L`alcoolisme et ses complications

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L’alcoolisme et ses
complications
Dr. F. CHERIKH
Psychiatrie de liaison et psychologie médicale
Hôpital de l’Archet I et II
CHU de Nice
introduction
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L’alcool est le dépresseur cérébral le plus
utilisé dans la plupart des cultures et la cause
d’une morbidité et mortalité considérable.
Les troubles liés à l’alcool constituent le
troisième problème de santé, après les
maladies cardiovasculaires et le cancer.
60000 décès chaque année sont directement
liés à l’alcool
Les causes habituelles du décès sont le
cancer , le suicide, les troubles hépatiques.
Introduction (II)
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Malgré une diminution régulière de la
consommation moyenne d’alcool pur par an et par
habitant
depuis 1970, la France se situe au troisième rang
européen, avec la morbidité et la mortalité qui en
découlent. L’usage inadapté de l’alcool est la
cause directe ou indirecte d’une consultation sur
cinq
en médecine générale, de 15 à 25 % des
hospitalisations
Définitions

On définit l’alcoolisme par le degré de
dépendance à l’alcool :
– Les buveurs excessifs
– Les sujets alcoolo dépendants
Le sujet ayant perdu la liberté de s’abstenir est le
meilleur élément de définition ( Fouquet)
OMS : buveur excessif dont la dépendance conduit à une
consommation responsable d’un trouble mental ou physique
affectant son comportement, ses relations sociales et
familiales et son statut économique.
Facteurs socio-culturels
L’alcool est utilisé comme moyen de
communication, d’inclusion sociale
( fêtes, baptêmes, mariages )
 Professions exposées à l’alcool
 Rôle du milieu socio-culturel
 Importance économique de l’alcool

Facteurs héréditaires
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Aucun mode de transmission n’a été
démontré
Il existe un déterminisme indiscutable
Le facteur héréditaire intervient au niveau de
la tolérance à l’alcool
Les différences individuelles de métabolisme
qui expliquent la dépendance à l’alcool,
rendent compte des inégalités dans les
risques de développement de la dépendance
Facteurs psychologiques
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Inhibition sociale avec angoisse devant les
contacts sociaux
Immaturité affective : besoin d’être rassuré
Manque de contrôle pulsionnel, impulsivité
Masochisme : conduite d’échec ,insatisfaction,
culpabilité
Oralité : avidité affective et revendicative
Moyen de satisfaire un plaisir oral , attitude autoagressive, rôle de renforcement narcissique ,
moyen de lutte contre la dépression
La dépendance
Perte de contrôle , caractérise le buveur
compulsif , une fois qu’il a commencé à
boire il ne peut plus s’ arrêter
 Impossibilité de s’abstenir : le patient peut
contrôler sa consommation et boit rarement
jusqu’à l’ivresse . Mais s’il cesse de boire
un jour des signes de manque apparaissent

diagnostic




En dehors de l’entretien classique (histoire personnelle, antécédents personnels et
familiaux), il faut effectuer un examen clinique détaillé, celui-ci pouvant fournir
des renseignements précieux.
Les troubles du sommeil, les dysfonctionnements familiaux (violence, disputes
conjugales et séparations), des troubles de concentration et de la mémoire, des
céphalées, des troubles digestifs (soif nocturne et matinale, anorexie et
amaigrissement) peuvent orienter vers le diagnostic.
Les signes cliniques sont cutanés (visage bouffi, rosâtre, congestionné, avec des
télangectasies au niveau des pommettes, des ailes du nez, des cicatrices qui
témoignent des nombreux traumatismes, actes de violence), aponévrotiques
(maladie de Dupuytren – infiltration fibreuse des aponévroses palmaires). Les
signes nerveux sont souvent rencontrés (tremblements des extrémités, démarche
maladroite et perte de l’équilibre) mais aussi les signes endocriniens
(gynécomastie bilatérale, hypertrophie parotidienne).
Les marqueurs biologiques (VGM, gamma GT, HDL-c, ASAT, ALAT) oriente le
diagnostic, amis renseignent aussi sur l’évolution dans le temps.
1. Pensez-vous que vous consommez de l’alcool en quantité plus que la normale ?
Oui=2
Non=0
2. Vos proches vous ont-ils déjà fait des reproches au sujet de votre consommation d’alcool ?
Oui=1
Non=0
3. Vous êtes-vous déjà senti coupable au sujet de votre consommation d’alcool ?
Oui=1
Non=0
4. Est-ce que vos amis et vos proches parents pensent que vous êtes un buveur normal ?
Oui=0
Non=2
5. Arrivez-vous toujours à stopper votre consommation d’alcool quand vous le voulez ?
Oui=0
Non=2
Oui=5
Non=0
7. Est-ce que l’alcool à déjà créé des problèmes entre vous et votre conjoint(e) ?
Oui=2
Non=0
8. Avez-vous déjà eu des problème professionnels à cause de votre consommation d’alcool ?
Oui=2
Non=0
9. Avez-vous déjà négligé vos obligations, votre famille ou votre travail pendant deux jours de suite ou plus en raison de votre
consommation d’alcool ?
Oui=2
Non=0
6. Avez-vous assisté à une réunion d’anciens buveurs (Alcooliques Anonymes) pour un problème d’alcool ?
10. Avez-vous demandé de l’aide ou des conseils à autrui au sujet de votre
consommation ?
Oui=5
Non=0
11. Avez-vous déjà été hospitalisé en raison de votre consommation d’alcool ?
Oui=5
Non=0
12. Avez-vous déjà été arrêté, ne serait-ce que quelques heures en raison d’un état
d’ivresse ?
Oui=2
Non=0
13. Avez-vous déjà été inculpé d’ivresse au volant ?
Oui=2
Non=0
Un total égal ou supérieur à 3 suggère fortement une alcoolodépendance.
Le questionnaire CAGE – DETA consiste à poser quatre
questions : 2 réponses positives ou plus sont en faveur
d’un alcoolisme
Questionnaire CAGE – DETA
1.Avez-vous déjà ressenti le besoin de DIMINUER
votre consommation de boissons alcoolisées ?
2.Votre ENTOURAGE vous a-t-il déjà fait des
remarques au sujet de votre consommation ?
3.Avez-vous déjà eu l’impression que vous buviez
TROP ?
4.Avez-vous déjà eu besoin d’ALCOOL dès le
matin pour vous sentir en forme ?
PHARMACOLOGIE DE L’ALCOOL
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L’éthanol est un liquide incolore, d’odeur agréable, de saveur brûlante et il
bout à 78,5°C. l’éthanol est le produit d’une fermentation anaérobie des
sucres. Il a un pouvoir calorique élevé.
L’éthanol est le principe actif de nombreuses boissons alcoolisées (on a
identifie dans le vin presque 250 constituants différents).
L’alcool administré par voie orale est entièrement absorbé par le tube
digestif, d’abord au niveau gastrique, mais surtout dans l’intestin grêle. Il
franchit la barrière intestinale sans subir des modifications notables et
passe dans le sang d’où il diffuse dans l’ensemble de l’organisme. La
métabolisation et la dégradation se fait essentiellement au niveau
hépatique. A l’heure actuelle on connaît plusieurs voies métaboliques
impliquées dans la métabolisation de l’alcool (le système de l’alcool
déshydrogénase – ADH, le système MEOS et le système catalasique ; le
produit de métabolisation est l’acétaldéhyde qui sera transformée à son
tour en acétate. Par incorporation dans le cycle Krebs, les produits de
métabolisation sont dégradés en CO2, H2O et énergie.
Critères du DSM-IV, le syndrome de dépendance se
caractérise par une combinaison de plusieurs symptômes :
Perte de contrôle, de la quantité et de la durée de l’alcoolisme ;
Désir puissant et compulsif de boire ;
Incapacité à réduire la consommation en dessous d’un seuil d’alcoolisation ;
Temps significatif passé à boire ou à récupérer des effets de l’alcoolisation ;
La poursuite de la consommation malgré la connaissance des problèmes liés à l’alc
La tolérance, qui se caractérise par le fait que l’individu a besoin de quantités de pl
L’existence d’un syndrome de sevrage à l’arrêt de l’alcoolisation ; le syndrome de
D’une hyperactivité végétative (sueurs, tachycardie, palpitations)
De tremblements
D’une insomnie ou sommeil avec des cauchemars
De nausées, de vomissements.
Agitation psychomotrice
Hallucinations transitoires.
Alcoolisation aiguë
La consommation et l’intoxication aiguë alcoolique ou ivresse alcoolique est
caractérisée par la succession de trois phases : excitation, ébriété et dépression.
La phase d’excitation psychomotrice est caractérisée par une impression
de facilité intellectuelle et relationnelle, une hyperexpansivité, une libération et une
désinhibition.
La phase d’ébriété est caractérisée par une démarche instable, des gestes
incoordonnées et dysmétriques, une parole bredouillante, des signes végétatifs
– nausées, vomissements, diarrhée.
La phase de dépression se caractérise par une grande fatigue avec
endormissement fréquent, quelquefois avec une évolution comateuse.
Consommation chronique

La consommation chronique à risque,
représente une consommation régulière,
hebdomadaire, supérieure à 28 verres chez
l’homme et à 14 verres chez la femme. Le
risque relatif de décès augmente. La
reconnaissance de ces consommateurs à
risque permet d’envisager une meilleure
politique de prévention secondaire
EVALUATION DE LA CONSOMMATION
La consommation se mesure en nombre de verres, qu’il s’agisse de vin,
de bière, d’apéritifs ou de digestifs. Un verre équivaut à une unité
internationale d’alcool, soit 10 grammes d’alcool pur. On parle souvent
des degrés alcooliques : pourcentage en volume d’alcool dans une
boisson alcoolisée : ex : 10°=10% d’alcool. La densité de l’alcool = 0,8
donc 1 litre d’alcool pèse 800 grammes. Ainsi 1 litre de vin à 10°
contient 80 grammes d’alcool pur.
Il semble nécessaire de préciser la rythmicité de l’alcoolisation :
quotidienne et régulière ou les cuites du week-end.
Paraclinique
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VGM – volume globulaire moyen – une élévation pathologique du VGM s’observe après
quelques mois de consommation chronique et régulière d’alcool. Cette macrocytose n’est pas
spécifique de l’alcoolisation ; on peut la rencontrer dans différentes pathologies digestives –
résection, maladie cœliaque.
Gamma GT – est une enzyme membranaire. Les valeurs sériques normales sont inférieures
ou égales à 28 UI/litre chez la femme et 38 UI/litre chez l’homme. Contrairement au VGM,
l’augmentation du gamma GT survient assez rapidement et sa normalisation lors de
l’abstinence est réalisée dans un délai assez court. Le gamma GT peut varier de manière
pathologique lors des hépatites virales ou médicamenteuses, pancréatites, diabète, prise de
médicaments (anticonvulsivants, antidépresseurs).
Transaminases – ASAT et ALAT – leur élévation étant témoignent d’une lyse des
hépatocytes.
Bilan lipidique – surtout les triglycérides - pour des taux supérieurs à 10mmol/l, valeur
prédictive de risque de pancréatite aiguë.
CDT – carbohydrate déficient transferrin – est un nouvel indicateur biochimique fiable,
sensible et spécifique de la consommation d’alcool. son utilité est remarquable dans les cas ou
les autres indicateurs – VGM ou gamma GT – ne sont pas modifiés lors de l’intoxication
alcoolique (25% des patients alcoolodépendants auraient des taux de gamma GT normales).
Comorbidité (I)

Anxiété et consommation d’alcool
Le terme anxiété désigne des pathologies comme la
phobie, les troubles obsessionnels compulsif (TOC), les
attaques de paniques. L’angoisse représente une forte
motivation à l’abus d’alcool (on se rappelle que l’alcool
est un très puissant anxiolytique). L’image de convivialité
qui accompagne l’alcool, le côté " cool " ou branché, font
de l’alcool un recours anxiolytique socialement valorisé.
Beaucoup de sujets calment leur stress ; le cas des femmes
au foyer qui tentent d’oublier leur ennui dans la bouteille
est très bien illustré dans un film comme " Pour l’amour
d’une femme ".
Comorbidité (II)
dépression et alcoolisme
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La relation entre alcoolisme et dépression est très étroite. L’étude des
similitudes biochimiques (le mécanisme commun est celui de la sérotonine et
des récepteurs impliqués dans sa recapture). Il faut souligner qu’il existe des
états dépressifs secondaires à l’alcoolisation et des états préexistants à
l’alcoolisation.
La dépression primaire est celle qui présente une composante
psychopathologique très forte, préexistante à la maladie alcoolique. L’alcool
renforce toutefois la dépression, et devient même un outil d’automédication.
La dépression qui apparaît suite à l’alcoolisation ou au sevrage est la
dépression secondaire. La dépression secondaire se voit après une longue
phase d’alcoolisation chronique et régulière.
Il faut retenir que l’existence d’une dépression chez les alcooliques assombrit
le pronostic et la fréquence élevée des suicides chez les alcooliques est un
constat inquiétant.
Alcool et pancréas
La consommation prolongée d’alcool est la cause des pancréatites aiguës et chroniques.
La pancréatite chronique est une pathologie qui est souvent imputable à la consommation
d’alcool. Les signes cliniques sont : douleurs, amaigrissement, pseudo-kystes,
complications gastriques, duodénales,
Hémorragies digestives. Les lésions extra-pancréatiques sont relativement fréquentes :
lésions hépatiques, lithiase biliaire, ulcère gastrique.
Le diagnostic de précision est apporté par l’échographie et le scanner abdominal.
Alcool et tube digestif

Au niveau de la cavité buccale et de l’oropharynx, le risque de cancer est augmenté du
fait d’une consommation chronique d’alcool ; cette consommation est le plus souvent
accompagnée d’un tabagisme chronique, facteur d’aggravation des cancers.

Au niveau de l’œsophage, le risque du cancer œsophagien est considérablement
augmenté par la consommation chronique d’alcool. La rupture des varices
œsophagiennes cause des hémorragies digestives hautes qui peuvent être fulminante et
difficilement contrôlables. Les varices œsophagiennes apparaissent en cas de cirrhose
ou de syndrome Mallory-Weiss.

Au niveau gastro-duodénale, surviennent des érosions aiguës et la maladie ulcéreuses
(Hélicobacter pylori est trouvé fréquemment dans les prélèvements au niveau de la
muqueuse gastrique).

Au niveau de l’intestin grêle, colon et rectum, l’alcool est la cause des perturbations de
la motilité, de l’absorption, de la sécrétion. La diarrhée est un signe rencontré souvent
chez les alcooliques ; la malnutrition est expliquée en partie par les troubles
d’absorption.
Alcool et syst cardio-vasculaire


Une consommation régulière et modérée d’alcool diminue la mortalité par
maladie cardio-vasculaire. L’athérosclérose est réduite du fait d’une
augmentation du HDL-cholestérol.
Une consommation régulière en grande quantité augmente la mortalité par
myocardiopathie, trouble du rythme, hypertension artérielle et accidents
vasculaires cérébraux.

La myocardiopathie alcoolique (palpitations, dyspnée d’effort, troubles du
rythme, embolies pulmonaires, mort subite) peut être la conséquence d’une action
directe de l’alcool et/ou ses métabolites sur la fibre myocardique. L’abstinence
apporte la preuve du rôle important joué par la consommation chronique
d’alcool : une amélioration remarquable est observée souvent après quelques
semaines d’abstinence.

La fibrillation auriculaire, surtout lorsqu’elle est observée chez des hommes de
moins de 45 ans est fréquemment due à une consommation aiguë d’alcool. son
pronostic est souvent bénigne, conditionné par l’arrêt de l’alcool.
Alcool et grossesse
syndrome d’alcoolisation fœtal


En cas de consommation importante (plus de 60 grammes
par jour) et prolongée pendant toute la grossesse, il existe
pour l’enfant un risque élevé d’anomalies réunies sous le
terme de syndrome d’alcoolisme fœtal.
Ce syndrome associe une dysmorphie cranio-faciale
(réduction du périmètre crânien, hypoplasie mandibulaire,
bouche large aux fines lèvres) un retard de croissance, des
anomalies du système nerveux central (hyperexcitabilité
diffuse, handicaps intellectuels sévères) et des malformations
d’organes (communication inter-auriculaire, interventriculaire, tétralogie de Fallot, neuroblastome,
hépatoblastome, atrésie des voies biliaires extra-hépatiques,
hernie diaphragmatique).
Alcool et cancers

Pour quatre localisations (oropharynx, larynx, œsophage, foie) le
risque de survenu d’un cancer est élevé.

Pour trois localisations (sein, côlon, rectum) le risque de survenue
d’un cancer est modeste.

Pour l’estomac et le pancréas, l’alcool est innocenté.

L’alcool n’est pas un cancérigène, mais un promoteur du processus
néoplasique (il ne détient pas un pouvoir cancérigène intrinsèque, il
augmente l’effet d’une molécule cancérigène par un phénomène de
diminution des mécanismes naturels de défense).
Alcool et médicaments

Il existe de nombreuses interactions entre l’alcool et les médicaments ;
la biodisponibilité des médicaments peut être modifiée par des
interactions enzymatiques, par une insuffisance hépatocellulaire.
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Il faut retenir la notion d’effet antabuse ; certains médicaments
bloquent l’action de l’acétaladéhydedéhydrogénase entraînant, après
absorption d’une dose d’alcool, une élévation importante de la
concentration sanguine en acétaldéhyde, responsable d’une série de
signes cliniques : flush (très pénible), tachycardie, tachypnée, nausée,
vomissement. L’effet de ces médicaments a été utilisé dans des
tentatives de traitement aversif vis-à-vis de l’alcool :
Daonil, espéral, flagyl, …

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