Universit´e Pierre et Marie Curie
Cours de cryptographie MM067 - 2012/13
Alain Kraus
Chapitre VII - Courbes elliptiques
On va pr´esenter dans ce chapitre une introduction `a la th´eorie des courbes elliptiques
et en donner des applications `a la cryptographie. On verra l’analogue elliptique de certains
cryptosyst`emes `a cl´es publiques, et des applications aux probl`emes de primalit´e et de
factorisation des entiers. Le lien entre la cryptographie et les courbes elliptiques est apparu
il y a une trentaine d’ann´ees. Par exemple, la th´eorie des courbes elliptiques sur un corps
fini est tr`es utile pour la cryptographie `a cl´e publique. On sera amen´e `a admettre quelques
r´esultats essentiels qui seraient trop longs `a d´emontrer ici, mais que l’on pourra utiliser
librement, aussi bien d’un point de vue th´eorique que pratique.
Table des mati`eres
1. D´efinition - G´en´eralit´es 1
2. Loi de groupe 7
3. Points de torsion 15
4. Courbes elliptiques sur les corps finis 23
5. M´ethodes de comptage 32
6. Cryptosyst`emes elliptiques 37
7. Courbes elliptiques sur Z/nZ41
8. Primalit´e - Th´eor`eme ECPP 47
9. M´ethode de factorisation ECM 51
1. D´efinition - G´en´eralit´es
On ne va pas donner ici la d´efinition la plus g´en´erale d’une courbe elliptique d´efinie
sur un corps commutatif. Elle n’est pas indispensable pour nos objectifs. Pour cette raison,
on se placera dans la situation o`u la caract´eristique du corps de base est distincte de 2 et
3. Plus pr´ecis´ement, dans tout le chapitre, la lettre Kd´esignera
un corps de caract´eristique 0, ou un corps fini de caract´eristique distincte de 2 et 3.
On notera Kune clˆoture alg´ebrique de Kchoisie implicitement.
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1. D´efinition
Nous adopterons la d´efinition suivante.
D´efinition 7.1. Une courbe elliptique d´efinie sur Kest une courbe projective plane
d’´equation
(1) y2z=x3+axz2+bz3,
o`u aet bsont des ´el´ements de Kv´erifiant la condition
(2) 4a3+ 27b26= 0.
Il convient d’en expliquer la signification. Rappelons pour cela que le plan projectif
sur K, que l’on notera P2Kou P2, est l’ensemble quotient
K3(0,0,0)
o`u est la relation d’´equivalence telle que pour tous (x, y, z) et (x0, y0, z0) non nuls de K3,
(x, y, z)(x0, y0, z0)il existe λKtel que (x0, y0, z0) = λ(x, y, z).
Il s’identifie `a l’ensemble des droites vectorielles de K3. Pour tout (x, y, z) non nul dans
K3, on note [x, y, z] sa classe d’´equivalence.
Consid´erons des ´el´ements aet bde K. Dans l’anneau des polynˆomes K[X, Y, Z], posons
F=Y2Z(X3+aXZ2+bZ3).
C’est un polynˆome homog`ene de degr´e 3. Si (x, y, z) est un ´el´ement non nul de K3, la
condition F(x, y, z)=0,ne d´epend que de sa classe dans P2K.
Terminologie. Soit P= [x, y, z] un point de P2K. On dit que Pest un z´ero de F
dans K, ou plus simplement un z´ero de F, si l’on a F(x, y, z) = 0. On signifie par, courbe
projective plane d’´equation (1), l’ensemble des z´eros de Fdans K.
Quant `a la condition (2), elle signifie que les racines dans Kdu polynˆome
f=X3+aX +b
sont simples. Plus pr´ecis´ement :
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Lemme 7.1. Le discriminant(1) de fest (4a3+ 27b2). En particulier, les racines de f
sont simples si et seulement si 4a3+ 27b2est non nul.
D´emonstration : Soit ∆ le discriminant de f. Notons α,βet γles racines de fdans
Ket f0le polynˆome d´eriv´e de f. V´erifions que l’on a
(3) ∆ = f0(α)f0(β)f0(γ).
On a f= (Xα)(Xβ)(Xγ), d’o`u
f0= (Xα)(Xβ)+(Xα)(Xγ)+(Xβ)(Xγ),
puis les ´egalit´es
f0(α) = (αβ)(αγ), f0(β)=(βα)(βγ), f0(γ) = (γα)(γβ),
ce qui implique (3). Par suite, on a
∆ = (3α2+a)(3β2+a)(3γ2+a),
autrement dit,
∆ = 27(αβγ)2+ 9a(α2β2+α2γ2+β2γ2)+3a2(α2+β2+γ2) + a3.
Par ailleurs, on a
α2β2+α2γ2+β2γ2= (αβ +αγ +βγ)22αβγ(α+β+γ),
α2+β2+γ2= (α+β+γ)22(αβ +αγ +βγ).
Les relations entre les coefficients et les racines de f,
α+β+γ= 0, αβ +αγ +βγ =aet αβγ =b,
entraˆınent alors le r´esultat.
(1) Soit gun polynˆome unitaire `a coefficients dans Kde degr´e n1. Soient α1,···, αn
ses nracines dans Kcompt´ees avec multiplicit´es. Le discriminant ∆ de gest d´efini par
l’´egalit´e
∆ = Y
i<j
(αiαj)2.
C’est un ´el´ement de K.
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Terminologie. Les ´el´ements aet bv´erifiant la condition (2), on dit que la courbe
elliptique d’´equation (1) est d´efinie sur Kpour pr´eciser que aet bsont dans K.
Remarque 7.1. En toute caract´eristique, une courbe elliptique sur un corps peut
ˆetre d´efinie comme ´etant une courbe projective lisse d’´equation
(4) y2z+a1xyz +a3yz2=x3+a2x2z+a4xz2+a6z3,
o`u les aisont dans le corps de base. Le mot hh lisse ii signifie qu’il n’existe pas de point
[x0, y0, z0]P2tel que, en posant
F(x, y, z) = y2z+a1xyz +a3yz2(x3+a2x2z+a4xz2+a6z3),
on ait
F(x0, y0, z0) = F
x (x0, y0, z0) = F
y (x0, y0, z0) = F
z (x0, y0, z0)=0.
On peut d´emontrer que, K´etant de caract´eristique distincte de 2 et 3, une courbe lisse
d’´equation (4) est hh isomorphe sur Kii `a une courbe de la forme (1) pour laquelle la con-
dition (2) est satisfaite. Dans notre situation, la d´efinition 7.1 n’est donc pas restrictive.
2. Partie affine - Point `a l’infini
Posons
U=n[x, y, z]P2K
z6= 0o.
On dispose de l’application Φ : UK2d´efinie par
Φ([x, y, z]) = x
z,y
z.
C’est une bijection, dont l’application r´eciproque est donn´ee par la formule
Φ1(x, y)=[x, y, 1].
Consid´erons des ´el´ements aet bde Ktels que 4a3+ 27b26= 0. Soit Ela courbe
elliptique d´efinie sur Kd’´equation
y2z=x3+axz2+bz3.
L’ensemble des points [x, y, z]Etels que z= 0 est r´eduit au singleton Oo`u
O= [0,1,0].
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Par ailleurs, EUs’identifie via Φ `a l’ensemble des ´el´ements (x, y) de K2v´erifiant l’´egalit´e
(5) y2=x3+ax +b.
Terminologie. On dira que EUest la partie affine de Eet que Oest le point `a
l’infini de E.
Dans toute la suite, on identifiera EUet le sous-ensemble de K2form´e des ´el´ements
(x, y) v´erifiant (5). Avec cette identification, on a
(6) E=n(x, y)K×K
y2=x3+ax +bonOo.
Ainsi, Eest la courbe affine d’´equation (5) `a laquelle on adjoint le point `a l’infini O. C’est
pourquoi on d´efinira souvent une courbe elliptique par sa partie affine, sans pr´eciser le
point O. Cela ´etant, il ne faudra pas perdre de vue l’importance du point `a l’infini, comme
on s’en rendra compte notamment dans la d´efinition de la loi de groupe sur Eque l’on
verra plus loin.
Remarque 7.2. On retiendra qu’une courbe affine d’´equation de la forme (5) est une
courbe elliptique si et seulement si, par d´efinition, la condition (2) est satisfaite.
3. Points rationnels d’une courbe elliptique
Soit Lune extension de Kdans K.
D´efinition 7.2. Soit P= [x, y, z]un point de P2. On dit que Pest rationnel sur Ls’il
existe λKtel que λx,λy et λz soient dans L. On note P2(L)l’ensemble des points de
P2rationnels sur L.
Cela justifie la notation P2=P2K.
Remarque 7.3. ´
Etant donn´e un point [x1, x2, x3]P2, le fait qu’il soit rationnel sur
Ln’implique pas que les xisoient dans L. Cela signifie qu’il existe itel que xisoit non
nul, et que chaque xj
xiappartienne `a L.
Soit Eune courbe elliptique d´efinie sur Kd’´equation (1).
D´efinition 7.3. Un point de Eest dit rationnel sur Ls’il appartient `a EP2(L). On
note E(L)l’ensemble des points de Erationnels sur L.
Par d´efinition, on a donc
(7) E=EK.
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