introduction - Présentation

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Auteur :
Mina YENKAMALA
Sous la direction de :
Monsieur G. DECAMPS
U.F.R. Sciences de l’homme
Master professionnel de Psychologie Clinique
Option Psychologie de la Santé
Mention Psychopathologie de l’adaptation au stress
Année 2005-2006
1
Nous tenons à remercier le Professeur Maire, chef du service de radiothérapie
et
d’oncologie,
ainsi
que
toute
son
équipe
pour
nous
avoir
accueillie
chaleureusement. Nous voulons remercier particulièrement les Pr Maire et Ravaud,
et les Dr Trouette, Dr Smith, Dr Demeaux, Dr Dilhuydy, Dr Vendrely, Dr CatryThomas, pour nous avoir permis d’assister à leurs consultations respectives et
d’avoir collaboré à notre étude.
Nous remercions particulièrement notre directeur de recherche, Mr G. Décamps
ainsi que Mlle Segrestan Carine, notre maître de stage pour leurs suggestions
pertinentes et pour nous avoir guidé dans notre réflexion sur le rôle du psychologue.
Nous exprimons aussi nos remerciements aux aides-soignants pour leur participation
active dans le bon déroulement de notre étude ainsi que les secrétaires médicales
qui ont été disponibles pour répondre à nos questions.
Nous tenons à remercier tous les patients qui se sont prêtés à notre protocole de
recherche.
Enfin, nous remercions nos familles, nos amis, pour leur soutien inconditionnel dans
l’élaboration de ce travail de recherche.
2
INTRODUCTION
Le cancer tue en France 150 000 personnes chaque année. Un homme sur trois et une
femme sur quatre décèderont d'un cancer. Cette hécatombe est encore plus grave pour les
personnes jeunes et actives, puisque le cancer représente 37% des décès prématurés, loin
devant les accidents et les suicides (Ben Soussan, 2004).
Le cancer est une maladie qui peut se stabiliser, mais aussi évoluer, devenir chronique,
avec des phases de rémission, de rechutes et, dans certains cas, finir par être au-dessus de
toutes ressources thérapeutiques. En mettant en relation nos observations de terrain, nos
nombreuses lectures sur le cancer et nos échanges avec des cancérologues, la récidive de
cancer a suscité tout notre intérêt. Les études qui s’intéressent aux rôles de facteurs
psychosociaux dans la récidive
de cancer existent mais se font peu nombreuses.
L’originalité de notre démarche longitudinale tient à ce que nous souhaitions étudier parmi
d’autres facteurs psychosociaux l’impact de catégories de maladie jamais étudiées à ce jour
sur l’ajustement à la récidive de cancer, ceci de manière prospective car les sujets seront
inclus à notre étude à l’annonce de la rechute de la maladie.
Le but de cette recherche sera de répondre aux questions suivantes :
Certains facteurs biologiques, psychologiques et sociaux ont-il un impact sur l’ajustement à
une récidive de cancer ? Comment évoluent certains déterminants psychosociaux sur une
période de trois mois ?
Dans un premier chapitre, nous présenterons le cancer de manière théorique et les
différents traitements disponibles pour soigner la maladie.
Ensuite, dans un second chapitre, nous exposerons les différents modèles explicatifs
concernant le cancer en distinguant des conceptions unifactorielles et des conceptions
multifactorielles.
Puis, une revue de la littérature nous permettra de faire un état des lieux sur les
facteurs psychosociaux qui déterminent l’ajustement à une récidive de cancer.
3
Dans notre partie empirique, nous tenterons à l’aide de plusieurs outils d’évaluation de
mettre en évidence l’impact de variables explicatives sur l’ajustement du sujet à la rechute
de sa maladie et d’évaluer l’évolution de différentes issues somatiques et émotionnelles sur
une période de trois mois.
Dans un dernier chapitre, les résultats obtenus seront discutés à partir de la revue
littéraire qui a été élaborée au préalable et nous permettront de faire émerger nos réflexions.
4
1. A propos des récidives de cancer : aspects biomédicaux et
thérapeutiques
1.1. Définitions
1.1.1. Définition du cancer
Le cancer est une maladie caractérisée par la prolifération anarchique de cellules au sein
d'un tissu normal de l'organisme. Ces cellules dérivent toutes d'un même clone, cellule
initiatrice du cancer qui a acquis certaines caractéristiques lui permettant de se diviser
indéfiniment et de pouvoir former des métastases.
1.1.2. Définition de la récidive de cancer
La récidive est l’apparition d’un nouveau cancer, siégeant sur le même ou un autre organe et
de même histologie1 que le premier qui a été guéri. Les trois termes (récidives, rechutes et
récurrence) sont généralement employés indifféremment pour caractériser la réapparition,
après une période de rémission nettement identifiée, de signes ou symptômes d’un cancer
globalement semblable à la maladie initiale (Fondrinier et al., 2003). Toutefois, quelques
nuances sont à apporter.
La récurrence se distingue d’une rechute par la durée de
l’intervalle entre les deux expressions morbides : il est court pour une rechute, long pour une
récurrence. La récidive désigne plutôt une nouvelle manifestation de la maladie qui
paraissait guérie, éventuellement à la suite d’un nouveau contact pathogène. Ainsi, la
récurrence d’un premier cancer qui se manifeste à nouveau doit être distinguée d’un
deuxième cancer apparaissant chez la même personne. La récurrence est généralement
plus grave que l’évolution initiale (Hoerni, 2003).
1
Etude au microscope de la structure des tissus et des cellules qui les constituent.
5
1.2. Le cancer en chiffres
1.2.1. Prévalence, incidence et mortalité
Le cancer représente en France, près de 25% des causes de mortalité et vient
immédiatement après les maladies cardiovasculaires.
280 000 nouveaux cancers se développent chaque année en France, 150 000 malades en
mourront.
Entre 1980 et 2000, l’incidence des cancers a augmenté de 29,7% alors que, dans la même
période, la mortalité a connu une baisse de 7,2%. Cependant, la prévalence de certains
cancers diminue alors que d’autres augmentent (Willem, 2005). En 1990, d’après la
Classification Internationale des Maladies (CIM), les cancers sont devenus en France la
première cause de mortalité chez les hommes (31%) et la deuxième cause de mortalité chez
les femmes (21%). C’est dans la tranche d’âge de 35 à 64 ans que les cancers représentent
la cause majeure de mortalité (42%).
1.2.2. Modalités de fréquence du cancer
Selon l’Institut de veille sanitaire, le nombre de nouveaux malades entre 1980 et 2000 a
augmenté de 63%. Les cancers les plus fréquemment enregistrés en 2000 ont été ceux du
poumon, de l’intestin, des voies aérodigestives supérieures (bouche, pharynx, larynx et
œsophage), du sein et de la prostate ; des différences notables existent selon les sexes.
Ainsi, souligne le rapport, les hommes sont particulièrement touchés par les cancers liés à
l’alcool et au tabac, alors que chez les femmes, le sein, le côlon et l’utérus arrivent largement
en tête des localisations cancéreuses. Cette comparaison dans le temps permet de mettre
en évidence que les cancers des ganglions lymphatiques, du mélanome de la peau et de la
thyroïde sont en augmentation pour les deux sexes et le risque de cancer du poumon est
trois fois supérieur chez les femmes nées après 1945 que celles nées avant. Cette dernière
tendance est directement liée à l’augmentation du tabagisme féminin. En revanche, le risque
6
de développer un cancer du col utérin est cinq fois inférieur pour une femme née en 1940
par rapport à celle née en 1910. Une évolution positive est ainsi constatée suite à une
amélioration de l’hygiène et à la pratique largement diffusée du frottis (Willem, 2005).
1.3. Histologie du cancer
Trois grands types de cancer sont individualisés au microscope sur les prélèvements
histologiques1 :
-
les carcinomes développés aux dépens des épithéliums2 ;
-
les sarcomes développés aux dépens des tissus conjonctifs (graisse, muscles, …)
-
les tumeurs germinales développées aux dépens de certaines cellules des testicules
ou des ovaires ;
-
les tumeurs cérébrales
Dans les carcinomes, on distingue les carcinomes épidermoïdes et les adénocarcinomes
selon le type d’épithélium, respectivement malpighien (le poumon, la peau) ou glandulaire (le
côlon) (Fischer, 2002).
1.4. Hypothèses étiologiques
La biologie a permis de comprendre la transformation d’une cellule normale en une cellule
cancéreuse. Ainsi, une erreur de programmation va survenir sous l’influence de nombreux
facteurs:
- des agents chimiques, sources de modifications directes ou indirectes de l’ADN de la
cellule (amiante, certains aliments, ultraviolets,…)
- des virus, à l’origine de modification et d’altération de l’ADN de la cellule normale (virus de
l’hépatite C,…)
2
Tissu de recouvrement de la peau des muqueuses et des cavités naturelles
7
- des facteurs génétiques ou héréditaires, expliqués par la transmission dans la
descendance de gènes altérés créant une susceptibilité à d’autres facteurs (mutation du
gène BRCA-1,…)
- des facteurs psychologiques
- des facteurs environnementaux (régime alimentaire, la pollution,…)
- des facteurs hormonaux (cancer du sein, cancer de la prostate,…)
Le développement d’un cancer ne peut se résumer à l’un de ces facteurs mais à une
véritable cascade d’évènements aboutissant à une altération d’un ou de plusieurs gènes
(Fischer, 2002).
1.5. Evolution du cancer en quatre étapes
Selon les cancérologues, le cancer évolue en quatre périodes (Willem, 2005) :
1.5.1. Première période
L’évolution est parfois longue, consécutive à des agressions diverses (environnement pollué,
stress répétés, alimentation défectueuse, agents physiques ou substances chimiques), à des
perturbations fonctionnelles qui déterminent des modifications humorales ou cellulaires.
C’est un stade préparatoire à l’apparition de la tumeur.
1.5.2. Deuxième stade
Des lésions précancéreuses, plus ou moins reconnaissables, s’établissent. Il en existe sur la
peau, sur les muqueuses ou au niveau de certaines glandes. Elles peuvent évoluer vers la
malignité ou se stabiliser pendant toute la durée de l’existence.
1.5.3. Troisième stade
Ce stade est caractérisé par la constitution de la tumeur cancéreuse. Certaines tumeurs
évoluent rapidement, en quelques semaines ou en quelques mois, d’autres ont une évolution
lente. La maladie s’étend de proche en proche, le tissu cancéreux se substituant d’une façon
8
continue au tissu sain en détruisant progressivement tout ce qu’il rencontre. Ensuite
quelques cellules commencent à essaimer dans les tissus voisins.
1.5.4. Dernier stade
La maladie se généralise. Les cellules cancéreuses pénètrent dans l’appareil circulatoire par
l’intermédiaire des vaisseaux lymphatiques ou sanguins, puis s’arrêtent en un point de
l’organisme pour y former des tumeurs secondaires ou des métastases du même type que la
tumeur primitive. Cette généralisation peut d’abord se manifester au niveau des ganglions
lymphatiques. Ensuite, à partir du ganglion ou par le canal des vaisseaux sanguins, de
nouvelles cellules cancéreuses envahissent l’organisme. Elles se fixent, soit dans les
viscères, le poumon, le foie, le cerveau, soit dans les os où elles forment des colonies
cancéreuses. Enfin, la cachexie cancéreuse, qui traduit une auto-intoxication et une
déficience générale de l’organisme, caractérise la phase terminale.
1.6. La consultation médicale
La consultation est habituellement le moment crucial au cours duquel le patient est informé
sur le diagnostic de sa maladie. Celui-ci est d’abord posé sur des présomptions cliniques :
l’âge du malade, ses antécédents et surtout les caractères cliniques et radiologiques de la
tumeur. Mais une certitude absolue est indispensable et seule une étude au microscope du
tissu tumoral peut l’apporter (Tubiana, 1998). Devant la maladie, de nombreuses étapes vont
être sources de détresse et nécessitent de mobiliser les capacités d’adaptation du patient.
Les points de crise et de tension morale sont nombreux : l’annonce du diagnostic, le début
du traitement, la récidive, la transition d’un traitement curateur vers un traitement palliatif,
l’entrée en phase terminale. L’influence de l’oncologue et du psychologue est ici
déterminante pour atténuer la détresse psychologique à chacune de ces étapes (Fischer,
2002).
9
1.7. Les traitements
Le traitement classique du cancer repose sur un ensemble de thérapies. En effet, la stratégie
anti-cancéreuse a pour objectif de détruire la masse cancéreuse ou, à défaut, de freiner son
développement.
1.7.1. La chirurgie
Cette technique mutilatrice est utilisée lorsque la tumeur est bien circonscrite (seins,
prostate, thyroïde,…) et peu envahissante (Willem, 2005). Elle s’adresse essentiellement au
traitement de la tumeur primitive (Fischer, 2002). Le type d’intervention réalisé dépend de
l’organe atteint : mastectomie pour le sein, lobectomie ou pneumonectomie pour le poumon,
colectomie pour le gros intestin, … Aujourd’hui, la chirurgie s’est imposée en tant que
thérapeutique de base permettant la guérison de la plupart des cancers localisés.
Cependant, l’association de la chirurgie avec la radiothérapie permet de restreindre l’acte
chirurgical, puisque celle-ci peut stériliser les petits foyers tumoraux microscopiques laissés
en place (Tubiana, 1998).
1.7.2. La radiothérapie
Egalement de nature physique, la radiothérapie passe officiellement dans l’arsenal
thérapeutique anticancéreux dès 1899. Elle est aujourd’hui utilisée dans le traitement
d’environ 50% des cancéreux et, en France, 80 000 malades en bénéficient chaque année
(Tubiana, 1998). Elle est indiquée en cas d’impossibilité de chirurgie de la tumeur primitive,
ou pour préparer un geste chirurgical ou le compléter (Fischer, 2002).
Un appareil émet des rayonnements ionisants qui pénètrent à travers la peau du malade. Ce
traitement cherche à réduire le volume de la tumeur, voire à la détruire. Dans un schéma
standard classique, la radiothérapie s’administre à raison d’une séance par jour, 5 jours par
semaine, pendant un total de 5 à 6 semaines. En général, la délivrance des séances de
radiothérapie ne nécessite pas d’hospitalisation : le malade peut se rendre chaque jour à
l’hôpital ou à la clinique (Belpomme, 2005).
10
1.7.3. La chimiothérapie
La chimiothérapie est un traitement médicamenteux qui a pour propriété essentielle de
détruire les cellules cancéreuses dans l’ensemble des tissus et des organes en bloquant les
principes de divisions et de proliférations cellulaires. Elle comprend aujourd’hui une
cinquantaine de médicaments actifs (Tubiana, 1998). Cette thérapeutique médicale est
administrée le plus souvent par perfusions intraveineuses. Avant le début du traitement, les
malades bénéficient de la pose d’une chambre implantable reliée à un petit cathéter veineux,
afin d’éviter la répétition des piqûres dans les veines (Belpomme, 2005). Toutefois, la
chimiothérapie anticancéreuse peut induire des effets secondaires tels que la perte des
cheveux, la perte de l’appétit, de la fatigue, des nausées, des vomissements, des aphtes
buccaux, des crampes, un amaigrissement ou encore de la diarrhée. Dans certains cas, la
souffrance et les contraintes du traitement chimique peuvent devenir intolérables et
occasionner l’arrêt du traitement (Willem, 2005).
1.7.4. L’immunothérapie
L’objectif de l’immunothérapie est de substituer ou d’aider le système immunitaire du patient
à contrôler sa tumeur. L’Interleukine et l’Interféron sont des substances qui stimulent le
système immunitaire du patient, pour lutter contre les cellules cancéreuses par l’activation
des sous populations de lymphocytes. Ces traitements sont essentiellement utilisés dans les
cancers du sein et les mélanomes à un stade avancé (Fischer, 2002). Nous savons
désormais que les cellules cancéreuses portent à leur surface des molécules et des
anticorps leur permettant de détruire les cellules tumorales qui les portent. Cette avancée
permet à l’immunothérapie de devenir plus ciblée en apportant une réponse spécifique à une
tumeur donnée (Willem, 2005).
1.7.5. L’hormonothérapie
L’hormonothérapie repose sur des hormones ou des médicaments à action antihormonale
dont l’effet vise à provoquer la mort naturelle, génétiquement programmée, des cellules
cancéreuses. Elle s’administre le plus souvent sous la forme de comprimés. Bien que les
indications de l’hormonothérapie soient restreintes aux cancers dont les cellules comportent
11
des récepteurs hormonaux, elle a fait de très grands progrès ces dernières années. On ne
peut la proposer que dans deux cas particuliers : certains cancers du sein chez la femme
(surtout après la ménopause) et les cancers de la prostate chez l’homme (Belpomme, 2005).
1.7.6. Interventions psychosociales
1.7.6.1. L’éducation
L’information, l’éducation, les conseils au patient et à la famille constituent un type
d’intervention désormais reconnu comme facilitateur de l’adaptation à la maladie. Elle a pour
but :
-
de répondre à une exigence très souvent revendiquée par les patients d’être
informés, de comprendre les enjeux du traitement et de lutter ainsi contre le
sentiment d’impuissance, de dévalorisation, d’incertitude, de passivité (Wiggers et al.,
1990, cité par Saltel et al., 1995)
-
d’apprendre à développer leurs ressources personnelles pour affronter la situation
tant sur le plan matériel et médical que psychologique et social (Hoerni et al., 1994,
cité par Saltel et al., 1995)
Certains professionnels de la santé ont développé des programmes d’éducation destinés
aux patients cancéreux. Des programmes de préparation aux interventions chirurgicales ont
ainsi été créés, particulièrement en ce qui concerne les mastectomies, les colostomies, les
trachéotomies et les laryngectomies (Rogers et al., 1986, cité par Razavi et Delvaux, 2002).
En revanche, cette éducation et cette prise de contrôle sur l’avenir ne sont pas utiles et
peuvent être même préjudiciables pour le malade si le cancer est avancé et de mauvais
pronostic. L’effet est maximalisé lorsqu’une réhabilitation est envisageable (Razavi et
Delvaux, 2002).
1.7.6.2. La relaxation
Elle constitue une des interventions les plus utilisées dans les programmes de traitements
psychologiques en oncologie. Sapir (1974, cité par Razavi et Delvaux, 2002) définit la
relaxation comme toute technique s’exerçant sur le tonus musculaire, visant à son
relâchement et pouvant agir également sur la personnalité dans sa globalité. Cette technique
12
se serait avérée efficace dans le traitement des nausées et des vomissements anticipatoires
de patients en cours de chimiothérapie (Redd, 1989, cité par Razavi et Delvaux, 2002). En
l’absence d’évaluation fiable, celle-ci ne peut pas être considérée comme ayant un effet
favorable sur l’évolution de la maladie, ceci pourrait en outre encourager les idées de
culpabilisation. Toutefois, de façon plus modeste, ces techniques permettent l’établissement
d’une relation chaleureuse et dynamisante facilitant l’expression des difficultés et une aide
sous forme de soutien affectif (Saltel et al., 1995).
1.7.6.3. La psychothérapie
Elle relève de la compétence des psychiatres et des psychologues. Qu’elle soit individuelle
ou de groupe, l’objectif est le plus souvent de résoudre une situation critique en explicitant
les enjeux et ainsi en dédramatisant. Elle permet au patient de retrouver sa cohérence
intérieure, mise à mal par le traumatisme, la rupture qu’implique toujours la maladie.
Ainsi cette intervention psychosociale peut améliorer significativement la qualité de vie des
patients cancéreux, encourager un meilleur ajustement psychologique et un coping
fonctionnel, promouvoir le bien-être pendant le traitement et ultérieurement.
1.7.6.4. Les psychotropes
L’usage des antidépresseurs est plus délicat tant les critères diagnostiques d’un état
dépressif restent controversés en cancérologie ; ils peuvent être indiqués pour les troubles
de l’adaptation. Il est important de discuter le risque de dépendance aux anxiolytiques et de
réduire leur usage à des circonstances précises (examens, acte thérapeutique, période
transitoire de difficultés d’adaptation (Saltel et al., 1995).
Cette présentation médicale de la maladie ainsi que la description rapide des interventions
psychologiques qui s’y rapportent, nous ont permis, dans ce premier chapitre, d’apporter des
éléments de compréhension à la pathologie cancéreuse. Dans le chapitre suivant, nous
allons décrire les diverses approches théoriques qui ont été élaborés à propos des relations
entre facteurs psychosociaux et cancer.
13
2. Psychologie et cancer : différents modèles explicatifs
2.1. Les conceptions unidirectionnelles
2.1.1. L’approche antique
Dès l’antiquité égyptienne, certains renseignements proviennent de papyrus et décrivent des
tumeurs trouvées sur des momies : un papyrus datant de 1552 av. J.-C déconseille d’enlever
une grosse tumeur de la cuisse car cela risquerait d’être fatal au malade. Il y eut, cependant,
très peu de descriptions de cancer jusqu’à Hippocrate (460-370 av. J.-C). Considéré comme
le plus grand médecin de l’antiquité, il décrivait des lésions cancéreuses touchant la peau, le
sein, l’estomac, le col de l’utérus et le rectum, et en en a établit une classification.
Hippocrate suggérait déjà que les femmes mélancoliques étaient plus sujettes aux cancers
que celles qui avaient un tempérament « sanguin ». Galien (130-201 ap. J.-C), médecin grec
établi à Rome a repris cette idée que les tumeurs étaient dues à un excès d’ « humeur », de
bile noire qui se solidifiait dans certaines parties du corps. Bien que ces médecins s’appuient
sur leur expérience et sur l’observation des faits, ces descriptions apparaissent plus
anecdotiques que scientifiques. On ne peut considérer les relations entre cancers et facteurs
psychologiques comme établis.
2.1.2. La conception de Groddeck
Walter Georg Groddeck (1866-1934), médecin et psychanalyste allemand, a publié le
« Livre du çà » dans lequel il reprend certains concepts analytiques. Il écrit en 1923 dans cet
ouvrage que toute maladie est le « symbole de la représentation de quelque chose qui se
passe au-dedans du malade, une pièce mise en scène par le « çà ». Pour lui, le cancer
équivaut à la mort, c’est ce que chercheraient inconsciemment et fatalement les malades qui
en sont atteints en raison du profil psychologique qui les prédispose. Il développe ainsi une
14
théorie psychosomatique représentant la maladie organique comme une « grossesse
symbolique ». Ce modèle de la maladie s’applique particulièrement au processus tumoral.
Cette théorie originale ne peut être considérée qu’avec prudence car elle n’est pas
étayée par des travaux scientifiques.
2.1.3. L’approche psychosomatique
La psychosomatique met l’accent sur l’importance du lien entre les expressions et troubles
corporels et les facteurs émotionnels et psychiques (Fischer et al., 2006). Le modèle qui en
résulte va se constituer à partir de la théorie psychanalytique. Les concepts freudiens de la
névrose sont repris par des psychanalystes américains qui en 1930 fondent l’école de
Chicago. En1950, Alexander, un de ses membres, évoque l’existence de types spécifiques
de conflits qui seraient à l’origine d’un certain nombre d’affections psychopathologiques.
Pour que le trouble psychosomatique apparaisse, la conjonction de trois facteurs est
nécessaire : la vulnérabilité de l’organe cible, une structure psychologique conflictuelle et les
circonstances actuelles provoquant des émotions intenses. Pour Dunbar, à chaque maladie
correspond un conflit psychologique particulier. En France, c’est en 1953 que se développe
le courant psychosomatique sous l’impulsion de Marty et de M’Uzan. Chez les femmes
porteuses d’une tumeur mammaire, Marty (1988, cité par Martin-du-Pan et al., 1992) pense
être en mesure de décrire une constellation caractéristique (insuffisance de représentation
psychique, dépression essentielle, angoisse diffuse) qui serait en corrélation avec la
présence d’une lésion cancéreuse. Cependant, la présence d’une tumeur cancéreuse peut
modifier la sensibilité du sujet et ses réponses à des tests psychologiques. Seules les études
prospectives à long terme permettent de se soustraire à ce type de critique.
2.1.4. La conception de Leshan
Comme présenté dans l’ouvrage de Delvaux et Razavi (2002), Leshan, psychanalyste
américain, tente de dégager un certain type de personnalité chez les cancéreux et propose
qu’un traumatisme ou une perte précoce entraînerait une culpabilité, une condamnation de
soi et une croyance que les relations sociales sont dangereuses. Selon cette théorie,
l’apparition d’un stress psychosocial survenant chez des sujets sensibilisés favoriserait le
15
développement des affections cancéreuses. Leshan, a trouvé, dans l’enfance des patients
cancéreux des points communs : un sentiment douloureux de solitude durant l’enfance, un
besoin inassouvi, et une problématique abandonnique. Ces sujets, dans l’impossibilité
d’exprimer leurs sentiments profonds, sont amenés par les exigences de l’environnement à
construire une personnalité en décalage avec leur réalité psychique. Ils se conforment au
désir parental ou environnemental, mais cela les conduit à nier leur propre identité. C’est la
perte d’un être cher qui réactivera leur problématique abandonnique. Une fois que la colère
est intériorisée, les premiers symptômes du cancer se manifesteraient.
Toutefois, cette conception, malgré son grand intérêt repose une fois encore sur des
arguments spéculatifs qui n’ont pas donné de preuve empirique.
2.1.5. Une conception psychogénétique: le syndrome de Fritz Zorn
La croyance en une origine psychologique des maladies se retrouve autant du côté des
médecins que des malades. Sontag (1979) a montré que les maladies mortelles telles que la
tuberculose, les cancers sont investies par l’imaginaire populaire de signification symbolique.
Les malades tendent à réinterpréter leur maladie dans le contexte de leur existence pour lui
donner une signification. L’exemple extrême est fourni par Fritz Zorn qui, atteint d’un
lymphome, écrit dans « Mars » (1977) : « La névrose de mes parents est cause de
tourments de toute ma vie ; mon tourment est cause que j’ai contracté le cancer et le cancer
est finalement la cause de ma mort ». Pour lui, le cancer est « une maladie de l’âme », la
conception du refus de la vie et de la haine de soi, qui lui a été inculquée par sa famille. Ce
que Martin-du-Plan et Bauer (1992) appellent « syndrome de Fritz Zorn » est défini « comme
la croyance en une toute-puissance de la pensée pour triompher des maladies, avec comme
corollaire, le génie de leur réalité biologique ». Confronté à une maladie somatique grave, il
cherche à tout prix, pour maintenir un équilibre à son économie psychique, une conception
de sa maladie lui offrant l’illusion d’un possible contrôle.
16
2.2. Les conceptions multifactorielles
2.2.1. Approche psychologique
Certains chercheurs ont essayé de différencier un type de comportement C prédisposant au
cancer à l’opposé du type A décrit comme favorisant certaines affections cardio-vasculaires.
Ce serait la « personnalité des cancéreux » décrite à la fois par les études
psychosomatiques et par les recherches de type épidémiologique. Pour les recherches
épidémiologiques, c’est une constellation composite, appelée tantôt type C, tantôt type 1
défini comme la difficulté à identifier et à exprimer des affects négatifs (dont l’hostilité), des
cognitions dépressives sous-jacentes (autodépréciation, impuissance/désespoir, fatalisme)
(Fischer, 2002). Ces facteurs prédisposent certains individus à développer un cancer plus
rapidement que d’autres ou à progresser plus vite à travers les stades de maladie
cancéreuse (Temoshok, 1987, cité par Bleiker et al. ,1993). Les individus de type C sont
décrits comme coopératifs, non compétitifs, réprimant leurs émotions (particulièrement
l’agressivité) et se soumettant à l’autorité (Temoshok et al., 1985, cité par Delvaux et Razavi,
2002). Le type B se définit par une absence des caractéristiques de type A et se différencie
du type C par une expression non inhibée des émotions (agressivité, peur, tristesse).
Les études respectives (cités par Delvaux et Razavi) de Derogatis et al. (1979) et de
Rogentine et al. (1979) font apparaître qu’une difficulté d’adaptation à la maladie
caractérisée par des démonstrations d’anxiété et d’agressivité serait associé à un bon
pronostic. Cependant, le rôle du type de personnalité C et de ces différentes attitudes
psychologiques dans le prognostic des cancers n’a cependant pas été confirmé par d’autres
travaux cités par Martin-du-Pan (Cassileth et al., 1985 ; Jamison et al., 1987 ; Spiegel et al.,
1989).
2.2.2. La psycho-oncologie
La psycho-oncologie a pour objet la prise en compte des dimensions psychologiques,
psychiatriques, comportementales, familiales et sociales en relation à un cancer. C’est une
17
composante de la multidisciplinarité du soin en cancérologie. Son développement,
relativement récent, répond essentiellement à la nécessité de prévenir et traiter les
répercussions négatives de la maladie cancéreuse sur le psychisme du patient et de son
entourage, d’aider le patient à rester lui-même et garder sa liberté de décision, en proposant
un accompagnement adapté aux besoins de la personne malade et de ses proches (Institut
Gustave Roussy, 2006).
Annoncée le 10 Mai 2005 par Sanofi-Aventis (Némirovsky, 2005), la mise à disposition
de « A Vivre Ouvert », première collection pédagogique sur la psycho-oncologie. Le
programme EPAC3 avait clairement mis en évidence d’une part une demande d’aide
psychologique émanant des patients et d’autre part une demande de formation et d’aide
émanant des soignants, pour prendre en charge leurs patients et pour eux-mêmes. Les
coffrets de formation sont remis aux soignants par Sanofi-Aventis lorsqu’un projet est
clairement identifié au sein d’un service de cancérologie.
Les préoccupations de la psycho-oncologie rejoignent celles de la psychologie de la
santé, mais en étant centrées sur les aspects psychosociaux des pathologies cancéreuses
avec un accent marqué sur les interventions psychologiques auprès des malades.
2.2.3. Les cancers et la psycho-neuro-immunologie
La psycho-neuro-immunologie est située à l’intersection de la psychologie, des
neurosciences comportementales, de la neuroendocrinologie et de l’immunologie. L’objectif
de cette discipline est de mieux comprendre les co-fonctionnements entre facteurs
psychosociaux et biologiques impliqués dans le développement de certaines maladies, en
formulant des hypothèses réfutables et en élaborant des modèles explicatifs afin de les
soumettre à l’épreuve des faits. Nous pouvons citer le modèle de Contrada et al. (1990) qui
établit un lien entre des facteurs psychologiques et la diminution des défenses immunitaires,
et par conséquent un risque de développement et de récidive d’un cancer. Selon ce modèle,
il existerait un enchaînement des évènements, variable suivant la façon dont un individu leur
3
Ensemble Parlons Autrement des Cancers
18
fait face. Ainsi Contrada et al. (1990) tendent donc à montrer qu’un évitement émotionnel
serait un facteur d’exposition à un risque de cancer (Fischer, 2002).
D’après Cousson-Gélie (2001), les hypothèses psycho-neuro-immunologiques permettent de
dépasser la mise en relation des facteurs psychosociaux avec l’évolution des cancers. En
revanche, Martin-du-Pan (1992) avance que la
relation de cause à effet entre ces
perturbations immunitaires et l’incidence est infondée. Paradoxalement, il cite dans son
article des études qui mettent en avant l’idée contraire (Muller, 1977 ; Simonton, 1975) et
réfute ces résultats car jugeant ces cas anecdotiques. Cet auteur cite même une étude
contrôlée montrant que des stress existentiels graves sont associées avec une première
récidive de cancer du sein (Ramirz, 1989).
Nous manquons d’informations plus précises sur la nature des déterminants
émotionnels et des mécanismes neuro-endocriniens véhiculant les changements observés,
pour savoir si ces phénomènes dépendent les uns des autres ou sont indépendants. Des
études prospectives et longitudinales de bonnes qualités méthodologiques s’avèrent
nécessaires.
2.2.4. Cadre conceptuel de psychologie de la santé
La psychologie de la santé peut être définie comme l’étude de la santé et de la maladie
centrée sur l’importance et le rôle de l’interdépendance des facteurs psychologiques, sociaux
et biologiques dans le maintien de la santé ou le déclenchement et l’évolution des maladies.
(Fischer et Tarquinio, 2006). Il s’agit d’une discipline intégrative qui s’est construite avec
l’apport de concepts issus d’autres disciplines telles que la biologie, les neurosciences et les
théories cognitives. Cette discipline propose une nouvelle compréhension de la santé et de
la maladie. Le modèle intégratif et multifactoriel qui en découle présente l’intérêt majeur
d’intégrer dans un même modèle explicatif les trois types de facteurs ayant un impact sur la
santé (Bruchon-Schweitzer, 2002): antécédents environnementaux et socio-démographiques
(ce que l’individu a subi), antécédents individuels, psychosociaux et biologiques (ce qu’il
est), transactions et stratégies d’ajustement (ce qu’il « fait » face à l’adversité). De même, ce
modèle biopsychosocial conviendrait à une recherche prospective où les facteurs
19
environnementaux et personnels, évalués dans un premier temps sont des antécédents et la
santé des individus (physique, somatique), évaluée dans un second temps, est l’issue (ou
critère à prédire).
Au début de ce chapitre, les modèles étaient linéaires (cause
effet), comme c’était le cas
des modèles biomédicaux et psychosomatiques présentés qui ont eu le mérite d’amorcer les
travaux de recherche ultérieurs. De nos jours, ont peut considérer la relation à la maladie
comme multifactorielle : cela impliquerait une compréhension précise des mécanismes
physiologiques, psychologiques et sociaux à la base du développement de la pathologie
cancéreuse. Ainsi, se sont développés récemment des modèles plus complexes :
transactionnels, biopsychosociaux et psycho-neuro-immunologiques. Une revue approfondie
de la littérature nous permettra d’appréhender l’influence des facteurs psychologiques et
sociaux sur l’incidence de la progression du cancer.
3. Les déterminants psychosociaux de l’ajustement à l’évolution
du cancer
3.1. Facteurs sociodémographiques, environnemental, médical et
dispositionnel
3.1.1. Les facteurs sociodémographiques
3.1.1.1. L’âge
Dans l’étude prospective, randomisée et contrôlée de Ratcliffe (1995), cinq ans après le
diagnostic initial, la survie est associée négativement à l’âge chez 63 patients atteints d’une
20
maladie d’hodgkin4. D’après Cousson-Gélie (2001), il existe une relation directe entre l’âge et
le cancer, relation qui croît de façon quasi-exponentielle à partir de 45 ans.
3.1.1.2. Le sexe
D’après l’étude de Westeel et al. (2000) portant sur 192 patients parmi lesquels 136 patients
ont rechuté de leur cancer du poumon, le genre féminin et un âge inférieur ou égal à 61 ans
ont été trouvés comme étant des facteurs pronostics favorables. L’étude de Sukumvanich et
al. (2005) portant sur des patients ayant un cancer du poumon, fait apparaître qu’être une
femme est un facteur pronostic favorable dans la survie au cancer.
En revanche, dans l’étude de Chen et al. (2005), l’incidence de la tumeur pulmonaire sur le
foie, les tissus mous et la peau est légèrement plus élevée chez les femmes avec un ratio
homme/ femme de 1/1,6.
3.1.2. Caractéristique environnementale : l’origine ethnique
Le cancer du sein est la forme la plus commune de cancer chez les femmes américaines à
travers différents groupes ethniques. Dans l’étude qualitative de Ashing-Giwa et al. (2004)
portant sur 102 survivantes du cancer du sein, des différences ethniques importantes sont
trouvées par rapport au type de traitement : les asiatiques et les latines reçoivent plus de
mastectomies ; les afro-américaines bénéficient plus de thérapies adjuvantes5. Les relations
dominantes concernent la santé globale, les préoccupations physiques modérées, la récidive
de cancer ou des métastases, les préoccupations psychosociales qui sont associées aux
inquiétudes au sujet des enfants et aux responsabilités familiales, et l’image du corps.
En ce qui concerne des femmes japonaises ayant reçu un traitement conservateur pour le
cancer du sein, l’incidence de la récidive de cancer est plus faible que celle rencontrée dans
d’autres groupes ethniques (Gould, 2005).
4
5
Maladie ganglionnaire maligne caractérisée par la présence dans les ganglions de cellules de Sternberg
En chimiothérapie, substance qui complète un acte chirurgical ou une irradiation.
21
3.1.3. Facteur médical : la catégorie de récidive
S’appuyant sur les travaux de Strauss et Corbin, Ménoret (1999) a retenu leur principe de
shématisation des différentes trajectoires de maladies cancéreuses pour en établir une
typologie plus exhaustive. Le principe utilisé est le suivant :
-
le point A et le point B balisent le temps de l’interaction entre le patient et l’institution
médicale ;
-
dans les représentations graphiques ci-dessous, on trouve en abscisse le temps de
la prise en charge médicale et en ordonnée les réponses aux traitements entrepris.
Six trajectoires ont été recensées par l’auteur mais nous n’en retiendrons que les trois
premières relatives à la récidive de cancer :
La trajectoire simple puis décroissante concerne les maladies que l’on a pu considérer
guéries après un traitement mais qui, au bout d’un temps plus ou moins long, se déclarent à
nouveau, illustrant ce qu’on appelle en cancérologie une « récidive ». Elle se présente sous
la forme suivante :
A
B
Dans la trajectoire décroissante, le malade ne recouvre jamais son état de bonne santé
antérieur. Sa maladie connaît au mieux, des étapes de stabilité sans complication sensible
mais conduit cependant, d’aggravation en aggravation, inexorablement à la mort. De longues
périodes d’accalmies peuvent alterner entre les récidives. Ils l’ont présentée de la manière
suivante :
A
B
22
La trajectoire sans réponse est celle pour laquelle aucun traitement n’est efficace, à quelque
moment que ce soit dans son cours thérapeutique. Les trajectoires sans réponse sont rares.
Leur durée peut être variée mais ce qui les caractérise c’est le fait qu’une fois que le
diagnostic est posé le patient ne cesse d’être pris en charge dans un protocole thérapeutique
ou dans un autre. Elle se dessine ainsi :
A
B
Dans la trajectoire simple, on mobilise un traitement qui se révèle efficace dans la mesure où
les symptômes de la maladie disparaissent après son application. On peut représenter cette
trajectoire de la façon suivante :
A
B
La trajectoire invalidante est celle dont le travail thérapeutique a pour effet d’éradiquer la
pathologie cancéreuse en laissant toutefois des stigmates définitifs. Elle peut donc prendre
cette forme de représentation :
A
B
La trajectoire à réponse différée, d’abord sans réponse, connaît un succès après un
changement de thérapie. Elle mobilise souvent divers protocoles, voire différents
23
thérapeutes et spécialistes. Elle est source de grande satisfaction après avoir été, dans un
premier temps, source de profonde incertitude. Cette trajectoire est schématisée ainsi :
A
B
Plusieurs études se sont intéressées aux liens entre récidive et réponses thérapeutiques,
montrant ainsi différentes trajectoires de maladie cancéreuse.
Ainsi, l’étude de Keller et al. (2001) qui a porté sur 488 patients opérés pour un cancer du
poumon montre qu’ajouter de la chimiothérapie au traitement par radiothérapie n’augmente
pas leurs bénéfices face à la rechute. De même, les travaux de Froud et al. (cités par Calais,
2004), portant sur près de 2000 patientes montrent que quelle que soit la durée de
l’intervalle chirurgie-radiothérapie, il n’y a aucune différence dans le taux de récidive.
Par contre, la mise au point de Calais (2004) met en évidence que le taux de récidive est
plus élevé lorsque la radiothérapie est administrée tardivement.
3.1.4. Facteurs dispositionnels
3.1.4.1. Optimisme vs pessimisme
« L’optimisme est un style cognitif global, une tendance généralisée à anticiper une
issue favorable aux évènements et à avoir une perception positive de soi et du monde.
L’optimisme dispositionnel désigne des attentes générales et stables, d’une bonne
consistance temporelle et trans-situationnelle (Scheier et al., 1989 ; cité par BruchonSchweitzer, 2002). Aucune définition opérationnelle de ce concept n’a été formulée.
Quelques réserves ont été émises vis à vis de l’optimisme dispositionnel car nous ne
pouvons savoir si le sujet attribue les issues attendues à ses propres caractéristiques, à
celles de la situation ou aux transactions entre individus et contexte (Bruchon-Schweitzer,
2002). Sultan et al. (1999) poursuivent dans ce sens: « l’optimisme ainsi conçu est peut-être
24
trop global et ne rend finalement compte que de l’absence d’instabilité émotionnelle ou
d’anxiété.
Dans leur étude longitudinale (1989, cité par Sultan et al., 1999), Scheier et ses
collaborateurs associent le fait d’être optimiste à un état général de bien-être psychologique
et physiologique. La qualité de vie six mois après l’hospitalisation est également meilleure
pour ces personnes. En ce qui concerne les effets indirects, les sujets optimistes recourent
davantage à des stratégies de coping centrées sur le problème qui sont connues pour être
plus « fonctionnelles » que les autres. Notons que dans l’étude de Carver et son équipe
(1993, cité par Scheier et al., 1994), l’optimisme dispositionnel est associé à huit différentes
qualités de coping sur l’ajustement à une opération chirurgicale du cancer du sein.
Dans une autre étude de Scheier et al. (1986, cité par Friedman et al., 1992), l’optimisme est
associé positivement à la recherche de soutien social et à la réinterprétation positive ; celuici est associé négativement au déni, au désengagement et à la focalisation sur des
sentiments stressants. A long terme, ces sujets se rétablissent mieux et retrouvent plus
facilement une vie normale. Les travaux de Taylor et Brown (1988), de Schwarzer (1994), de
Weinstein et Klein (1995) (cités par Absetz et al., 2000) indiquent que l’optimisme dans la
perception des risques est psychologiquement fonctionnel en protégeant les personnes de
l’anxiété.
Toutes les études citées se confortent pour associer l’optimisme à une issue
positive de la maladie.
En 1976, Weisman et Worden (cités par Mc Daniel et al., 1995) rapportaient parmi les
facteurs de risque prédisposant les patients cancéreux à développer des symptômes
dépressifs, une tendance au pessimisme. Schulz et al. (1994, cité par Cousson-Gelie, 2001)
ont observé dans une cohorte de 238 patients présentant une récidive de cancer et suivis
pendant huit mois que le pessimisme est associé à une mortalité plus importante.
Dans un groupe de 70 patientes atteintes d’un cancer du sein, les optimistes récupèrent plus
vite que les pessimistes après avoir subi divers traitements (Carver et al., 1994, cité par
Bruchon-schweitzer, 2002). Il apparaît au travers de ces études que le pessimisme est
associé à une issue négative de la maladie, et ceci comparativement à l’optimisme.
25
3.1.4.2. Répression vs Sensibilité
Dans l’ouvrage de Delvaux et Razavi (2002), la répression est définie comme la capacité à
se soustraire à une réalité psychique douloureuse. Elle constitue par conséquent un potentiel
non négligeable dans une affection souvent chronique comme le cancer.
La répression émotionnelle semble jouer un rôle clé dans l’initiation des cancers. Jensen
(1991) a répertorié les plus anciennes études sur la question. Ainsi, Tarlau et Smalheiser
(1951), Bacon et al. (1952) ou encore Cramer et al.(1967) avaient déjà détecté, chez des
patientes atteintes d’un cancer du sein, une difficulté à exprimer leurs émotions. Kneier et
ses collaborateurs (1984, cité par Delvaux et Razavi, 2002) ont aussi remarqué que les
patients ayant un mélanome malin présentent plus de tendances répressives qu’un groupe
de sujets sains et que des patients ayant des troubles cardio-vasculaires. De même, une
étude prospective rapporte avoir pu discriminer sur la base d’un score de répression, les
patients cancéreux de ceux qui ne l’étaient pas (Dattore et al., 1980, cité par Delvaux et
Razavi, 2002). L’étude de Jansen et Muez (1987, cité par Bleiker et al., 1993) montre que les
patientes avec un cancer du sein s’estiment moins agressives, moins démonstratives, et
moins capable d’ exprimer de la colère et d’autres émotions négatives que d’autres femmes
ayant une maladie fibrokystique
6
et que des sujets contrôles sains. L’étude prospective de
Thomas (1974, cité par Martin-du-Pan, 1992) portant sur plus de mille étudiants suivis
pendant 20 ans a permis de déceler parmi les neuf qui ont eu un cancer de faibles
manifestations de tensions nerveuses, mise en relation avec une tendance à la dénégation
et à la répression des conflits et une perturbation de la relation avec les parents, privé de
chaleur et d’intimité. Toutes ces études font apparaître la répression des émotions comme
une spécificité du malade cancéreux. Ces résultats sont confirmés par Bremond et al.
(1986), Grassi et al.(1988), Servaes et al. (1999).
Toutefois, certains auteurs ne trouvent pas d’association significative entre le
développement d’un cancer et la répression des émotions (O’ Donnell et al., 2000 ; Price et
6
L’état fibrokystique est une maladie bénigne du sein se manifestant par la présence d'une nodosité (petite masse) associée à
des douleurs ou a une sensibilité des seins.
26
al., 2001). De même, il convient de rester prudent quant à la qualité des études scientifiques.
Une incohérence statistique de l’étude prospective de Thomas a été souligné par Martin-duPan (1992). Parmi les treize études que nous avons recensées, dix ont établi un lien entre
répression des émotions et cancer. De plus, la méta-analyse de McKenna et al. (1999), cités
par Spiegel et Giese-Davis, 2003) a confirmé que la répression émotionnelle est un des
prédicteurs de l’incidence du cancer. Il semble que cette variable psychologique soit liée au
développement du cancer.
3.2. Processus transactionnels
3.2.1. Le coping spécifique au cancer
Le coping désigne les réponses et réactions que l’individu va élaborer pour maîtriser,
réduire ou simplement tolérer la situation aversive. Le coping peut prendre des formes très
diverses : il peut s’agir de cognitions7, d’affects8 et de comportements9). Ce terme a fait
l’objet d’une conceptualisation plus spécifique pour désigner « l’ensemble des efforts
cognitifs et comportementaux constamment changeants, destinés à maîtriser, réduire ou
tolérer des impératifs spécifiques internes ou externes qui sont perçus comme menaçant ou
dépassant les ressources d’un individu » (Lazarus et Folkman, 1984, cité par Fischer et
Tarquinio, 2006). On distingue deux formes principales de coping :
-
le coping centré sur le problème désignant l’ensemble des efforts comportementaux
et cognitifs d’un individu en vue de modifier la situation dans laquelle il se trouve.
-
Le coping centré sur l’émotion qui désigne l’ensemble des efforts visant à atténuer et
à supporter les états émotionnels déclenchés par la situation.
Le coping centré sur l’émotion est généralement considéré comme moins efficace, du fait
notamment que ses diverses formes d’expression, telles que la répression des émotions ou
l’impuissance, sont associées à une augmentation de la détresse.
Réévaluation de la situation stressante ou des ressources disponibles, restructuration cognitive, plans d’action
Expression ou répression de la peur, de la colère, de la détresse
9
Résolution de problèmes, recherche d’information, recherche d’aide
7
8
27
Chez les malades cancéreux, on a pu observer certaines expressions spécifiques (BruchonSchweitzer, 2002) :
-
pour le coping centré sur le problème : la recherche d’information, l’esprit combatif et
l’observance
-
pour le coping centré sur l’émotion : l’impuissance-désespoir, l’auto-accusation,
l’évitement
(répression
ou
suppression
des
émotions,
la
dénégation,
la
distraction,…), la résignation, l’expression des émotions et l’hostilité
Dans une synthèse de onze études (Cousson-Gélie, 2001), l’impuissance/ désespoir et la
répression des émotions sont associées à un issue péjorative, la combativité n’a pas d’effet
fonctionnel sur la survie même si elle prédit une meilleure qualité de vie ultérieure.
Dans l’étude exploratoire de Northouse et al. (1995), la détresse et le désespoir sont
apparus comme les facteurs les plus prédictifs de l’ajustement des couples à la récidive du
cancer du sein de la femme. Une relation positive étant trouvée entre les scores
d’ajustement de la femme malade et de son mari, ces résultats indiquent que les partenaires
ont une influence mutuelle. On a également observé sur 102 patients qui ont fait une rechute
une relation entre le niveau de détresse à l’annonce de la rechute et son degré
d’anticipation : les patients qui ne s’attendaient pas à une rechute avaient un niveau de
détresse plus élevé que ceux qui n’avaient jamais cru à leur guérison (Weisman et Worden,
1986, cité par Fischer et Tarquinio, 2006). L’utilisation d’une stratégie de déni trois mois
après mastectomie10 chez des femmes présentant un cancer du sein est associée à une
survie sans récidive plus longue que celles qui employaient d’autres stratégies de coping
(Dean et al., 1989).
Dans l’étude de Fawzy et al. (1993, cité par Dean et al., 1989) portant sur des hommes et
des femmes présentant un mélanome, la récidive du cancer était utilisée comme une
variable dépendante : des niveaux élevés de détresse perçue augmentant l’utilisation d’un
coping actif prédisent une survie plus longue et une diminution de la récidive de la maladie.
10
Ablation chirurgicale du sein
28
Lévy et al. (1991, cité par Cwikel et al., 1997) ont exploré les relations entre l’humeur, le
soutien social perçu et des mesures immunologiques. La recherche de soutien social en tant
que stratégie de coping était liée positivement à l’activité des cellules NK11 quinze mois après
et s’est avéré être un fort prédicteur de la récidive de la maladie cinq à sept ans après
l’étude.
Selon Lazarus et Folkman (1984, cité par Lavery et Clarke, 1996), un coping centré sur le
problème n’est vraiment efficace que si la situation est contrôlable, des efforts répétés de la
part du sujet seront inutiles et épuisants et une stratégie émotionnelle évitante (répression)
pourra s’avérer plus adaptée. Au travers de toutes ces études citées qui défendent l’une ou
l’autre position, il faudrait se garder de conclure un peu trop hâtivement quant à l’efficacité
des stratégies centrées sur le problème et à la nocivité des stratégies centrées sur l’émotion
élaborées par les patients cancéreux.
3.2.2. Vulnérabilité et ajustement psychologique
Certaines croyances, perceptions et attitudes jouent un rôle fondamental dans l’adoption de
comportements protecteurs. D’après le modèle des croyances en matière de santé (HBM de
Rosenstock, 1966) , nous retrouvons parmi ces types de perceptions ou croyances, la
vulnérabilité perçue définie comme le fait de se sentir plus ou moins vulnérable vis-à-vis
d’une (ou plusieurs maladies). Dans l’étude de Timko et Janoff-Bulman (1985) qui a porté
sur 42 femmes atteintes d’un cancer du sein et ayant réalisé une mastectomie, on trouve
une association positive entre l’invulnérabilité perçue face à la récidive de cancer et
l’ajustement effectif à la maladie.
3.3. Critères
3.3.1. La qualité de vie spécifique au cancer
En 1993, l’OMS considère la qualité de vie comme la perception qu’a un individu de sa place
dans l’existence, dans le contexte de sa culture et de son système de valeurs en relation
11
Littéralement Natural Killer, il s’agit d’un grand lymphocyte qui détruit les cellules infectées ou cancéreuses.
29
avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. C’est un concept intégrant
de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau
d’indépendance, ses croyances personnelles, ses relations sociales ainsi que sa relation aux
éléments essentiels de son environnement. La qualité de vie concerne aussi l’ajustement à
la maladie dans la vie quotidienne, il est donc capital de ne pas limiter la qualité de vie à la
santé. Selon Nordenfelt (1994) cité par Bruchon-Schweitzer (2002), la notion de qualité de
vie est le plus souvent confondue avec celle de qualité de vie associée à la santé, d’état de
santé et de bien-être subjectif. Pour Lawton (1997) cité par Bruchon-Schweitzer (2002), la
qualité de vie est l’évaluation multidimensionnelle, à la fois en fonction de critères sociaux
normatifs et de critères individuels, du système « personne-environnement » de chaque
individu.
Bottomley et al.(2005) évaluaient la qualité de vie relative à l’état de santé chez 448
patients ayant survécu à un cancer du sein avancé qui ont été répartis en deux groupes :
224 recevant la dose standard de chimiothérapie adjuvante pendant 6 mois et 224 recevant
la dose intensive pendant 3 mois. Les patients recevant un traitement court (dose intensive)
ont un score global de qualité de vie relative plus faible pendant trois mois que ceux qui
suivent le traitement standard. La qualité de vie spécifique était évaluée grâce au QLQC-30
de l’European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC).
Ganz et al. (1998, cité par Ahles., 2005) trouvent quelques différences de qualité de vie
relative à l’état de santé chez des patients ayant survécu à un cancer du sein et ceux ayant
reçu différents traitements. Evalués trois ans après et six ans après, des différences
significatives de qualité de vie globale, de santé générale, de fonctionnement physique et de
fonctionnement social sont trouvées en fonction du type de traitement reçu. En effet, dans
chaque groupe, les survivants ayant reçu des traitements adjuvants présentent une qualité
de vie plus altérée que ceux qui n’en ont pas reçu.
Dans l’étude de Langendijk et al. (2002), la qualité de vie est évaluée avant et après
radiothérapie chez 46 patients présentant un cancer du poumon, en utilisant le QLQ-C30 et
le QLQ-C13 : on constate après radiothérapie une augmentation de la dyspnée, de la
30
fatigue, une perte d’appétit, une détérioration significative du fonctionnement de rôle.
Contrairement aux résultats attendus, une faible incidence des récidives est constatée après
irradiation.
L’évaluation de la qualité de vie des malades a été progressivement introduite dans
l’évaluation médicale particulièrement en oncologie où elle fait de plus en plus partie des
paramètres étudiés dans les essais cliniques. Elle a permis d’élargir les critères intervenant
dans une décision thérapeutique, de sorte que face à deux protocoles de traitement,
garantissant une durée de survie équivalente, le choix thérapeutique permet de favoriser
celui qui apporte une meilleure qualité de vie aux patients. Dans cette mesure, les soins
orientés vers une meilleure qualité de vie vont s’attacher à diminuer les récidives, à réduire
les effets secondaires qui ont un retentissement important sur la vie sociale, à soutenir les
malades face à l’angoisse et la détresse,…
3.3.2. Le décès vs survie
La possibilité que des facteurs psychologiques puissent modifier la progression de la
maladie maligne a retenu l’attention de nombreux chercheurs. Des résultats positifs et
négatifs ont été trouvés dans les études respectives de Barraclough et al. (1992,1993) et de
Ramirez et al. (1989, 1992) citées par Walker et al. (1999).
Dans leur étude de 1992, Mermelstein et Lesko (cités par Mc Daniel et al., 1995)
recommandent de s’intéresser aux symptômes psychologiques tels que les souhaits de mort
comme des indicateurs diagnostiques fiables.
Les résultats à dix ans de 133 essais randomisés réunissant 75 000 malades, ont fait l’objet
d’une méta-analyse actualisée par l’Early Breast Cancer Triallist’s Collaborative Group en
1998. Cette méta-analyse (citée par Calais, 2004) montre une amélioration de la probabilité
de survie globale des femmes par la radiothérapie et chimiothérapie concomitante.
Par contre, dans l’étude de Huguier et Houry (1998, cité par Delpero et al., 2000), la survie
est divisée par trois en cas de symptômes. Les récidives des cancers opérés sont les causes
de décès les plus fréquentes (Keller et al, 2001). De même, les patients qui ont survécu à un
31
cancer du poumon ont un risque croissant de récidive et de développement de tumeurs
secondaires (Evangelista et al., 2003).
Selon l’« Adjuvant Lung Project Italy » (ALPI) de l’Organisation européenne pour la
recherche et le traitement du cancer (EORTC) et l’« International Adjuvant Lung Trial »
(IALT), deux études prospectives portant sur plus de 1000 patients ayant un cancer du
poumon, la principale cause de décès est la rechute de la maladie (2003, cité par Le
Chevalier et al, 2005).
3.3.3. L’anxiété état
L’anxiété normale ou pathologique est un ensemble de réactions émotionnelles qui se
traduisent habituellement par des symptômes subjectifs somatiques ou psychiques, par des
modifications comportementales et par des signes physiologiques objectifs (Guelfi, 1993 cité
par Bruchon-Schweitzer, 2002). La psychologie différentielle considère l’anxiété comme une
dimension continue des conduites qui décrit les différences interindividuelles dans la
sensibilité à une gamme d’évènements perçus comme menaçants. En 1983, Spielberger
distinguait l’anxiété- trait, tendance stable et généralisée à percevoir les situations aversives
comme dangereuses de l’anxiété-état, sentiment d’appréhension, tension et activation
autonome momentanées, liées à un évènement spécifique (Bruchon-Schweitzer, 2002).
Comme tout affect, l’anxiété s’exprime dans deux registres : psychologique et somatique.
Dean et al. (1989, cité par Cousson-Gélie, 2001) ont suivi, pendant huit ans, 122
femmes atteintes d’un premier cancer du sein opérable. Les résultats révèlent que les
patientes qui expriment d’avantage leur anxiété, leurs craintes et leurs sentiments dépressifs
ont une survie sans récidive plus longue que celles qui ne l’expriment pas. Selon Humphris
et al. (2006), les patients souffrent fréquemment d’anxiété parce que le traitement leur
apparaît incompréhensible. Spiegel (1989, cité par Martin-du-pan) a évalué de façon
prospective l’effet d’un soutien psychologique sur la durée de vie de patientes atteintes d’un
cancer du sein avancé. Les femmes participant au groupe de soutien avaient un meilleur
moral, étaient moins anxieuses et douloureuses que d’autres femmes suivant un traitement
plus organique. Dix ans plus tard, celles qui ont bénéficié de ce soutien ont survécu deux
32
fois plus longtemps que les autres. Cette étude suggère que lors des traitements
psychologiques quelque chose freinerait la progression des cancers.
3.3.4. La dépression état
C’est une notion polysémique, elle désigne un ensemble hétérogène de troubles
associés à de nombreux facteurs psychologiques et biochimiques (Swensden et Blatier,
1996, cité par Bruchon-Schweitzer, 2002). La dépression caractérise un ensemble de
troubles de l’humeur qui se traduisent sous plusieurs formes : des états émotionnels négatifs
(détresse, tristesse, sentiment d’échec), des états cognitifs négatifs (image de soi
dévalorisée) et des états comportementaux négatifs (isolement social). Ses modalités
d’expression sont associées à des troubles somatiques comme la fatigue, les céphalées, les
troubles du sommeil. Selon certaines recherches, la dépression est la plus fortement
associée aux maladies chroniques et peut être considérée comme un facteur dans
l’évolution de certains cancers (Bruchon-Schweitzer, 2003, cité par Fischer et Tarquinio,
2005).
L’annonce du diagnostic initial, d’une rechute, d’un échec thérapeutique peut entraîner
un choc psychologique et un déni souvent suivis par un état d’anxiété ou de dépression
(Krakowski et al., 1996). Dans l’étude d’Aarstad et al. (2005 ; cité par Humphris et al., 2006),
les patients avec un cancer orofacial manifestant un sens de l’humour face au diagnostic
tendent à être moins déprimés six ans plus tard.
Given et Given (1992 ; cité par Northouse et al., 1995) se sont intéressés à l’impact d’une
récidive de cancer sur les membres de la famille. Ces chercheurs ont comparé vingt-et-une
patientes avec un diagnostic de cancer du sein à vingt-huit patientes récidivants de leur
cancer du sein, ceci à l’annonce du diagnostic et six mois après. Ils trouvent que les niveaux
de dépression des patients de chaque groupe diminuent après la période de six mois tandis
que les niveaux de dépression des proches augmentent.
33
3.3.5. Facteurs sociaux
L’étude de Silberfarb et al. (1980 ; cité par Northouse et al., 1995) met en évidence dans le
groupe de femmes récidivant de leur cancer plus de problèmes d’isolement social, de
rupture de rôle, plus de difficultés sexuelles et d’attitudes négatives envers l’équipe médicale
en comparaison de femmes en phase initiale et terminale de cancer.
Mahon et al. (1990 ; cité par Northouse et al., 1995) ont évalué l’ajustement psychosocial de
quarante patients présentant une récidive de cancer et retrouvent un nombre important de
problèmes de rôles psychosociaux. La majorité des patients rapportent que la récidive est
plus déstabilisante que le diagnostic initial de cancer.
Grâce à la revue de la littérature que nous avons effectué sur le rôle des facteurs
psychosociaux dans la progression des cancers, nous pouvons dire que :
 Certains facteurs sociodémographiques auront un impact sur la qualité de vie
(Helgeson et al., 2005), sur l’évolution (Ratcliffe et al., 1995 ; Sukumvanich et al.,
2005) et sur l’ajustement somatique et émotionnel à la maladie. De même, la façon
dont la maladie va récidiver influencera la qualité de vie spécifique (Ganz et al.,
1998 ; Langendijk et al., 2002 ; Bottomley et al., 2005 ; Yan et al., 2005),
l’ajustement somatique et émotionnel (Given et Given, 1992) et l’évolution de la
maladie (Dean et al., 1989 ; Calais, 2004 ; Froud et al., 2004).
 Certains facteurs psychologiques auront un impact sur la qualité de vie (Scheier et
al., 1989), sur l’évolution (Schulz et al., 1994) et sur l’ajustement somatique et
émotionnel (Weisman et Worden, 1976 ; Dattore et al., 1984 ; Jansen et Muez,
1987) à la maladie.
 Le recours aux stratégies d’ajustement spécifiques est déterminé par certains
facteurs sociodémographiques, par la façon dont la maladie va récidiver ainsi que
par certains facteurs psychologiques (Scheier et al., 1994 ; David et al., 2005).
34
 Le recours à des stratégies de coping aura un impact sur la qualité de vie, sur
l’ajustement somatique et émotionnel et sur l’évolution de la maladie (Dean et al.,
1986 ; Fawzy et al., 1990, 1993 ; Greer et al., 1990 ; Northouse et al., 1995).
35
Le cancer est pour l’ensemble des pays industrialisés l’une des principales causes de
mortalité. Au niveau étiologique, de nombreux facteurs peuvent intervenir dans la survenue
du cancer. C’est la perception de perturbations biologiques qui va alerter l’individu et
l’amener à consulter un médecin. Un examen physique suivi éventuellement d’examens
radiologiques et d’explorations de la tumeur permettra de poser le diagnostic de cancer. Le
cancérologue définira alors le traitement adapté au patient. A côté des traitements médicaux,
des interventions psychosociales faciliteront l’adaptation de la personne à la maladie.
L’influence des facteurs psychologiques et sociaux sur l’incidence et/ou la progression
du cancer a déjà été décrite par Hippocrate dès l’antiquité.
D’autres approches telles que le modèle psychosomatique ou encore les conceptions de
Leshan et Groddeck ont tenté de fournir des explications mais se heurtent au manque
d’arguments empiriques. Il en découle un besoin croissant d’études prospectives pour pallier
à ces carences méthodologiques. Nous opposons à ces conceptions unifactorielles, des
modèles multifactoriels parmi lesquels nous trouvons le modèle de Contrada et al. (1990)
issu de la psycho-neuro-immunologie ou encore le modèle de psychologie de la santé.
Dans notre partie empirique, nous nous appuierons sur le modèle transactionnel de la
psychologie de la santé où interviendront des variables antécédentes, telles que les facteurs
sociobiographiques, un facteur médical (la catégorie de récidive) et plusieurs facteurs de
personnalité (optimisme et répression des émotions) ; interviendront aussi des variables
dites médiatrices afin de montrer leur impact sur l’ajustement du sujet à l’annonce du
diagnostic de récidive de cancer. En effet, la revue de la littérature met bien en évidence que
ces déterminants psychosociaux exacerbent les symptômes et altèrent considérablement la
qualité de vie des individus présentant une récidive de leur cancer initial.
Dans cette perspective, nous allons étudier les hypothèses les plus communément relevées
dans la littérature concernant les relations entre facteurs psychosociaux et récidive de
cancer et nous tenterons de mesurer plus précisément ces conséquences.
36
Etudes citées par ordre
d’apparition
Ratcliffe et al. (1995)
Survie associée négativement à l’âge
Westeel et al. (2000)
genre féminin et âge inférieur ou égal à 61 ans trouvés comme facteurs
pronostics favorables de la récidive du cancer
Sukumvanich et al. (2005)
genre féminin trouvé comme facteur pronostic favorable dans la survie au
cancer.
différences ethniques importantes par rapport au type de traitement chez des
survivants du cancer
incidence de la récidive de cancer plus faible chez des japonais que dans
d’autres groupes ethniques
Ashing-Giwa et al. (2004)
Gould (2005)
Ménoret (1999)
Keller et al. (2001)
Froud et al.
Calais (2004)
Schulz et al. (1994)
Northouse et al. (1995)
Weisman et Worden (1986)
Thomas (1974)
Dean et al. (1989)
Fawzy et al. (1990,1993)
Lévy et al. (1991)
Timko et Janoff-Bulman
(1985)
Bottomley et al. (2005)
Ganz et al. (1998)
Langendijk et al. (2002)
Huguier et Houry (1998)
Keller et al. (2001)
Evangelista et al. (2003)
EORTC (2003)
Given et al. (1992)
Silberfarb et al. (1980)
Trois trajectoires de récidive de cancer
Pas de bénéfice thérapeutique de l’ajout de chimiothérapie face à la rechute
La durée de l’intervalle entre les traitements n’influence pas le taux de
récidive
taux de récidive plus élevé lorsque la radiothérapie est administrée
tardivement
pessimisme est associé positivement à une mortalité plus importante chez des
patients ayant récidivé de leur cancer
la détresse et le désespoir prédisent l’ajustement des couples à la récidive du
cancer du sein de la femme
relation entre le niveau de détresse à l’annonce de la rechute et son degré
d’anticipation
faibles manifestations de tensions nerveuses, mise en relation avec une
tendance à la dénégation et à la répression des conflits et une perturbation de
la relation avec les parents
stratégie de déni après mastectomie associée à une survie sans récidive plus
longue
expression des émotions associée à une survie sans récidive plus longue
détresse perçue élevée augmentant l’utilisation d’un coping actif prédit une
survie plus longue et une diminution de la récidive de la maladie
recherche de soutien social prédisant fortement la récidive de la maladie cinq
à sept ans après l’étude
association positive entre l’invulnérabilité perçue face à la récidive de cancer
et l’ajustement effectif à la maladie
chez des patients ayant survécu à un cancer avancé : moins bonne qualité de
vie pour ceux recevant un traitement court que ceux qui suivent le traitement
standard
quelques différences de qualité de vie chez des patients ayant survécu à un
cancer et ceux ayant reçu différents traitements
faible incidence des récidives après irradiation.
Survie divisée par trois en cas de symptômes.
récidives des cancers opérés : causes de décès les plus fréquentes
patients ayant survécu à un cancer à risque croissant de récidive et de
développement de tumeurs secondaires
rechute de la maladie : principale cause de décès
impact d’une récidive de cancer sur les membres de la famille
Récidive de cancer associée positivement à un isolement social, à une
rupture de rôle, à plus de difficultés sexuelles et d’attitudes négatives envers
l’équipe médicale
Tableau : Synthèse des études citées mettant en évidence une relation entre facteurs psychosociaux et
récidives de cancer
37
1. Population d’étude
1.1. Critère d’inclusion
Notre critère d’inclusion sera tout d’abord un diagnostic préalable de cancer suivi par un
diagnostic de reprise évolutive du cancer. Les sujets seront inclus au jour de l’annonce de la
récidive de leur cancer.
1.2. Critère d’exclusion
Pour des raisons logistiques, nous ne serons pas en mesure d’inclure des patients qui
bénéficieraient d’une opération chirurgicale comme traitement de la récidive de leur cancer.
De plus, nous excluons les personnes ayant des antécédents psychiatriques et des troubles
invalidants.
1.3. Population retenue
Notre population de départ regroupe 32 sujets ayant présenté une récidive de leur cancer
parmi lesquels 21 ont participé aux deux temps de recherche. Deux patientes ont refusé de
participer au T2, une patiente est décédée et huit patients ne nous ont pas renvoyés les
questionnaires.
2. Déroulement de la recherche
2.1. Cadre de l’étude
Sept cancérologues participent à l’étude. Celle-ci leur a été présentée individuellement. Nous
sommes présentes aux consultations d’annonce de la récidive de cancer. Trois aidessoignants jouent un rôle d’interface entre les cancérologues participant à l’étude et nous car
étant présents à toutes les consultations, il nous est apparu indispensable de les intégrer à la
procédure d’inclusion de notre étude. Deux chemises sont mises à leur disposition pour
38
recueillir les informations essentielles concernant l’inclusion d’un patient à savoir la date de
l’annonce de la récidive, la date du début du traitement et le numéro de dossier. Le patient
est averti de la recherche par le cancérologue lors de la consultation d’annonce. Dans
certains cas, nous voyons les patients au début du traitement médical ou quand cela est
possible juste après la consultation d’annonce de la récidive. Nous lui présentons la
recherche et lui rappelons les conditions éthiques de sa participation. Puis, nous lui
remettons une note d’information reprenant ce qui a été dit. Il lui est demandé de remplir et
de signer en deux exemplaires un consentement éclairé, un exemplaire lui étant destiné.
Ensuite, il lui est proposé un protocole qui se répartira en deux temps de recherche.
2.2. Objectifs de la recherche
Les objectifs de notre étude sont de :
-Déterminer l’impact différentiel de facteurs antécédents et médiateurs sur un ajustement
aux récidives de cancer en termes d’ajustement somatique et émotionnel
- Evaluer l’évolution de l’ajustement somatique et émotionnel sur une période de trois mois
3. Variables explorées et cotation des questionnaires utilisés
3.1. Les antécédents
3.1.1. La catégorie de récidive
Lorsque nous avons présenté l’étude aux différents cancérologues, il est apparu
impératif de définir la récidive de cancer, ceci permettant d’inclure plus facilement les
patients à l’étude au moment de l’annonce de la récidive. La seule définition trouvée dans la
39
littérature est apparue limitante sur notre lieu de stage. Voici la définition qui a été formulée
par un cancérologue du service de radiothérapie et d’oncologie :
« La récidive est l’apparition d’une nouvelle atteinte du cancer siégeant sur le même ou sur
un autre organe et de même histologie que le premier qui a été traité ».
D’après cette catégorisation des experts, plusieurs cas de figure ont été identifiés:
 A. Patient jugé en rémission complète après le traitement de la tumeur
primitive ou de ses métastases, puis rechute
 B. Patient en rechute mais dont le traitement a permis d’obtenir une
stabilisation prolongée (au moins deux mois) et qui est asymptomatique, puis
reprise évolutive
 C. Patient en cours de traitement et dont le cancer progresse et pour lequel
est proposé un nouveau temps thérapeutique (nouvelle ligne de traitement)
Les lettres A, B, et C utilisées pour définir les différentes catégories de récidive
(« catrecidiv ») ne sont pas anodines. Nous pouvons les faire correspondre aux trajectoires
de récidive (Ménoret, 1999) mises en évidence dans notre partie théorique. En effet, la
catégorie A renvoie à la trajectoire simple puis décroissante : elle concerne les maladies que
l’on a pu considérer guéries après un traitement (rémission) mais qui au bout d’un certain
temps se déclarent à nouveau (rechute).
Puis, la catégorie B renvoie à la trajectoire décroissante où le malade ne recouvre jamais
son état de bonne santé antérieur. La maladie connaît des étapes de stabilité sans
complication sensible conduisant d’aggravation en aggravation à la mort. Enfin, la catégorie
C renvoie à la trajectoire sans réponse où aucun traitement n’est efficace. Nous pouvons
nous attendre à ce que la catégorie B soit plus nocive que la catégorie A et C dans la
mesure où le traitement inefficace face aux récidives affecte le malade de manière globale.
Mais cela n’a jamais été vérifié d’un point de vue scientifique. Ce sera donc l’intérêt de cette
étude.
3.1.2. L’optimisme dispositionnel
Différents auteurs suggèrent (Scheier et al., 1985) que l’optimisme dispositionnel est
bénéfique pour le bien-être physique et psychologique. Il serait donc pertinent de repérer les
40
différences d’issues entre les sujets optimistes et pessimistes face à l’annonce de la récidive
de leur cancer. Pour évaluer l’optimisme dispositionnel, nous utiliserons l’échelle révisée
« Life Orientation Test » (LOT-R de Scheier et al, 1994). Un outil comme le LOT (Life
Orientation Test) s’appuie sur la théorie de l’autorégulation des comportements. Ce modèle
part de l’hypothèse centrale que les actions des individus sont profondément affectées par
leurs croyances quant à l’issue de ces actions.
Traduit en français par le Dr Serge Sultan du laboratoire de psychologie clinique et sociale
de l’université de Bourgogne, le LOT-R est un auto-questionnaire bref de 10 items évaluant
les attentes générales vis-à-vis de l’issue favorable ou défavorable de divers évènements
pour mesurer l’optimisme dispositionnel (Bruchon- Schweitzer, 2002). Il est demandé aux
sujets d’indiquer leur degré d’accord avec les propositions de 0 (pas du tout d’accord) à 4
(tout à fait d’accord). Après avoir inversé la cotation pour les items négatifs, seul six des dix
items sont utilisés pour obtenir un score global d’optimisme allant de 0 à 24.
Cette échelle possède de bonnes qualités psychométriques : une validité discriminante
et prédictive adéquates, un alpha de Cronbach pour les six items de .78 suggérant que le
LOT-R fait preuve d’un niveau acceptable de consistance interne. La corrélation entre le
LOT-R et le LOT d’origine est très élevée ainsi que la fidélité test-retest (Scheier et al, 1994).
A l’opposé, d’après Schwarzer (1994, cité par Sultan et al., 1999), la version française du
LOT-R semble avoir des qualités psychométriques insuffisantes, ce qui rejoint les
observations d’autres auteurs sur la version originale.
Malgré les avis controversés sur les qualités de cet outil, nous jugeons pertinent de par
l’abord théorique d’étudier l’impact de l’optimisme (« optim ») sur l’ajustement des patients
au diagnostic de récidive de cancer.
3.1.3. Répression/ Sensibilité
Ce questionnaire a été conçu dans le but d’évaluer l’impact de facteurs psychologiques
dans le développement et/ou la progression de cancer. Celui-ci est par conséquent
particulièrement adapté à notre étude car nous pourrons ainsi évaluer s’il existe une relation
41
entre la répression émotionnelle (« reprem ») et l’ajustement à la récidive de cancer dans
notre population.
Ce questionnaire a été validé sur un échantillon de 112 femmes d’âge moyen
comparable et diagnostiquées avec une première tumeur du sein. L’EEC de Bleiker et al.
(1993) présente des qualités psychométriques satisfaisantes avec des alphas de Cronbach
satisfaisants pour les différentes sous-échelles, une bonne fiabilité test-retest et une validité
adéquate.
Cette échelle comporte trois sous-échelles : l’expression des émotions envers soi
(EEI), l’expression des émotions envers les autres (EEO) et le contrôle des émotions (EC).
La construction de cet outil s’appuie sur la mesure du contrôle émotionnel de Watson et
Greer (1983) et la STAXI (State-Trait Anger Expression Inventory de Spielberger, 1988).
Chacune de ces sous-échelles comprend six items : deux items mesurant l’anxiété, deux
items mesurant la colère et deux items mesurant la dépression. Parmi ces 18 items, on
distingue 6 items de sensibilité et 12 items de répression. Le sujet doit donner son degré
d’accord de 1 (Presque jamais) à 4 (presque toujours), cette cotation est inversée pour les
items de sensibilité. Le score final varie ainsi de 18 à 72. Un score élevé correspond à une
répression importante des émotions.
3.2. Médiateur : les stratégies de coping spécifiques au cancer
Nous avons choisi le questionnaire MAC 44 (Mental Adjustement to Cancer de M.
Watson et al., 1988) dans la version française validée de Cayrou et al. (2001) car il est
particulièrement adapté aux personnes ayant eu un diagnostic initial de cancer, ou en
récidive, et étant informées de leur maladie. Deux versions françaises révisées de l’échelle
MAC sont disponibles : la MAC 21 et la MAC 44.
La MAC 44 est un auto-questionnaire de 44 items qui se répartissent en cinq sous
échelles (Cayrou et al., 2001).
42
3.2.1. Esprit combatif
L’esprit combatif (« comba ») est défini comme la capacité d’une personne à considérer la
maladie comme un défi, à souscrire à une vision optimiste du futur et à croire qu’elle peut
contrôler en partie sa maladie.
3.2.2. Impuissance/Désespoir
Dans le cas de l’impuissance-désespoir (« impdes »), la personne perçoit sa maladie comme
une peine perdue, le pronostic est inévitable et le devenir négatif. Aucun contrôle ne peut
être exercé sur la maladie et les stratégies actives sont absentes.
3.2.3. Préoccupations anxieuses (« preanx »)
Celles-ci traduisent l’angoisse importante associée au diagnostic et au pronostic qui est
perçu comme incertain. Le contrôle sur la maladie est lui aussi incertain et les réponses
comportementales compulsives pour se rassurer sont présentes.
3.2.4. Evitement (« evit »)
Les personnes qui utilisent l’évitement considèrent que le diagnostic est une menace minime
et gardent un point de vue positif sur l’avenir, bien que le contrôle ne soit pas présent.
3.2.5. Dénégation (« deneg »)
Pour Hackett, Cassem et Wishnie (1968, cités par Fisher, 2002), c’est une « façon de
minimiser, voire d’annuler consciemment ou inconsciemment une partie ou la totalité de la
signification d’un évènement pour diminuer la peur, l’anxiété ou tout autre affect
désagréable ». Ce mécanisme adaptif face à la maladie permet à l’individu de mesurer la
gravité de la situation, tout en lui évitant d’être submergé par son impact psychique et ses
conséquences.
Les sous-échelles proposées par Cayrou et Dickès ont une bonne validité perçue, des
indices satisfaisants de validité concourante, de fidélité test-retest, de consistance interne et
de validité de structure.
La consigne consiste à demander au sujet d’entourer le chiffre précisant dans quelle
mesure l’énoncé s’applique à lui au moment où il remplit l’échelle. Quatre réponses sont
43
proposées : « ne s’applique pas du tout à moi », « s’applique un peu à moi », « s’applique
assez à moi », « s’applique totalement à moi ».
Un score est obtenu pour chaque sous-échelle en additionnant les réponses données aux
items de celle-ci, puis ce score brut est converti en T-score en utilisant les tableaux prévus à
cet effet.
3.3. Critères d’ajustement aux récidives de cancer
3.3.1. Evolution de la qualité de vie spécifique au cancer
La qualité de vie a été évaluée à T1 et à T2 (mesurée à trois mois). Nous nous
sommes attachée à trouver une mesure de qualité de vie qui soit adaptée à notre population
et qui puisse servir de critère d’ajustement/non ajustement des patients à l’annonce de la
récidive de cancer. Notre choix s’est porté sur l’échelle QLQ-C30 (Quality of Life
Questionnaire- Cancer 30) de Aaronson et al (1993). Cette échelle est très fréquemment
utilisée auprès de patients cancéreux.
Il a été élaboré par l’Organisation européenne pour la recherche et le traitement du
cancer (EORTC) pour évaluer la qualité de vie des patients atteints de cancer du poumon. Il
a été traduit et validé en français. Ce questionnaire a prouvé sa validité et sa fiabilité parmi
un large échantillon de patients cancéreux (Langendijk et al., 2002). En effet, la fiabilité de
l’outil est excellente pour toutes les échelles sauf pour l’échelle de fonctionnement de rôle
(Kaasa et al., 1995). Il contient 30 items qui se présentent comme suit : les sept premiers
items évaluent la façon dont la patiente a été limitée dans ses activités quotidiennes. Le sujet
est invité à répondre oui ou non à chacune des sept questions.
De l’item 8 à 28, la patiente doit indiquer, si au cours de la semaine passée elle a
éprouvé des difficultés physiques, cognitives, relationnelles ou financières,selon une échelle
de type Likert en quatre points : 1(pas du tout), 2 (un peu), 3 (assez) et 4 (beaucoup).
44
Les deux derniers items (29 et 30) mesurent l’état physique général et la qualité de vie
globale du sujet au cours de la semaine écoulée. Le sujet est amené à évaluer chacun de
ces deux items sur une échelle analogique en sept points (de 1 : très mauvais, à 7 :
excellent).
Le questionnaire QLQ-C30 permet d’obtenir quinze scores de qualité de vie spécifique
au cancer. Compte tenu de la taille de notre échantillon (32 sujets), il serait fastidieux
d’évaluer l’évolution de chacune de ces variables trois mois plus tard. Pour pallier à cette
difficulté, nous nous sommes appuyés sur l’Analyse en Composantes Principales qu’a
réalisé Tastet (2001) sur onze des quinze variables de qualité de vie spécifique du QLQ-C30
(cf. annexe II). Cette analyse permet d’aboutir à un facteur général de qualité de vie où nous
trouvons sur le pôle positif la variable « bon état général perçu » et sur le pôle négatif,
l’ensemble des critères correspondant à une mauvaise qualité de vie.
Dans ce travail de recherche, nous avons créé les variables «qualité de vie » à T1
(« qdv1 ») et à T2 (« qdv2 ») s’échelonnant de 25 à 92. Ces variables vont se constituer des
scores additionnels à T1 et T2 de l’état physique, des limitations fonctionnelles, de l’état
cognitif, de l’état émotionnel, des relations sociales, du score de douleur, de fatigue, de
problèmes de sommeil, de manque d’appétit et enfin, du score inversé d’état général perçu.
Un score élevé indique une mauvaise qualité de vie. Nous avons également créé la variable
« évolution de la qualité de vie (« evoqdv ») correspondant à la différence de qualité de vie
entre T1 et T2. Cette différence est recodée sur une échelle de likert en trois points :
aggravation (1), stabilisation (2), amélioration (3).
3.3.2. Evolution de l’anxiété-état et de la dépression-état
Elles seront évaluées par le questionnaire « Hospital Anxiety and Depression Scale ».
La HADS (Hospital Anxiety and Depression Scale, Zigmond et Snaith, 1983) est un autoquestionnaire bref de 14 items qui mesure les symptômes de l’anxiété (7 items) et de la
dépression (7 items) et grâce auquel on peut suspecter un désordre dépressif majeur si la
somme des chiffres retenus par le malade dépasse 15.
45
Les scores d’anxiété (« anxetat ») et de dépression (« depetat ») s’échelonnent de 0 à 21 et
sont évalués aux deux temps de recherche. La différence entre les deux scores obtenus
nous indiquera l’évolution de l’anxiété-état (« evoanxetat ») et de la dépression-état
(« evodepetat ») sur une période de trois mois soit en termes d’aggravation (1), de
stabilisation (2) ou d’amélioration (3).
C’est un bon outil de dépistage pour évaluer l’état anxio-dépressif dans le contexte de
la maladie somatique, et notamment du cancer (Brédart et al., 1999 ; Carrol et al ., 1993
cités par Cayrou et al., 2001). Herrmann concluait en 1996 (cité par Bjelland et al., 2002) que
« l’HADS est un instrument fiable et valide pour l’évaluation de l’anxiété et de la dépression
chez des patients».En effet, cette échelle démontre des qualités psychométriques très
satisfaisantes : un alpha de Cronbach élevé pour les deux sous-échelles de l’HADS, des
corrélations entre les deux sous-échelles satisfaisantes et enfin, une sensibilité et la
spécificité très similaire de celles retrouvées pour le General Health Questionnaire (GHQ).
3.3.3. Evolution du cancer récidivant
L’évolution de la maladie (« evo ») a été évaluée trois mois après le diagnostic de récidive du
cancer à partir des données médicales fournies par l’oncologue médical de chaque patient. Il
s’agit de degrés de gravité (d’évolution péjorative) de la maladie :
1 : aucune récidive
2 : récidive
3 : décès des suites du cancer
3.4. Temps de passation
3.4.1. Premier temps
Il s’agit d’un entretien d’environ trois quarts d’heure comprenant plusieurs questionnaires.
Nous avons recueilli au préalable de l’entretien les informations socio-biographiques qui
concernent la personne. Nous introduisons notre entretien en demandant au patient ce qu’il
46
a compris de ce que le médecin a pu lui dire de son traitement médical et de l’évolution de la
maladie. Même si nous étions pour la plupart des patients présents à la consultation,
demander ces informations à la personne s’avère pertinent pour savoir ce qu’il a retenu. De
même, la compréhension du traitement apparaît comme une dimension de l’observance
thérapeutique (Fisher et Tarquinio, 2006). Puis nous lui proposons verbalement le
questionnaire d’ajustement mental au cancer. Ensuite, nous poursuivons verbalement avec
le questionnaire de qualité de vie de l’EORTC, le questionnaire de Répression /Sensibilité,
puis la HAD et le LOT-R. Nous restons disponible au patient pour d’éventuels
éclaircissements. Lorsque tous les questionnaires sont remplis, nous leur précisons que
nous les reverrons soit dans le service de radiothérapie et d’oncologie ou que nous leur
enverrons le T2 par courrier.
3.4.2. Deuxième temps
Trois mois après l’entretien, la moitié des patients ont été rencontrés dans le service lors de
leurs traitements et l’autre partie a reçu cette seconde passation par courrier. Celle-ci se
compose d’une note d’information et de trois questionnaires : le QLQC-30, le LOT-R et
l’échelle HAD avec une enveloppe pré-timbrée qu’ils pouvaient nous renvoyer.
47
4. Modèle d’analyse et hypothèses de l’étude
4.1. Modèle d’analyse
ANTECEDENTS
MEDIATEURS
CRITERES
H1
Facteurs socio
biographiques :
-Age
-Sexe
Facteur médical :
catégorie de
récidive A, B, C
Facteurs
personnels :
- Optimisme
- Répression /
sensibilité
- Evolution de la
qualité de vie
spécifique au cancer
H2
- Evolution de
l’anxiété-état
-Coping spécifique au
cancer :
 Esprit combatif
 Impuissance/
désespoir
 Préoccupations
Anxieuses
 Evitement
 Dénégation
H
3
- Evolution de la
dépression-état
-Evolution du cancer
récidivant
Modèle multifactoriel prédisant l’ajustement à la récidive de cancer
4.2. Hypothèses opérationnelles
En nous appuyant sur la revue de la littérature, notre modèle multifactoriel nous permet de
proposer les trois hypothèses suivantes :
Hypothèse 1 (H1)
48
o
H1a : Les femmes ont une plus mauvaise évolution de leur anxiété, de leurs
symptômes dépressifs et de leur qualité de vie que les hommes. De même, elles sont
plus à risque de nouvelle récidive et de décès que les hommes trois mois plus tard.
o
H1b : Les sujets plus âgés verront leur anxiété, leurs symptômes dépressifs et leur
qualité de vie s’aggraver par rapport aux sujets moins âgés.
Ces sujets âgés
présentent un risque plus important de nouvelle récidive et de décès que ceux moins
âgés.
o
H1c : Les patients de la catégorie de récidive B ont une évolution plus mauvaise de
leur anxiété, de leurs symptômes dépressifs, de leur qualité de vie et de leur maladie
que les patients des catégories A et C.
o
H1d: Les sujets optimistes ont une meilleure évolution de leur anxiété, de leurs
symptômes dépressifs, de leur qualité de vie et de leur maladie que ceux qui ne sont
pas optimistes.
Hypothèse 2 (H2)
o
H2a : Les femmes recourent plus à des stratégies de coping centrées sur le
problème que les hommes.
o
H2b : Les patients plus âgés recourent plus à des stratégies de coping centrées sur
le problème que les moins âgés.
o
H2c : Les sujets de la catégorie de récidive B utilisent davantage des stratégies de
coping centrées sur le problème que ceux de la catégorie A et C.
o
H2d : Les patients qui ne sont pas optimistes recourent à davantage de stratégies de
coping centrées sur le problème que ceux qui sont optimistes.
o
H2e : Les sujets qui répriment leurs émotions recourent à davantage de stratégies
centrées sur l’émotion que ceux qui ne répriment pas ces affects.
Hypothèse 3 (H3): Le recours à des stratégies de coping centrées sur le problème est
associé à une meilleure évolution de l’anxiété, des symptômes dépressifs, de la qualité de
49
vie et de la maladie par rapport aux patients qui n’utilisent pas ces stratégies, ceci trois mois
après l’annonce de la récidive de cancer.
5. Analyse des résultats
Une analyse descriptive nous permettra de mesurer l’ampleur de chacune de nos variables,
et ceci à partir de notre base de données (cf. Annexe I) issues des 32 patients ayant récidivé
de leur cancer. Puis, nous allons explorer les relations existantes entre les antécédents, les
médiateurs et les critères d’ajustement à l’aide du logiciel SPSS et ceci par des analyses
statistiques permettant d’introduire les notions de prédiction et de relation. Pour cela, nous
nous sommes appuyés essentiellement sur des régressions linéaires pour les variables
quantitatives et sur une analyse de variance (ANOVA à un facteur) entre les variables
quantitatives et qualitatives.
5.1. Statistiques descriptives
Age : L’âge moyen des patients rencontrés est de 58 ans, et varie de 39 à 86 ans. Nous
constatons que la majorité des patients (62,7%) ont entre 54 et 60 ans. Dans les tranches
d’âge, de 39 à 53 ans (15,6%) et 62 à 86 ans (21,7%), les sujets sont moins représentés.
Sexe (cf. annexe III) : Notre population comporte 34% d’hommes et 66% de femmes.
Statut marital (cf. annexe III) : La grande majorité (69%) des sujets vit maritalement.
Catégorie de récidive : (cf. annexe III) : 68,8% des patients rencontrés se trouvent dans la
catégorie C correspondant à la progression du cancer initial alors que 12,5% se trouvent
dans la catégorie B et
catégorie A
18,8 %
dans la catégorie A.
18,8%
catégorie B
12,5%
catégorie C
68,8%
50
Figure1: Répartition en pourcentage des patients en fonction de la catégorie de récidive
Optimisme : Le score moyen d’optimisme obtenu au LOT-R est de 14,45 sur 24 sachant
que les scores obtenus par notre population s’échelonnent de 5 à 23 avec un écart-type de
4,42.
Près de 52% des sujets
8
apparaissent assez optimistes (score
allant de 12 à 17) et 14% sont très
6
optimistes, ce qui signifie que 34% se
montrent peu optimistes.
4
Fréquence
2
Sigma = 4,42
Moyenne = 14,4
N = 29,00
0
5,0
7,5
10,0
12,5
15,0
17,5
20,0
22,5
Figure 2: Répartition de sujets en fonction de l'optimisme
Répression des émotions : Le score moyen obtenu par notre échantillon au questionnaire
de Répression des émotions est de 49,90/ 72 sachant que les scores s’échelonnent de 24 à
70. Près de 26% des sujets ont un score compris entre 24 et 41 et la grande majorité (58%)
des sujets a un score compris entre 47
10
et 62 ceci signifiant que peu de sujets
(9,6%) répriment de façon importante
8
leurs émotions.
6
Fréquence
4
2
Sigma = 11,93
Moyenne = 49,9
N = 31,00
0
25,0 30,0 35,0 40,0 45,0 50,0 55,0 60,0 65,0 70,0
51
Figure 3: Répartition des sujets récidivants de leur cancer en fonction de la répression des émotions
Stratégies de coping (cf. annexe III) :
Esprit combatif
Impuissance/désespoir
Préoccupations anxieuses
Evitement
Dénégation
m= 50,72/66
50% des sujets ont un recours élevé à la stratégie « esprit combatif »
Parmi les 50% restants, 15% des sujets utilisent peu cette stratégie
m=50,78/92
près de 65% des sujets ont peu recours à la stratégie Impuissance/Désespoir
15% utilisent cette stratégie (score allant de 84 à 91)
m= 48,94/78
50% des sujets ont peu ou pas de préoccupations anxieuses
m=49,81
37,5% des sujets ont peu ou pas recours à l’évitement
41% y ont recours de façon importante
m= 57,22
12,5% des sujets recourent de façon importante à la dénégation
59,5 % ont peu ou moyennement recours à cette stratégie
28% de notre population n’utilisent pas la stratégie de dénégation
Avec des moyennes assez h étérogènes, les différentes stratégies sont utilisées par notre
population de façon variable : la stratégie esprit combatif est la plus utilisée suivie par
l’évitement.
Qualité de vie :
Qualité de vie à T1 : Le score moyen est de 38,94/92 sachant que les scores additionnels
s’échelonnent de 24 à 64 avec un écart-type de 12,39. 44% des sujets estiment avoir une
très bonne qualité de vie spécifique au cancer (score allant de 24 à 33), près de 41 % (score
allant de 34 à 50) ont une qualité de vie moins bonne et 15% présentent une assez
mauvaise qualité de vie (score de 53 à 64).
52
Qualité de vie à T2 : Le score moyen obtenu est de 40,62/92 sachant que les scores obtenus
par notre population s’échelonnent de 24 à 67 avec un écart-type de 14,13. 48% des sujets
présentent une très bonne qualité de vie spécifique au cancer (score allant de 24 à 33), près
de 33,5% présentent une qualité de vie moins bonne (score allant de 38 à 50) et 18,5%
présentent une qualité de vie assez mauvaise (score allant de 58 à 67).
Evolution de la qualité de vie spécifique au cancer : Le test t de comparaison de
moyennes pour échantillons appariés met en évidence une différence de moyennes entre la
qualité de vie à T1 (m=37,38) et celle à T2 (m= 40,62). Cette différence n’est pas
statistiquement significative (t= -1,366 ; ddl=20 ; p> 0,05). Ainsi, les sujets récidivant de leur
cancer ne semblent pas avoir de meilleure qualité de vie à T2 qu’à T1. En recodant cette
variable dans notre base de données, il est apparu que 57% des sujets rencontrés ont vu
leur qualité de vie s’altérer tandis que 38% ont vu une amélioration de celle-ci entre T1 et T2.
Anxiété-état :
Anxiété-état à T1 : Le score moyen d’anxiété-état obtenu par notre échantillon est 6,81/21.
Les scores sont assez homogènes (écart-type de 3,95) s’échelonnant de 1 à 17/21. Nous
constatons que près de 34% de notre population présente un score entre 6 et 9/21
suggérant que ce pourcentage de sujets a une faible anxiété-état. 12,5% des sujets
présentent une anxiété élevée (score de allant de 10 à 13). Nous trouvons des scores audelà de 15/21 pour 6,2% des sujets.
Anxiété-état à T2 : Le score moyen d’anxiété-état obtenu par notre échantillon est de
7,05/21. Les scores sont assez homogènes (écart-type de 3,76) s’échelonnant de 0 à 14.
Nous constatons que 47% de notre population présente un score entre 6 et 9/21 suggérant
que ce pourcentage de sujets présente une anxiété-état faible. Près de 19% des sujets
présentent une anxiété élevée (score allant de 10 à 14).
53
Evolution de l’anxiété-état : Le Test t de comparaison de moyennes pour échantillons
appariés met en évidence une différence de moyennes entre l’anxiété-état des sujets à T1
(m= 6,71) et celle à T2 (m= 7,05). Cette différence n’est statistiquement significative
(t= -0,439 ; ddl= 20; p> 0,05). Ainsi, les sujets récidivants de leur cancer ne semblent pas
avoir une anxiété-état plus élevée à T2 qu’à T1. En recodant la variable « évolution de
l’anxiété-état » dans notre base de données, il est apparu que près de 48 % des sujets ont
vu leur anxiété augmenter alors que 43% l’ont vu diminuer.
Dépression- état :
Dépression-état à T1 : Le score moyen obtenu à la HADS à T1 est de 4,84/21 sachant que
les scores obtenus par notre population s’échelonnent de 0 à 16. Nous constatons que 84%
de notre population présente un niveau faible de dépression (score allant de 0 à 8/21), ce qui
signifie que 12,5 % présente un niveau moyen de dépression. Nous constatons que 3% des
sujets (soit une personne) ont un score égal à 16/21.
Dépression-état à T2 : Le score moyen obtenu est de 5,10/21 sachant que les scores
s’échelonnent de 0 à 12. Nous constatons que près de 86% de notre population présente un
faible niveau de dépression (score allant de 0 à 8) et 14% des sujets présentent un niveau
moyen de dépression (score allant de 9 à 12).
Evolution de la dépression- état : Le test t de comparaison de moyenne met en évidence
une différence de moyennes entre la dépression- état à T1 (m= 4,10) et celle à T2 (m=5,10).
Cette différence n’est pas statistiquement significative (t= -1,720 ; ddl= 20; p>0,05). Ainsi les
sujets récidivants de leur cancer ne semblent pas être plus déprimés à T2 qu à T1. En
recodant la variable « évolution de la dépression-état » dans notre base de données, il
apparaît que 52% des sujets ont vu leur dépression augmenter et 38 % l’ont vu diminuer.
54
Evolution du cancer récidivant : Près de 83% des sujets n’ont présenté aucune récidive
tandis que 13% ont récidivé à nouveau de leur cancer. Une patiente est décédée au cours
des trois mois.
100
80
Figure 7: Répartition en pourcentage des sujets
en fonction de l'évolution de leur cancer
60
5.2. Statistiques inférentielles
40
Pour cent
Nous
allons
maintenant
mettre
en
dysfonctionnel
ou
20
évidence
fonctionnel
0
aucune récidiv e
récidiv e
l’impact
des
antécédents
et
des
décès des suites du
médiateurs de l’ajustement aux récidives
de cancer. Afin de tester notre hypothèse 2, nous avons soumis l’âge et les facteurs
psychologiques chez les 32 patients ayant récidivé de leurs cancers, à une analyse de
régression linéaire. Des comparaisons de moyenne permettront de vérifier s’il existe un lien
entre les variables médiatrices avec des variables explicatives telles que le sexe et les
catégories de récidive. En ce qui concerne les hypothèses 1 et 3, des comparaisons de
moyennes nous permettront de tester les différences significatives entre les critères
d’ajustement avec un ensemble de variables explicatives, dites antécédentes et médiatrices.
Seuls les résultats significatifs ont été pris en compte.
5.2.1. Lien entre les facteurs sociobiographiques, entre le
facteur médical et les critères d’ajustement aux récidives de cancer
Afin de tester ces relations, nous avons effectué plusieurs comparaisons de moyennes.
Deux de celles-ci sont apparus significatives.
Notre première comparaison de moyennes permet de montrer une différence
significative entre les hommes (m= 1,00) et les femmes (m=2,21) par rapport à l’évolution de
55
la qualité de vie. Il apparaît que les femmes présentent une qualité de vie plus altérée que
les hommes trois mois plus tard.
Notre seconde comparaison de moyennes permet de montrer une différence très
significative entre les catégories de récidive par rapport à la mauvaise évolution de la qualité
de vie. En effet, il apparaît que les sujets de la catégorie B (m= 3,00) présentent une
évolution péjorative de la qualité de vie par rapport à ceux de la catégorie A (m= 2, 67) et
ensuite, par rapport aux sujets de la catégorie C (m= 1,59).
Nous constatons que l’évolution des troubles somatiques et émotionnels (anxiété et
dépression) et l’évolution de la maladie trois mois plus tard ne dépendent pas des facteurs
sociobiographiques, du facteur médical et des facteurs personnels. De même, l’évolution de
la qualité de vie n’est pas influencée par les facteurs personnels.
Sexe :
Degré
de
liberté
2
F
p
5,40*
0,015
-femme
-homme
Catégorie
de la
récidive :
2
7,340**
N
Écarttype
moyenne
14
7
0,00
0,97
2,21
1,00
3
1
17
0,58
0,94
0,98
2,67
3,00
1,59
0,005
-catégorie A
-catégorie B
-catégorie C
*p<0,05 ;
**p<0,01
Récapitulatif de l’hypothèse 1 :
Genre féminin
+
Mauvaise évolution de
la qualité de vie
Catégorie B
+
56
5.2.2. Lien entre facteurs médicaux et médiateurs
Il apparaît une différence très significative entre la catégorie A (m= 41.50), la catégorie B
(m= 46.25) et la catégorie C (m=52.73) montrant que ce sont les sujets de la catégorie C qui
ont le plus recours à la stratégie d’évitement que ceux de la catégorie A et B.
Nous constatons que le recours aux stratégies de coping spécifique au cancer n’est pas
influencé par les facteurs sociobiographiques.
Degré
de
liberté
31
Catégorie
de la
récidive :
F
p
5,154**
0,001
-catégorie A
-catégorie B
-catégorie C
N
Écarttype
moyenne
6
4
22
11,61
12,34
13,06
41,50
46,25
52,73
*p<0,05 ;
**p<0,01
Récapitulatif de l’hypothèse 2c :
+
Catégorie C
Recours important à l’évitement
5.2.3. Rôle prédictif des facteurs personnels sur les médiateurs de l’
ajustement aux récidives de cancer
Nous avons testé plusieurs modèles parmi lesquels trois nous sont apparus significatifs
(p< 0,05).
Notre première régression (modèle 1) montre que plus les sujets sont optimistes, plus
ils auront recours à une stratégie d’esprit combatif. Les variables indépendantes (répression
des émotions et optimisme) permettent d’expliquer 25,2% de la variance de la stratégie
esprit combatif.
57
Notre seconde régression (modèle 2) indique que moins les sujets sont optimistes,
plus ils auront recours de façon très significative à une stratégie d’impuissance/désespoir.
Cette variable indépendante permet d’expliquer
38,1% de la variance de la stratégie
Impuissance/désespoir.
La dernière régression (modèle 3) permet de montrer que moins les sujets sont
optimistes, plus ils ont recours très significativement à la stratégie de préoccupations
anxieuses. Cette variable explique 31,2% de la variance de la stratégie préoccupations
anxieuses.
degré de liberté
F
p
R2
Bêta
standardisé
Modèle 1
28
4,384*
0,023
0,252
Optimisme
0,526**
Age
-0,219
Modèle 2
28
16,589**
0,000
0,381
Optimisme
Modèle 3
-0,617**
28
12,219**
Optimisme
0,002
0,312
-0,558**
*p<0,05 ;**p<0,01
Récapitulatif de l’hypothèse 2 :
+
Recours important à l’évitement
Catégorie C
+
Optimisme
-
Recours important à l’esprit combatif
Recours important à l’impuissance/désespoir
58
-
Recours important aux préoccupations anxieuses
5.2.4. Lien entre médiateurs et critères d’ajustement aux
récidives de cancer
Nous avons effectué plusieurs comparaisons de moyennes. Afin de faciliter la lecture des
résultats significatifs, nous nous sommes servis du logiciel SPSS pour créer les variables
suivantes (médiateurs) :
- « esprit combatif recodé (combarec) » en distinguant les scores d’esprit combatif (comba)
qui sont faibles et élevés. Pour se faire, nous avons séparés le score d’esprit combatif qui
s’échelonne de 1à 66 en fonction de la médiane égale à 52.
-
« impuissance/désespoir
recodé
(impdesrec) »
en
distinguant
les
scores
d’impuissance/désespoir (impdes) qui sont faibles et élevés. Nous avons séparés le score
d’impuissance/ désespoir qui s’échelonne de 36 à 92 en fonction de la médiane égale à 48.
Notre première comparaison met en évidence une différence très significative entre les
moyennes des scores d’esprit combatif par rapport à l’évolution du cancer. Il apparaît que les
sujets qui présentent des scores faibles d’esprit combatif (m= 1,36) ont une plus mauvaise
évolution du cancer qui avait récidivé que ceux qui ont des scores élevés (m= 1,22).
Notre seconde comparaison indique une différence de moyennes très significative
entre les scores d’impuissance/ désespoir par rapport à l’évolution trois mois après du
cancer récidivant. En effet, il apparaît que les sujets qui présentent des scores élevés d’
Impuissance /Désespoir (m= 1,33) ont une plus mauvaise évolution du cancer qui avait
récidivé que ceux qui ont des scores faibles (m= 1,14).
Nous constatons que l’évolution de la qualité de vie ainsi que l’évolution de l’anxiété et
de la dépression ne dépendent pas des stratégies de coping.
59
Esprit combatif
Degré
de
liberté
22
F
p
7,185**
0,004
-score de 1 à 52
(score faible)
- score de 53 à 66
(score élevé)
Impuissance/ désespoir
22
N
Écart- moyenne
type
11
0,67
1,36
12
0,29
1,22
14
0,36
1,14
9
0,71
1,33
10,207** 0,001
-score de 36 à 48
(score faible)
-score de 49 à 92
(score élevé)
*p<0,05 ; **p<0,01
Récapitulatif de l’hypothèse 3 :
-
Esprit combatif
Mauvaise évolution du cancer récidivant
trois mois après
Impuissance/désespoir
+
6. Discussion
Dans cette dernière partie, nous allons discuter les résultats obtenus en nous aidant de la
revue de la littérature effectuée au préalable.
- Près de 63% de notre population ont entre 54 et 60 ans à l’annonce de la récidive de leur
cancer. Ce résultat ne conforte pas la relation quasi-exponentielle à partir de 45 ans trouvée
par Gélie (2001), dans la mesure où notre effectif de patients est moins important de 62 à 86
ans. Toutefois, cette relation directe a été décrite entre l’âge et le cancer et ne vaut
probablement par pour la récidive du cancer. D’autres études s’intéressant à une relation
60
entre âge et récidive de cancer et sur un plus grand échantillon que le notre sont
nécessaires pour conclure.
- Bien que le pourcentage de femmes soit deux fois plus important que celui des hommes, la
représentation masculine permet de prendre en compte les résultats obtenus. Nous pouvons
voir dans nos résultats que les femmes ont une plus mauvaise évolution de la qualité de vie
que les hommes trois mois après l’annonce de la récidive de leur cancer, ce qui confirme
notre hypothèse H1a. Nos résultats vont dans le sens de ceux de Hegelson (2005). Cet
auteur trouve que certaines dimensions de qualité de vie (il a évalué les dimensions
émotionnelle, physique, sociale et spirituelle) sont altérées chez les femmes ayant récidivé
de leur cancer comparativement à des femmes en bonne santé.
Il aurait été intéressant d’évaluer l’impact des dimensions de qualité de vie
émotionnelle, physique et sociale à travers les scores d’état émotionnel, d’état physique et
de relations sociales récupérés à T1 et T2 dans le questionnaire QLQ-C30.
Une autre étude (Yan et al., 2005), prospective, retrouve que l’absence de récidive ou
de progression de la maladie est associée à une amélioration graduelle de la qualité de vie.
Les deux études rapportées plus haut suggèrent d’une part, l’intérêt
de comparer les
patients en récidive à d’autres patients cancéreux qui n’ont pas rechuté ou encore à des
personnes en bonne santé par rapport à la qualité de vie et d’autre part de mener ce travail
dans le cadre d’une étude longitudinale sur un grand échantillon.
- Pour catégoriser les récidives de cancer, il nous est apparu inopinément un lien possible
entre les trajectoires de maladie de Ménoret (1999) et la catégorisation des experts réalisée
sur notre lieu de stage et visant à faciliter nos inclusions. Ce qui a donné les catégories A, B
et C. Nous n’avons trouvé aucune étude portant sur l’impact de ces différentes catégories
sur l’ajustement à la récidive de cancer.
61
Nos résultats mettent en évidence une plus forte représentation de la catégorie C
puisque près 69% des sujets en progression de leur cancer se sont vus proposer un
nouveau traitement.
Nous trouvons que les patients qui avaient déjà récidivé de leur cancer (catégorie B)
ont une qualité de vie plus altérée que ceux des autres catégories. Bien que notre hypothèse
H1c soit confirmée, nous souhaitons préciser que les patients de la catégorie B sont les plus
faiblement représentés (12,5%) et que la patiente qui est décédée à T2 appartenait à cette
catégorie. Par conséquent, cette relation doit être considérée avec prudence au regard du
déséquilibre du nombre de sujets dans les catégories d’autant plus qu’avant le décès du
patient des suites de son cancer (T1) diverses dimensions (état physique, fatigue,…) de la
qualité de vie spécifique sont apparus très affectées augmentant artificiellement la relation
trouvée pour tous les patients de la catégorie B.
Un autre résultat fait apparaître que les patients en progression de leur cancer et pour
lesquels est proposé un nouveau traitement (catégorie C) ont davantage recours à la
stratégie d’évitement que ceux des catégories A et B.
L’évitement correspond à une
stratégie centrée sur l’émotion, reconnue pour être généralement nocive.
Notre hypothèse H2c était que les sujets de la catégorie de récidive B utilisent davantage
des stratégies de coping centrées sur le problème que ceux de la catégorie A et C. La
formulation de cette hypothèse a trouvé peu d’appui dans notre revue de la littérature étant
donné que nous avons créé ces catégories et que peu d’études les précisent, même
implicitement. Nous nous étions appuyés sur la théorisation de Lazarus et Folkman (1984),
« un coping centré sur le problème n’est vraiment efficace que si la situation est contrôlable,
des efforts répétés de la part du sujet seront inutiles et épuisants et une stratégie
émotionnelle évitante (répression) pourra s’avérer plus adaptée ». Nous avions envisagée la
récidive de cancer comme une situation incontrôlable pour formuler cette hypothèse.
D’autres résultats ne donnent pas d’indications sur la fonctionnalité de cette stratégie
émotionnelle évitante. Trouver que les sujets de la catégorie C ont davantage recours à la
62
stratégie d’évitement que ceux des catégories A et B ne revient pas à dire que les sujets de
la catégorie B utilisent davantage de stratégies centrées sur le problème.
- La moitié (52%) de notre échantillon est assez optimiste. Tous les auteurs ont souligné
d’une part le rôle salutogène de la personnalité optimiste et d’autre part que les sujets
optimistes utilisent davantage des stratégies de coping centrées sur le problème. Scheier, en
1986, trouve que l’optimisme est associé négativement à la focalisation sur des sentiments
stressants. De nombreux auteurs s’accordent pour dire que l’optimisme protège l’individu
de l’anxiété. Au vu de nos résultats, l’optimisme prédit l’utilisation de la stratégie combative,
généralement fonctionnelle, mais prédit également l’utilisation très significative de
l’impuissance/ désespoir et des préoccupations anxieuses. Quelques sujets (14%)
apparaissent très optimistes, ce qui leur permet de considérer la maladie comme un défi et
de croire qu’ils peuvent la contrôler. A côté de cela, une proportion non négligeable (34%)
de notre population perçoit sa maladie comme une peine perdue où aucun contrôle ne peut
être exercé et a recours à des réponses comportementales compulsives pour se rassurer car
l’issue de l’affection leur apparaît incertaine. Des programmes de gestion du stress
permettraient aux patients adoptant des stratégies d’impuissance-désespoir et de
préoccupations émotionnelles
d’apprendre les stratégies de coping efficaces (stratégie
combative). Plusieurs études montrent que des programmes de gestion du stress peuvent
améliorer la qualité de vie des patients, ralentir la progression de la maladie, voire diminuer
la mortalité chez les patients cancéreux (Friedman et al., 1996 cités par Fischer, 2002).
- Les résultats obtenus montrent que peu de sujets (9,6%) répriment de façon importante
leurs émotions car la majorité des patients est plutôt orientée vers une répression moyenne.
Dans la revue de littérature que nous avons effectué, toutes les études s’en tiennent à la
relation entre répression des émotions et développement du cancer. Nos résultats ne
présentent pas de manière probante la répression émotionnelle comme une spécificité de la
récidive de cancer. Cette observation nous interroge fortement et nous amène à nous
63
demander si cela ne constituerait pas en quelque sorte ce qui distingue le vécu d’un
diagnostic de cancer avec celui d’un diagnostic de récidive de cancer. Là encore, d’autres
travaux sont nécessaires.
- La majorité des patients rencontrés utilisent la stratégie combative (50%) et n’ont que peu
recours à la stratégie d’impuissance-désespoir (65%). Ces stratégies de coping ont fait
l’objet de très nombreuses études dans le domaine du cancer et d’ailleurs, correspondent
aux expressions spécifiques de stratégies de coping plus générales : la stratégie d’esprit
combatif est une stratégie de coping centré sur le problème et la stratégie Impuissancedésespoir est une stratégie de coping centré sur l’émotion.
En tenant compte de nos résultats, un recours très faible de la stratégie combative et un
recours très important de la stratégie d’impuissance-désespoir vont conduire à une
mauvaise évolution du cancer trois mois plus tard. Notre revue de la littérature va dans ce
sens. Greer et al. (1990) trouvent que l’esprit combatif est associé positivement à une survie
plus longue. La synthèse de onze études de Cousson-Gélie (2001) montre que
l’impuissance-désespoir conduit à une évolution défavorable du cancer en termes de
récidive et de décès, toutefois la combativité n’a pas d’effet fonctionnel sur la survie. Tandis
que le coping centré sur l’émotion est généralement considéré comme moins efficace, le
coping centré sur le problème, ce que retrouvent nos résultats.
- En regardant les critères d’ajustement, la majorité des sujets considèrent que leur qualité
de vie spécifique au cancer est très bonne à T1 (44%), cela reste plutôt stable à T2 (48%)
c’est-à-dire trois mois après la première évaluation de la qualité de vie. Il en va de même
pour la faible proportion de patients qui estiment avoir une qualité de vie assez mauvaise.
Même pour les sujets dont les troubles se sont améliorés durant trois mois, leur qualité de
vie reste moindre. La période entre les deux évaluations étant très courte pour une maladie
chronique telle que le cancer, même si leur qualité de vie de manière objective a pu
64
s’améliorer ou s’aggraver, les réactions effectives résultant de l’évaluation de cette qualité de
vie ne se sont pas encore effectuées.
Notre revue de la littérature a mis en évidence l’efficacité d’interventions
psychologiques sur la qualité de vie. Il convient de nuancer ce que nous venons de dire car
tous les types de prises en charge ne sont pas adaptés à ces malades. En effet, les
programmes éducatifs peuvent être préjudiciables pour le malade si le cancer est avancé et
de mauvais pronostic (Razavi et Delvaux, 2002). La relaxation s’est montrée efficace dans le
traitement des nausées et des vomissements anticipatoires (Redd, 1989) et constitue en
quelque sorte une forme de soutien affectif facilitant l’expression des difficultés. Toute la
prudence du psychologue est requise pour que la relaxation n’encourage pas les idées de
culpabilisation. Pour ce faire, nous pensons à la mise en place d’un groupe de relaxation
destiné uniquement aux patients en récidive. Une évaluation de ce groupe permettait de
juger de son efficacité.
- L’anxiété-état, mesurée par la HADS, est moindre pour la majorité des patients entre les
deux évaluations. Par contre, l’anxiété est élevée pour un petit nombre de sujets et
augmente légèrement trois mois plus tard. A l’annonce de la récidive de cancer, 6,2% (soit
deux personnes sur les 32) des sujets ont manifesté un état anxieux important (détecté à
partir d’un score supérieur à 15), qui n’est pas retrouvé trois mois plus tard. S’agit-il d’un état
résultant du choc de l’annonce de la récidive ? La patiente qui est décédée trois mois après
l’annonce de sa récidive présentait un état dépressif majeur à T1 et avait demandé à être
suivie par un psychologue. La littérature fait apparaître que les patients qui expriment
d’avantage leur anxiété, leurs craintes et leurs sentiments dépressifs ont une survie sans
récidive plus longue que ceux qui ne l’expriment pas (Dean et al., 1989). Humphris et al.
(2006) montre que l’anxiété résulte de l’incompréhension du traitement. Dans ce sens,
l’explication du traitement et des différents éléments de la consultation cancérologique
contribuerait à diminuer l’anxiété du malade. Le dispositif d’annonce, prévu dans le cadre du
plan Cancer et conduit soit par des infirmières ou un psychologue conviendrait très bien. Un
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soutien psychologique permettrait également de contenir l’anxiété du malade en récidive de
cancer.
- La dépression-état, mesurée par la HADS, est légèrement moindre à T1 qu’à T2 pour la
majorité des patients. Un sujet présente un état dépressif majeur (détecté à partir d’un score
supérieur à 15/21), il s’agit de la même patiente qui présentait un état anxieux important et
qui est décédée trois mois après l’annonce de la récidive de cancer. Les symptômes
dépressifs dont souffrent la plupart des patients sont sans doute causés par le choc de
l’annonce de la rechute ce que suggère dans la littérature l’étude de Krakowski et al.(1996).
L’aggravation ou l’amélioration de leurs troubles n’est pas significative car la période entre
les deux évaluations de cette dépression-état est une fois encore très courte pour une
maladie chronique, même si leurs symptômes ont pu s’aggraver ou s’améliorer. Les
réactions somatiques et émotionnelles de l’évaluation de cette dépression-état ne se sont
pas encore effectuées.
L’étude d’Aarstad et al. (2005) montre que des patients atteints d’un cancer et
manifestant un sens de l’humour face au diagnostic sont moins déprimés plusieurs années
plus tard. En nous inspirant de cette étude, il serait intéressant de proposer un « atelier
rire » aux patients ayant récidivé de leur cancer. Ce groupe de thérapie où le rire est reconnu
comme instrument thérapeutique leur permettrait de se libérer de leurs inhibitions, de se
relaxer, d’avoir une attitude positive et de mieux s’intégrer socialement. Ces ateliers sont
déjà mis en place dans certains hôpitaux (en Inde par exemple). Toutefois, les séances de
rire doivent être évitées dans certains cas12. Cette gélothérapie (du grec gêlos, rire) constitue
en quelque sorte une application de la psycho-neuro-immunologie car le fait de rire peut
contribuer à faire augmenter le taux de cellules NK (qui détruisent les cellules infectées ou
cancéreuses). Son efficacité mériterait d’être évaluée dans les études ultérieures.
Eviter les séances de rire en cas de descente d’organes, de glaucome, d’hernie abdominale, d’hypertension
artérielle, d’hémorroïdes actives, de troubles cardiaques, après une chirurgie abdominale et durant une grossesse
à risque.
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- La majorité des patients rencontrés n’a présenté aucune nouvelle récidive trois mois plus
tard, une patiente sur notre échantillon de 32 sujets est décédée. D’après la revue de la
littérature, deux grandes études prospectives (2003) de l’EORTC13 et de l’IALT14 montrent
que la principale cause de décès est la rechute de la maladie. La période d’évaluation de
trois mois entre l’annonce du diagnostic de récidive de cancer et la deuxième évaluation ne
nous laisse pas suffisamment de recul pour mesurer l’ampleur de cette évolution de la
maladie.
Au fil de cette discussion, il s’est dégagé la nécessité de mener cette étude sur une période
plus longue qui permettrait de disposer d’un échantillon de plus grande taille pour confirmer
ces résultats, mais aussi afin de pouvoir comparer nos facteurs selon les différentes
catégories de récidive. Notre réflexion sur la spécificité de l’ajustement à une récidive de
cancer par rapport à celui d’un cancer est donc à poursuivre. D’autres facteurs restent
encore à étudier dans le cadre du vécu de l’annonce de la récidive de cancer, mais cette
recherche prospective comporte déjà un nombre important de variables qui nous ont limité
dans l’appréhension de variables supplémentaires.
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Organisation Européenne pour la recherche et le traitement du cancer
International Adjuvant Lung Trial
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CONCLUSION GENERALE
Cette recherche longitudinale et prospective a permis de mettre en évidence l’intérêt
d’un modèle interactionniste appliqué à la récidive des cancers.
Tout au long de cette étude, nous avons tenté d’évaluer l’impact des facteurs psychosociaux
sur l’ajustement des patients dont le cancer a récidivé.
Les résultats observés ont pu confirmé que certaines variables, stables ou médiatrices,
ont un impact sur l’ajustement à la récidive de cancer. En effet, les femmes qui avaient déjà
récidivé de leur cancer présentent une mauvaise évolution de leur qualité de vie.
Les sujets de la catégorie C adoptent des stratégies d’évitement pour faire face au cancer.
Etre optimiste prédit le recours à une stratégie combative, à l’inverse ne pas être optimiste
prédit le recours à une stratégie d’impuissance-désespoir et de préoccupations anxieuses.
Enfin, les sujets qui n’utilisent pas à une stratégie combative et qui utilisent une stratégie
d’impuissance-désespoir présentent un mauvais ajustement à la maladie.
L’intérêt de cette recherche étant de permettre des applications, ces résultats peuvent
fournir quelques pistes de travail. Des programmes de gestion du stress permettraient aux
patients cancéreux d’apprendre les stratégies de coping efficaces pour faire face à la
maladie (stratégie combative). Un groupe de relaxation, efficace dans le traitement des
nausées et des vomissements, faciliterait l’expression des difficultés ressenties par les
malades. Des « Ateliers rire » peuvent également être proposés. Cette thérapie est une
forme de soutien affectif particulièrement adapté aux sujets anxieux, dépressifs, et de
manière plus large à tous les patients cancéreux.
La critique majeure qui peut être adressée à ce travail reste l’échantillon trop faible
pour le nombre de variables étudiées et par conséquent remet en cause la validité des
résultats. Cette étude mériterait d’être poursuivie afin de dégager l’impact différentiel de
chaque catégorie et de d’autres facteurs tels que le soutien social, la crainte de la récidive et
le contrôle sur l’ajustement à la récidive de cancer.
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