreuses années. Certaines dérives sectaires on
défrayé la une des journaux, mais ce phénomène reste malgré tout exceptionnel.
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