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Un de mes patients, alcoolique et ex-toxico-
mane sous traitement de substitution par la
buprénorphine haut dosage (6 mg/j) me
demande comment arrêter son alcoolisa-
tion chronique. Que puis-je lui conseiller ?
Reprenons un peu l’histoire de votre patient,
telle que vous nous l’avez communiquée :
“Monsieur B., âgé de 44 ans, est un vieux rou-
tier des conduites d’addictions. D’après lui,
“ça commence très tôt”, dès l’âge de 16 ans
alors qu’il était en première, à la suite du
divorce de ses parents : son père ne pouvait
pas l’héberger et il se retrouve logé à l’hôtel,
dans les Vosges, ce qu’il a mal vécu.
Disposant d’un pécule de 12 000 F (livret
d’épargne), il part en Thaïlande où il retourne
six fois, y fait de la prison pour usage de stu-
péfiants, est libéré sous caution et passe en
Malaisie où il est derechef incarcéré pendant
six mois. Il revient à Paris en novembre 1977.
En France, il avait fumé du cannabis. En Asie,
il a consommé de l’héroïne (fumée, puis snif-
fée) et de la méthadone, connue en Thaïlande.
De retour en France, il cambriole quelques
pharmacies avec un ami, est arrêté, emprisonné
trois mois à Fleury-Mérogis, puis trois mois à
Bois-d’Arcy. Parti en post-cure à Arras, il y ren-
contre sa future ex-femme, pharmacienne en
milieu pénitentiaire. Ils ont une fille, née en
1982, et ils se séparent en 1988.
Il reprend ensuite des études universitaires et
accomplit les quatre-cinquièmes d’une licence
d’anglais après avoir passé le DEUG. Il échoue
à l’ultime UV de la licence. Il est emplo
ensuite comme steward dans les trains. Il est mis
en arrêt de travail pendant neuf mois pour
séquelles d’accident de travail (fracture mal-
léolaire et algodystrophie), est reconnu tra-
vailleur handicapé (pour trois ans) par la
COTOREP. Puis, il perd son emploi et suit un
stage d’électronique et d’informatique indus-
trielles qu’il réussit en 1993.
À cette époque, tout en tâtant de la psychana-
lyse pendant deux à trois ans, il replonge après
avoir fait la connaissance d’“un mec qui pre-
nait de la poudre”. C’est à ce moment qu’il
commence à consommer de l’héroïne par voie
intraveineuse. Il est séronégatif pour le VIH,
séropositif pour l’hépatite C mais ne s’est
jamais fait suivre sur ce plan. Il est en
recherche d’emploi depuis deux ans et, pour
l’instant du moins, vit seul. Il a arrêté la prise
d’héroïne en janvier 1999 et prend un traite-
ment de substitution par la buprénorphine HD
(6 mg/j). Il a connu l’alcool avec son ex-
femme, a continué à en consommer avec ses
amies temporaires (“je n’ai jamais connu que
des filles qui picolaient”, dit-il), ce depuis 1982.
Il boit surtout du Porto et du vin, avec une
consommation variable selon les jours, les cir-
constances et l’état de ses finances (en moyenne,
deux flasques de Porto et une bouteille de vin
rosé par jour). Il arrose donc abondamment son
hépatite, bien qu’ayant suivi une cure de sevrage
en hôpital général en novembre 1998 : il est resté
abstinent un mois et demi puis a rechuté.
Sa problématique, essentiellement névrotique,
est marquée par une importante demande
affective, une immaturité certaine et un aban-
donnisme. Les produits semblent constituer
pour lui un refuge anxiolytique.
La demande qu’il présente est celle d’un sevra-
ge alcoolique et du maintien de l’abstinence”.
À notre sens, le problème posé est complexe,
compte tenu de ses trois données principales :
1) Il est traité par de la buprénorphine HD
et concurremment, prend de l’alcool en
quantités sinon très importantes, du moins
exagérées.
2) Sa demande de sevrage alcoolique apparaît
justifiée, ne serait-ce qu’en raison de l’exis-
tence d’une hépatite C dûment diagnostiquée.
3) Le problème majeur est bien évidemment
représenté par le maintien de l’abstinence.
Concernant ce dernier point, il est probable
qu’après sevrage, une prise en charge à la fois
psychologique et chimiothérapique peut être
envisagée. En la matière, la naltrexone peut
représenter un soutien appréciable pour main-
tenir l’abstinence. Seul problème, mais de taille :
elle est contre-indiquée en raison de la consom-
mation concomitante de buprénorphine.
Compte tenu de ces données :
1) Un double sevrage (alcool et arrêt de traite-
ment de substitution) nous paraît pouvoir être
négocié avec votre patient.
2) S’il l’accepte, la mise en route d’un traite-
ment de soutien par naltrexone sera possible ;
3) Sachant que, compte tenu de son histoire et
du tableau clinique, elle n’a de sens qu’asso-
ciée à la fois à la prise en charge de l’hépatite
C et à celle de la problématique névrotique,
sous la forme d’une psychothérapie dont les
modalités sont à évaluer et à négocier.
Depuis cette question posée, notre confrère a
pu réaliser les éléments de réponse qui lui ont
été fournis, ce qui nous permet de donner le
“résultat des courses” actuel, c’est-à-dire au
bout de quatre mois :
1) Le double sevrage a été réalisé en milieu
hospitalier.
2) La prescription de naltrexone a échoué, le
patient présentant des manifestations d’aller-
gie cutanée au produit. Cependant, elle a été
remplacée par de l’acamprosate, à titre sym-
bolique pour consolider le sevrage.
3) L’abstinence s’est maintenue, en grande
partie semble-t-il du fait de la prescription à
l’hôpital général, pendant et après le sevrage,
de cyamémazine.
4) Le patient s’est résolu à une prise en char-
ge de son hépatite C et il n’est pas interdit de
penser que la mise en évidence et la prise de
conscience d’anomalies biologiques relative-
ment importantes aient joué un rôle dans une
abstinence qui se maintient à ce jour, soit
depuis quatre mois.
5) Enfin, parallèlement à la prise en charge
médicale/médicamenteuse, l’intéressé a entre-
pris une psychothérapie analytique.
Le sevrage, sinon quoi ?
R. Berthelier* et Z. Zireg**
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* Psychiatre des hôpitaux. Centre de soins,
Arpajon.
** Assistant spécialiste associé. EPS,
Barthélémy-Durand.
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