Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 61, Novembre-Décembre 2012 19
Une diminution de l’estime du corps
à la fois dans les échantillons cliniques
ainsi que chez les enfants obèses évalués
en population générale, mais à un
moindre degré est retrouvée dans une
revue de la littérature [1]. L’estime du
corps aurait tendance à diminuer avec
l’âge chez les filles obèses, mais en
revanche à augmenter avec l’âge chez
les garçons, à l’adolescence les filles
désirant être plus minces et les garçons
plus « forts ». Les moqueries concer-
nant le poids sont associées à l’insa-
tisfaction corporelle, réduisant voire
éliminant la contribution de l’IMC dans
la mauvaise estime du corps. L’estime
du corps est inversement corrélée à la
psychopathologie en particulier dépres-
sive et anxieuse et a tendance à s’amé-
liorer avec le traitement de l’excès de
corpulence.
Estime de soi
L’estime de soi résulte de la balance
entre les réalisations d’un individu et
ses aspirations et dépend en partie
des interactions avec les autres. Elle
est multidimensionnelle et peut-être
évaluée de manière globale ou bien au
regard de domaines spécifiques comme
l’estime du corps. Elle est habituelle-
ment mesurée par des échelles.
Une diminution significative de l’es-
time de soi globale des enfants et des
adolescents obèses par rapport à des
enfants sans problèmes de poids est
mise en évidence dans les revues de
la littérature [1-3]. Les enfants obèses
demandeurs de soins et donc issus
d’échantillons cliniques, rapportent une
plus mauvaise estime d’eux-mêmes que
les enfants obèses évalués en population
générale. Pour certains auteurs, l’estime
de soi ne serait pas plus faible lorsqu’on
contrôle pour l’estime du corps. Les
filles sont plus affectées que les garçons
et comme pour l’estime du corps, l’es-
time de soi a tendance à diminuer avec
l’âge chez les filles et inversement à
augmenter chez les garçons. Sévérité
de l’obésité et estime de soi sont inver-
sement corrélées chez les enfants et les
adolescents. Une corpulence élevée
préexiste le plus souvent à la diminu-
tion de l’estime de soi dans les études
longitudinales même si des effets dans
les deux directions peuvent être obser-
vés. Un traitement de réduction pondé-
rale efficace améliore l’estime de soi.
Qualité de vie
La qualité de vie des enfants et
adolescents obèses est significative-
ment diminuée dans les revues systé-
matiques de la littérature : les capaci-
tés physiques mais également la vie
sociale sont particulièrement affec-
tées [2, 4, 5]. Une relation inverse entre
l’IMC et la qualité de vie est notée dans
l’une de ces revues, incluant une méta-
analyse synthétisant 28 études dont la
moitié utilise le Pediatric Quality of Life
Inventory [4]. Les enfants présentant
une obésité rapportent une moins bonne
qualité de vie globale que les enfants
atteints d’autres pathologies, et que les
enfants indemnes de maladie chronique.
Ce résultat est obtenu dans une étude qui
s’est attachée à comparer la qualité de
vie de 8 affections chroniques chez l’en-
fant (obésité, affection digestive à éosi-
nophiles, maladie inflammatoire chro-
nique intestinale, épilepsie, diabète
de type 1, drépanocytose, transplanta-
tion rénale et mucoviscidose) à partir
des données de 589 patients issues de
8 études observationnelles [5]. Les
dimensions de qualité de vie les plus
détériorées dans le groupe des enfants
obèses, par rapport aux autres groupes,
sont les dimensions physique mais aussi
sociale.
Les troubles des conduites
alimentaires
Hyperphagie boulimique
(ou Binge-eating
des anglo-saxons)
Le syndrome d’hyperphagie bouli-
mique n’est pas encore reconnu en tant
que diagnostic et reste un diagnostic
à l’étude du DSM IV-TR (Diagnostic
and Statistical Manual of Mental
Disorders : Manuel diagnostique
et statistique des troubles mentaux.
4è édition texte révisé) et la CIM
10 (Classification International des
Maladies et des problèmes de santé
connexes-10ème révision). Actuellement
le diagnostic retenu est celui de trouble
des conduites alimentaires non spéci-
fié. Initialement décrit chez l’adulte, ce
trouble existe aussi pendant l’enfance
et l’adolescence. Les critères diagnos-
tiques dans ces tranches d’âge sont
controversés, certains auteurs insistent
sur l’hyperphagie c’est-à-dire la quan-
tité d’aliments consommés, mais ce
critère est plus ambigu chez l’enfant [6]
(Tableau 1). D’autres auteurs retiennent
la perte de contrôle vis-à-vis de l’ali-
mentation ou la consommation de nour-
riture en l’absence de faim [7] (Tableau
2). Les symptômes doivent persister
au moins trois mois avec en moyenne
au moins deux épisodes par mois.
D’autres symptômes peuvent s’y asso-
cier : recherche de nourriture en réponse
à des affects négatifs (tristesse, ennui,
agitation, etc.), recherche de nourriture
comme récompense, nourriture mangée
en cachette ou cachée, impression de
perte de sensation lors de l’alimenta-
tion, manger plus ou avoir la percep-
tion de manger plus que les autres,
avoir des affects négatifs au décours de
l’épisode (culpabilité, honte). Quatre
types cliniques ou sub-cliniques ont été
décrits en fonction de la présence ou non
d’une perte de contrôle de l’alimenta-
tion et d’une hyperphagie associée :
épisode boulimique objectif ou subjec-
tif en fonction de la perte de contrôle,
plus ou moins associé à une hyperphagie
objective ou subjective en fonction de la
quantité alimentaire ingérée.
La perte de contrôle de l’alimen-
tation avec ou sans hyperphagie est
significativement plus fréquente chez
les enfants avec obésité que chez les
enfants normo-pondéraux, mais pas
l’hyperphagie sans perte de contrôle.
L’hyperphagie boulimique est significa-
tivement plus fréquente chez les enfants
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